mercredi 23 janvier 2008

Comme une eau calme qui coule






Un enseignement de Ajahn Chah, traduit par Jeanne Schut


Je vous demande, à présent, d’être très attentifs, de ne pas laisser votre esprit vagabonder ailleurs. Essayez de vous percevoir comme si vous étiez assis sur une montagne ou quelque part dans une forêt, tout seul.



nama et rupa le corps et l’esprit.

Qu’avez-vous là, tandis que vous êtes assis ? Il y a le corps et l’esprit, c’est tout, rien d’autre que ces deux choses-là. Tout ce qui est contenu à l’intérieur de cette forme assise ici, c’est « le corps ». Quant à «l’esprit », c’est ce qui est conscient et qui pense à cet instant précis. On les appelle aussi nama et rupa.

Nama c’est ce qui n’a pas de rupa, c’est-à-dire de forme. Toutes les pensées, les sensations ou encore les quatre khandha de la sensation, de la perception, de la volition et de la conscience. Tous sont nama, sans forme. Quand les yeux voient une forme, cette forme est appelée rupa, tandis que la conscience de la forme est nama.
Ensemble ils forment nama et rupa ou, tout simplement, le corps et l’esprit.

Comprenez que ce qui est assis ici en ce moment, ce ne sont que le corps et l’esprit. Mais nous confondons ces deux choses. Pourtant, si vous voulez la paix, vous devez les connaître pour ce qu’elles sont. Tel qu’il est actuellement, l’esprit n’est pas encore entraîné, il est sale, opaque. Ce n’est pas encore le pur esprit. Nous devons continuer à l’entraîner au moyen de la méditation.



On peut pratiquer à tout moment.

Certains croient que méditer signifie s’asseoir d’une certaine façon mais en réalité
toutes les positions sont de bons véhicules pour la pratique de la méditation, que l’on soit
debout, assis, en marche ou allongé.

Samadhi signifie littéralement « l’esprit fermement établi ». Pour développer le samadhi, il ne faut pas étouffer l’esprit. Certaines personnes essaient d’apaiser leur mental en s’asseyant calmement et en faisant en sorte que rien ne vienne les déranger, mais cela revient à être mort !


La pratique de samadhi a pour but de développer la sagesse et la compréhension.

Samadhi c’est l’esprit stable, fixé sur un point unique. Sur quel point est-il fixé ? Sur le point d’équilibre. C’est là qu’il se fixe.

Mais les gens pratiquent la méditation en essayant de faire taire leur mental. Ils disent : « J’essaie de m’asseoir en méditation mais mon mental refuse de se calmer une seule minute. Il ne cesse de partir dans tous les sens. Comment puis-je l’arrêter ? »

Il ne s’agit pas de l’arrêter. Il faut qu’il y ait du mouvement pour que la compréhension surgisse. Les gens se plaignent : « Mon esprit s’échappe, je le ramène et puis il repart à nouveau. » Et ils passent leur temps, assis là, à courir derrière leur esprit.

Ils croient que leur esprit court dans tous les sens, mais en réalité ce n’est qu’une impression. Regardez cette salle, par exemple. Certains diront : « Oh ! Comme elle est grande ! » alors qu’en fait elle n’est pas grande du tout. Si elle vous paraît grande, c’est à cause de votre perception personnelle des choses. En fait, cette salle a simplement la taille qu’elle a, elle n’est ni grande ni petite. Mais voilà, les gens passent leur temps à courir derrière leurs sensations.


Il faut d’abord comprendre ce qu’est la paix, sinon vous ne pourrez jamais la trouver.

