samedi 30 août 2008

Pratique de la Méditation Juste selon le Satipatthana Sutta

"Il n'y a qu'un seul sentier, ô moines, conduisant à la purification des êtres, à la conquête des douleurs et des peines, à la destruction des souffrances physiques et morales, à l'acquisition de la conduite droite, à la réalisation du Nirvana, ce sont les quatre sortes d'établissements de l'attention.
Quelles sont ces quatre sortes ?
Voici, ô moines, un moine observant le corps demeure énergique, compréhensif, attentif, ayant rejeté les désirs et les soucis mondains; observant les sensations..., observant l'esprit..., observant les sujets différents, il demeure énergique, compréhensif, attentif, ayant rejeté les désirs et les soucis mondains."
(Extrait du satipatthana sutta)



Ci après un enseignement de Banthe T. Dhammika



Le Sutta des quatre Etablissements de l'Attention (Satipatthana sutta) est un texte fondamental pour l'enseignement de la pratique de la méditation.

Cette méthode des quatre établissements de l'attention, nous donne une idée de la grande importance donnée- à cette pratique dans ses enseignements durant sa vie. Les enseignements du Bouddha se sont ensuite répandus à travers le monde et leur fondement demeure la pratique de l'observation attentive. Depuis deux mille cinq cent ans, ce sutra a été étudié, pratiqué et transmis de générations en générations avec un soin particulier.

Les quatre méthodes d'attention sont :
1-l'attention au corps,
2-l'attention aux sensations,
3-l'attention à l'esprit,
4-l'attention aux objets de l'esprit

Dans l'établissement de l'attention fondé sur le corps, le pratiquant est pleinement conscient du souffle, des positions du corps, des actes du corps, des différentes parties du corps, des quatre éléments formant le corps et de la décomposition du corps devenu cadavre.

Dans l'établissement de l'attention fondé sur les sensations, le pratiquant est pleinement conscient des sensations agréables, désagréables et neutres à mesure qu'elles apparaissent, durent et disparaissent. Il est conscient des sensations ayant une base psychologique et des sensations ayant une base physiologique.

Dans l'établissement de l'attention fondé sur l'esprit, le pratiquant est pleinement conscient des états d'esprit tels que le désir, la haine, la confusion, la concentration, la dispersion, les formations internes, et la libération.

Dans l'établissement de l'attention fondé sur les objets de l'esprit, le pratiquant est pleinement conscient des cinq agrégats composant une personne (la forme, les sensations, les perceptions, les formations mentales, la conscience), des organes des sens et de leurs objets, des facteurs pouvant obstruer la compréhension et la libération, des facteurs pouvant mener à l'Eveil, et des quatre nobles vérités concernant la souffrance et de la libération de la souffrance.


Les méthodes de pratique:

Nous pratiquons la pleine conscience afin de réaliser la libération, la paix et la joie dans notre vie quotidienne. Libération et bonheur sont mutuellement liés : s'il y a libération, il y a bonheur et une plus grande libération apporte un plus grand bonheur. Nous savons que s'il y a libération, la paix et la joie existent au moment présent. Nous n'avons pas besoin d'attendre dix ou quinze ans pour les réaliser. Elles sont à notre portée dès que nous commençons la pratique. Même encore très modérés, ces éléments forment la base d'une libération, d'une paix et d'une joie plus grandes dans l'avenir.

Pratiquer la méditation, c'est regarder avec profondeur afin de voir l'essence des choses. Notre vision profonde et notre compréhension nous permettent de réaliser la libération, la paix, et la joie.

Notre colère, notre angoisse et notre peur, par exemple, sont les liens qui nous attachent à la souffrance. Si nous voulons nous en libérer, nous devons observer leur nature : l'ignorance, le manque de compréhension claire. Comprenant mal un ami, nous serons peut-être en colère contre lui et cette colère nous fera souffrir. Mais examinant avec profondeur ce qui s'est passé, nous pouvons mettre fin au malentendu. Quand nous comprendrons l'autre personne et sa situation, notre souffrance disparaîtra, la paix et la joie naîtront.

La première étape est la conscience de l'objet, la seconde est l'observation de l'objet en profondeur pour l'éclairer. L'attention signifie donc la conscience et aussi regarder avec profondeur.

Le terme Pali Sati signifie "arrêter" et "maintenir la conscience de l'objet". Vipassana signifie "aller en profondeur dans l'objet pour l'observer". Pendant que nous sommes pleinement conscients d'un objet et de son observation avec profondeur, la frontière entre le sujet et l'objet deviennent un. Ceci est l'essence de la méditation. Nous ne pouvons comprendre un objet qu'en le pénétrant et en devenant un avec lui. L'observer en restant à l'extérieur ne suffit pas.

C'est pourquoi le Sutra nous rappelle à la conscience du corps dans le corps, des sensations dans les sensations, de l'esprit dans l'esprit et des objets de l'esprit dans les objets de l'esprit.


Observer attentivement le corps:

Le premier établissement de l'attention est fondé sur le corps, ce qui inclut le souffle, les positions du corps, les actes du corps, les parties du corps, les quatre éléments composant le corps et la dissolution du corps.

Premier exercice - La respiration consciente:

Il va dans la forêt, au pied d'un arbre, ou dans une pièce vide, s'assied jambes croisées ou dans la posture du lotus, le corps droit, et établit l'attention devant lui. Il inspire, conscient d'inspirer. Il expire, conscient d'expirer.

La première pratique consiste en la pleine conscience de la respiration. Quand nous inspirons ou expirons nous savons que nous inspirons et expirons. En pratiquant ainsi, notre respiration devient une respiration consciente. Cet exercice est simple, pourtant ses effets sont profonds. Pour y arriver, il faut consacrer tout l'esprit à la respiration et à rien d'autre


Deuxième exercice - Suivre le souffle

- Quand il inspire longuement, il sait : "J'inspire longuement".
-
Quand il expire longuement, il sait : "J'expire longuement".
-
Quand il inspire brièvement, il sait : "J'inspire brièvement".
-
Quand il expire brièvement, il sait : "J'expire brièvement".

Le pratiquant suit très attentivement sa respiration et fait un avec elle pendant toute la durée de chaque inspiration ou expiration, sans laisser pénétrer aucune pensée ou idée vagabonde. Cette méthode est nommée : "suivre le souffle". Pendant que l'esprit suit le souffle, il est le souffle et seulement le souffle.

Au cours de la pratique, notre respiration devient naturellement régulière, plus harmonieuse, plus calme et notre esprit aussi devient de plus en plus régulier, harmonieux, calme. Ce changement apporte des sensations de joie, de paix et d'aisance dans le corps. Quand l'esprit et la respiration deviennent un, l'unité du corps et de l'esprit est toute proche.


Troisième exercice - Unité du corps et de l'esprit :

En inspirant, je suis conscient de tout mon corps, en expirant, je suis conscient de tout mon corps.

Cet exercice consiste à mettre le corps et l'esprit en harmonie. L'élément utilisé pour le faire est le souffle. Dans la pratique, la distinction entre le corps et l'esprit se dissout. Dans cet exercice, l'objet de notre attention n'est plus simplement le souffle, mais le corps tout entier, car il fait un avec le corps.


Quatrième exercice - Calmer

En inspirant, je calme les activités de mon corps. En expirant, je calme les activités de mon corps.

Cet exercice utilise le souffle pour réaliser la paix et le calme dans tout notre corps. Quand le corps n'est pas en paix, il est difficile à notre esprit de l'être. Utilisons notre respiration pour aider les fonctions physiques à être paisibles et régulières. Si le souffle est haletant ou irrégulier, nous ne pouvons calmer les fonctions physiques. La première chose à faire est donc d'harmoniser notre respiration. Les inspirations et les expirations doivent être légères et régulières. Quand le souffle est harmonieux, le corps l'est aussi.


Cinquième exercice - Conscience des positions du corps

De plus, quand un pratiquant marche, il est conscient: "Je marche". Quand il est debout, il est conscient: "Je suis debout". Quand il est assis, il est conscient: "Je suis assis". Quand il est couché, il est conscient: "Je suis couché". Quelle que soit la position de son corps, il en est conscient.

Cet exercice consiste en l'observation attentive des positions du corps. Ces pratiques sont utilisables tout au long de la journée pour aider le pratiquant à demeurer dans l'attention quelles que soient leurs occupations.


Sixième exercice - Conscience des actes physiques

De plus, quand le pratiquant va et vient, il applique la pleine conscience à son mouvement d'allée ou venue.

Quand il regarde devant ou derrière, se courbe ou se tient debout, il applique
également la pleine conscience à ce qu'il fait. Il applique la pleine conscience en revêtant la robe ou en portant le bol à aumônes.

Quand il mange ou boit, mâche la nourriture ou la savoure, il applique la pleine conscience à tout cela. Quand il excrète ou urine, il applique la pleine conscience à cela.

Quand il marche, se tient debout, couché, assis, s'endort ou se réveille, parle ou est silencieux, il éclaire de sa conscience tous ses actes.

Cet exercice consiste en l'observation et la conscience des actes physiques. C'est la pratique très importante.


