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Personnellement, j'ai choisi de faire des retraites (intensives ou non intensive, peu importe), la plus part du temps; sous la guidance d'un moine ou sous la guidance d'un laïc mais relié à une sangha monastique.
Durant de telles retraites, la prise de refuge est quotidienne.
Comme je l'ai mentionné dans le chapitre "présentation" de la retraite:
Toute "méthode", que ce soit la méthode "Mahasi" ou une autre, peu importe; si elle n'est pas accompagnée de saddha (la foi) , sila (la moralité : respect des préceptes) et de la compréhension du dhamma, n'est qu'une "méthode" qui ne conduit à rien, en tout cas certainement pas au "bouddhisme".
- Dans le Bouddhisme Theravada classique (et plus largement dans toute la pratique bouddhiste classique), la pratique de satipatthana ( plus exact que de dire "la pratique de vipassana"), pour devenir samma-sati, l’attention juste, doit se dérouler dans le contexte des Quatre Nobles Vérités, c'est-à-dire qu’elle doit être précédée et guidée par la vue juste, et motivée par les intentions justes, sans même mentionner qu’elle doit être associée avec les trois facteurs éthiques de la Voie.
Ci après, des extraits d'un enseignement remarquable de Bhikkhu Bodhi
interview de Bhikkhu Bodhi
Né à New York en 1944, il obtient plusieurs diplômes de philosophie de 1966 à 1972. Fin 1972, il part au Sri Lanka où il est ordonné moine bouddhiste. A partir de 1984 il est l’éditeur de la « Buddhist Publications Society » à Kandy et en devient le président en 1988. Il est auteur, traducteur et éditeur de nombreux livres sur le bouddhisme Theravâda dont les plus importants sont :
- en 1978 : Le Discours totalisant l’ensemble des vues
- en 1993 : Manuel de compréhension de l’Abhidhamma
- en 1995 : Moyens Discours du Bouddha
- en 2000 : Le Recueil des Discours du Bouddha
Il est également membre de la World Academy of Arts and Sciences.
Qu'est-il arrivé au Sangha monastique ? par Bhikkhu Bodhi
(...) Le rôle des moines est, en théorie, l’étude intensive du Dhamma et de la méditation, autant que le service pour les laïcs.
Ce qui se passe en pratique, cependant, dans la plupart des temples des pays d’Asie d’obédience théravādine, c’est que le rôle d’exercer les services pour les laïcs finit par dominer ; et il est même devenu la fonction majeure des moines dans les temples. Il arrive même que l’étude intensive et profonde du Dhamma ait disparu et que la pratique de la méditation ait presque également disparu de telle sorte qu’elle s’est réduite à seulement cinq ou dix minutes d’assise paisible au cours de la pratique dévotionnelle quotidienne.
Les moines de la forêt mettent souvent l’accent sur la méditation dans l’espoir d’atteindre la véritable réalisation.
Malgré tous leurs manquements, dans le bouddhisme asiatique traditionnel, ces activités s’appuient sur un contexte ancien qui implique la confiance dans les trois Joyaux comme objets de dévotion et une vue du monde largement dominée par les sutta et leurs commentaires. Cela repose sur une confiance solide en la Loi du kamma et de la renaissance et sur une recherche de Nibbāna en tant qu’état de réalisation transcendant le monde.
En revanche, les Occidentaux modernes, approchent le Dhamma avec une attitude de la conscience entièrement différente.
En général, ils jouissent d’un niveau d’éducation bien plus élevé que les bouddhistes traditionnels de village. De nombreux Occidentaux ont lu beaucoup d’ouvrages sur la psychologie et sur les sujets que l’on peut regrouper sous le titre de « spiritualité » et de « conscience supérieure ». Ils approchent aussi le Dhamma avec divers problèmes à l’esprit et c’est pourquoi, très naturellement, ils recherchent des solutions variées.
Lorsque les Occidentaux viennent au bouddhisme, ils joignent à leur rencontre avec le Dhamma, un sens très vif de ce que j’appellerai « la souffrance existentielle »
Ce sentiment de souffrance existentielle ou de « vide fondamental » est le premier motif qui pousse de nombreux Occidentaux à rechercher le Dhamma.