Méditer pour trouver la paix … Il faut d’abord comprendre ce qu’est la paix, sinon vous ne pourrez jamais la trouver. Supposons, par exemple, que vous soyez venu au monastère aujourd’hui avec un stylo très cher dans la poche de votre veste. A un certain moment vous vous en êtes servi et puis vous l’avez rangé ailleurs, par exemple dans la poche de votre pantalon. Et puis voilà que vous touchez votre poche de veste et vous sentez qu’il n’y est plus. Alors, vous paniquez. Vous paniquez du fait de votre compréhension erronée de la situation. Résultat : vous en souffrez. Tout en allant et venant, vous ne cessez de penser au stylo que vous croyez avoir perdu. Votre compréhension erronée fait que vous souffrez. Une compréhension erronée des choses engendre la souffrance. « C’est tellement dommage ! Je venais juste d’acheter ce stylo et voilà que je l’ai perdu. »

Et puis tout à coup, vous vous souvenez : « Mais bien sûr ! Quand j’ai retiré ma veste, je l’ai mis dans la poche de mon pantalon. » A peine vous rappelez-vous cela que vous vous sentez déjà mieux, alors que vous n’avez même pas vu votre stylo. Vous me suivez ? Vous êtes déjà heureux, vous cessez de vous inquiéter pour votre stylo. Vous êtes absolument sûr de vous. En marchant vous passez la main sur la poche de votre pantalon et vous le sentez. Pendant tout ce temps votre esprit vous a trompé. L’angoisse venait de votre ignorance. Et puis vous voyez le stylo et tous vos doutes s’envolent, vos angoisses s’apaisent.

Cette forme de paix surgit quand on perçoit la cause du problème, samudaya, la cause de la souffrance. Dès que vous vous rappelez avoir mis le stylo dans votre poche de pantalon nirodha apparaît, la cessation de la souffrance.


Ce que les gens appellent généralement « paix » est simplement l’apaisement du mental, pas l’apaisement des illusions.

Il faut donc savoir observer pour pouvoir trouver la paix. Ce que les gens appellent généralement « paix » est simplement l’apaisement du mental, pas l’apaisement des illusions.
Les illusions sont mises de côté pendant ce temps-là, comme de l’herbe que l’on couvrirait d’un rocher. Si vous retirez le rocher trois ou quatre jours plus tard, très vite l’herbe recommencera à pousser. Elle n’avait pas disparu, elle avait seulement été dissimulée.

C’est exactement la même chose en méditation : le mental se calme mais pas les illusions qu’il charrie. C’est pourquoi le samadhi n’apporte aucune certitude.


Pour trouver une paix véritable, il vous faut développer la sagesse.

Le samadhi apporte une certaine forme de paix, comme le rocher qui couvre l’herbe … mais elle repousse quand vous le retirez. Ce n’est qu’une paix temporaire.

La paix qu’apporte la sagesse, c’est comme poser le rocher et puis le laisser là, ne plus le retirer. Alors l’herbe ne pourra plus repousser. Là se trouve la véritable paix, l’apaisement des illusions, la paix certaine qui résulte de la sagesse.

Nous parlons de la sagesse (pañña) et du samadhi comme s’il s’agissait de deux choses différentes mais il faut savoir que fondamentalement, ils ne font qu’un. La sagesse est l’aspect dynamique de samadhi et samadhi l’aspect passif de la sagesse. Ils ont la même origine mais prennent des directions différentes, assument des fonctions différentes.
(...)
Dans la pratique du Dhamma, on appelle un certain état samadhi et un autre état pañña mais en réalité sila, samadhi et pañña ne font qu’un.

Dans tous les cas, quel que soit l’aspect que vous considérez, vous devez toujours aborder votre pratique à partir de l’esprit. Savez-vous ce qu’est l’esprit ? A quoi il ressemble, ce qu'il est, où il est — nul ne le sait. Tout ce que nous savons, c’est que nous avons envie d’aller ici ou là, d’avoir ceci ou cela, que nous nous sentons bien ou mal … mais l’esprit lui-même semble impossible à connaître.


Qu’est-ce que l’esprit ?

L’esprit n’a pas de forme. Nous appelons « esprit » ce qui reçoit des impressions, bonnes ou mauvaises. C’est un peu comme le propriétaire d’une maison : il reste chez lui tandis que des visiteurs viennent le voir. Il est celui qui reçoit les visiteurs. Qui reçoit les impressions sensorielles ? Qui les repousse ? Quelle est cette chose qui perçoit ? C’est ce que nous appelons « l’esprit ».