Septième exercice - Les parties du corps

De plus, le pratiquant médite sur son propre corps de la plante des pieds jusqu'en haut, puis des cheveux du sommet de la tête jusqu'en bas, un corps contenu dans la peau et rempli de toutes les impuretés appartenant au corps:

"Voici les cheveux, les poils, les ongles, les dents, la chair, les tendons, les os, la moëlle, les reins, le coeur, le foie, le diaphragme, la rate, les poumons, les intestins, le mésentère, les excréments, la bile, le flegme, le pus, le sang, la sueur, la graisse, les larmes, le sébum, la salive, le mucus, la synovie, l'urine."

Cet exercice nous met encore plus profondément en contact avec notre corps. Ici, nous en observons et examinons toutes les parties, depuis les cheveux jusqu'à la peau de la plante des pieds.


Huitième exercice - Interdépendance du corps et de l'univers

De plus, quelle que soit la position de son corps, le pratiquant passe en revue les éléments qui le constituent: "Dans ce corps, il y a l'élément terre, l'élément eau, l'élément feu et l'élément air."

Cet exercice nous montre l'interrelation de notre corps et de tout ce qui existe dans l'univers. C'est l'un des principaux moyens de constater personnellement la nature de non-soi, non-né, et sans-mort de tout ce qui existe. Il faut être conscient de la présence des éléments terre, eau, feu et air dans notre corps, enseigne le sutra.

Ce sont les "Quatre grands éléments" (mahabhuta).
L'élément terre correspond à la nature solide, dure, de la matière. L'eau correspond à la nature liquide, imprégnante. Le feu correspond à la nature de la chaleur. L'air correspond au mouvement.


Neuvième exercice - Impermanence du corps

Les neuf contemplations (neuf stades de décomposition d'un cadavre)
1) Le cadavre est gonflé, bleuâtre et suppurant.
2) Le cadavre grouille de vers et d'insectes.Corbeaux, faucons, vautours et loups le
déchiquètent pour le dévorer.
3) Il ne reste plus qu'un squelette auquel adhèrent encore un peu de chair et sang.
4) Il ne reste plus qu'un squelette taché d'un peu de sang, mais aucune chair.
5) Il ne reste plus qu'un squelette sans aucune tache de sang.
6) Il ne reste plus qu'un amas d'os éparpillés - ici un bras, là un tibia, là un crâne
7) Il ne reste plus que des os blanchis.
8) Il ne reste plus que des os secs.
9) Les os se sont décomposés et il n'en reste plus qu'un tas de poussière.

Cet exercice aide à voir la nature impermanente, soumise à la décomposition de notre corps. Les objets d'observation attentive sont les neuf stades de décomposition d'un cadavre.


Quand nous pratiquons ces neuf exercices donnés par le Bouddha pour observer le corps dans le corps, nous nous concentrons sur le souffle, le corps, les positions, les actes, les différentes parties, les éléments, la décomposition du corps.
En l'observant ainsi, nous sommes en contact direct avec le corps et pouvons voir le processus de devenir et de cessation dans ses composants.

Selon le sutra (sutta), à la fin de chaque exercice de méditation observant le corps dans le corps, il est dit: "C'est ainsi que le pratiquant demeure établi dans l'observation du corps dans le corps - l'observation du corps intérieurement ou extérieurement, ou à la fois intérieurement et extérieurement. Il demeure établi dans l'observation du processus de devenir dans le corps ou du processus de dissolution dans le corps ou à la fois du processus de devenir et de dissolution.

Ou bien il est attentif au fait: "Il y a ici un corps", jusqu'à ce que viennent la compréhension et la pleine conscience. Il demeure établi dans l'observation, libre, n'étant pris dans aucune considération attachée au monde."

Etre en contact avec ces aspects et capable de voir le processus de naissance et de mort ainsi que la nature de non-soi et interdépendante du corps, c'est le sens de l'observation attentive du corps.
Les enseignements de l'impermanence, de l'absence d'un soi et des origines interdépendantes - les trois observations fondamentales du Bouddhisme - sont donc directement compris grâce à la pratique des neuf exercices pour l'observation attentive du corps.

Ces neuf exercices peuvent nous libérer et nous éveiller au mode d'existence des choses.


Dixième exercice - Guérir les blessures par la conscience de la joie

De plus, (bhikku), un pratiquant est conscient du corps en tant que corps, quand, grâce à l'abandon des cinq désirs, une sensation de félicité naît durant la concentration et sature chaque partie de son corps.

De plus, (bhikku), un pratiquant conscient du corps en tant que corps sent la joie qui naît durant la concentration saturer chaque partie de son corps. Il n'y a aucune partie de son corps que n'atteigne cette sensation de joie, née durant la concentration.

De plus, (bhikku), un pratiquant conscient du corps en tant que corps ressent une sensation de bonheur qui naît avec la disparition de la sensation de joie et imprègne tout son corps. Cette sensation de bonheur qui naît avec la disparition de la sensation de joie atteint chaque partie de son corps.

De plus, (bhikku), un pratiquant conscient du corps en tant que corps enveloppe son corps tout entier d'un esprit clair, calme, rempli de compréhension.

Le but de cet exercice est d'amener l'aisance, la paix et la joie, de guérir tant les blessures du
corps que celles du coeur et de l'esprit, de nous nourrir pendant que nous progressons dans la pratique de la joie, et de nous permettre d'avancer loin sur le chemin de la pratique.

Nous l'avons déjà vu, cet exercice vise à nous nourrir de joie et de bonheur et à guérir nos blessures intérieures. Mais nous n'hésitons pas à lâcher cette joie pour entreprendre le travail d'observation. Joie et bonheur, étant produits par des conditions physiques et psychologiques, sont aussi grâce à l'observation attentive, nous saisissons directement la nature impermanente, dénuée d'un soi et interdépendante de tout ce qui existe, que nous pouvons accomplir la liberté et la libération.

Source : Centre Bouddhiste International de Genève


Les quatre fondements de l'attention, par Henepola Gunaratana


Ce texte  est la suite d'un enseignement (Dhamma Talk) donné par Bhante Gunaratana lors d'une retraite au Centre Kanshoji, en mai 2007. (Retranscrit par Emmanuel Mancuso et traduit par Jeanne Schut)


Je vous conseille de lire, après la lecture de cet enseignement :




LES QUATRE FONDEMENTS DE L'ATTENTION


Je voudrais continuer cette série d’entretiens sur l’attention. Hier nous avons parlé de la définition de la méditation sur l’attention — ou Vipassanā — et le but de la pratique de cette méditation. 

J’ai dit qu’il y avait cinq buts :

- purifier les idées et les opinions
- dépasser le chagrin et les lamentations
- dépasser la souffrance et la déception
- s’engager sur le Noble Octuple Sentier
- réaliser le Nibbāna.

J’ai également dit que c’est la seule voie directe pour atteindre ces cinq buts. Il n’y a rien de plus direct que de regarder son propre corps, ses sensations, ses perceptions, ses pensées et sa propre conscience. 

Et quand nous regardons ces éléments — appelés « les cinq agrégats » — nous les regardons à travers le vécu de nos expériences. Ces expériences se produisent au moyen des yeux, des oreilles, du nez, de la langue, du corps et de l’esprit. On les appelle « les six portes ».

Vous savez à quoi servent les portes, n’est-ce pas ? On ouvre une porte pour entrer et sortir. Eh bien, c’est exactement ce qui se passe quand nous ouvrons les yeux, les oreilles, le nez, la langue, le corps et l’esprit. Quelque chose qui est à l’intérieur de nous va sortir par ces six portes, et quelque chose d’extérieur à nous va entrer par ces six portes.

Que sort-il de ces six sens ? Notre désir, notre aversion et notre ignorance. Et, une fois sortis, ils reviennent en rapportant encore plus d’avidité, d’aversion et d’ignorance. Par contre, si la générosité, l’amitié, la compassion, et la joie empathique sortent, elles rapportent générosité, amitié, compassion, et joie empathique. 

Dans tous les cas, quand on manifeste de la gentillesse, on reçoit de la gentillesse. Prenez n’importe quel exemple : quel que soit le sentiment qui sort de nous, il nous revient doublement, fortifié et très puissant. 

Nous pouvons voir tout cela se produire directement sans passer par les mots. C’est pourquoi, quand des saletés veulent entrer, nous devons absolument fermer la porte. C’est ce qui s’appelle la discipline.

Hier j’ai parlé des cinq formes de discipline :
- la patience
- la persévérance ou l’effort
- l’attention
- la sagesse
- la moralité ou sīla, c’est-à-dire observer certains principes de moralité : les Préceptes.
Nous pouvons faire tout cela en entraînant notre attention.

Donc la première étape, dont nous avons parlé hier, consiste à utiliser notre respiration comme objet de méditation et à accorder une attention claire et pleinement consciente à notre respiration. Une attention claire et consciente, c’est une attention impartiale, équanime, non verbale et non conceptuelle. 

Une telle attention permet de voir le corps en tant que corps — « le corps dans le corps » — et « les sensations dans les sensations ». C’est de cela que nous allons parler aujourd’hui. (...)


  • Ensuite : LIRE la deuxième partie de cet enseignement sur Les quatre fondements de l'attention : ICI 

Pour compléter cet enseignement essentiel sur les 4 Fondement de l'attention, lire aussi : Satipatthana, le coeur de la méditation bouddhiste


mercredi 27 août 2008

Méditation vipassana, par Henepola Gunaratana


L'extrait ci après est la deuxième partie d'une transcription d'un enseignement ("Dhamma Talk") de Bhante Henepola Gunaratana qui a eu lieu durant une retraite de méditation au Centre Kanshoji, en mai 2007.