Les gens qui sont l’objet d’une telle souffrance viennent au Dhamma à la recherche de ce que j’appellerais une « thérapie radicale ».
Comme ils ne sont généralement pas atteints d’une psychopathologie, ils n’utilisent pas le Dhamma en tant que psychothérapie.
Bien qu’ils aient été critiqués et accusés de le faire, à mon avis, ce n’est pas le cas.
Mais ils s’approchent du Dhamma avec ce que nous pourrions appeler une « thérapie existentielle ».
Ils cherchent à combler un trou au fond de leur existence. Ils essayent avant tout une pratique qu’ils peuvent intégrer à leur vie quotidienne afin d’en améliorer la qualité.
Ils ne cherchent pas d’explications, ni une nouvelle religion ; et, généralement, ils ne cherchent pas un nouveau système de croyance.
Ils viennent au Dhamma à la recherche d’une thérapie radicale, d’une méthode qui va leur
procurer des changements concrets, tangibles et immédiats dans leur façon d’expérimenter
leur monde. Et de nombreux maîtres du Dhamma – présentent le Dhamma exactement de cette manière.
Ils présentent le Dhamma comme une pratique, un chemin, une Voie qui vont améliorer ce sens troublant de souffrance existentielle.
Ils le présentent comme une thérapie radicale, pragmatique, existentielle qui n’exige aucune croyance, qui ne demande pas d'autre foi qu’une acceptation d’appliquer la méthode et de voir quels résultats on peut en tirer.
Ce qui est donné est quelque chose qui est bien résumé par le titre d’un livre très populaire sur le bouddhisme, un titre et un livre qui expriment très bien la nature de cette pratique laïque du Dhamma. « Le Bouddhisme libéré des croyances » ( de Stephen Batchelor)
(...)
La transformation qui a affecté le bouddhisme lorsqu’il est passé de l’Asie à l’Occident:
Maintenant, les Occidentaux qui se tournent vers le bouddhisme ou la pratique du Dhamma parce qu’ils sont oppressés, consciemment ou inconsciemment, par le sentiment de la souffrance existentielle, voient le Dhamma comme un moyen de retrouver un certain sens et un but à leur vie. Non seulement ils le voient ainsi, mais cela marche ainsi.
Dans la Tradition Theravāda ou dans le mouvement Vipassanā, la pratique de l’attention y contribue en nous aidant à couper le fil de la conceptualisation et à trouver un contact direct et renouvelé avec notre expérience immédiate.
Cela nous aide à réaliser un rapport neuf à notre expérience sensorielle, à revenir au moment présent, à être en rapport plus direct au fonctionnement de notre mental, et de cette manière, de jouir de relation humaines plus vivantes, plus dynamiques, plus enrichissantes.
Et ainsi, la méditation sur l’attention se révèle comme une technique qui nous ramène à l’expérience concrète de la réalité, la réalité qui est toujours fraîche, à tous les instants.
Pour de nombreuses personnes, c’est vraiment une étonnante révélation.
Evidemment, cette fonction de l’attention est commune à la fois au bouddhisme classique et à la pratique de la méditation enseignée dans le mouvement Vipassanā laïque.
Etant donné que cette fonction de l’attention est commune au deux courants, nous pouvons poser la question :
« Pourquoi le mouvement Vipassanā laïque reste-t-il avant tout un mouvement Vipassanā laïque » ? Pourquoi n’évolue-t-il pas vers un Sangha monastique?
Et nous pouvons demander : « Y a-t-il une véritable différence entre le style de méditation sur l’attention préconisée par la tradition laïque Vipassanā et la méditation sur l’attention enseignée dans le système monastique classique » ?
Cependant, pour que le sentiment de la souffrance existentielle produise la perception de ce que j’appelle la « nature perpétuellement et intrinsèquement insatisfaisante de l’existence samsarique », il faut encore deux facteurs supplémentaires.
Quels sont-ils ?
La Foi et la vue Juste
L’un d’eux est la « Foi ». En Pāli, cela s’appelle saddhā.
Et qu’est-ce que veut dire saddhā ? Cela veut dire, foi en le Triple Joyau : Le Bouddha, le Dhamma, le Sangha. Cela veut dire foi en le Bouddha en tant que Maître pleinement illuminé ; foi en le Dhamma en tant qu’enseignement du Bouddha, tout l’enseignement, pas seulement une sélection de ses dires, intelligemment disposés et organisés et cités à l’occasion, souvent mal cités selon ce qui nous arrange; et la foi dans le Sangha.
Cette foi ne signifie pas foi dans la communauté de ceux qui pratiquent ensemble (ce qui n’est pas le sens du mot Sangha) ; cela veut dire foi, d’abord dans l’ariya Sangha, la communauté invisible de ceux qui ont atteint la réalisation du Dhamma transcendant le
monde – et aussi foi dans le Sangha monastique en tant que communauté (mais pas tous les
moines et les nonnes) – une communauté qui se trouve dans ce monde comme la représentation incarnée, visible, humaine de l’ariya Sangha.
Il me faut insister sur le fait que le mot saddhā employé dans les textes bouddhiques, que nous traduisons par foi, est particulièrement lié au Bouddha Dhamma.
Il est devenu à la mode parmi les maîtres laïques du Dhamma, tout en rejetant les « croyances », de louer la foi.
La foi, cependant, est alors expliquée de telle façon que ses liens avec le Triple Joyau sont atténués, voire complètement détruits, de telle façon que l’on pourrait avoir foi en a peu près tout ce qui est considéré comme bon, sacré et saint, et que ce soit acceptable.
La foi a des aspects variés ; elle est synonyme de croyance mais l’un de ses aspects est du domaine de la connaissance et cela implique que l’on possède certaines croyances.
- Parmi celles-ci est la croyance que le Bouddha historique, Gautama du clan des Sakya, était le Bouddha pleinement éveillé de cette période historique ; et la croyance que Son enseignement est celui qui mène à l’éveil et à la libération ; et la croyance que ceux qui ont suivi et pratiqué Son enseignement avec un haut degré de succès ont atteint la réalisation transcendant le monde.
C'est-à-dire que, pour le bouddhisme classique, la foi est uniquement fondée sur le Triple Joyau et fondée sur le Triple Joyau au moyen de certaines croyances.
La Foi implique aussi la dévotion
- La foi implique également une composante émotionnelle. Elle implique la dévotion et dans ce cas c’est la dévotion au Triple Joyau, par-dessus tout, l’amour et la dévotion envers le Bouddha en tant qu’être humain qui a parfaitement réalisé toutes les nobles qualités du Dhamma ; de même, parce qu’il est celui qui, de par sa grande compassion, s’est chargé du fardeau d’enseigner et de transformer les sentiments d’êtres obtus comme nous.
Je pense que cet aspect de la dévotion manque remarquablement sur la scène du bouddhisme laïque contemporain (...)
Ainsi, un facteur nécessaire pour que le sens de la souffrance existentielle amène au renoncement et à l’engagement dans la vie monastique, est-il la foi.
Un autre facteur est la « vue juste » (sammā ditthi)
C’est un facteur sur lequel je veux fortement mettre l’accent.
Dans les enseignements classiques, on trouve plusieurs niveaux de vue juste mais, pour faire simple, nous pouvons parler de deux sortes de vue juste.
La vue juste du kamma et de ses fruits
1-Le niveau le plus fondamental est la vue juste du kamma et de ses fruits et, pour comprendre vraiment bien son fonctionnement et ses fruits, il nous faut les considérer en relation avec la capacité de nos actions d’apporter leurs résultats au long d’une suite de plusieurs vies ; c'est-à-dire que la vue juste du kamma et de ses fruits implique une compréhension, au moins de principe, de la manière dont le kamma génère « le lien de la renaissance ».
De nombreux Occidentaux hésitent à accepter l’enseignement du kamma et celui de la renaissance parce qu’ils ne font pas partie de la culture occidentale.
Il y en a même qui proclament haut et fort que c’est une part du « bagage culturel » du bouddhisme asiatique qu’il nous faut laisser tomber afin de forger un nouveau bouddhisme américain (ou occidental) qui sera compréhensible aux gens de l’Ouest.
Il leur arrive même de prétendre que les enseignements concernant le kamma et la renaissance sont simplement les entraves du dogme et des croyances que les bouddhistes d’Asie se sont imposés à eux-mêmes. Aujourd’hui, disent-ils, nous avons dépassé les dogmes religieux et les croyances ; nous voulons être totalement libres, au présent, et cela signifie que nous devons nous libérer de tous les dogmes bouddhistes et de leurs croyances.
