mardi 17 juin 2008

Les étapes du développement de vipassana, la vision intérieure



Ci après un enseignement de Achaan Naeb

Biographie:
Achaan Naeb est originaire de la famille d'un gouverneur thaï d'une province voisine de la Birmanie. C'est à trente-cinq ans qu'elle commence à étudier la psychologie et la vision intérieure sous la direction d'Achaan Pathunta U Vilasa.

Douze ans plus tard elle commence à enseigner, crée des centres d'enseignement et parvient enfin, grâce au patronage des souverains, à créer l'Association pour la recherche et la santé mentale bouddhistes à Wat Sraket, à Bangkok. Aujourd'hui, à quatre-vingts ans, elle enseigne toujours et ses disciples poursuivent son œuvre.

Wat Sraket est un îlot de paix au centre de la Bangkok moderne. Une rencontre avec Achaan Naeb est l'occasion d'accéder par une voie claire et directe au Dharma.

Achaan Naeb commence généralement par demander aux visiteurs de s'asseoir confortablement, puis de ne plus bouger. Bientôt, naturellement, l'un des visiteurs change de position. « Arrêtez, ne bougez pas. Pourquoi bougez-vous ? Attendez pour bouger. » L'enseignement d'Achaan Naeb s'adresse naturellement à la source de souffrance la plus évidente : notre corps. Si nous nous contentons de rester assis, en essayant de ne pas bouger, la douleur apparaît puis augmente, et nous voulons changer de position. La plupart des actions que nous accomplissons dans la journée se déroulent selon le même schéma.

(Jack Kornfield - Dharma Vivant)


LES ÉTAPES DE LA PURIFICATION

(remarques : les titres ne sont pas dans le texte initial)

La connaissance du discernement de l'esprit et de la matière.


Une fois que nous avons pris conscience des états de l'esprit et de la matière, nous atteignons le premier niveau de la vision intérieure, que nous appelons connaissance du discernement de l'esprit et de la matière.

C'est ce niveau de vision qui nous rend capable de percevoir directement la nature séparée des états mentaux et physiques dans tous les phénomènes.

Il faut savoir que les états mentaux et matériels que nous connaissons à partir de la connaissance du discernement de l'esprit et de la matière ne sont pas les mêmes que les états men taux que nous connaissons par l'étude. Celui qui n'a pas fait l'expérience de la connaissance du discernement de l'esprit et de la matière ne peut pas opérer la distinction entre la connaissance issue de la théorie et celle qui est issue de l'expérience.

Aussi, quoiqu'il perçoive, c'est toujours sur le mode de l'illusion du « je » ou du « soi » qu'il entend ou qu'il voit. Il est dans l'erreur en dépit de sa connaissance théorique de ce que sont l'esprit et la matière.

Par exemple, si je demande à quelqu'un si la posture assise est de type spirituel ou matériel, il peut répondre qu'elle est matérielle.
Mais quand il est réellement assis, réalise-t-il qu'elle est matérielle, et peut-il séparer clairement la matière de l'état mental auquel elle est liée ? C'est cela la différence entre la pratique et la théorie.

Atteindre la connaissance du discernement de l'esprit et de la matière est chose difficile, même s'il ne s'agit que du premier degré de la connaissance dans le développement de la vision intérieure. Cela demande une extrême attention et une extrême concentration à tout moment.


Devenir conscient des états mentaux et physiques à un niveau supérieur

Il s'agit maintenant d'approfondir notre pratique, c'est-à-dire de devenir conscient des états mentaux et physiques à un niveau supérieur.

Tout d'abord, nous n'étions pas conscients du fait que les états matériels et mentaux étaient des facteurs en liaison l'un avec l'autre. Nous étions seulement conscients de ce qu'étaient un état mental et un état physique.

Mais maintenant, plus nous sommes conscients de ce qu'est un état mental ou physique, mieux nous verrons les causes qui les font émerger.
Il en est ainsi, par exemple, quand nous prenons conscience du fait que le son est un facteur du fait d'entendre.
Quand nous voyons quelque chose, nous prenons conscience du fait que la couleur est un facteur du fait de voir.
De cette manière, nous allons également constater quelle sorte d'état mental survient en tant que résultat du son et de la couleur.
Quant aux différentes positions corporelles ou aux mouvements du corps, nous devons continuer à être conscients à tout moment du fait que la matière qui est en mouvement à tout moment a l'esprit comme cause. Elle est motivée par la conscience. C'est la conscience qui pousse le corps à se tenir debout, à s'asseoir, à marcher ou à changer de position.

Toutes ces positions de la matière ne surviennent que du fait de l'esprit. Quand un tel état mental survient, c'est la matière qui en est la cause. Ainsi, les états mentaux et matériels peuvent être considérés comme produits par des facteurs.