Mais les gens ne le voient pas, ils continuent à tourner en rond dans leurs pensées : « Qu’est-ce que l’esprit ? Qu’est-ce que le cerveau ? » Ne mélangez pas tout comme cela. Qu’est-ce qui perçoit les impressions ? Qui aime certaines impressions et qui n’en aime pas d’autres ? Qui est-ce ? Y a-t-il quelque chose qui aime et qui n’aime pas ? Bien sûr mais vous ne le voyez pas. C’est ce que nous appelons l’esprit.


Dans notre pratique, il est inutile de distinguer samatha de vipassana ; appelez cela simplement la pratique du Dhamma.

Et puis menez cette pratique à partir de votre esprit. Qu’est-ce que l’esprit ? L’esprit est ce qui reçoit ou qui a conscience des impressions sensorielles. A certaines il réagit avec plaisir, à d’autres avec répulsion. Ce récepteur d’impressions nous conduit au bonheur et à la souffrance, au bien et au mal mais il n’a aucune forme. Nous imaginons qu’il s’agit d’un « soi » mais en réalité ce n’est qu’un namadhamma.

Le bien a-t-il une forme ? Et le mal ? Le bonheur et la souffrance ont-ils une forme ? Vous ne les trouverez nulle part. Sont-ils ronds ou carrés ? Courts ou longs ? Vous les voyez ? Ces choses-là sont namadhamma, on ne peut les comparer aux choses matérielles, elles n’ont pas de forme … et cependant nous savons qu’elles existent.


Il est recommandé de commencer la pratique en calmant le mental.

Mettez toute votre attention dans le mental. Quand il est attentif, il est en paix. Certaines personnes n’ont pas envie d’être attentives, elles veulent seulement avoir la paix, une sorte de rideau noir, de « black out », et ainsi elles n’apprennent jamais rien.

Si vous ne vous basez pas sur « ce qui sait » en vous, sur quoi reposera votre pratique ?
S’il n’y a pas de long, il n’y a pas de court ; s’il n’y a pas de bien, il n’y a pas de mal. De nos jours, les gens passent leur temps à étudier, à rechercher le bien et le mal, mais ils ne savent rien de ce qui est au-delà du bien et du mal. Ils ne connaissent que le bien et le mal : « Je ne vais prendre que ce qu’il y a de bien, je ne veux rien savoir de ce qui est mal. Pourquoi m’en préoccuper ? » Si vous essayez de ne prendre que ce qui est bon, très vite cela se transformera en mal. Le bien mène au mal. Les gens étudient le court et le long mais ce qui n’est ni court ni long, ils n’en savent rien du tout.(...)

Les gens recherchent le bien et essaient d’éloigner le mal mais ils n’étudient pas ce qui n’est ni bien ni mal. Si vous n’étudiez pas cela, vous n’en verrez jamais la fin. Si vous prenez le bien, le mal suivra. Si vous choisissez le bonheur, le malheur suivra. S’accrocher aux bonnes choses et refuser les mauvaises, c’est pratiquer un Dhamma pour enfants, c’est comme un jouet. Bien sûr, c’est acceptable jusqu’à un certain point, mais si vous vous emparez du bien, le mal suivra. Le bout de cette voie-là est incertain.

(...)

Pour réussir à calmer l’esprit et prendre conscience du récepteur des impressions sensorielles, nous devons observer comment il fonctionne, suivre « Ce qui sait », entraîner l’esprit jusqu’à le purifier complètement. Jusqu’où le purifier ? Quand l’esprit est vraiment pur, il est au-dessus du bien et du mal, au-dessus de la pureté elle-même. Il est achevé. C’est là que la pratique s’arrête. Ce que l’on appelle « s’asseoir en méditation » ne permet d’obtenir qu’une paix temporaire mais même dans cette sorte d’apaisement peuvent surgir certaines expériences.

Si quelque chose se produit, il doit y avoir une « présence » pour en prendre conscience, pour comprendre, observer, investiguer. Si l’esprit est complètement amorphe, ce n’est pas très fructueux.

En position assise, certaines personnes ont l’air très réservé et croient qu’elles méditent paisiblement mais la véritable paix n’est pas seulement avoir l’esprit au calme. Ce n’est pas la paix qui dit : « Puisse-je être heureux et ne jamais connaître la souffrance. » Avec cette sorte de paix, même l’obtention du bonheur finit par être insatisfaisante et la souffrance apparaît.


Ce n’est que lorsque vous pourrez amener votre esprit au-delà du bonheur et de la souffrance que vous trouverez la paix véritable.

Telle est la paix véritable. Telle est la matière que la plupart des gens n’étudient jamais, qu’ils ne voient jamais vraiment. La façon juste d’entraîner l’esprit est de le rendre lumineux, de développer la sagesse.

Ne croyez pas qu’entraîner l’esprit consiste seulement à s’asseoir tranquillement. Cela c’est le rocher qui recouvre l’herbe. Certains peuvent s’en enivrer. Ils croient que le samadhi, c’est s’asseoir mais ce n’est là qu’un des sens de ce mot. En réalité, si l’esprit connaît le samadhi, alors marcher est samadhi, s’asseoir est samadhi, être debout est samadhi, être allongé est samadhi.


Tout est pratique.

Certaines personnes se plaignent en disant : « Je ne peux pas méditer, je suis trop agité. A chaque fois que je m’assois je pense à ceci et à cela … Je n’y arrive pas. J’ai trop de mauvais karma. Je ferais mieux d’épuiser mon mauvais karma d’abord et puis je reviendrai essayer de méditer. » Essayez pour voir ! Essayez d’épuiser votre mauvais karma !

Voilà comment pensent les gens. Pourquoi pensent-ils ainsi ? Il faut que nous étudiions ces soi-disant empêchements. Quand nous nous asseyons pour méditer, l’esprit s’empresse de s’échapper. Nous le suivons et essayons de le ramener à la conscience et puis nous reprenons l’observation … et il s’échappe à nouveau. Voilà ce que vous devez étudier.

La plupart des gens refusent de tirer leçon de la nature (...) Ils refusent de voir comment l’esprit change. Comment voulez-vous développer la sagesse ? C’est précisément avec ces changements que nous devons vivre. Quand nous constatons que l’esprit est ainsi, sans cesse changeant, quand nous constatons que c’est tout simplement sa nature d’être ainsi, nous le comprenons.

Il faut que nous soyons conscients de notre esprit quand il pense du bien et quand il pense du mal, quand il passe de l’un à l’autre. Il faut le voir. Si nous comprenons bien cela, alors même quand l’esprit pense, nous pouvons être en paix.
(...)



Il faut être conscient des sensations. Certaines sont agréables et d’autres désagréables mais cela est secondaire

La paix est ainsi. Il faut être conscient des sensations. Certaines sont agréables et d’autres désagréables mais cela est secondaire, c’est leur affaire. (...)Nous finissons par comprendre que les sensations sont parfois agréables et parfois désagréables et que c’est dans leur nature. Une fois que nous les comprenons clairement ainsi, nous pouvons les reconnaître pour ce qu'elles sont et les laisser passer.


Les sensations sont incertaines. Elles sont "impermanentes", insatisfaisantes et sans "soi".

Tout ce que nous percevons est ainsi. Quand les yeux, les oreilles, le nez, la langue, le corps ou l’esprit reçoivent des sensations, sachons les reconnaître tout comme nous reconnaissons la nature des singes. Ainsi nous pourrons être en paix.

Quand les sensations s’éveillent, prenez-en simplement conscience — mais n'allez pas courir après ! Les sensations sont incertaines : elles sont comme ceci un instant, et comme cela l’instant d’après. Leur existence est liée au changement, tout comme notre existence à tous est liée au changement.

Pour vivre il faut respirer et, quand on respire, l’air est expiré et puis il doit être inspiré. Ce changement est indispensable. Essayez d’inspirer sans expirer ou d’expirer sans inspirer … Vous y arrivez ? Si ce changement n'avait pas lieu, combien de temps pourriez-vous tenir ? L’expiration et l’inspiration sont toutes deux nécessaires.

Il en va de même des sensations. Elles sont indispensables. Sans elles vous ne pourriez pas développer la sagesse. Sans le mal, le bien n’existerait pas. Il faut d’abord voir juste pour percevoir ce qui est erroné, et il faut comprendre qu’une chose est erronée avant de voir juste. Ainsi vont les choses. Pour le chercheur sérieux, plus il y a de sensations, mieux c’est.


Quand nous sommes clairement conscients de la nature des sensations, nous pratiquons le Dhamma.

Mais beaucoup de méditants essaient de les éviter, refusent de se colleter avec elles. (...) Les sensations sont un enseignement. Quand nous sommes clairement conscients de la nature des sensations, nous pratiquons le Dhamma. Ressentir la paix au coeur même des sensations (...)

(...) Le Dhamma n’est pas loin de nous, au contraire : il est ici même, en nous. Le Dhamma n’est
pas une histoire d’anges dans les airs ou quoi que ce soit de ce genre. Il s’agit de nous, de ce que nous faisons à cet instant précis.

Observez-vous. Voyez comment vous passez du bonheur à la tristesse, du plaisir à la douleur ou de l’amour à la haine … C’est cela, le Dhamma. Vous le voyez ? Il faut avoir conscience de ce Dhamma, étudier tout ce dont vous faites l’expérience.

Avant d’abandonner les sensations, il faut les connaître. Quand vous aurez vu que les sensations sont impermanentes, elles ne vous dérangeront plus. Dès qu’une sensation apparaît, dites-vous : « Hum, rien de permanent, là-dedans. » Quand votre humeur change : « Hum,impermanence. » Vous pouvez être en paix avec ces phénomènes(...)


Si vous connaissez la vraie nature des sensations, vous comprenez le Dhamma.

A ce moment-là, vous pouvez abandonner les sensations, sachant clairement qu’elles sont
toutes, absolument toutes, impermanentes. Ce que nous appelons ici « impermanence », c’est le Bouddha. Le Bouddha est le Dhamma. Le Dhamma est caractérisé par l’impermanence. Quiconque perçoit l’impermanence des choses, perçoit leur réalité immuable. Ainsi est le Dhamma et ainsi est le Bouddha. Si vous percevez l’un, vous percevez l’autre. Si vous êtes conscients de anicca, l’impermanence de toute chose, vous saurez lâcher prise et ne plus vous
accrocher aux choses.

Vous dites : « Ne cassez pas mon verre ! » Pouvez-vous empêcher que se casse un objet dont la nature est d’être cassable ? S’il ne se casse pas aujourd’hui, il se cassera plus tard. Si vous ne le cassez pas vous-même, quelqu’un d’autre le fera, et si personne ne le fait, alors ce sera peut-être une poule qui le cassera !

Le Bouddha nous apprend à accepter ces choses-là. Il a pénétré la véritable nature des choses, il a vu que, quelque part, ce verre est déjà cassé. A chaque fois que vous utilisez ce verre, vous devriez considérer qu’il est déjà cassé. Est-ce que vous comprenez cela ? C’est ainsi que le Bouddha concevait les choses. Il voyait le verre cassé dans le verre intact. Un jour
viendra, inévitablement, où il se brisera.

Développez cette façon de voir les choses. Utilisez le verre, prenez-en soin jusqu’au jour où il vous glissera des doigts et crac ! Mais ce ne sera pas un problème. Pourquoi ? Parce que vous aurez compris et accepté sa nature « cassable » avant qu’il ne se casse.

Mais, en général, les gens disent : « J’aime tant ce verre, pourvu qu’il ne se casse jamais. » Plus tard, si le chien le casse : « Je pourrais tuer cette sale bête ! » et vous êtes furieux contre votre chien pour avoir brisé le verre. Si c’est l’un de vos enfants qui le casse, vous lui en voudrez tout autant. Pourquoi ? Parce que vous vous êtes enfermé dans un barrage dont l’eau ne peut pas s'écouler. Vous avez érigé un barrage sans vanne, alors il ne lui reste plus qu’à déborder, n’est-ce pas ?

Quand vous construisez un barrage, vous devez prévoir une vanne. Ainsi, quand l’eau monte trop, elle peut se déverser en toute sécurité dès que vous ouvrez la vanne. Il faut absolument avoir une « valve de sécurité » comme cela. L’impermanence est la valve de sécurité des Etres Eveillés.

Avec cette conscience des choses, vous serez en paix.


Debout, en marche, assis ou allongé, pratiquez constamment en utilisant sati, l’attention, pour observer et protéger l’esprit, c’est cela le samadhi et c’est aussi la sagesse.

Les deux sont semblables, même s’ils se présentent différemment. Si nous sommes vraiment conscients de l’impermanence, nous percevrons ce qui est permanent. La permanence c’est que tout doit inévitablement être ainsi et pas autrement. Comprenez-vous cela ? Même si vous ne comprenez que cela, vous pouvez connaître le Bouddha et lui rendre réellement hommage.

Tant que vous ne rejetterez pas les enseignements du Bouddha, vous ne souffrirez pas, tandis que si vous les rejetez, vous connaîtrez la souffrance.

Dès que vous rejetez ses enseignements sur l’impermanence, l’insatisfaction et le non-soi, la souffrance apparaît. Même si vous ne pouvez pas pratiquer davantage, c’est suffisant : vous ne connaîtrez pas la souffrance ou, si elle se fait sentir, vous saurez l’apaiser facilement et cela évitera qu'elle ne réapparaisse à l’avenir.

C’est là que s'arrête notre pratique : au moment où cesse la souffrance. Et pourquoi la souffrance cesse-t-elle ? Parce que nous avons éliminé sa cause, samudaya. Il n’est pas nécessaire d’aller plus loin, il suffit de savoir cela et de méditer dessus.


Si vous avez les Cinq Préceptes comme base de votre conduite, il est inutile d’aller étudier le Tipitaka.

Concentrez-vous d’abord sur les Cinq Préceptes. Au début vous commettrez des erreurs mais, quand vous le constaterez, arrêtez-vous, faites marche arrière et recentrez-vous sur les préceptes.

S'il vous arrive de dévier encore et de commettre une autre erreur, reprenez-vous dès que vous en avez conscience. En pratiquant ainsi, votre attention sera plus aiguisée, plus régulière(...)

Il faut parler du Dhamma comme cela, en faisant des comparaisons, parce que le Dhamma n’a pas de forme. Est-il rond ? Est-il carré ? Nul ne peut le dire. La seule façon d’en parler est au moyen de comparaisons comme celle-ci.


Ne croyez pas que le Dhamma soit loin de vous. Il est ici même avec vous, tout autour de vous.

Regardez : vous êtes heureux un moment et puis malheureux et puis en colère … Tout cela, c’est le Dhamma. Observez et comprenez. Quelle que soit la cause de votre souffrance, vous devez y remédier. Si la souffrance perdure, c’est que vous ne percevez pas encore les choses clairement. Si vous perceviez les choses clairement, vous ne souffririez pas, parce que la cause de la souffrance ne serait plus là. Si la souffrance est toujours présente, si les choses sont encore difficiles pour vous, c’est que vous n’êtes pas encore sur la bonne voie.

A chaque fois que vous vous sentez coincé ou que vous souffrez trop, c’est que vous avez tout faux. Et à chaque fois que vous nagez dans le bonheur et que vous flottez sur un nuage … même chose ! Vous avez encore tout faux.

Si vous pratiquez ainsi, vous serez attentif à tout instant et dans toutes les postures. Avec sati, l’attention et sampajañña, l’observation de soi, vous saurez reconnaître le bien et le mal, le bonheur et la souffrance, et le fait d'en être conscient vous donnera les moyens d’y faire face.

C’est ainsi que j’enseigne la méditation. Quand c’est le moment de vous asseoir en méditation, asseyez-vous, il n’y a rien de mal à cela, au contraire.


On ne médite pas seulement assis. Il faut donner à votre esprit l’occasion de vivre pleinement les choses, permettre à ces choses de se dérouler et percevoir ainsi leur véritable nature.


Comment les étudier ? Voyez-les comme étant impermanentes, imparfaites et sans soi. Tout est incertain : « Comme c’est beau ! Il me le faut absolument » — il n’y a rien de sûr là dedans.
« Je n’aime pas cela du tout » — pas sûr. Est-ce vrai ? Absolument, aucune erreur possible. Peu importe qu'une chose vous attire ou pas, souvenez-vous simplement que rien n'est sûr.

(...)
Permettez aux choses de s'écouler librement, comme l'inspiration et l'expiration. Les deux sont nécessaires, la respiration dépend de cette alternance. De même, tout dépend du changement.

Ces choses-là sont en nous et nulle part ailleurs. Si nous mettons fin au doute, alors, que ce soit assis, en marche, debout ou couché, nous serons en paix. Le samadhi ne se limite pas à la position assise. Certains méditants restent assis jusqu'à être à moitié hébétés, on les croirait morts, ils ne savent même plus où ils sont. Ne tombez pas dans ces extrêmes : si vous sentez venir la somnolence, marchez ou changez de posture.

Développez la sagesse. Si vous êtres vraiment épuisé, reposez-vous mais, sitôt réveillé, ne vous rendormez pas : reprenez votre pratique ! C'est ainsi qu'il faut pratiquer, en utilisant son bon sens de même que sagesse et mesure.


Que votre pratique s'appuie avant tout sur l'observation du corps et du mental.

Voyez leur impermanence et tout le reste s'ensuivra. Pensez-y quand vous vous régalez d'un bon plat. Dites-vous : « Pas sûr. » Mettez vite votre réaction K.O. au lieu que ce soit
elle qui vous mette K.O. à chaque fois. Quand vous n'aimez pas quelque chose, vous vous contentez d'en souffrir : voilà comment les situations nous mettent K.O. ! « Si elle m'aime, je l'aime aussi » — et encore une claque ! Jamais vous n'arriverez à les mettre K.O. comme cela. Voyez plutôt les choses ainsi : à chaque fois que quelque chose vous plaît, dites-vous simplement : « Ce n'est pas sûr ! »


Il faut aller un peu à contre-courant de nos attirances et de nos répulsions pour réellement voir le Dhamma.

Et puis pratiquez dans toutes les postures : assis, en marchant, debout ou couché. Vous êtes capable de ressentir une émotion comme la colère dans n'importe quelle position, n'est-ce pas ? Vous pouvez être en colère aussi bien assis, debout, qu'en marchant ou allongé. Vous pouvez, de même, ressentir une envie dans n'importe quelle posture. Alors soyez cohérents et étendez votre pratique à toutes les positions possibles.

Et puis, ne faites pas semblant de pratiquer, faites-le vraiment.

Nous en arrivons maintenant au point le plus important. Si vous savez que tout est impermanent, vos pensées vont se détendre petit à petit. Quand on réfléchit à l'incertitude liée à toute chose qui passe, on constate qu'il en va de même pour tout. Dès lors, à chaque fois que quelque chose arrive, on se dit simplement : « Tiens, voilà encore quelque chose ! »

Si votre esprit est tranquille, il sera exactement comme une eau calme qui coule.
Avez-vous déjà vu une eau calme couler ? Ah, voilà ! Vous avez vu soit une eau couler
soit une eau calme mais vous n'avez jamais vu une eau calme couler.
C'est précisément là, à ce point où votre pensée, même apaisée, ne peut vous conduire, que vous pouvez développer la sagesse. Votre esprit sera comme une eau qui coule et pourtant il sera calme. Il vous paraîtra presque immobile et pourtant il coulera. C'est pourquoi je dis que c'est « une eau calme qui coule. » C'est là que la sagesse peut s'éveiller.



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2 commentaires:

Pieru a dit…

Excellent discours !
Comme cela semble être toujours le cas chez Ajahn Chah.
Merci

Catherine a dit…

Les enseignements de Ajahn Chah sont remarquables par leur simplicité.