(...)les enseignements sur le kamma et la renaissance sont faits pour expliquer les lois universelles de la vie morale ; ces enseignements expliquent des lois qui sont d’une importance vitale pour nous parce que ce sont des lois qui gouvernent notre destinée à venir ; de vie en vie, des lois qui sous-tendent tous les processus qui nous font progresser depuis le stade d’humain illusionné jusqu’à celui d’un Arahant libéré ou d’un Bouddha parfaitement éveillé. Ces enseignements (au moins leurs plus anciennes versions) proviennent du Bouddha lui-même.
Ils faisaient partie de son enseignement et ils les transmettaient aux humains pour une bonne raison.
Ces lois nous apprennent à prendre des décisions éthiques fondamentales dans notre vie quotidienne ; elles nous arrachent au mal et nous mènent vers le bien ; elles sont l’épine dorsale de la spiritualité bouddhiste. Elles sont fondamentales à toute la signification du Dhamma.
Nous devons parvenir à une certaine compréhension de ces lois
Si nous ne parvenons pas à une certaine compréhension de ces lois en pensant : « Il suffit que je sois attentif au présent pour parvenir aux plus hautes réalisations », nous serons comme un homme qui s’approche d’un lac avec une passoire pensant qu’il va pouvoir s’en servir pour prendre de l’eau et remplir son sceau. Pour finir, il retournera chez lui avec un sceau vide.
Donc, la vue juste du kamma et de la renaissance – du kamma en tant que force qui génère des existences répétées dans la ronde de la naissance et de la mort - est l’arrière-plan fondamental grâce auquel le deuxième type de vue juste acquiert sa pleine signification.
La vue juste des quatre Nobles Vérités
2-Ce deuxième type de vue juste (la plus haute vue juste qui mène à la libération) est la vue juste des Quatre Nobles Vérités.
(...) les Quatre Nobles Vérités ne peuvent être enseignées correctement, ne peuvent être comprises correctement si elles ne sont pas enseignées et comprises avec l’aide de la vue juste du kamma et de ses fruits, avec l’aide d’une vraie compréhension du samsāra.
Je dois ajouter, néanmoins, que lorsqu’on expose l’enseignement du Bouddha à des gens relativement nouveaux-venus dans le bouddhisme, il convient de faire certains accommodements.
On ne peut pas exposer l’enseignement du kamma et de la renaissance à des étudiants novices comme un article de croyance nécessaire dés leur première conférence sur le bouddhisme.
Donc, je pense que le principe général que l’on pourrait conseiller – en fait que l'on doit donner - est ce que j’appellerais une présentation « adaptée » ou « accommodée » des Quatre Nobles Vérités, ainsi que le Bouddha l’a fait en diverses occasions,
sans parler de renaissance ; il ne faut pas effrayer les gens en leur enseignant d’un coup des choses qu’ils ne sont pas préparés a accepter.
Donc, on peut présenter les Quatre Nobles Vérités sur un plan psychologique, en montrant comment la souffrance apparaît et cesse par rapport à notre désir et à notre attachement.
Cela va permettre aux auditeurs de percevoir l’enseignement du Bouddha comme une chose que l’on peut vérifier, au moins en partie, au cours de notre expérience actuelle. Mais évidemment, dès que leur confiance en l’enseignement est établie, il faut les conduire vers une compréhension plus large, plus complète du Dhamma.
Par conséquent, je dirais, si l’on veut donner une explication vraiment compréhensible, tout à fait adéquate des Quatre Nobles Vérités, une présentation qui les définit dans leur profondeur, il faut alors apporter la vue juste du kamma et de ses fruits comme leur fondement et les traiter comme un diagnostic de notre définition du samsāra.
La soif d'une nouvelle existence produit une nouvelle existence
Si l’on veut expliquer comment les cinq agrégats d’attachement sont dukkhā au sens profond, il faut expliquer comment ces cinq agrégats sont « acquis » encore et encore à cause de notre soif d’une existence nouvelle.
S’il faut expliquer, encore plus en profondeur, comment la soif fonctionne en tant que Seconde Vérité, la cause de dukkhā, il faut expliquer comment la soif est ponobhavika,, c'est-à-dire comment elle produit une nouvelle existence.
Et si l’on veut expliquer convenablement comment l’élimination de la soif procure la cessation de dukkhā, de la souffrance, il faut encore expliquer comment l’élimination de la soif amène à la cessation des existences répétées, en procurant une paix inconditionnée et la liberté du Nibbāna.
Si l’on ne fait pas cela pour des gens qui sont prêts, dont le mental est mûr, alors on ne les conduit pas vers une juste compréhension du Dhamma.
Si on les nourrit avec des présentations adaptées du Dhamma, des enseignements et des pratiques faits pour enrichir leur vie, sans les tirer vers la vérité ultime qui transcende la vie et la mort, sans les amener à une vision du Sans-Mort, alors on ne sert pas comme un transmetteur responsable du Dhamma.
Ce qui se passe actuellement au sein de ce qu’on appelle en gros, la « Tradition Theravāda » consiste en ce que le Dhamma est d’abord enseigné sur la base de l’équation : « Dhamma = méditation de l'attention = pure attention ».
La méditation de l’attention est ainsi sortie de son contexte original
La méditation de l’attention est ainsi sortie de son contexte original, le contexte du Noble Octuple Sentier tout entier – qui comporte la vue juste, comme je l’ai exposé plus haut, mais également l’intention juste, qui inclut l'intention du renoncement, la morale juste avec des facteurs variés comme le contrôle du corps et de la parole, l’effort juste, cherchant à transformer le mental par l’abandon des tendances mauvaises et le développement des bonnes qualités.
Au lieu de tout cela, on l’enseigne comme un moyen d’augmenter ou d’intensifier l’expérience simplement en restant attentif à ce qui se passe au moment présent.
(...) en Occident, nous sommes devenus les prisonniers de nos élaborations conceptuelles, et parce que notre société et notre civilisation ont été dépassées par notre propre volonté de chercher à maîtriser le monde par des schémas d’interprétation conceptuelle ; nous cherchons à nous réfugier dans la non-conceptualisation de l’attention pure comme moyen de parvenir à une paix plus grande et à un meilleur accomplissement intérieur. Nous revenons à un contact direct avec notre expérience personnelle en mettant notre attention sur ce qui se passe à chaque occasion de l’expérience, ce qui amène à ce que j’appelle « l’agrandissement et l’intensification de l’expérience ».
Cette façon de pratiquer, disons-le, apporte une plus grande paix et une certaine liberté intérieure.
Mais ce qui reste une question, cependant, c’est si cela peut vraiment amener à la paix ultime et la liberté parfaite que la pratique du Dhamma est supposée apporter ?
Et la réponse à laquelle je suis arrivé, fondée sur ma propre compréhension, c’est que, à elle seule, elle ne le peut pas.
L’attention juste, qui est beaucoup plus que l’attention pure, trouve sa place dans le contexte entier du Noble Sentier Octuple et elle présuppose la foi, la compréhension juste, la conduite juste et d’autres facteurs variés.
(...) tant que la méditation sur l’attention sera enseignée de cette façon, la vie monastique va nécessairement apparaître comme une option parmi d’autres.
La vie monastique et la vie de maître de maison vont apparaître comme deux options de valeur égale ; le célibat et la vie de quelqu’un qui s’est engagé dans un mode de vie ou la sexualité est basée sur l’éthique vont paraître également valides selon le Dhamma.
En fait, on peut même dire que pour un pratiquant du Dhamma, la vie de maître de maison est « plus » exigeante et donc « plus » riche et « plus » valorisante.
Pourquoi cela ? Parce que la vie monastique crée des frontières artificielles entre le sacré et le
séculier ; elle élève des murs entre le monde ordinaire et le monde de la transcendance; elle
nous sépare des possibilités de nouvelles expériences ; elle nous empêche de trouver des occasions nouvelles d’appliquer l’attention à la vie quotidienne.
Et ainsi, pour suivre cette argumentation, c’est un style de vie plus étroit, plus contraint, plus contraignant, plus pauvre,que le style de vie d’un pratiquant laïque sérieux.