Bonjour mes amis. Je voudrais aujourd’hui poursuivre notre entretien sur la méditation vipassanā.

Tout d’abord j’aimerais vous donner une définition très concentrée du mot « vipassanā ». Voici comment je définis ce mot en me basant sur le sens le plus classique du terme :

« La méditation vipassanā est un entraînement de l’esprit qui permet d’avoir une pleine conscience pré-conceptuelle de l’impermanence, de l’insatisfaction et de l’absence de soi (ou vacuité) des cinq agrégats pour éliminer les dix empêchements qui enchaînent les êtres vivants au samsāra. Ce processus d’élimination et de développement permet aux méditants d’être libérés de la souffrance et de savoir qu’ils sont libérés de la souffrance. »

C’est une définition très dense mais je vais prendre le temps de la décompresser tout au long de cette retraite. (...)

mardi 26 août 2008

Samatha et vipassana fonctionnent ensemble et non séparément

Le texte ci après est une transcription d'un enseignement ("Dhamma Talk") de Bhante Henepola Gunaratana qui a eu lieu durant une retraite de méditation au Centre Kanshoji, en mai 2007.

Je voudrais remercier Emmanuel Mancuso qui a retranscrit cet enseignement, Jeanne Schut pour la traduction en français et le site le dhamma de la Forêt qui l'a publié :
Mention des traducteurs : 
 "La forme orale, avec ses imperfections et ses répétitions, a été maintenue pour que le texte bénéficie de son authenticité d’origine, et pour que la générosité, la bonté et l’humour de Bhante Gunaratana transparaissent autant que possible à travers ces lignes."

Pour toutes les personnes qui n'ont pas eu la chance de faire une retraite sous la guidance de Bhante henepola Gunaratana, cet enseignement sera très profitable pour votre pratique.



La Méditation comme la Cité aux Six Portes

(Récitation en pāli)

Chers amis, vous entendez ces textes en pāli et vous vous demandez peut-être si je vais continuer dans cette langue ! Non, mais c’est la façon traditionnelle de commencer un enseignement dans la tradition bouddhiste Theravada. Nous commençons par inviter les dévas à venir écouter le Dhamma ; ensuite nous rendons hommage au Bouddha et puis nous récitons un texte sur un thème donné. Telles sont les trois étapes que nous suivons normalement avant de dispenser un enseignement formel.

C’est une très bonne chose d’inviter les dévas en ce début de XXIème siècle. En effet, à cause de notre technologie, de notre philosophie, et de toutes les idées avec lesquelles nous vivons, nous avons chassé tous les dévas de notre monde. C’est pourquoi le monde est surchargé de problèmes. Alors nous invitons les dévas à revenir et à prendre soin des problèmes de notre monde. C’est une chose en laquelle nous croyons beaucoup.

Dans l’enseignement que je vais donner aujourd’hui, il n’y aura pas de place pour des questions mais si vous en avez, notez-les mentalement ou sur un papier et vous pourrez les poser les jours où nous aurons des sessions de questions-réponses.


Je voudrais commencer par évoquer une comparaison que le Bouddha a faite. 
Il s’agit d’une ville et cette ville a un maire — aujourd’hui nous dirions « un maire » mais autrefois on disait « le Seigneur de la cité ». Le maire est assis à un carrefour, au centre de la ville. Cette ville a six portes auxquelles sont postés des gardes. A chacune de ces portes arrivent deux messagers venus voir le maire et chacun lui apporte un message. Les messagers viennent de toutes les directions — de l’est, du nord, de l’ouest et du sud. Donc chaque paire de messagers arrive à une porte et se trouve face à un garde. Là, tous deux demandent où se trouve le maire.

De son côté, le garde est intelligent et très bien entraîné, c’est un homme habile et plein de discernement, capable de distinguer qui il peut envoyer jusqu’au maire et à qui il doit refuser l’accès. Quand une personne lui paraît douteuse ou mal intentionnée, le garde la renvoie. Quand une autre lui paraît être porteuse de bonnes choses pour la ville comme pour le maire, une personne serviable et utile pour tous, le garde la laisse entrer et lui montre où trouver le maire.

La même scène se reproduit à chacune des six portes de la ville. Finalement chaque paire de messagers arrive jusqu’au maire, lui transmet son message et puis tous repartent par où ils sont venus. Le maire, ayant reçu les deux messages d’égale importance de la part de chaque paire de messagers, les met en œuvre et parvient ainsi à se libérer lui-même, ainsi que la ville, de tout souci.

Le Bouddha a donné cette image pour expliquer la pratique de la méditation. Les deux messagers sont samatha et vipassanā, c’est-à-dire la méditation de la tranquillité et la méditation de la vision pénétrante. Les six portes de la ville sont nos six sens. La ville est notre corps. Le maire, le seigneur du lieu assis au carrefour, est notre conscience.
Essayons maintenant de comprendre tout le sens de cette comparaison.

Une ville se compose de plusieurs éléments : elle est entourée de remparts (du moins à l’époque), elle a des rues, des maisons et des habitants — ce n’est pas une ville morte : elle vit, elle est très dynamique … tout comme notre corps avec sa conscience. C’est la conscience qui se trouve au centre de ce corps, tout comme le maire se trouve au carrefour du centre de la ville.

Comme la ville habitée par des êtres vivants, le corps se compose de toutes sortes d’êtres vivants et de choses non vivantes. Les êtres vivants sont, par exemple, les plus minuscules parcelles de notre corps qui sont bien vivantes et actives en permanence. Nous pouvons donc dire très justement que ce corps est un corps vivant avec des millions d’éléments vivants à l’intérieur. Chaque cellule de notre corps est vivante et chaque cellule vivante est aussi en train de mourir. Il n’existe pas de cellule qui vive éternellement ; toute cellule doit mourir pour que de nouvelles cellules puissent apparaître. Comme dans la ville : elle est habitée par beaucoup d’êtres humains, d’animaux, etc. qui sont tous actifs et qui participent tous à la vie de la cité.


Samatha et vipassana sont d'importance égale, les deux fonctionnent toujours ensemble

Quant aux messagers — la tranquillité et la vision pénétrante — ils arrivent ensemble, ce qui signifie qu’ils sont d’importance égale. De nos jours on entend les gens parler de samatha et de vipassanā comme s’il s’agissait de deux écoles différentes. On fait une distinction entre les deux. Certains sont tellement férus de vipassanā qu’ils laissent entendre que la concentration de samatha est totalement inutile.

Quand le Bouddha a enseigné la méditation, il n’a jamais enseigné deux systèmes de méditation séparés parce que les deux fonctionnent toujours ensemble.

Vous pouvez alors vous demander : « Comment les distinguer l’un de l’autre dans ce cas ? Qu’est-ce qui relève de la concentration et qu’est-ce qui relève de la vision pénétrante ? » 


Samatha, permet de développer tout particulièrement la concentration

S’il faut vraiment les distinguer, disons que samatha, la méditation de la tranquillité, permet de développer tout particulièrement la concentration. Si cette concentration est poussée à un très haut niveau, elle prend un nom différent du fait de la qualité de puissance qu’elle génère. Ce nom est jhāna.

Entre parenthèses, j’ajouterai, puisque cette retraite a lieu dans un centre de méditation zen, que le mot « zen » vient de cette racine jhāna — en sanskrit dhyāna, en chinois chan et en japonais zen. Dans la méditation zen, il est entendu que les personnes concentrent leur esprit sur un unique objet, de façon à obtenir une concentration très forte, très profonde. Si vous vous souvenez du Noble Octuple Sentier enseigné par le Bouddha, la dernière étape du sentier s’appelle « la concentration juste », samādhi, et cela se définit en termes de jhāna. En conséquence, jhāna est en quelque sorte l’aboutissement de la méditation.


Vipassana, c'est la méditation de l'attention

L’autre aspect de la méditation s’appelle méditation de l’attention ou de la vision pénétrante. Celle-ci correspond à la septième étape de l’Octuple Sentier. On travaille cette méditation, on la développe pour voir l’impermanence, l’insatisfaction et le non-soi des cinq agrégats.


Mais Vipassana n'est pas dépourvue de Concentration

Mais le développement de l’attention ne prend tout son sens que lorsqu’il se combine avec la concentration, de même que la concentration ne peut se développer qu’à travers la pratique de l’attention. Donc ce dont on entend toujours parler — la méditation de l’attention, la méditation de la vision pénétrante, vipassanā — ce sont des mots que nous utilisons mais il est bien entendu que cette forme de méditation n’est pas dépourvue de concentration.

Pour en revenir à notre comparaison, le Bouddha a dit que les deux messagers qui arrivent par chacune des six portes sont la méditation de la tranquillité et la méditation de la vision pénétrante et qu’ils viennent ensemble pour apporter un message de liberté.


L'Attention est ce qui permet de faire la différence entre le vrai et le faux

Le gardien de chaque porte, extrêmement attentif et vigilant, représente sati sampajañña autrement dit l’attention doublée d’une claire compréhension des choses. L’attention filtre, l’attention distingue ce qui est bénéfique de ce qui ne l’est pas. Ensuite elle ne laisse pas ce qui est bénéfique s’éloigner ; elle l’invite à entrer, elle l’accepte. L’attention est donc ce qui permet de faire la différence entre le vrai et le faux.

Quant aux six portes de la ville, elles correspondent aux yeux, aux oreilles, au nez, à la langue, au corps et à l’esprit. La méditation de l’attention implique la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût, le toucher et la pensée. Quoi qu’il se produise au niveau de ces sens, c’est là que se situe notre terrain de pratique de l’attention.

En général les méditants vipassanā se disent : « On s’assoit sur un coussin, on observe la respiration et voilà tout ce qu’il y a à faire pour pratiquer vipassanā. » Il est vrai que l’on commence par s’asseoir sur un coussin et par observer sa respiration, comme je l’ai dit ce matin, mais ce n’est pas tout. Ce n’est qu’une partie de la méditation de l’attention.


La méditation de l'attention (vipassana) c'est l'observation de tout ce que nous voyons et pas seulement l'observation de la respiration

Cette pratique est en réalité très dynamique et elle inclut tout. Tout ce que nous voyons, entendons, sentons, goûtons, touchons et pensons devient objet de méditation. En vérité, toutes ces choses que nous voyons, entendons, sentons, goûtons, touchons et pensons, sont marquées par les mêmes caractéristiques. Normalement, quand nous voyons un objet, nous nous laissons happer par son apparence extérieure mais le seigneur de la cité ne reçoit pas ce message-là — cela signifie que la conscience devrait recevoir le réel message de ce que nous voyons. Et quelle est cette réalité, cette vérité ? C’est que, quoi que nous voyions, cette chose que nous voyons n’est pas permanente.


L'expérience de l'impermanence

En d’autres termes, ce que nous avons vu disparaît immédiatement. Pour rafraîchir la conscience de ce que nous avons vu, il faut voir cette chose à nouveau. Les images qui pénètrent notre esprit par les yeux ne restent pas dans l’esprit. Dès que nous fermons les yeux, l’image disparaît complètement et il faut les rouvrir pour que l’image réapparaisse. Tant que nous fixons le regard sur l’objet, celui-ci engendre de plus en plus d’images dans la conscience mais dès que nous fermons les yeux, les images cessent de pénétrer dans la conscience. Tout ce qu’il reste, c’est un petit souvenir de l’image et, au fil du temps, ce souvenir lui-même va s’estomper peu à peu. Cela revient à dire que ce que nous voyons est impermanent.

Les objets extérieurs sont eux aussi impermanents mais nous ne le voyons pas aussi clairement. Par exemple, on pense à quelqu’un que l’on a connu il y a longtemps et quand on le revoit des années plus tard, on se dit : « Je suppose que c’est lui mais comme il a changé ! »

A une certaine époque, quand je vivais à Washington, j’étais très gros et ma tête était ronde comme un ballon de football ! Quelqu’un qui m’avait connu à cette époque est venu me rendre visite quinze ou vingt ans plus tard. Entre-temps mes cheveux avaient commencé à grisonner, mon visage avait maigri, j’étais devenu tout mince et cet homme m’a dit : « La dernière fois que je suis venu il y avait un jeune moine sympathique, bel homme, assez fort. Où est-il ? » J’ai répondu : « Il est mort. » … (rires). Plus tard je lui ai dit : « C’était moi à cette époque-là. Maintenant je suis très différent. »

Ainsi, même les objets que nous voyons changent ; les images que nous amenons à l’esprit à travers les yeux changent ; les souvenirs que nous gardons après avoir vu quelque chose changent. Et il en va de même avec les sons que nous entendons : pendant que nous entendons un son il est vivant mais, dès que nous nous bouchons les oreilles ou que nous n’y prêtons pas attention, le son disparaît. C’est très évident en ce moment même, n’est-ce pas ? Quand les mots sortent de mes lèvres, il y a un son ; quand le son ne passe plus par ces lèvres, ce son disparaît. Quand un son vient de la traductrice, pendant qu’il arrive, vous pouvez l’entendre et quand elle cesse de parler, ce son n’est plus là. C’est l’impermanence simple et évidente. Le son peut demeurer un certain temps sous forme de résonance ou de vibration mais ensuite il disparaît complètement, même à l’intérieur.

Il en va de même pour les odeurs : pendant que nous reniflons, nous sentons l’odeur et ensuite l’odeur n’est plus là. Le goût que nous sentons quand nous mangeons ou buvons est présent pendant que nous mangeons ou buvons mais quand nous cessons de manger ou de boire, au bout d’un moment le goût disparaît. Et le toucher ? Nous touchons avec nos mains et notre corps. Nous faisons l’expérience du contact physique pendant que nous avons un contact mais quand celui-ci cesse, nous n’éprouvons pas cette sensation.

De la même manière, quand nous pensons à un objet, pendant que nous sommes en train de penser, cette pensée est animée dans notre esprit mais dès que nous cessons de penser, elle n’y est plus.

Dans cette méditation de l’attention, nous devenons pleinement conscients de ce qui se passe pendant que cela se passe — ni avant, ni après. Cela signifie que nous ne pouvons faire l’expérience de l’impermanence que lorsque nous sommes vraiment en train de la vivre. Nous ne faisons l’expérience des sensations et des sentiments que pendant que nous sommes en train de sentir ou ressentir les choses. Ensuite, cette sensation ou ce sentiment n’est plus là. Voilà ce que signifie vipassanā avec anupassanā.


Vipassana signifie voir quelque chose avec l'esprit avec l'oeil intérieur, tel qu'il est entrain de se produire

Vous avez déjà entendu le mot vipassanā. Vipassanā signifie « voir quelque chose avec l’esprit — avec l’œil intérieur — tel qu’il est en train de se produire ». Passanā signifie « voir », anu signifie « pendant que cela se produit ». 

Par exemple pour dire « aller » en pāli, on dit gacchati et si on suit celui qui va, on dit anugacchati. Quand quelqu’un est assis, on dit nisīdati et quand on s’assoit en même temps que cette personne, on dit anunisīdati. Quand quelqu’un dort, on dit sayati, et anusayati signifie : 
« dormir avec » cette personne. 

Donc, pour décrire une action que l’on fait en même temps que quelqu’un d’autre, on utilise le préfixe anu. C’est pourquoi anupassanā signifie : « voir les choses au moment où elles se déroulent ». C’est un mot pāli très beau. On utilise ce préfixe anu pour dire que l’on fait quelque chose en même temps qu’une autre chose ou que l’on voit les choses au moment où elles se produisent. 

En conclusion, pour pouvoir réellement pratiquer la méditation de l’attention, ces deux choses doivent aller de pair. Autrement dit, une chose doit être observée et vécue au moment où elle est en train de se produire.

Il y a une expression très courante en pāli qui dit : « parimukham satim upatthapetvā, so sato va assasati, sato passasati », c’est-à-dire : « En gardant l’esprit devant soi, inspirer et expirer. » « Avoir l’esprit devant soi » ne signifie pas qu’il doit être suspendu devant vous comme une carotte devant un cheval.

Vous savez, il est étrange de constater que certains méditants ont pris ces paroles à la lettre et suspendent quelque chose devant eux. Il y a un nouveau mouvement de méditation en Thaïlande où on suspend un cristal devant soi pendant la méditation en étant attentif et en gardant l’attention devant soi. Mais, du coup, l’attention … c’est ce qui est suspendu !


Le sens des mots

Vous savez, quand les gens ne connaissent pas le sens des mots, ils les prennent à la lettre. 

Il y a un exemple très connu à ce propos. Juste après son Eveil, le Bouddha alla à Bénarès et, en chemin, il rencontra un ascète du nom de Upekkhā. Upekkhā lui demanda où il allait et le Bouddha répondit : « Je vais à Kasi (l’ancien nom de Bénarès) pour battre le tambour du Dhamma. » Il a littéralement dit, en pāli : « J’y vais pour battre le tambour du Dhamma. » 
Eh bien, un moine japonais a pris ces paroles littéralement. Il a introduit un tambour dans sa pratique et, chaque matin, il sort en frappant sur son tambour tout en disant : « Namu Myo Ho Ren Ge Kyo, Namu Myo Ho Ren Ge Kyo ». C’est devenu une secte très célèbre au Japon maintenant ; elle s’appelle la secte Nipponzan - Myōhōji.

L’un de ces moines a séjourné dans notre monastère et, tous les jours, il sortait dans la rue en frappant sur son tambour. Un jour je lui ai demandé : « Pourquoi jouez-vous du tambour ? » Et il a répondu : « Ne savez-vous pas que c’est ce que le Bouddha a fait ? » 

Ces mots que le Bouddha a utilisés comme une métaphore ont été pris littéralement et c’est ainsi que le tambour est apparu et qu’aujourd’hui c’est une des sectes japonaises du bouddhisme. Et dans cette secte on ajoute : « Quand on joue du tambour, quiconque entend le son de ce tambour atteint l’Eveil. » N’est-ce pas formidable ? Inutile de faire des efforts assis sur votre coussin ! Ecoutez simplement le tambour ! Ou bien prenez vous-même un tambour et éveillez les autres ! 

C’est une secte qui existe aujourd’hui au Japon. Son chef s’appelle Fuji Guruji ; il est très célèbre, ce n’est pas un secret, mais je n’en parle que pour que les gens comprennent comment certaines métaphores sont prises littéralement.

De la même manière, « parimukham satim upatthapetvā, so sato va assasati, sato passasati » a été compris littéralement et les gens disent que l’attention doit être « devant ». Pour montrer que l’attention est devant, il faut qu’il y ait un objet, alors ils prennent un cristal qu’ils suspendent à un fil de nylon très fin et ils disent : « Vous voyez, l’attention est suspendue là. »

Mais ce que cette phrase signifie réellement, c’est que nous devons être attentifs à quelque chose dans l’instant présent. Ce n’est que quand quelque chose se passe, et seulement à ce moment-là, que nous pouvons être conscients de ce qui se passe vraiment — ni avant, ni après. L’impermanence n’est donc qu’une théorie, qu’un simple mot, tant qu’elle se situe dans le passé ou dans l’avenir. Par contre, elle est présente, c’est une réalité vivante, si vous l’observez au moment où elle est en train de se produire.

Dans la comparaison que nous avons utilisée, c’est le travail du bon gardien d’être très vigilant, conscient et zélé pour devenir pleinement conscient de ce qui est présent dans l’instant. Dès que nous devenons inattentifs, que nous ne sommes plus présents, les choses passent et nous n’en sommes pas conscients. Ensuite nous devons y penser pour les évoquer mais quand on y pense, c’est trop tard. Nous devons être si vigilants, si attentifs, si vifs qu’il n’y ait rien entre ce qui est en train de se produire et notre présence d’esprit. Nous devrions pouvoir voir ce qui est réellement en train de se passer sans aucun obstacle.


Il ne faut pas pas utiliser de mots, d'étiquettes, de noms ou d'idées. Accordez simplement une pleine et entière attention à ce que vous observez

C’est pour cela que je recommande toujours très fermement de ne pas utiliser de mots, d’étiquettes, de noms, de concepts ou d’idées. Accordez une attention pleine et entière à ce que vous vivez. Quand on colle un mot ou une étiquette sur un ressenti, l’esprit est piégé par l’étiquette, le concept ou le nom et, du même coup, il ne pourra plus saisir ce qui se trouve derrière le nom, l’étiquette ou le concept. 

Nous devons donc veiller à ne pas bloquer la vision de la réalité. Nous ne devons pas effacer la vérité de l’impermanence en mettant quelque chose comme des étiquettes entre ce qui se produit et notre conscience. Alors essayez de ne pas utiliser de mots. Par exemple, quand vous marchez, au moment où vous soulevez le pied, n’allez pas dire : « Soulever, soulever, soulever» Si vous vous contentez de mettre votre attention dans ce mot, l’esprit va se satisfaire du mot et il ne sera pas conscient du fait que vous soulevez le pied !

Dans l’image que le Bouddha a utilisée — la ville représentant notre corps tout entier, composé d’éléments, composé de nourriture, de liquides et de milliards de particules, de cellules qui sont dans un état de flux constant, changeant tout le temps — tout ce que nous avons à faire à tout moment, c’est accorder notre attention à tous les aspects du corps. Nous commençons avec la respiration parce qu’elle représente l’ensemble, le champ tout entier des activités. Comme la respiration est très active, qu’elle a un mouvement, elle est représentative de l’impermanence.


Les cinq agrégats sont contenus dans la respiration 

Vous savez, quand on est très attentif à la respiration, on constate que tous les cinq agrégats sont contenus dans la respiration. Quels sont les cinq agrégats ? La forme, les sensations, les perceptions, les pensées et la conscience.

1) La respiration est une forme parce qu’elle se compose d’éléments. Tout ce qui se compose d’éléments est une forme et la respiration contient l’élément terre, l’élément air, l’élément eau et l’élément feu. Donc la respiration est une forme.

2) La respiration est une sensation : quand nous inspirons et expirons, nous sentons le souffle. Nous sentons quand il est long et quand il est court ; nous sentons le contact avec les narines, nous sentons le passage dans les poumons. Nous sentons tout cela. La sensation est donc bien là, dans la respiration.

3) Nous percevons également la respiration et la sensation mentalement.

4) Nous respirons volontairement pour connaître toutes ces choses. Il y a donc bien intention ou volition.

5) Enfin nous respirons consciemment, donc la conscience est aussi incluse dans notre respiration.

Les cinq agrégats sont bien présents. Si, sans utiliser le moindre mot, vous portez toute votre attention à votre respiration, vous pouvez les voir changer constamment tous les cinq : la respiration change, les sensations changent, les perceptions changent, l’intention change et la conscience change.

Donc le gardien des portes est là, sous nos narines, et ce gardien, cette attention, cette conscience, sait qu’il ne faut pas coller de mots ou de concepts qui empêcheraient de voir la réalité de l’impermanence des formes, des sensations, des perceptions, etc.
C’est pourquoi le gardien, l’esprit très habile ou l’attention, laissera tomber les étiquettes et les mots et se posera tout entier sur la respiration, observant simplement l’air entrer et sortir.

Prenez n’importe quel exemple, que vous soyez en train de voir, d’entendre, de sentir, de goûter, de toucher ou de respirer, vous retrouverez toujours la même caractéristique d’impermanence. Certaines de ces expériences seront très belles, très agréables mais malheureusement elles ne demeureront pas et vous serez déçu — c’est la caractéristique de l’insatisfaction. Et comme vous n’avez aucun contrôle sur tout cela dans la mesure où vous ne pouvez pas garder ce qui est agréable ni éloigner ce qui est désagréable parce que tout se produit naturellement, comme il n’y a aucun moyen de maîtriser la moindre de ces choses, nous disons qu’il n’y a pas de « soi » permanent pour contrôler tout cela.

Mes amis, je crois que nous allons en rester là pour cet après-midi. Ce n’est qu’une introduction ; nous continuerons dans les jours qui viennent à clarifier le sens de notre pratique et j’essaierai de rendre cela aussi simple que possible.



Remarques : 
- J'ai commencé la pratique de la méditation en faisant des "notes mentales" ( Cf Récit de ma retraite) Mais très vite, j'ai abandonné cette habitude au profit de l'attention pure, sans mettre de mot sur les phénomènes observés. Si au début vous avez l'impression que c'est une aide, vous êtes effectivement très vite "piégé" par cet étiquetage, d'autant plus que le but est d'arriver à conserver l'attention dans la vie de tous les jours et pas simplement durant la méditation formelle.
- Les sous titres (en violet) ne sont pas dans le texte initial 




lundi 25 août 2008

Droits d'auteur


Lorsque je publie un enseignement ou un article trouvé ailleurs, j'ajoute toujours, en bas de chaque message ou de chaque articles ou enseignements, la source (l'endroit ou j'ai trouvé le texte publié) et l'auteur, ou seulement l'auteur si j'ai scanné moi même les extraits. 
Même si je fais une synthèse de plusieurs articles ou enseignements,  j'ajoute toujours les différentes sources et le nom des auteurs si je le connais.  
Et lorsque je trouve un enseignement ou un article grâce à un site ou un blog intermédiaire, j'ajoute à la source initiale, la source grâce à laquelle j'ai eu la chance de trouver l'enseignement en question, c'est la moindre des choses.


Même si dans beaucoup de messages le texte n'est pas le mien, je m'efforce de scanner ou de choisir certains passages que je trouve particulièrement intéressant et d'en faire une présentation personnelle, facile à lire, en ajoutant parfois des titres et des sous titres. 
D'autres messages sont des synthèses de plusieurs enseignements.  

Par ailleurs certains  enseignements ou articles publiés sur ce blog, le sont avec l'autorisation expresse de son auteur ou du site qui l'a publié (notamment lorsque le site interdit la reproduction sans autorisation préalable de son auteur) 

Si de vote côté vous publiez un de mes messages, merci de mettre un lien vers ce blog .


Pour information: Depuis  juillet 08,  pour plus de clarté, mes remarques ou réflexions personnelles sont en bleu et les articles ou citations restent en noir.







L'enseignement du Bouddha c'est la connaissance de la Véritable nature des Choses

Ci après un nouvel extrait de:  "Manuel pour l'Humanité" de Buddhadasa Bhikkhu  Traduction de Jeanne Schut - Titre original : A Handbook for Mankind, 1964

  • Lire la Présentation de ce manuel et  des extraits du chapitre 1 (Regards sur le Bouddhisme) :  ICI

Remarques Préalables:

Au départ, les enseignements du moine Buddhadasa peuvent vous sembler différents de ce que vous avez entendu ou lu jusqu'alors, même venant d'enseignants de la tradition théravada ou de la tradition des moines de la Forêt.

Avec un peu de recul et d'attention, cet enseignement devrait vous aider à comprendre vraiment ce qu'est l'essence même du Bouddhisme.
Revenir à l'essentiel, c'est cela que nous enseigne Buddhadasa Bikkhu. 


- Voici ce que le Vénérable D Rewata Dhamma, l'auteur du livre "Le Premier enseignement du Bouddha" dit en parlant de Buddhadasa Bikkhu : 

"Ajahn Buddhadasa était l'un des plus grands professeurs contemporains en Thaïlande. Ses enseignements, idées et points de vues étaient controversés pour les bouddhistes thaïs traditionnels. En Thaïlande et d'autres pays du Bouddhisme Theravada, le bouddhisme est bien établi, et la plupart des enseignements sont basés sur des interprétations traditionnelles des textes de Pali. Quiconque s'écarte de cette interprétation traditionnelle, devient immédiatement controversé.
Ajahn Buddhadasa était courageux et n'a eu aucune hésitation à exprimer publiquement ses pensées et sentiments, que les gens aient étés d'accord avec lui ou pas.

Néanmoins, ses enseignements sont maintenant largement acceptés par les intellectuels en Thaïlande, et même ceux en dehors de la tradition de Theravada. Personnellement, j'apprécie ses idées parce que son approche est très franche, logique et facile à comprendre
. "



- Pour en terminer avec ces quelques remarques préalables, je reprendrai la présentation de mon amie Tinh'y :

"Les enseignements du Vénérable Buddhadasa peuvent nous paraitre quelque peu hors de la réalité, ils peuvent même choquer ou heurter notre mentalité occidentale...
Pourtant ils s’appuient sur les valeurs bouddhistes et morales de l’enseignement du Bouddha... Sans rejeter ce qui nous heurte dans un premier temps, sans s’attacher à ce qui nous plait, essayons d’avoir le courage d’approfondir une pensée qui n’est pas la nôtre, mais qui, s’appuyant sur le Dhamma, a peut-être quelque chose à nous dire..
."
Source : Karuna 

  • Lire les autres enseignements publiés sur ce blog  sous le libellé/mot clé : Buddhadasa Bikkhu 


Chapitre 2 : La Véritable Nature des Choses


Le bouddhisme est une méthode dont le but est d’apporter une connaissance technique inséparable de sa pratique et d’apporter une compréhension pratique et organisée de la véritable nature des choses

(...) même si un individu est profondément vertueux, il souffrira comme les autres de tout ce qui se rattache à la naissance, la vieillesse, la douleur et la mort, et sera opprimé par les obscurcissements de l’esprit. La moralité est loin de permettre l’élimination de la convoitise, de l’aversion et de l’ignorance ; elle ne peut donc pas supprimer la souffrance (...) tandis que le Bouddhisme — va beaucoup plus loin...il vise directement à l’élimination complète des « pollutions » de l’esprit et donc à l’extinction des différentes formes de souffrance liées à la naissance, la vieillesse, la douleur et la mort. (...)le bouddhisme va beaucoup plus loin que les systèmes moraux du monde en général (...)

Le bouddhisme est une méthode dont le but est d’apporter une connaissance technique inséparable de sa pratique et d’apporter une compréhension pratique et organisée de la véritable nature des choses. En gardant bien à l’esprit cette définition, vous n’aurez aucun mal à comprendre le bouddhisme. (...)

Si nous connaissions vraiment les choses telles qu’elles sont, nous n’agirions jamais de façon inadéquate et, si nous agissions toujours de façon adéquate, il est certain que nous ne serions jamais sujets à la souffrance. Il se trouve que nous ignorons la véritable nature des choses et, en conséquence, nous nous comportons seulement de façon plus ou moins adéquate, ce qui engendre inévitablement la souffrance. La pratique bouddhique a pour but de nous apprendre « ce qui est » réellement (...)

Pour le moment, nous pratiquons à un niveau où nous ne connaissons toujours pas la véritable nature des choses et, en particulier, nous n’avons pas encore réalisé que tout est impermanent et dépourvu d’un « soi » personnel. Nous ne réalisons pas encore que la vie, toutes les choses auxquelles nous sommes attachés, que nous aimons, désirons et apprécions, sont impermanentes, insatisfaisantes et vides de tout « soi ».(...)

Quand, en suivant les enseignements du Bouddha, nous en arrivons à voir les choses correctement, à voir clairement qu’elles sont toutes impermanentes, insatisfaisantes et dépourvues de « soi », qu’elles ne valent pas la peine que l’on s’y attache, il se produit immédiatement une sorte de glissement qui nous libère du pouvoir dominateur des choses (...)

Dans son essence, l’enseignement du Bouddha, tel qu’il apparaît dans le Tipitaka, n’est autre que la connaissance de la véritable nature des choses — ni plus ni moins. Tenez-vous en à cette définition : elle est exacte et il est bon de l’avoir en esprit pendant la pratique (...)


Les Quatre Nobles Vérités nous informent clairement sur la véritable nature des choses

A présent, nous allons démontrer la validité de cette définition en prenant pour exemple les Quatre Nobles Vérités.

La Première Noble Vérité, qui fait apparaître que tout est souffrance ou cause de souffrance, nous dit précisément ce qu’il en est de toutes choses. Mais comme nous ne parvenons pas à comprendre tout ce qui est source de souffrance, nous désirons ces choses-là. Si nous les voyions comme sources de souffrance, à coup sûr, nous n’en voudrions pas.

La Seconde Noble Vérité montre que le désir est la cause de la souffrance. Les gens ne savent toujours pas, ne voient pas, ne comprennent pas que les désirs sont causes de souffrance. Ils désirent tous ceci ou cela, simplement parce qu’ils ne comprennent pas la nature du désir.

La Troisième Noble Vérité montre que la délivrance — c’est-à-dire la libération de la souffrance ou Nirvana — consiste en l’extinction totale du désir. Les gens ne comprennent pas que le Nirvana est un état qui peut être atteint à tout moment et en tout lieu, à l’instant précis où le désir disparaît totalement. Ainsi, n’ayant aucune connaissance de la réalité des choses, ils ne s’intéressent pas au Nirvana parce qu’ils ne savent pas ce que c’est.

La Quatrième Noble Vérité est appelée « la Voie » ou « l’Octuple Sentier ». C’est la méthode qui permet d’éliminer tout désir. Personne ne la comprend ainsi, personne ne s’intéresse à l’Octuple Sentier qui abolit le désir. Les gens ne voient pas qu’il s’agit là du soutien dont ils ont précisément besoin (...) Ils ne s’intéressent pas au Noble Sentier du Bouddha qui est pourtant un joyau parfait et précieux parmi la masse des connaissances humaines. C’est une ignorance épouvantable.(...)


Tout phénomène naît d’une cause

Nous allons maintenant nous pencher sur un passage des textes du Canon Pali qui résume l’essence du bouddhisme. Il s’agit des paroles que le bhikkhu Assaji adressa à Sariputta quand celui-ci lui demanda de résumer l’essence du bouddhisme en quelques mots. Assaji répondit :

« Tout phénomène naît d’une cause. Le Bouddha a montré quelles sont les causes et comment tous les phénomènes peuvent disparaître quand on en élimine les causes. Voilà ce qu’enseigne le Maître ».

Ce qu’il a dit, en fait, c’est qu’à l’origine de tout phénomène, il y a des causes qui se sont combinées pour lui donner naissance. Le phénomène ne peut être éliminé tant que les causes ne l’auront pas été. (...)

Il n’y a que des effets qui apparaissent suite à des causes, qui se développent en fonction de ces causes, et qui disparaissent à la cessation de ces causes. Le monde n’est qu’un flux perpétuel de forces naturelles qui ne cessent de s’entrecroiser et de changer. (...)

(...) tout n’est qu’apparence et que nous ne devons pas tomber dans le piège d’aimer ceci ou détester cela.

(...) Libérer réellement l’esprit signifie échapper complètement à la chaîne de causalité, en éliminer radicalement les causes. Ainsi l’insatisfaction engendrée par les phénomènes d’attirance et de répulsion sera anéantie

Les « trois caractéristiques »

Autre élément important de l’enseignement du bouddhisme : les « trois caractéristiques », c’est-à-dire l’impermanence (anicca), l’insatisfaction ou souffrance (dukkha) et le non-soi (anattā). Ignorer cet enseignement, c’est ignorer le bouddhisme. Il montre que tout est impermanent, tout est insatisfaisant et dépourvu de « soi ».

- Dire que tout est impermanent signifie que tout est en perpétuel changement du fait qu’il n’y a aucune entité ou « soi » qui reste inchangé, ne serait-ce qu’un instant.

- Dire que tout est insatisfaisant signifie qu’en toutes choses se trouve une source inhérente de souffrance et de tourment. De par leur nature, elles ne peuvent qu’inspirer répulsion et désenchantement.

- Dire qu’il n’existe pas de soi signifie qu’il n’existe nulle part la moindre entité que l’on aurait le droit de considérer comme une « personne » (moi) ou appeler « sien » (à moi). Si nous nous saisissons des choses et nous attachons à elles, nous n’en retirerons que souffrance.

(...) Nous avons vu combien il est important de connaître la nature réelle des choses. Il nous faut également savoir comment pratiquer pour agir en accord avec cette nature.


Pratiquer pour agir en accord avec cette nature.

