samedi 2 février 2008
Etre relié à son coeur
Périls et Promesses de la Vie Spirituelle de Jack Kornfield
Extraits du Chapitre : Mettre Fin au conflit
Lorsque nous nous retirons du champ de bataille, selon les paroles de Tao te King, "nous voyons avec des yeux neufs qui ne sont plus voilés par le désir".
L'esprit qui n'est pas éveillé a tendance à entrer en conflit avec ce qui est
Pour suivre un chemin qui a du coeur, nous devons bien comprendre les mécanismes du conflit, à l'intérieur de nous-mêmes ; car les racines du conflit plongent dans l'ignorance. Si nous ne comprenons pas, nous serons facilement effrayés par les changements incessants de la vie, les pertes inévitables, les déceptions, l'insécurité que représentent notre vieillissement et notre mort.
L'incompréhension nous conduit à nous battre contre la vie, à fuir la douleur et à nous agripper à une sécurité et à des plaisirs, qui, de par leur nature, ne seront jamais pleinement satisfaisants.
Notre conflit avec la vie s'exprime dans toutes les dimensions de notre expérience.
Le maître Ajahn Chah décrivait ainsi cette lutte continuelle :
"Nous autres êtres humains, nous sommes constamment en lutte, en conflit pour échapper au fait d'être si limités - limités par tant de circonstances que nous ne pouvons contrôler. Mais au lieu d'y échapper, nous continuons à créer la souffrance ; nous sommes en conflit avec le bien, en conflit avec le mal, en conflit avec ce qui est trop petit, avec ce qui est trop grand, avec ce qui est trop court, ou trop long, vrai, ou faux ; vaillamment, nous poursuivons le combat".
La société contemporaine favorise notre tendance mentale à nier, ou à réprimer, la conscience que nous avons de la réalité. Conditionnés par notre société, qui incarne tout à fait ce refus de la réalité, nous nous protégeons de toute difficulté, de tout inconfort direct.
Nous voulons nous protéger du monde naturel
Pour nous protéger du monde naturel, nous avons créé la climatisation, des voitures chauffées et des vêtements qui nous protègent en toute saison. Pour échapper au spectre de la vieillesse et de l'infirmité, nous ne montrons dans nos publicités que des jeunes gens souriants tandis que nous reléguons nos vieux dans des maisons de repos ou de retraite. Nous cachons nos malades mentaux dans des hôpitaux psychiatriques. Nous exilons nos pauvres dans des ghettos autour desquels nous construisons des rocades afin que ceux qui ont la chance de ne pas y vivre ne voient pas la souffrance qui y est contenue.
Nos dépendance visent à nous engourdir face à ce qui est. Parmi nos dépendances, l'une des plus répandues est celle de la vitesse. La société technologique nous pousse à accélérer l'allure de notre productivité et de notre vie. Dans une société qui n'est pas loin d'exiger que nous vivions en mode accéléré, la vitesse et les autres peurs et dépendances nous engourdissent au point de nous rendre insensibles à notre propre ressenti.
Comment être relié à son cœur?
Dans de telles conditions, il nous est pratiquement impossible d'habiter notre corps ou de demeurer relié à notre cœur, à plus forte raison de nous relier à autrui et à la terre sur laquelle nous vivons. Au contraire, nous vivons de plus en plus seuls, isolés, coupés des autres et du tissu naturel de la vie. Une personne par voiture, de grandes maisons, des téléphones portables, des baladeurs collés à nos oreilles, joints à une extrême solitude et à un sens profond de pauvreté intérieure : voilà l'affliction la plus répandue dans notre société contemporaine.
Il nous est difficile de nous améliorer par un acte de volonté - comme si le mental voulait se débarrasser de lui-même, ou que nous voulions être les fils de nos propres oeuvres.
Lorsque nous luttons pour nous transformer, nous ne faisons que perpétuer des mécanismes de censure et d'agression envers nous-mêmes. Nous alimentons notre guerre civile intérieure.
(...)
Le but d'une discipline spirituelle est aussi de nous offrir un moyen de mettre fin au conflit,
non par la force de notre volonté mais dans un processus organique né de la compréhension et d'un entraînement progressif. Une pratique spirituelle suivie nous aide à cultiver une nouvelle manière de nous relier à la vie.
Lorsque nous nous retirons du champ de bataille, nous ne voyons plus avec les yeux voilés par le désir. Nous nous découvrons... Nous découvrons nos attirances et aversions continuelles, notre combat pour résister à tout ce qui nous fait peur, nous observons nos préjugés, notre convoitise, notre instinct de territoire. Puis derrière ces luttes continuelles, nous percevons notre profond sentiment d'incomplétude et de peur. Nous voyons à quel point notre lutte contre la vie a empêché notre cœur de s'ouvrir.
Dès lors qu'on abandonne la lutte et qu'on ouvre son cœur à ce qui est, on découvre le repos intérieur dans l'instant présent - c'est l'alpha et l'oméga de la pratique spirituelle. Nous trouvons enfin l'Amour que nous recherchons.
Dès qu'il met fin au conflit, le chercheur de vérité découvre quelque chose qu'il essayait de fuir ; la solitude, un sentiment d'infériorité, l'ennui, la honte, des désirs insatisfaits. Il lui faut face à ces aspects de lui-même.
Vous avez peut-être entendu parler de personnes qui ont fait des expériences "hors du corps", pleines de lumières et de visions.
Un véritable chemin spirituel requiert quelque chose de plus exigeant, que l'on pourrait appeler une expérience "dans le corps".
Pour nous éveiller, nous devons établir le contact avec notre corps, nos émotions, notre vie en cet instant même.
Il faut un engagement constant et inébranlable pour vivre dans le présent.
Sur le chemin spirituel, ce n'est pas une fois mais bien des fois que nous devons mettre fin au conflit. Mettre fin au conflit, et revenir au présent, c'est découvrir que notre propre cœur est assez vaste pour inclure le bonheur de tous les êtres comme inséparable du nôtre. Quand nous nous permettons en nous de ressentir la peur, l'insatisfaction, les difficultés que nous avions toujours évitées, notre cœur s'adoucit.
Faire face à toutes les difficultés que nous avions toujours fuies n'est pas seulement un acte de courage, c'est aussi un acte de compassion.
La compassion est le frémissement d'un cœur pur qui se produit lorsque nous avons permis à la douleur de la vie de nous toucher.
En mettant fin au conflit, nous pouvons accueillir nos deuils et nos tourments personnels, nos propres joies et nos propres triomphes. La générosité du cœur humain nous permet de nous ouvrir à notre entourage, notre famille, à notre communauté, aux problèmes du monde, à notre histoire et à notre patrimoine humain.
La compréhension lucide nous permet de vivre en harmonie avec notre vie, avec la loi universelle appelée Tao ou Dharma, la vérité de la vie.
(...)
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