La relation de cause à effet entre esprit et matière

Cette sorte de connaissance liée à la vision intérieure interviendra lorsque nous aurons atteint la connaissance du discernement de l'esprit et de la matière. La relation de cause à effet entre esprit et matière se révèle alors.

Nous savions déjà que l'existence était composée d'esprit et de matière, mais nous ne savions pas de quelle cause esprit et matière émanaient. Nous pouvions alors penser que c'est un dieu qui les faisait être, comme le veulent les autres religions.

Lorsque nous avons atteint ce niveau de connaissance, nous savons que l'esprit et la matière ne sont créés par personne. Nous savons au contraire qu'ils sont en relation de cause à effet les uns avec les autres. Esprit et matière sont alors vus comme des phénomènes indépendants.

Nous savons de la même manière que le son d'une cloche est produit par la réunion de deux facteurs : le battant et la cloche. Si le bat tant ne frappe pas la cloche, il n'y a pas de son. Personne ne peut créer ce son de cloche, et nul ne sait où se trouve le son ni où il va. Mais le son est produit dès que les deux facteurs sont réunis. Quand nous avons fait l'expérience de cette relation entre esprit et matière, il n'y a plus de question concernant le fonctionnement et la cause de l'esprit et de la matière.


L'expérience de la succession rapide des états mentaux et matériels, ainsi que de leur disparition

À ce stade de connaissance de la vision intérieure, bien que nous connaissions désormais les causes de l'esprit et de la matière, nous n'avons pas encore pleinement réalisé le fait qu'ils sont séparés l'un de l'autre. Nous n'avons pas encore fait l'expérience de la succession rapide des états mentaux et matériels, ainsi que de leur disparition.

Ils disparaissent à une vitesse stupéfiante, et notre vision intérieure n'est pas encore assez aiguisée pour les percevoir à ce moment. Nous devons donc poursuivre notre attention aux états mentaux et maté­riels jusqu'à ce que nous ayons pris conscience de leur disparition.

Ainsi, lorsque nous passons de la position assise à une autre posture, nous réalisons que la position assise a disparu. Et lorsque nous sommes debout et que nous changeons de position, nous réalisons également que cette posture a disparu de nouveau, et nous percevons l'apparition d'une nouvelle posture. Nous savons alors que la posture debout n'est pas permanente.

Dans les premiers temps, c'est ainsi que nous ferons l'expérience de nos postures. Nous observerons la succession de nos postures. Mais nous ne réalisons la cessation d'une posture que lorsque celle-ci a effectivement pris fin.
Il nous faut encore réaliser l'émergence et la disparition de matière au sein de cette posture. Jusqu'ici, lorsque nous réalisions la disparition de la posture assise, nous constations seulement que la posture assise s'était transformée en une autre posture.

Nous devons maintenant réaliser la disparition de matière dans la posture assise, alors que nous sommes toujours assis. C'est-à-dire qu'au fur et à mesure que notre vision intérieure s'approfondit, nous pouvons connaître l'expérience de la disparition de matière tout en demeurant dans la posture assise.

Cela se manifeste par l'observation de la discrimination des états de l'esprit et de la matière au fur et à mesure de leur émergence, alors que nous sommes toujours assis. Au fur et à mesure de notre pratique, nous ferons de plus en plus précisément et sûrement l'expérience de cette succession rapide. Nous saurons alors que, dans le passé et dans le futur, tous les phénomènes sont impermanents. Nous n'aurons plus de doute en ce qui concerne la nature du futur.


L'expérience de l'émergence et la disparition de diverses formes d'existence

Lorsque nous faisons l'expérience de l'émergence et la disparition de diverses formes d'existence, nous avons atteint le degré de vision intérieure que nous appelons connaissance-maîtrise, et c'est cette connaissance qui nous permet de connaître de manière décisive l'impermanence des états de l'esprit et de la matière.

Ce niveau de connaissance de la vision intérieure réalise les trois caractéristiques de l'existence, car elle fait l'expérience de l'impermanence des états mentaux et physiques, de leur émergence et de leur disparition d'un instant à l'autre. Nous devons encore faire l'expérience de la démarcation précise de ces états physiques et mentaux.

L'expérience de la démarcation entre émergence et disparition des états mentaux


Si nous poursuivons notre travail d'attention, la sagesse de la vision intérieure deviendra de plus en plus aiguë et notre conscience de plus en plus subtile.
Plus nous sommes conscients, plus nous saisissons l'existence présente de façon continue, quel que soit l'objet sur lequel nous nous penchons.

Lorsque nous parvenons à expérimenter cette démarcation entre émergence et disparition des états mentaux, nous passons à un niveau supérieur de la vision intérieure que nous appelons connaissance de l'émergence et de la disparition.

Ce niveau inclut également la réalisation des trois connaissances qui s'y attachent. Nous faisons alors l'expérience du premier degré de la connaissance, la sagesse de la vision intérieure qui perçoit toute existence comme étant uniquement constituée d'états mentaux et physiques ;
le deuxième degré de la connaissance de la vision intérieure, qui reconnaît l'origine causale des états de la matière et de l'esprit ;
et le troisième degré de la connaissance, la sagesse de la vision intérieure qui fait l'expérience de l'apparition et de la disparition des états physiques et mentaux, mais non encore de leur démarcation précise.


La vraie voie de Vipassana

Nous sommes déjà bien avancés sur la vraie voie de Vipassana.

C'est en effet ce type de connaissance qui nous permet de faire désormais l'expérience des démarcations entre les états de l'esprit et de la matière, qui se succèdent à grande vitesse.

En augmentant encore notre prise de conscience, la connaissance de l'émergence et de la disparition devient de plus en plus fine. Ce niveau de vision intérieure correspond déjà à un degré de sagesse très avancé.

C'est le type de sagesse qui détruit l'illusion de la permanence de l'esprit et de la matière, qui nous montre qu'ils ne peuvent être une source de bonheur durable, et que le « je » n'y a aucune part.

C'est cette sagesse qui anéantit un grand nombre des opinions erronées qui encombraient notre esprit. Cependant, cette connaissance de la vision intérieure est toujours temporaire, et n'a pas encore la capacité de déraciner toutes les opinions erronées. Elle permet cependant de commencer à éradiquer les erreurs qui nous font confondre l'expérience avec le « soi ».

C'est un niveau de connaissance si élevé que le maître n'a pas besoin de rassurer le méditant sur le fait qu'il a réalisé la vérité. Sa propre vision intérieure lui permet de porter des jugements clairs et sûrs.


La véritable libération de l'esprit.

Une grande joie et une grande légèreté apparaissent alors dans l'esprit ; une clarté de perception telle que l'on n'en n'a jamais connu. C'est un avant-goût de la véritable libération de l'esprit.

Tout cela n'a rien à voir avec les connaissances que l'on peut acquérir par l'étude ou la lecture, qui ne nous permettront jamais de faire l'expérience de la vérité de l'existence. Seule, la contemplation peut nous y amener.

Lorsque nous pensons, ou que nous sommes en contemplation, notre pensée conceptuelle ne porte que sur le passé et le futur, et ignore totalement le présent. La pensée ne nous permet que de raccorder le passé au futur par le biais de comparaisons, à partir de pensées qui n'ont rien à voir avec l'expérience directe de la réalité présente. Ces pensées n'ont donc pas le pouvoir d'éliminer les états mentaux négatifs latents, qui ne peuvent être éradiqués que par un esprit libéré de toutes les erreurs auxquelles il était assujetti.

Le doute, l'incertitude ou toute autre forme de suspicion concernant ces questions, sont abolis. Nous voyons clairement les facteurs et les causes qui interviennent dans l'esprit et dans la matière, et faisons progressivement l'expérience de la vérité.

Si le méditant s'attache à la connaissance de l'émergence et de la disparition, ou s'il a au préalable pratiqué la concentration à un degré élevé, certains états mentaux négatifs peuvent intervenir pendant cette période.


L'expérience des états mentaux négatifs

L'expression « états mentaux négatifs de la vision inté­rieure » signifie que le méditant parvenu à ce degré de vision intérieure expérimente des états mentaux négatifs « discrets ».

Ceux-ci, qui sont des formes d'attachement très subtiles, sont au nombre de dix.

Ils peuvent être causés par l'attachement au pouvoir de concentra­tion, et ralentiront les progrès vers un niveau de vision intérieure plus élevé. Ainsi, l'esprit peut être empli de bonheur et d'extase. Un attachement subtil intervient, et la motivation du méditant pour atteindre un niveau supérieur de vision intérieure s'en trouve réduite.

Nous voyons ainsi comment ces états mentaux négatifs empêchent de progresser. Si le méditant n'a pas la sagesse nécessaire, il ne pourra pas aller plus loin.

Nous devons donc avoir parfaitement conscience de ce phénomène pour que la sagesse puisse nous montrer la bonne voie. Sinon, nous n'obtiendrons pas de résultats et ne saurons pas pourquoi.

Cela est une étape difficile car ces sentiments peuvent devenir si subtils, si agréables, si pleins de jouissance qu'ils peuvent tromper le méditant et lui faire croire qu'il a atteint l'Éveil et le nirvana.

Une bonne prise de conscience correspond au moment où nous voyons que pour atteindre des niveaux supérieurs de vision intérieure, il nous faut renoncer à tout attachement aux états mentaux que nous avons atteints.

L'extase, la concentration et même l'attention peuvent devenir l'objet d'attachements très subtils. Lors que nous comprenons qu'un détachement absolu est indispensable, ces états mentaux négatifs disparaissent.

L'expérience de la dissolution des phénomènes

Nous pouvons alors atteindre le niveau de vision intérieure que nous appelons pureté par la connaissance et vision de la voie. Cette vision intérieure correspond au moment où nous réalisons que la voie du nirvana exige que nous renoncions à toute forme d'attachement à des états de l'esprit ou de la matière.

C'est à partir de ce moment que se développent les niveaux les plus élevés de la vision intérieure.

Plus l'attention portée à la connaissance de l'émergence et de la disparition nous révèle la vérité, plus grande devient la sagesse.

C'est alors qu'intervient le niveau de dissolution des phénomènes. Plus le méditant fixe son attention sur l'objet présent, plus il fait l'expérience de la dissolution de l'esprit et de la matière. C'est une sensation effrayante. Mais tant qu'il demeure fixé sur l'objet présent, ce n'est plus que la dissolution de l'esprit et de la matière qui retient son attention. Cela s'appelle la connaissance de la dissolution, qui montre que tout ce dont nous faisons l'expérience est dangereux, effrayant, insubstantiel et déplaisant ; le méditant, lassé de tout, se détache de plus en plus de l'esprit et de la matière.

Le sentiment de détachement qui survient s'appelle connaissance de l'aversion, et le désir d'attachement s'affaiblit de plus en plus au fur et à mesure de la pratique.


La connaissance de l'équanimité à l'égard de toutes les formations

Enfin, le méditant atteint le plus haut stade de clarté et de détachement, la connaissance de l'équanimité à l'égard de toutes les formations.

C'est à partir de ce moment, l'esprit libre de tout attachement et de tout état mental négatif, que le pratiquant peut faire l'expérience du nirvana.

C'est là une description très sommaire des stades les plus élevés de la voie de la vision intérieure.

Je voudrais terminer en soulignant une nouvelle fois l'importance du niveau de la connaissance de l'émergence et de la disparition. Si votre pratique vous amène à ce niveau de connaissance, rien ne vous barrera plus la route vers les niveaux supérieurs, jusqu'à ce que vous compreniez enfin la nature pleine et entière de l'esprit et de la matière et que vous fassiez l'expérience de la cessation du processus, le nirvana.

Une seule voie peut mener au nirvana (nibbana), c'est l'établissement de l'attention

Il y a un dernier point que je voudrais examiner avec vous.

Vous avez sans doute souvent entendu dire que pour atteindre le nirvana, il n'y a aucune procédure particulière à respecter ; qu'il n'y a ni règles ni méthode, et que tout ce que nous accomplissons est juste puisqu'il existe plusieurs voies et qu'en fin de compte toutes les voies nous mèneront au nirvana.

Mais les preuves et la raison nous disent que cela est faux. La preuve est faite, et tous les bouddhistes le savent, que le Bouddha lui-même a dit qu'une seule voie pouvait mener au nirvana, et que cette voie est l'établissement de l'attention.

Si l'on se met à pratiquer la méditation selon sa propre méthode, chacun créera sa doctrine, afin de prouver que sa voie est la seule valable pour atteindre le nirvana. Cela est-il raisonnable ou possible ? Si tel est le cas, le Bouddha ne disait pas la vérité, et il n'avait pas à enseigner sa pratique.

Nous savons que durant la vie de Bouddha il existait de nombreuses sectes et de nombreuses pratiques de méditation. Les pouvoirs surnaturels tels que voler dans les airs, marcher sur l'eau, traverser les montagnes, étaient courants à cette époque. Mais nul n'avait jamais enseigné la véritable voie du nirvana.

Donc, que tous ceux qui pensent qu'il y a de multiples voies réfléchissent à cette question. N'oubliez pas que nous rendons hommage au Bouddha pour nous avoir enseigné la méthode du développement mental qui permet d'atteindre le nirvana. C'est la raison pour laquelle les bouddhistes considèrent le Bouddha comme le plus grand homme du monde, et rendent hommage à ses vertus de sagesse, de pureté et de compassion.

Si nous ne cultivons pas le développement de la vision intérieure selon les principes de l'établissement de l'attention, nous ne pouvons comprendre réellement le bouddhisme. Aujourd'hui même, peu de gens comprennent clairement l'établissement de l'attention. Bien que ce système soit parfaitement accessible à la raison, il ne se laisse pas saisir immédiatement.

Nous devons étudier et faire appel à la raison, puis prouver la validité de nos réflexions par la pratique. Le bouddhisme doit sans cesse être mis à l'épreuve de la pratique pour que nous puissions accéder à la vérité.


Source : le développement de la vision intérieure (sur dhamma anussati)

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