(...) Il existe un autre enseignement dans les textes connu comme « l’enseignement majeur ». 
Il se résume à trois points : 
1-éviter le mal, 
2-faire le bien 
Ces deux éléments ne sont que des niveaux de moralité 

3-purifier l’esprit. 
ce Troisième élément est du bouddhisme pur


Eviter le mal
Savoir que tout est impermanent, sans valeur et pas « nôtre », que rien ne vaut donc que l’on s’en saisisse et que l’on s’y attache, doit nous inciter à agir en conséquence et avec prudence ; c’est ce qui s’appelle éviter le mal. Cela implique ne pas enfreindre le code moral en vigueur et renoncer à la convoitise et à l’attachement excessifs

D’un autre côté, il faut faire le bien — le bien tel que l’ont compris les sages. Ces deux éléments ne sont que des niveaux de moralité

Le troisième par contre, selon lequel nous devons purifier notre esprit de tout type de contamination, est du bouddhisme pur
Il nous dit de libérer notre esprit. Tant que l’esprit est sous la domination des pensées et des émotions — que l’on appelle « les objets de l’esprit » — il ne peut pas être propre et pur. La liberté de l’esprit doit venir d’une connaissance extrêmement profonde de la nature de ces objets. Sans cette connaissance, nous continuerons inévitablement à errer aveuglément, d’attirance en répulsion, d’une manière ou d’une autre. Tant que nous réagirons ainsi, nous ne pourrons nous prétendre libres. (...)


Un Bouddhiste est une personne qui met en pratique les enseignements du Bouddha

(...) le bouddhisme est l’enseignement du Bouddha, l’Eveillé, et un bouddhiste est une personne qui met en pratique ses enseignements.

En quoi le Bouddha a-t-il été éveillé ? Simplement dans la mesure où il a compris la véritable nature de toute chose. Le bouddhisme est donc l’enseignement qui nous montre la vérité sur ce qui est. A nous de le pratiquer jusqu’à connaître cette vérité par nous-mêmes. Nous pouvons être assurés que, dès que nous aurons atteint cette connaissance parfaite, tout désir disparaîtra car la connaissance s’élève à l’instant même où l’ignorance disparaît.

Dans le bouddhisme, chaque aspect de la pratique a pour but de développer la connaissance. C’est simplement pour acquérir cette connaissance que vous engagez votre esprit sur la voie de la pratique qui pénétrera au cœur du Bouddha-Dhamma.

Mais faites en sorte que ce soit une connaissance juste, obtenue par la claire vision pénétrante et non une connaissance mondaine, partielle, qui risque, par exemple, de prendre le mal pour le bien et de croire qu’une source de souffrance sera source de bonheur. Essayez vraiment de considérer les choses en termes de souffrance et vous en viendrez à cette connaissance, progressivement, pas à pas. Cette connaissance-là sera la connaissance du bouddhisme, basée sur de solides principes. (...)

Nous devons observer absolument tous les phénomènes que nous rencontrons, en comprendre la nature mais aussi, trouver la source de la souffrance qu’ils causent, cette souffrance qui nous enflamme et nous brûle. S’établir dans l’attention, observer et attendre, examiner, comme cela a été expliqué, la souffrance qui nous arrive, telle est la meilleure façon de pénétrer le Bouddha-Dhamma

(...) Apprenons à connaître toutes les choses qui constituent ce corps et cet esprit. Apprenons les leçons de la vie, cette vie qui tourne sans fin dans le cycle du désir, de l’action liée au désir, de la soif des fruits de l’action, lesquels renforcent à nouveau l’envie d’en avoir toujours plus, et ainsi de suite à l’infini ; cette vie soumise au cercle vicieux du samsāra, l’océan de souffrance, purement et simplement à cause de l’ignorance de la véritable nature des choses.

En résumé, le bouddhisme est une méthode pratique et organisée dont le but est de nous révéler les choses telles qu’elles sont réellement. Une fois que nous avons vu leur véritable nature, nous n’avons plus besoin de personne pour nous enseigner ou nous aider, nous pouvons continuer à pratiquer seuls.

 Le progrès que nous faisons sur le sentier (...) suit le rythme auquel nous éliminons les «souillures» de l’esprit et nous abandonnons les actions erronées. Finalement, nous atteindrons ce qui peut arriver de mieux à un être humain, ce que l’on appelle le fruit du Sentier, le Nirvana. Nous pouvons y parvenir seuls, simplement en apprenant à comprendre le sens ultime de la véritable nature des choses.

samedi 23 août 2008

Les hommages rendus à des objets sacrés sous forme de rites et de rituels, d’offrandes ou de prières, n’ont rien à voir avec le bouddhisme.

« Si un homme pouvait éliminer la souffrance en faisant des offrandes, en rendant hommage et en priant, plus personne au monde ne serait exposé à la souffrance car n’importe qui peut rendre hommage et prier. Or, si les gens sont encore sujets à la souffrance, bien qu’ils obéissent, rendent hommage et pratiquent des rituels, ce n’est sûrement pas la solution pour s’en libérer » (le Bouddha)


Ci après des Extraits de Manuel pour l'Humanité par Buddhadasa Bhikkhu- Traduction de Jeanne Schut - Titre original : A Handbook for Mankind, 1964
Merci à Isara pour m'avoir adressé ce petit livre. 

J'ai déjà publié des extraits de ce manuel le 22 février 2008 (traduction par isara)Réflexions de Bikkhu Buddhadasa sur le "Néo-Bouddhisme"


En 1956, le vénérable Buddhadasa a donné un cours sur le bouddhisme à un groupe de personnes qui allaient devenir juges. Ces conférences, données en langue thaïe, ont été enregistrées puis transcrites et organisées pour finir par former ce qui est devenu un Manuel pour l’Humanité.
Depuis lors, le succès remporté par ce petit livre a été stupéfiant et il continue à être très populaire, tant en Thaïlande qu’en Occident. La raison en est que le vénérable Buddhadasa offre ici un regard neuf sur une vérité qui ne connaît pas les limites du temps (le Dhamma) dans le style direct et simple qui caractérisait son enseignement. La clarté de sa vision pénétrante donne vie au Dhamma de sorte qu’aujourd’hui encore, une nouvelle génération de lecteurs peut ressentir tout le sens et toute la valeur de ses paroles.

Ce livre est un guide inestimable pour tout nouveau venu au Bouddha-Dhamma, la vérité à laquelle s’est éveillé le Bouddha et qu’il a enseignée ensuite car il contient l’essentiel des enseignements du bouddhisme. Le « manuel » est tout particulièrement utile à ceux qui s’intéressent aux enseignements du Bouddha non comme à un thème d’étude mais comme un moyen de comprendre leur vie et de lui donner toute sa noblesse.


Chapitre 1 : Regards sur le Bouddhisme 

(...) Il y a quelque deux mille ans, en Inde, d’intelligents penseurs et chercheurs cessèrent de rendre hommage aux êtres surnaturels et choisirent de rechercher plutôt les moyens de conquérir la naissance, la vieillesse, la maladie et la mort, ainsi que les moyens de supprimer la convoitise, la haine et l’ignorance. De ces recherches est né le bouddhisme, méthode pratique découverte par le Bouddha pour éliminer la souffrance et venir ainsi définitivement à bout des peurs de l’homme. (...)

Tous les hommages rendus à des objets sacrés sous forme de rites et de rituels, d’offrandes ou de prières, n’ont rien à voir avec le bouddhisme. (...)

Pour parvenir à la libération, nous devons tout d’abord examiner attentivement ce qui nous entoure, afin d’en connaître et d’en comprendre la véritable nature et ensuite, agir en fonction de cette vérité. Tel est l’enseignement du bouddhisme, ce que nous devons savoir et garder présent à l’esprit. Il ne s’agit pas d’accepter aveuglément tout ce que l’on entend. Si quelqu’un affirme quelque chose, nous devons l’écouter et considérer son point de vue en toute objectivité. Si nous le trouvons raisonnable, nous pouvons l’accepter provisoirement et tenter de le vérifier par nous-mêmes. C’est là une des caractéristiques très particulière du bouddhisme (...)


Les rites et cérémonies sont devenus si nombreux qu’ils ont maintenant occulté le vrai bouddhisme et son objectif originel

(...)Au fil des temps, on  a ajouté des passages (dans le Tipitaka :canon pali) basés sur les idées courantes de l’époque, que ce soit pour gagner la confiance du peuple ou par excès de zèle religieux. Hélas, les rites et rituels qui se sont ainsi développés et imbriqués dans la religion sont aujourd’hui acceptés et considérés comme étant le vrai bouddhisme. Les cérémonies telles que l’offrande de plateaux de sucreries et de fruits à « l’âme » du Bouddha, semblables à l’offrande de nourriture aux moines vivants, ne sont pas en harmonie avec les principes du bouddhisme. Pourtant, certains les considèrent comme d’authentiques pratiques bouddhiques, les enseignent comme telles et les suivent très rigoureusement.

Souvenons-nous que rien de tel n’existait à l’époque du Bouddha, ces cérémonies ne se sont développées que plus tard.(...)

Malheureusement, ce « néo-bouddhisme » s’est répandu presque universellement.
Le Dhamma, l’enseignement authentique autrefois souverain, est à présent si surchargé de cérémonies que tout l’objectif du bouddhisme en a été obscurci, falsifié et transformé.(...)

Ces dégénérescences sont une véritable tumeur qui s’est développée au sein du bouddhisme et qui fait des ravages. Elle prend des centaines d’aspects différents qu’il serait trop long d’énumérer. C’est une tumeur maligne et dangereuse qui a progressivement recouvert et obscurci la base saine, l’essence réelle du bouddhisme, qui l’a complètement défiguré. (...)


N’allez pas croire que le bouddhisme est ceci ou cela sous prétexte que tout le monde le dit.

La vraie pratique du bouddhisme est basée sur la purification de la conduite à travers le corps et la parole, suivie de la purification de l’esprit, laquelle mène, à son tour, à la vision pénétrante et à la compréhension juste.(...)

Un aspect plus profond du bouddhisme apparaît lorsqu’on le considère sous l’angle de la Vérité, une vérité profondément enfouie sous la surface et invisible à l’homme ordinaire. Voir cette vérité, c’est connaître intellectuellement la vanité de toute chose, l’impermanence, l’insatisfaction et le non-soi ; c’est connaître intellectuellement la nature de la souffrance, de l’élimination totale de la souffrance ; c’est percevoir tout ceci en termes de vérité absolue, de cette vérité qui ne changera jamais et que tous devraient connaître. Tel est le bouddhisme en tant que Vérité.(...)


Le bouddhisme en tant que religion est une méthode pratique basée sur la vertu, la concentration et la connaissance, et qui culmine en libérant la vision pénétrante intuitive. Cette méthode, lorsqu’elle est pratiquée jusqu’au bout, permet de se libérer de la souffrance. Tel est le bouddhisme en tant que religion.

Ensuite vient le bouddhisme en tant que psychologie, comme il nous est présenté dans la troisième partie du Tipitaka, où la nature de l’esprit est décrite de façon remarquablement détaillée. Aujourd’hui encore, la psychologie du bouddhisme est source d’intérêt et d’émerveillement pour les chercheurs de l’esprit car elle est beaucoup plus profonde que les connaissances actuelles en psychologie.

Vu sous un autre angle encore, le bouddhisme est une philosophie. En philosophie, la connaissance peut être clairement perçue au moyen de preuves raisonnées et logiques mais elle ne peut être démontrée expérimentalement.(...)

De nombreux aspects du bouddhisme, en particulier les Quatre Nobles Vérités, sont scientifiques en ce qu’ils peuvent être vérifiés par une preuve expérimentale claire, au moyen de l’introspection (...)


Chacun devrait considérer le bouddhisme comme un art, comme l’art de vivre.

Le bouddhisme est avant tout une méthode pratique et directe permettant d’acquérir la connaissance de la véritable nature des choses
connaissance qui permet d’abandonner toute forme de convoitise, d’attachement, d’ignorance et d’engouement, et de devenir totalement indépendant. C’est ainsi que l’on pénètre au cœur même du bouddhisme. (...)






jeudi 21 août 2008

Besoin de sagesse dans le Monde

Réflexions d'Ajahn Sumedho


Les guerres se déclenchent parce que les gens voient les choses différemment

(...) tant de querelles et de guerres se déclenchent parce que les gens sont incapables de se mettre d’accord sur quoi que ce soit. Le communisme contre le capitalisme, une religion contre une autre, et ainsi de suite.

Pourquoi ? Pour quelle raison se battent-ils ? Parce qu’ils voient les choses différemment. « C’est mon pays et c’est comme ça que je le veux. Je veux ce type de gouvernement et ce type de système économique et politique » et cela continue inlassablement. Cela continue jusqu’à la tuerie et la torture, jusqu’à détruire un pays et réduire à l’esclavage ses habitants que l’on voulait libérer. Pourquoi ?Parce que la réalité des choses telles qu’elles sont n’a pas été comprise.


La voie du Dhamma consiste à observer la nature et à mettre nos vies en harmonie avec ses énergies.

La civilisation européenne n’a jamais considéré le monde de ce point de vue ; nous l’avons idéalisé. Si tout était idéal, les choses devraient être d’une certaine manière. Mais quand nous nous attachons à un idéal, nous finissons par faire ce que nous avons fait à cette planète : nous l’avons polluée au point de risquer de la détruire parce que nous ne comprenons pas les limites que les conditions terrestres nous ont imposées.

Pour beaucoup de choses dans cette nature, il faut apprendre nos leçons comme cela, «à la dure», après avoir commis beaucoup d’erreurs et créé une grande confusion. Espérons seulement que la situation n’est pas inextricable. (...)


Abandonner les désirs

Abandonner les désirs immoraux, égoïstes ou mauvais pour être quelqu’un qui avance sur la voie de l’honnêteté, la générosité, la moralité et la compassion dans l’action. Si nous ne nous engageons pas sur cette voie, la situation est désespérée. A quoi bon continuer si personne n’est disposé à faire de sa vie autre chose qu’une poursuite éperdue de plaisirs égoïstes ? (...)

Il est fréquent de nos jours de rencontrer des personnes qui vivent leur vie selon leurs propres règles, sans sagesse ni réflexion, sans chercher à apporter leur contribution à la société.

En tant qu’êtres humains, nous pouvons apporter beaucoup mais nous pouvons aussi devenir une véritable plaie pour le monde en exploitant égoïstement les ressources de la terre pour notre bénéfice personnel.

Dans la pratique du Dhamma, le sentiment de « moi » et « mien » disparaît progressivement — l’impression que cette petite créature assise là avec sa bouche et son désir de manger est « moi ».

Si je me contente de suivre les impulsions de mon corps et de mes émotions, je deviens une petite créature avide et égoïste. Par contre, si je réfléchis à la nature de ma condition physique et comment je pourrais l’utiliser judicieusement dans cette vie pour le bien de tous les êtres, cela devient une bénédiction. (Bien sûr, il ne s’agit pas de s’imaginer que l’on est une bénédiction pour le monde, ce serait une autre forme d’orgueil !)


Le moins que nous puissions faire est de vivre selon les Cinq Préceptes

Nous vivons alors chaque jour pour faire de notre vie une source de joie, de compassion, de bonté ou au moins pour éviter de causer du chagrin et des problèmes inutiles. Le moins que nous puissions faire est de vivre selon les Cinq Préceptes pour que notre corps et nos paroles ne soient pas sources de problème, de cruauté ou d’exploitation sur cette planète. Est-ce trop demander?

Est-ce si terrible d’abandonner cette tendance à ne faire que ce qui nous plaît pour être un peu plus attentifs et responsables de nos actes et de nos paroles ?

Nous pouvons tous essayer d’apporter de l’aide, d’être bons, généreux et attentifs aux personnes avec lesquelles nous partageons cette planète. Nous pouvons tous apprendre à connaître nos limites et les comprendre avec sagesse, de façon à ne plus nous laisser berner par le monde des sens. C’est pour cela que nous méditons. (...)

Nous sommes impuissants à créer une démocratie, un véritable communisme ou un véritable socialisme ; nous n’y parvenons pas parce que nous sommes toujours fourvoyés par le sentiment d’un moi personnel.


La situation actuelle du monde résulte du fait que nous ne comprenons pas les choses telles qu’elles sont.

Ainsi ces entreprises se terminent dans la tyrannie, l’égoïsme, la peur et la méfiance. La situation actuelle du monde résulte du fait que nous ne comprenons pas les choses telles qu’elles sont.
Alors, si nous voulons réellement faire quelque chose, c’est le moment pour chacun d’entre nous de donner toute sa valeur à notre vie. Comment s’y prendre ?

Tout d’abord, il faudra reconnaître la véritable nature de vos motivations, vos tendances égoïstes et l’immaturité émotionnelle qui les sous-tend, de façon à pouvoir vous en défaire. Et puis ouvrir votre esprit à la nature réelle des choses, faire preuve d’un sens de l’observation très vif. (...)

Cette capacité à réfléchir et à observer a été enseignée par le Bouddha pour nous libérer des habitudes et des conventions suivies aveuglément. C’est une façon de libérer l’être du monde illusoire des sens grâce à une sage réflexion sur la véritable nature des choses.

Nous commençons par nous observer, observer nos attirances et nos aversions, la lourdeur et la stupidité de notre esprit.

Nous ne choisissons pas des conditions idéales pour créer une situation qui nous procure un
plaisir personnel, nous sommes au contraire prêts à supporter toutes les conditions, mêmes les plus désagréables pour les comprendre exactement telles qu’elles sont et être en mesure, ensuite, de les laisser aller.


Quand nous ouvrons notre esprit à la vérité, nous voyons clairement qu’il n’y a rien à craindre.

Nous commençons à nous libérer de la tendance qui consiste à fuir ce qui est déplaisant et nous commençons également à être beaucoup plus attentifs à la façon dont nous vivons. Une fois que nous comprenons comment fonctionnent les choses, nous souhaitons être très, très attentifs à ce que nous faisons et disons. Nous ne pouvons plus avoir envie de vivre aux dépens des autres. Nous ne croyons plus que notre vie est beaucoup plus importante que celle des autres.

Nous commençons à ressentir la liberté et la légèreté dans cette harmonie avec la nature au lieu du poids qui pèse lorsque l’on exploite la nature pour un retirer un gain personnel.

Quand nous ouvrons notre esprit à la vérité, nous voyons clairement qu’il n’y a rien à craindre. Ce qui apparaît finit toujours par disparaître, ce qui est né finit par mourir et n’a aucune identité
propre.

Ainsi notre sentiment d’être piégé dans une identification avec ce corps humain disparaît. Nous ne nous percevons pas comme une entité isolée, coupée du reste, perdue dans un univers mystérieux et effrayant. Nous ne nous sentons pas dominés par lui, nous n’éprouvons pas le besoin de nous accrocher à une parcelle de sécurité parce que nous sommes en paix avec cet univers. Nous avons fusionné avec la vérité.