Quelle que soit l’école bouddhique, deux formes d’approche, de pratique, sont par conséquent observables :
– le bouddhisme populaire, en tant que religion, fondé sur la peur, d’où : “croyance(s)”, matérialisme spirituel (acquisition de “mérites”, d’une “meilleure renaissance”, etc. ), rites propitiatoires, excroissances animistes, accommodements avec l’éthique, prédominance de l’aspect dévotionnel et émotionnel, bas niveau de la Communauté monastique, (discipline monastique fragile, d’où estompage des différences entre moines et laïcs, le moine n’étant plus “concurrent” du laïc puisqu’il lui ressemble de plus en plus).
– le bouddhisme profond, en tant que philosophie et pratique de vie, fondé sur la connaissance, sur un certain préalable de sagesse, d’où : “foi raisonnée”, pratique de la culture mentale (méditation), aspect dévotionnel à sa juste place, Sa“ngha possédant une discipline solide, conscience de l’importance de l’éthique. Ce second aspect, pouvant paraître une simple vue de l’esprit, existe réellement dans le monde bouddhique, en Orient comme en Occident. En raison de sa rareté, conséquence de son exigence, un effort s’impose pour le rencontrer. Ses pratiquants, en outre, ne recherchent pas nécessairement l’approbation publique ou les faveurs des médias.
Bien que le bouddhisme présente, selon les schèmes occidentaux, différents aspects liés à la religion, à la philosophie, à la psychologie, voire à la thérapie, lorsque l’on parle de celui-ci il doit être fait référence au second aspect, le premier n’étant que de façon anecdotique relié au Bouddha. Puisque celui-ci ne lui est pas indispensable, toute autre entité peut devenir l’objet du “culte”. Nous pouvons néanmoins admettre que cette approche puisse présenter un certain intérêt pour des personnes spirituellement immatures, mais cela n’est pas la Voie de la libération enseignée par le Bouddha et ne peut constituer, au mieux, qu’une étape préliminaire.
Peut-on d’ailleurs exposer un idéal spirituel de la richesse et de la profondeur du bouddhisme sans le rabaisser, considérant que seul un être éveillé est capable de donner à chacun le remède qui lui convient, c’est-à-dire lui enseigner ce dont il a besoin en des termes qui le font évoluer au lieu de l’enfermer dans un système de vues et de croyances a priori !
Ce qui est souvent présenté comme étant l’Enseignement bouddhique n’est en fait que l’antichambre du bouddhisme. Beaucoup ne font que tourner en rond dans cette antichambre sans daigner ouvrir la porte pour aller plus loin, voire sans soupçonner que cette porte existe. Dans certains milieux on désire par conséquent présenter un bouddhisme plus “libéral”, moins contraignant. Ce n’est pour nous qu’une astuce de propagande, de la publicité mensongère en quelque sorte, cela n’ayant rien à voir avec l’utilisation habile des moyens nécessaires (upaaya kosalla). Il est aussi de bon ton actuellement de parler de réforme ou d’“adaptation” du Vinaya et de certains points de l’Enseignement jugés trop astreignants.
Cependant, si l’on va trop loin il est à craindre que la “civilisation moderne” ne l’emporte au détriment du témoignage des valeurs de base qui constituent la caractéristique de l’Enseignement du Bouddha. L’obéissance à tous les désirs prenant la prééminence sur l’esprit de pauvreté et le contentement, la recherche du superflu sur la culture de l’essentiel, la vitesse et la précipitation sur la lenteur et la circonspection, l’agressivité sur la douceur et la paix mentale, la conformité sociale sur la transcendance. Ceci ne ferait que poser cette prétendue civilisation moderne comme valeur suprême et étalon de tous les comportements et de toutes les compromissions.
Michel Henri Dufour
(Lu sur Karuna) et Association Bouddhique Théravada
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire