vendredi 13 juillet 2007

samatha


Photo du site Fleurduzen


J'ai parlé longuement de vipassana et de sa signification, tant en théorie qu'en pratique, mais pas encore de samatha.

Il est important de noter que
samatha est différent de vipassana mais que bien souvent ils marchent ensemble.

Samatha est une pratique, celle du développement du "calme mental", de la tranquillité, de la sérénité.

Samatha n'est donc pas une "pratique" exclusivement bouddhiste, contrairement à la pratique du satipatthana qui permet de développer vipassanà .

Pour rappel, Vipassana n'est pas une technique ni même une méditation au sens formel du terme; c'est plus un "état d'esprit"; une vision profonde des choses; pouvant s'acquérir par la pratique de satipatthana.


Plan de ce message :

- Résumé de l'émission avec Vénérable Gunaratana (sujet : samatha et vipassana)
- La méditation samatha ,par Ajahn Sumedho
- Versets sur la Méditation
- Samatha pour le Vénérable R Dhiravamsa
-Présentation rapide de différents auteurs
-Extrait de "question-réponse" avec Ajahn Chah
- Une dernière présentation de samatha



Dimanche 15 juillet à 8h30 sur France 2, nous avons eu la chance de voir Bhante Henopola Gunaratan, qui s'est exprimé à propos de la différence entre samatha et vipassana.

- Pour voir l'émission : ICI

- Ci après, des extraits de cet émission:

Vénérable Gunaratana : " Samatha " c'est tranquilliser l'esprit, calmer l'esprit et calmer le corps. C'est un état de méditation très profondément concentré. L'esprit et le corps restent très paisibles, très calmes, tranquilles. Voilà ce qu'est la méditation samatha. Son but est d'obtenir la concentration profonde. Ensuite, le corps et l'esprit devenant calmes, détendus et paisibles, l'esprit devient pur. Il commence à rayonner de sa propre nature, de sa luminosité. On arrive à un état de véritable concentration de l'esprit, très lumineux.

S.C. : Comment se déroule cette pratique de samatha ?

Vénérable Gunaratana : Pour pratiquer samatha, vous vous asseyez d'abord dans une position très confortable, une position très stable. Votre corps doit être droit, pas trop rigide. Il doit être aussi détendu. Fixez votre attention sur un seul objet de méditation. Quand vous fixez votre esprit sur un seul objet de méditation, vous ne vous occupez pas des autres objets. Il faut un seul objet pour pouvoir gagner la concentration. Ensuite, progressivement, votre esprit devient concentré, vos yeux deviennent concentrés, et vous pouvez même effectivement concentrer l'attention des yeux sur l'objet de méditation. Vous pouvez aussi vous souvenir d'un objet et ne plus le regarder. A ce moment là, vous pouvez concentrer votre esprit sur l'objet mémorisé. C'est à ce moment que la concentration n'a plus rien à faire avec quelque chose d'extérieur. Elle est seulement liée à l'esprit. L'esprit concentré, quand il est concentré sur une image mentale, devient UN avec cette image qui est mémorisée et il atteint un état profond de concentration. Voilà comment on développe la concentration.

S.C. : Vous parlez d'un objet sur lequel l'esprit doit se fixer. Est-ce que vous pouvez donner un exemple d'objet, du plus simple au plus rare, du plus pur au plus banal ?

Vénérable Gunaratana : L'objet de méditation le plus simple que je recommande est la respiration.

C'est très facile à transporter avec soi, il est toujours là, où que l'on aille. Tout ce que nous avons à faire, c'est de nous asseoir dans une position confortable.

Si vous le pouvez, vous pouvez vous mettre en lotus. Vous gardez bien le dos droit et vous concentrez votre attention sur votre respiration. Vous respirez lentement.

Quand vous respirez très lentement, de manière naturelle, votre respiration se calme et se détend. Puis, votre respiration devient de plus en plus subtile, jusqu'à ce qu'à un certain moment, apparaisse le sentiment de ne plus ressentir la respiration.

Au départ, on ressent la respiration, soit au bout du nez, sur la lèvre supérieure ou bien dans le nez ou entre les yeux. Les endroits où on ressent la respiration dans le corps peuvent varier.

A partir du moment où vous avez trouvé un endroit où vous sentez bien la respiration, posez votre attention à cet endroit précis. A un certain moment, il est possible que vous ne puissiez plus ressentir le passage de l'air à cet endroit. A partir de là, posez votre attention sur l'image mémorisée de votre respiration. A ce moment là, tous les obstacles, comme l'avidité, la haine, la tendance à s'endormir, l'inquiétude, le doute, tous ces obstacles, quand on est dans un état de concentration profonde, vont disparaître, à cause de cette tranquillité.

On appelle cet état le " jhana ". Jhana est un état profond de concentration, que l'on obtient par cette pratique.

La respiration est l'objet de méditation le plus simple que je recommande à tous pour pratiquer la méditation.

S.C. : Donc on arrive au calme mental, qui est le fruit de cette pratique ?

Vénérable Gunaratana : Très paisible, très calme, c'est une méditation qui est très apaisante. Mais il faut la faire en la combinant avec d'autres formes de méditation, l'autre forme étant vipassana.

S.C. : Justement, la pratique de samatha ne suffit pas, il faut aussi pratiquer vipassana. Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment ?

Vénérable Gunaratana : On dit que vipassana s'appelle la " méditation de l'attention ". L'attention signifie littéralement " voir exactement tel que c'est ".

C'est une méditation plus dynamique. On concentre l'attention sur tout ce qu'on peut vivre : sensations, perceptions, pensées, idées, bruits, quoique ce soit dont vous fassiez l'expérience, vous posez votre attention dessus.

Mais il faut aussi dépasser ces obstacles en concentrant l'esprit sur différents aspects des obstacles, vous les dépassez.

Par exemple, quand l'avidité apparaît pendant que l'on médite, immédiatement, vous posez votre esprit sur cette avidité et vous voyez comment elle dérange votre esprit, comment elle vous agite. Vous voyez comment votre tendance change votre attitude par rapport aux autres. Vous constatez aussitôt que vous ne pouvez plus être concentré.

Donc vous voyez tout de suite les désavantages de l'avidité et vous pouvez aller jusqu'à la racine, en voyant comment elle apparaît, comment elle empêche la concentration, comment on peut l'arrêter, comment on peut changer son esprit, depuis cet objet de méditation qui s'est imposé jusqu'à une véritable méditation. Comment lâcher cette avidité, pour pouvoir retrouver un état d'esprit paisible ?

Tout cela fait partie de la méditation vipassana. Quand nous commençons cette pratique de vipassana, nous avons besoin d'abord et après, de la concentration.

C'est un moyen d'utiliser vipassana pour obtenir la concentration et une fois que l'on a la concentration, on l'utilise pour pratiquer vipassana de manière plus claire, parce que les plus hauts niveaux de concentration permettent à l'attention d'être extrêmement pure à cause de la présence de l'équanimité, de l'équilibre mental.

A partir de là, vous pouvez voir les choses de manière extrêmement subtile, extrêmement profonde. Par exemple, l'impermanence, c'est une partie essentielle de la méditation vipassana.

Une fois que vous avez la concentration, vous utilisez la notion d'impermanence pour avancer davantage dans votre concentration, à des niveaux plus conscients. Vous allez voir que les choses changent à une rapidité incroyable à tous moments. Il y a même des changements que l'on ne peut absolument pas voir, si la concentration n'est pas extrêmement profonde. Il faut donc avoir un esprit très concentré qui ressemble un peu à un rayon laser.

Vous avez une vision pénétrante grâce à vipassana, une vision très claire et celle ci vous permet, comme un rayon laser, d'orienter cette clarté vers un objet.

Si vous ajoutez la concentration et l'attention, vous pouvez voir l'impermanence, de manière très subtile et très profonde. L'impermanence a lieu tout le temps, à chaque moment, des millions et des millions de fois, à chaque instant, dans l'esprit et dans le corps.

Si quelqu'un demande : " Qui a-t-il de permanent ? " On peut répondre : " La seule chose qui soit permanent, c'est l'impermanence. "

S.C. : Pour arriver à la vue pénétrante, est ce qu'il faut absolument passer par le calme mental ? Est-ce qu'on doit arriver à pratiquer samatha pour passer à vipassana ou peut-on directement pratiquer avec vipassana ?

Vénérable Gunaratana : On peut commencer avec vipassana, sans samatha.

Il est très intéressant de voir que parfois on ne peut pas se concentrer.

On a commencé avec vipassana, on se rend compte tout de suite, quand on voit les choses exactement telles qu'elles sont, on se calme, on se détend, on est paisible, on ne s'inquiète plus.

A ce moment-là, arrive la concentration. Vous allez à nouveau voir les choses de manière très profonde. Vous aurez également des choses très utiles qui se présenterons, qui sont des jhanas.

Les jhanas sont un état de concentration très profonde qui aident aussi la pratique de vipassana. Et l'on gagne de plus en plus de sagesse, de vision pénétrante.

Quand les deux se combinent, vous pouvez commencer avec vipassana pour aller à la concentration ou le contraire. Mais quand les deux sont combinées, votre pratique devient vraiment complète. Et avec cette pratique complète, vous devenez parfaitement paisible, et surtout parfaitement libre de la souffrance, des déceptions, de la colère, de l'avidité, du désespoir.

S.C. : Merci, Vénérable Gunaratana de nous avoir expliqué samatha et vipassana, deux pratiques qui se complètent.




La Méditation samatha, par Ajahn Sumedho

La méditation samatha consiste à concentrer le mental sur un objet plutôt que de le laisser errer vers d’autres choses. On choisit un objet comme la sensation de la respiration, et l’on porte pleine attention aux sensations de l’inspiration et de l’expiration. Probablement qu’à travers cette pratique vous commencerez à faire l’expérience d’un mental calme, et vous deviendrez tranquille parce que vous coupez court à toutes les autres choses qui viennent à travers les organes des sens.

Les objets dont vous vous servez pour être tranquille sont tranquillisants (inutile de le dire !).

Si vous voulez avoir un mental agité, allez vers quelque chose d’excitant, n’allez pas dans un monastère bouddhiste, allez à la discothèque !... C’est facile de se concentrer sur l’excitation, n’est-ce pas ? C’est une vibration si forte qu’elle vous prend entièrement. Si vous allez au cinéma et qu’il s’agisse vraiment d’un film d’action, vous êtes captivé. Vous n’avez pas besoin de faire un effort pour voir quelque chose de très excitant, de romantiques ou plein d’aventures.

Mais de voir un objet tranquillisant peut être terriblement ennuyeux si vous n’y êtes pas habitué. Qu’est-ce qui est plus ennuyeux que de suivre sa respiration si vous êtes habitué à des choses plus excitantes ?

Ainsi pour ce genre de choses, il vous faut faire un effort du mental parce que la respiration n’est pas en soi une chose intéressante, ni romantique, ni aventureuse, ni brillante, elle est juste comme elle est. Alors vous devez faire un effort parce que vous n’êtes pas stimulé de l’extérieur.

Dans cette méditation, vous n’essayez pas de créer une image, vous vous concentrez sur la sensation ordinaire de votre corps tel qu’il est juste en ce moment afin de soutenir et garder votre attention sur votre respiration.

Quand vous faites cela, la respiration s’affine de plus en plus et vous vous calmez.

Je connais des gens qui ont prescrit la méditation samatha pour soigner l’hypertension parce qu’elle calme le coeur.

Voilà ce qu’est la pratique du calme.

Vous pouvez choisir divers objets de concentration, vous entraîner à soutenir l’attention jusqu’à l’absorption ou jusqu’à devenir un avec l’objet.

Actuellement, vous ressentez une impression d’unité avec l’objet sur lequel vous vous êtes concentré et c’est ce que nous appelons absorption.



Versets sur la méditation:

1- Tout comme l’oiseau a deux ailes la méditation a Samatha et Vipassana. Comme les deux ailes battent à l’unisson Samatha et Vipassana vont ensemble.

2- Samatha, c’est s’arrêter reconnaître, se mettre en contact se nourrir, guérir s’apaiser et se concentrer.

3- Vipassana, c’est regarder profondément dans la nature des cinq khandha,
afin de faire naître la vision profonde qui transforme toute souffrance.



Dans son livre "La voie du Non attachement" (lire des Extraits ICI) le Vénérable R Dhiravamsa, écrit dans son introduction :

Dans la méditation connue sous le nom de samatha se basant sur la concentration, il advient que les activités du moi se suspendent momentanément et que, par-là, le flot de l'être
n'étant plus entravé par l'attachement égotique et les conflits existentiels, il se libère.
Cet état d'extase, on voudra le voir se répéter.
Au cas cependant où le désir est exaucé, il n'aidera en rien son bénéficiaire à se libérer du désir lui-même...

la méditation samatha vise à la tranquillité d'esprit, la sérénité, l'extase ou transe extatique, l'absorption méditative ou la fixation de l'esprit sur un point unique.

Ce type de méditation est très répandu, dans son double aspect théorique et pratique, parmi les fidèles de toutes les religions. Les chrétiens lui ont donné le nom de contemplation, ou prière contemplative, tandis que les hindous la connaissent sous les formes de bhakti yoga (yoga de la dévotion), pranayama (contrôle et maniement de la respiration), samadhi (état extatique).