Si cette façon de voir les choses était juste, le Bouddha n’aurait eu aucune raison d’établir un ordre monastique d’hommes et de femmes célibataires.
(...) Il me semble que ce qui est advenu à la Tradition Theravāda (avec peut-être des développements parallèles dans d’autres Traditions), c'est que la pratique de la méditation de l’attention a été détachée de son contexte classique et ensuite enseignée selon un cadre différent.
Elle est enseignée à des gens qui, tout en ayant rejeté la vue mécaniste du monde de la science moderne, ont un mental largement façonné par cette même vue du monde.
Cette pratique est enseignée à des gens qui, tout en disant qu’ils ne veulent pas adopter un nouvel « isme », y compris le bouddhisme, souscrivent largement à des vues matérialistes du monde,même s’ils ne l’admettent pas.
En tout cas, ils pratiquent souvent une attitude d’agnosticisme qui est encore un « isme ».
Et cela contribue à façonner leur expérience de la méditation bouddhique et leur façon de se l’approprier de telle sorte que leur méditation ne fonctionne plus comme une discipline de libération, dans le sens traditionnel, mais comme une technique thérapeutique.
Ce n'est peut-être pas une psychothérapie au sens strict, mais ce sera tout de même une thérapie existentielle faite pour réconcilier l’individu et l’existence conditionnée en ouvrant de plus grandes possibilités d’accomplissement au sein de l'existence conditionnée ;
elle ne va pas se transformer en chemin d’émancipation des limites, de la finitude, et des
défauts de l’existence conditionnée elle-même.
Elle va servir de thérapie vis-à-vis du sentiment d’absence de signification, par rapport au vide existentiel que la civilisation moderne traîne derrière elle.
Ce ne sera pas un moyen de transcender tous les modes thérapeutiques, ni une manière d’éradiquer complètement les kilesa, les souillures et les illusions; ce ne sera pas un moyen qui mène tout droit au-delà du cercle vicieux de la naissance et de la mort.
la contemplation de l’impermanence.
Pour les maîtres du Vipassanā aussi bien que pour le bouddhisme Theravāda monastique basé sur le Canon Pāli, l’impermanence consiste à « ne pas s’attacher, si vous vous attachez à quelque chose, vous allez subir la souffrance ».
Mais chacun tire des conclusions différentes de cette thèse, vraiment des conclusions presque contraires.
Pour le bouddhisme canonique l’impermanence est le passage obligé vers la compréhension radicale de dukkhā, la marque de la souffrance.
Tout ce qui est impermanent est dukkhā ; tout ce qui est impermanent, dukkhā, et sujet au changement doit être considéré ainsi : “ce n’est pas moi, je ne suis pas cela, ce n'est pas mon moi”.
Alors, quoi qu’il y ait dans les cinq agrégats, le noble disciple voit tout cela comme “pas moi, pas à moi, pas mien”. En le voyant ainsi, on s’en détache. Une fois détaché, on arrive à l’absence de passion. Par l’absence de passion, il y a libération ». Et libération (vimutti), ici, signifie libération du mental des souillures primordiales, les āsava et la libération du cercle des renaissances.
Mais de nombreux méditants Vipassanā laïques voient le fait de l’impermanence comme un fait emprunt de signification positive.
Il est vrai que s’accrocher à ce qui est impermanent amène la souffrance. Mais il est dit qu'on peut s’immerger complètement dans l’impermanent sans s’accrocher à rien et s’est souvent la leçon qui en est tirée.
Ainsi le fait que s’accrocher à l’impermanent amène la souffrance veut dire que l’on devrait vivre dans le monde et expérimenter toutes choses avec révérence et émerveillement « dansant avec les milliers de choses sans s’y accrocher ».
Une fois encore, nous sommes amenés, par la pratique de l’attention, à une affirmation et à une appréciation nouvelle du monde.
Du point de vue du bouddhisme classique, cela revient à une réaffirmation subtile du samsāra.
La sagesse et la compassion sont les deux « ailes » du bouddhisme.
Les deux vertus excellentes. La sagesse étant le couronnement de la vertu intellectuelle et la compassion le couronnement de notre nature affective.
Il me faut ajouter que la foi profonde et la Vue juste sont également nécessaires pour que la compassion atteigne sa plénitude.
source : lerefuge
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