Dans cette catégorie on peut de même classer le mouvement appelé "conscience de Krishna", la méditation transcendantale et les méditations soufies.

Le bouddhisme, quant à lui, compte quarante sujets (ou techniques) dans cette catégorie de méditation.

La pratique de la tranquillité consiste à concentrer l'esprit sur un objet ou un sujet précis et à l'y maintenir jusqu'à l'obtention état de parfaite concentration. Quand le sujet choisi est un mantram (une courte expression, un mot ou un son), le méditant le répète à haute voix ou mentalement jusqu'à s'en imprégner complètement, et s'unir à lui. Cet exercice donne au méditant le bien-être et la détente, tant physique que mentale.

Le point ultime de cette pratique consiste en l'absorption du pratiquant par l'objet de sa méditation, les expériences mystiques et les changements d'états de conscience.

Cependant, quand on n'a pas la vision intuitive, la pratique intensive de cette méditation (samatha) risque de compromettre l'équilibre psychique du pratiquant. C'est pourquoi, il convient de toujours chercher conseil auprès d'un maître qualifîé.





Pour Stephen Batchelor :

Vipassana est toujours, et dans toutes les traditions bouddhistes lié à "samatha", c'est-à-dire le calme de l'esprit. Il s'agit de trouver un équilibre dans cette pratique de méditation.



Sayadaw Mahasi quant à lui, explique :

......en pratiquant la méditation Samatha, c’est-à-dire la concentration pure et simple, on ne se libère pas de la misère et de la souffrance. Ce n’est qu’en pratiquant la méditation Vipassana que l’on peut atteindre Nibbana et être complètement libre de toutes formes de misères et de souffrances comme entre autres la vieillesse, la maladie et la mort.


Extrait de "question-réponse" avec Ajahn Chah

Q: Vous avez dit que samatha et vipassana - la concentration et la vision intérieure - sont la même chose. Pouvez-vous expliquer cela plus en détail?

R: C'est assez simple. La concentration (samatha) et la sagesse (vipassana) se complètent réciproquement.

D'abord l'esprit devient calme en se concentrant sur un objet de méditation.

Cette tranquillité de l'esprit ne dure que le temps de la position assise, les yeux fermés. C'est ce qu'on appelle samatha.

Or, un jour ou l'autre, cet état de samadhi finit par entraîner l'apparition de la sagesse ou vipassana.

A partir de ce moment-là, l'esprit est calme que tu sois assis les yeux fermés ou que tu te promènes dans une ville grouillante d'activité.
Pense par exemple au fait qu'autrefois tu étais un enfant alors que, maintenant, tu es un adulte. L'enfant et l'adulte sont-ils la même personne?
Tu pourrais dire qu'ils le sont ou, selon un autre point de vue, tu pourrais dire qu'ils sont différents.
De la même façon, samatha et vipassana peuvent être considérés comme étant séparés l'un de l'autre. Ou pense au rapport qui existe entre la nourriture et les fèces; on pourrait dire qu'elles sont la même chose, tout comme on pourrait dire qu'elles sont différentes.
Ne te contente pas de croire ce que je dis, accomplis ta pratique et vois toi-même. Il ne faut rien de spécial pour cela. Si tu examines comment la concentration et la sagesse apparaissent, tu connaîtras la vérité toi-même.

De nos jours, beaucoup de gens se raccrochent aux mots. Ils disent qu'ils pratiquent vipassana, méprisant samatha. Ou, au contraire, ils disent qu'ils pratiquent samatha, disant qu'il est indispensable de pratiquer samatha avant. Tout cela est stupide. Ce n'est pas la peine d'y penser de cette façon. Pratique simplement et tu verras toi-même.


Une dernière présentation de Samatha

"...Il y a trois phases dans samatha :
concentration sur un objet extérieur:
commencer par se concentrer sur un "objet impur", comme un morceau de bois ou un caillou, puis sur un "objet pur" comme une statue de Bouddha.
concentration sans objet extérieur:
obtenue par exemple en s'intériorisant sur l'image mentale du Bouddha, en visualisant les différentes parties du Bouddha avant de percevoir une image globale,
méditation sur la nature essentielle des choses: c'est alors se reposer dans un état parfaitement stable (ce n'est pas se concentrer sur rien).
La forme ultime de samatha est la disparition des pensées en conscience, dans la stabilité.
Pour aboutir à ce stade, il faut s'affranchir des cinq défauts suivants: paresse, oubli des instructions, torpeur et agitation, manque d'application, excès d'application..."




Aucun commentaire: