mercredi 9 janvier 2008

Les origines de la pensée bouddhique






Plan de ce message

1- Les origines de la pensée bouddhique,
Par André Bareau

2- La Morale dans le Bouddhisme ancien : SILA en pali
Afin de ne pas créer un nouveau message puisque s'agissant du même auteur, j'ai ajouté à la fin de ce message, des extraits d'un autre enseignement,
portant cette fois exclusivement sur la morale dans le Bouddhisme ancien ou Bouddhisme Théravada.



André Bareau, né le 31 décembre 1921 et mort le 2 mars 1993, est un orientaliste français, historien du bouddhisme ancien.

Docteur ès lettres, il est professeur au Collège de France de 1971 à 1991 et directeur d'études de philologie bouddhique à l'École pratique des hautes études.

Il est l'auteur de nombreux articles et livres.





Remarques préalables:

1-Tous Les titres et sous-titres ne sont pas dans le texte initial, je les ai ajouté pour une plus grande facilité de lecture,

2-
La plus part des enseignements publiés dans ce blog, sont donnés par des moines ou nones enseignants de la tradition Théravada ou par des laïcs bouddhistes, mais le plus souvent reliés à une sangha.Ils ont donc tous une approche très "vrai" du Bouddhisme et de la pratique.
C'est donc à titre exceptionnel que je publie un texte d'une personne qui connaît, certes très bien l'histoire et la doctrine du Bouddhisme, mais seulement de manière théorique.
On le ressent d'ailleurs très bien à la lecture du texte

André Bareau, auteur de cette conférence, est "historien du Bouddhisme" ancien, mais pas "bouddhiste". Il s'agit donc d'une approche purement "intellectuelle" de la "pensée bouddhique".

Même remarques pour "la Morale dans le Bouddhisme ancien":



1-LES ORIGINES DE LA PENSEE BOUDDHIQUE
Conférence faite à L'Institut bouddhique Truc lâm le 24 mai 1987


Le bouddhisme est foncièrement indien par ses origines

Bien qu'il se soit répandu dans la plus grande partie de l'Asie au cours des siècles et y ait longtemps prospéré, le bouddhisme est foncièrement indien par ses origines; il est né en milieu entièrement indien, pour répondre à des préoccupations spirituelles typiquement indiennes, qu'il faut connaître pour bien le comprendre.

Le bouddhisme fut fondé par un ascète indien nommé Gautama, qui vécut vers la première moitié du cinquième siècle avant l'ère chrétienne dans le bassin moyen du Gange.

On discute encore sur la date de sa mort ou Parinirvâna (543 ? 480 ? 368 ?) .... mais on s'accorde beaucoup mieux sur les lieux où il vécut.

Le futur Bouddha a passé toute sa jeunesse autour de Kapilavastu, bourgade perdue dans les forêts marécageuses du Teraï et dont un archéologue indien a retrouvé récemment les vestiges à Piprahwa, à 225 km au nord de Bénarès, juste au sud de la frontière indo-népalaise. Il appartenait à la caste guerrière, celle des kshatriya, du petit peuple des Sakya, vassal des puissants roi des Kosala mais qui était organisé en une petite république aristocratique.
(...)

Pour en savoir plus sur la vie de Bouddha, LIRE le texte dans son intégralité (lien en bas du message ) et LIRE le message de ce blog: Bouddha cet inconnu : ICI


Comprendre l'enseignement du Bouddha

Pour bien comprendre l'enseignement du Bouddha, il faut d'abord connaître le milieu dans lequel il a vécu et surtout quelles étaient à son époque les préoccupations morales et religieuses des Indiens, car sa doctrine avait pour but de répondre à celles-ci en proposant des solutions pratiques aux graves problèmes qu'elles posaient.

Il y a vingt-cinq siècles, la grande majorité des Indiens étaient déjà convaincus, comme ceux d'aujourd'hui, de ce qu'après sa mort on renait sous une forme humaine, animale ou autre, et que cette nouvelle existence sera suivie d'une autre encore et ainsi de suite, sans fin.

Beaucoup pensaient que cette renaissance ne se faisait pas au hasard, mais qu'elle était déterminée par les actions accomplies dans les vies antérieures, ce qui offrait donc la possibilité de se préparer des renaissances heureuses en agissant de façon convenable dans la vie présente.

Sur ce point, les avis différaient alors beaucoup, mais on peut les résumer en deux opinions principales.

- Pour les uns, c'est-à-dire la plupart des brahmanes et des gens des hautes castes, les actes qui permettaient ainsi de renaître dans des conditions agréables étaient ceux de la religion, les offrandes aux dieux, les sacrifices d'animaux et les autres actions rituelles, si nombreuses et surtout si compliquées que seuls les brahmanes les connaissaient et pouvaient les accomplir, pour eux-mêmes ou pour les autres hommes.

- Pour d'autres Indiens, alors en minorité, ce n'étaient pas les actions religieuses, culturelles et rituelles, qui déterminaient les renaissances, mais tous les actes de la vie, et plus exactement leur valeur morale : les bonnes actions celles qui faisaient du bien à autrui, conduisaient à une nouvelle vie heureuse, mais au contraire les mauvaises actions, celles qui nuisaient à d'autres êtres, faisaient renaître dans le corps d'un homme misérable et souffrant de mille maux, ou d'un animal, d'un revenant affamé ou d'un damné torturé cruellement dans les enfers.

Cependant, depuis quelque temps déjà, certains penseurs indiens éprouvaient une terrible angoisse en réfléchissant à cette suite sans fin de renaissances et d'existences, si souvent malheureuses. La perspective de toujours mourir pour renaître encore leur semblait un vrai cauchemar, d'autant plus qu'en effet, comme ils le constataient aisément, la vie est presque toujours affligée de toutes sortes de peines, de souffrances, de craintes, de désillusions, non seulement l'existence des animaux, des revenants affamés et des damnés, mais aussi celle de la plupart des hommes.

Après cette amère constatation, ces penseurs quittaient leur mode de vie habituel, celui des hommes ordinaires, pour mener désormais l'existence des ascètes, où la pleine liberté compensait la rude austérité et donnait tout loisir de méditer sur ce grave problème : doit-on se résigner à subir sans fin les renaissances et le malheur, ou bien peut-on espérer trouver un moyen de briser cet enchaînement illimité des existences, de parvenir à un état qui serait enfin l'extinction (nirvâna) de toute douleur et de toute vie ?

A force de réfléchir profondément, de méditer dans le calme de la solitude, dans des coins de jungle ou de forêt, à l'écart de l'agitation causée par les occupations des gens ordinaires des villes et des villages, ces ascètes finissaient parfois par trouver ce qu'ils croyaient être le moyen de s'évader pour toujours du cycle des transmigrations.

Ces méthodes de salut étaient aussi diverses que leurs auteurs, le milieu social d'où ils étaient sortis, les expériences que la vie leur avait fait subir, la culture héritée de leur famille et de leur caste, les enseignements qu'ils avaient suivis et mis en pratique.
Presque toutes ont été depuis longtemps effacées par le grand oubli de l'histoire, et les autres nous ont été conservées par leurs disciples ou, moins fidèlement et incomplètes, par les allusions et les critiques de leurs adversaires.

Nous ne connaissons donc correctement que les doctrines des brahmanes auteurs des Upanisad ainsi que celles du Bouddha et du Jaina, son contemporain, parce qu'elles nous ont été transmises pieusement par leurs disciples.

Le jeune ascète Gautama était en effet l'un de ces penseurs qui, angoissés par le cycle sans fin des renaissances et le malheur de toute vie, cherchaient une méthode pour y mettre un terme et atteindre le bienheureux nirvâna. (nibbana en pali)

Comme les autres, il commença par écouter les enseignements de maîtres plus agés, de ceux du moins qui prétendaient avoir découvert un tel moyen, car il espérait naturellement trouver ainsi, chez l'un d'eux, ce qu'il souhaitait.

Pendant plusieurs années, allant d'un maître à l'autre, il apprit certainement beaucoup de choses valables qu'il utilisa plus tard pour constituer sa propre doctrine, et il expérimenta diverses pratiques d'ascétisme et de concentration mentale dont il sut faire son profit par la suite, en rejetant tout ce qu'il reconnut inutile ou même nuisible.

La tradition veut ainsi qu'il ait abandonné et condamné les austérités excessives et apprécié au contraire les deux recueillements (samapatti) les plus profonds, tout en constatant qu'ils ne suffisaient pas pour parvenir jusqu'à la Délivrance qu'il désirait avec tant d'ardeur.

N'ayant donc pas trouvé dans les divers enseignements des maîtres la doctrine de salut à laquelle il aspirait, l'ascète Gautama prit la sage décision de rechercher celle-ci par ses propres moyens, sa profonde intelligence et sa grande puissance de réflexion.

L'enseignement attribué au Bienheureux par l'ensemble des traditions les plus anciennes est extrêmement riche et complexe, même si on le limite aux seuls éléments sur lesquels elles s'accordent toutes, et en laissant de côté les innombrables additions et modifications qu'y ont apportées, selon toute vraisemblance, les disciples vivant pendant les cinq siècles qui ont suivi le Parinirvâna.

Cela n'est pas surprenant si le Bouddha a vecu longtemps après l'Eveil (boudhi) qui lui fit découvrir soudain les principes fondamentaux de sa doctrine, car il a fort bien pu compléter et parfaire celle-ci en y réfléchissant de lui-même ou pour mieux répondre aux questions et aux objections des hommes si divers, disciples, curieux ou adversaires, moines ou laïcs, auxquels il prêchait sa méthode de salut.

On considère généralement que l'essentiel de celle-ci est exprimé dans deux textes célèbres, conservés en différentes versions concordantes.
Le récit de l'Eveil et

Le sermon de Bénarès.

En fait, l'examen des si nombreuses prédications attribuées au Bienheureux dans les divers Sutrapitaka complets ou partiels parvenus jusqu'à nous montre que le Bouddha enseigna aussi d'autres éléments doctrinaux fort importants et qu'on ne saurait donc aucunement négliger.

Pour rendre plus claire l'exposé de l'enseignement du Bouddha, nous commencerons par les deux évènements qui ont fondé celui-ci.



Les Deux évènements qui ont fondés l'enseignement du Bouddha:

Ces deux évènements sont:

- Le récit de l'éveil

-Le sermon de Bénares :les Quatre Nobles Vérités


1- Le récit de l'éveil

Le récit de l'éveil est capital, parce qu'il définit ce qui fut, selon la tradition unanime, le point de départ et l'essence même de la doctrine de salut et aussi parce qu'il montre bien sur quels éléments probablement recueillis par le Bienheureux auprès de maîtres antérieurs et reconnus pleinement valables par lui elle s'est formée.

- La première étape indispensable, de la Voie menant à la Délivrance est une moralité parfaite,

Le jeune ascète commence par chasser de son esprit toutes les pensées de désir et de malveillance, autrement dit, il a fait une moralité parfaite la première étape, indispensable, de la Voie menant à la Délivrance, puisque la valeur morale des actes dépend nécessairement de celle des pensées qui les ont causés et dont ils sont en quelque sorte les expressions matérielles, corporelles ou vocales.

- Ensuite et seulement ensuite, il pratique la médiation

Ensuite, il pratique successivement les quatre méditations qui, en vidant peu à peu l'esprit de tout ce qui peut le troubler et le distraire, font de lui un miroir parfaitement limpide où la Vérité pourra enfin apparaitre dans toute sa lumineuse évidence.

Alors se produisent les deux premières sciences de l'éveil, qui sont les confirmations sous forme de visions claires de croyances alors fort répandues parmi les Indiens, comme nous l'avons vu : la croyance en la série indéfinie des renaissances, des vies successives, dont le jeune ascète Guatama se souvient soudain en détail, et la croyance en la détermination de ces renaissances par la valeur morale des actes accomplis, dont il voit apparaître des exemples significatifs et convaincants dans le clair miroir de son esprit.

En quelque sorte, il applique ainsi, avec plus de vingt siècles d'avance et sans le savoir, l'une des fameuses règles énoncées par Descartes pour la direction de l'intelligence, à savoir qu'on ne doit accepter une idée pour vraie que si on l'a reconnue être telle après un examen convaincant.

La troisième science, la dernière, surgit à la fin de la nuit de l'éveil avec les premiers rayons du soleil, symbole lumineux à tous égards, car c'est elle qui est la véritable découverte du jeune Gautama, elle qui fait de lui désormais un bouddha.
Elle est définie de façon différente, sinon contradictoire, par nos sources les plus anciennes:


2- Les quatre Nobles Vérités et la co-production conditionnée:

Les Quatre Nobles Vérités et la "production en enchaînement de conditions" ou "co-production conditionnée" sont liées entre elles et confirment les deux principes fondamentaux sur lesquels le Bouddha fonde sa doctrine: celui de la causalité et celui de la moralité.

D'après les unes, il s'agit des quatre saintes Vérités, qui formeront le thème du célèbre sermon de Bénarès, prononcé quelques semaines plus tard, et il s'agit surtout de la constatation faite alors par le jeune ascète qu'il a mis enfin un terme à la si longue série de ses renaissances, de ses vies successives, qu'il ne renaîtra plus jamais nulle part, qu'il a atteint le nirvâna.

Selon d'autres textes, cette découverte capitale est celle de la production en enchaînement de conditions (pratitya-samutpâda).

Laissons de côté les nombreuses et subtiles discussions des historiens pour essayer de savoir laquelle de ces deux versions correspond vraiment à la réalité historique et constatons qu'elles sont liées entre elles et qu'elles confirment : l'attachement total du Bouddha à deux principes capitaux sur lesquels il fonde sa doctrine : celui de la causalité et celui de la moralité.

  • En savoir plus sur les Quatre Nobles vérités : Lire sur ce blog : ICI
  • Et sur "la co-production conditionnée" lire : LA



En effet, la sainte Vérité de l'origine du malheur et celle de la Voie conduisant à la Délivrance, au nirvâna, ont pour base la croyance ferme en un enchaînement de cause à effet, tout autant que les neuf ou douze membres de la série de la production conditionnée.

En outre, si la malveillance, la haine, est cette fois passée sous silence dans l'une comme dans l'autre, le désir, lui, est nettement désigné comme facteur causal dans les deux, comme lien entre les existence successives, ce qui prouve bien la nature morale de cette liaison.

Cependant, en tête de la chaîne de la production conditionnée apparaît un élément nouveau, extérieur à la moralité, l'ignorance, mais qui formera un peu plus tard un trio indissoluble avec le désir et la haine sous l'aspect de l'égarement ou erreur, la faute intellectuelle se mêlant ainsi aux deux fautes majeures de l'immoralité pour constituer ce que le bouddhisme dénoncera comme étant les trois racines du mal, obligeant sans cesse l'être à renaître.

Comme on l'a constaté depuis longtemps, la formule de la production conditionnée, dans les deux sens, est un développement des deuxième et troisième Vérités saintes :
- dans le sens direct, elle définit l'enchaînement des causes de la douleur, et,
-dans le sens contraire, celui de la suppression, de la cassation (nirvâna) de celle-ci.


La première Vérité, celle qui affirme la nature pénible, malheureuse, de toute existence, est , comme les deux premières sciences de l'éveil, une confirmation de l'adhésion du Bouddha à une opinion déjà partagée par de nombreux penseurs indiens dans sa jeunesse et même avant, ou, sans doute plus exactement, une expression plus générale, plus systématique, de cette opinion antérieure.

En effet, tous les ascètes qui cherchaient, dès avant la naissance du Bienheureux, une méthode pour mettre fin à la série des renaissances étaient nécessairement convaincus de ce que toute vie était essentiellement malheureuse, sans quoi ils n'auraient pas visé un tel but et n'auraient pas fait tant d'efforts pour l'atteindre, mais ils se seraient contentés d'agir beaucoup plus facilement en vue de renaître dans des conditions agréables.

Quant à la quatrième Vérité sainte, qui est la conséquence logique des trois précédentes, elle fut certainement découverte par le Bouddha comme la deuxième et la troisième. Appelée à juste titre la Voie (marga) menant à la Délivrance, c'est la méthode de salut enseignée par le Bienheureux.

Elle combine des éléments empruntés à des doctrines antérieures, la nécessité de la moralité et de la pratique de la concentration mentale, avec d'autres qui semblent propres au Bouddha : l'opinion correcte et ou vue intellectuelle juste, l'intention correcte, l'effort correct et l'attention-mémoire correcte.


Le Bienheureux met ainsi l'accent sur la prépondérance de la pensée, de l'intention, de la volonté fondée sur une connaissance claire et exacte des circonstances dans la détermination de l'acte, que celui-ci soit corporel ou vocal.

Il déplace la responsabilité de l'action matérielle à sa cause mentale, et par là il attache très étroitement la morale à la psychologie, ce qui restera un caractère majeur de la pensée bouddhique à travers les siècles jusqu'à nos jours.

De même, il insiste sur la nécessité de l'effort, de l'énergie, de l'attention soutenue, pour atteindre un jour la Délivrance.

Il sous-entend ainsi que cette dernière ne peut être obtenue ni rapidement ni facilement, par des moyens aussi simples que ceux offerts par les rites religieux, les actes culturels adressés à des divinités dont on recherche la faveur ou par des pratiques magiques. Il préconise donc des moyens essentiellement intérieurs, psychiques, d'efforts mentaux et il rejette comme totalement inefficaces les moyens purement extérieurs d'activité corporelle ou vocale.

Par conséquent, ces deux grandes découvertes du Bouddha:
- celle de l'essence mentale de la moralité, de toute action déterminant les renaissances,
et
- celle de l'énergie appliquée à cette activité comme étant deux facteurs capitaux de la Délivrance, des membres de la Voie menant à celle-ci,
sont étroitement liées entre elles.


Venons-en maintenant aux autres éléments importants de l'enseignement du Bienheureux, qui sont exposés et expliqués si souvent dans les sermons qui lui sont attribués par tous les textes antiques.

Ces éléments développent et complètent ceux que contiennent les récits de l'éveil et le sermon de Bénarès. C'est pourquoi on est en droit de croire qu'ils sont l'oeuvre du Bouddha lui-même ou, tout au plus, des plus fidèles et intelligents de ses premiers disciples dans leurs efforts visant à expliquer la pensée du maître durant les premiers temps ayant suivi le parinirvâna de celui-ci.

Nous les examinerons en les classant d'après leurs rapports avec les quatre saintes Vérités, qui restent la base même de la doctrine du Bienheureux.


1 L'impermance:

Pour en savoir plus sur ce thème, vous pouvez LIRE le message de ce blog : anicca: ICI

Si toute l'existence, même celle des dieux, est par nature pénible, malheureuse, c'est d'abord parce qu'elle a une durée limitée, parce que, commencée par la naissance, elle se termine inévitablement par la mort, et aussi à cause des peines, souffrances, craintes, désillusions de toutes sortes, des maladies et souvent de la vieillesse et de ses tourments.

S'il en est ainsi, c'est parce que tout ce qui existe, aussi bien les êtres vivants que les choses inanimées, est impermanent, que tout se transforme, évolue et décline avant de disparaître.


2 Pas de "soi" ni d'âme

Pour en savoir plus, lire sur ce blog; anatta:ICI

( Remarques personnelles : La doctrine de "anatta" est sans soute la partie la plus difficile à comprendre et à accepter pour les non bouddhistes, comme pour les bouddhistes eux mêmes d'ailleurs. anatta ne peut se comprendre véritablement que par la pratique du dhamma. Cela est valable pour tout le dhamma. )


La raison profonde en est que rien, ni être vivant ni chose matérielle, ne possède de "soi" (atman) ou de "principe vital" (jiva) ,de principe personnel, individuel, éternel et immuable.

Par cette négation, le Bouddha de dressait résolument et hardiment contre la plupart des penseurs indiens, des jainas qui affirmaient l'existence d'un "principe vital" et surtout des brahmanes qui croyaient ferment, et croient encore, en l'existence de l'atman, du "soi" individuel, et en celle du grand principe universel qu'ils nomment le brahman , que les auteurs des Upanisad identifiaient avec l'atman .

Comme celui de l'impermanence, ce principe de l'absence totale de "soi" ou d'un quelconque équivalent est l'une des bases de la pensée bouddhique depuis ses débuts et l'est resté jusqu'à nos jours dans presque toutes les formes que devait prendre le bouddhisme au cours des siècles.

Dans sa formulation antique, bien antérieure à l'ère chrétienne, il s'exprimait déjà par un mot qui mérite de retenir notre attention :"vide" (sunya) en déclarant que l'être est vide de "soi".

Comme on le sait, ce mot allait prendre une très grande importance avec le grand mouvement réformateur du Mahayana, qui en étendit la signification en répétant sans cesse que tout est vide, non seulement d'atman, mais de nature propre (sva-bhâva) ,de substance. C'est parce que tout est vide de "soi" que tout se transforme sans cesse après avoir pris naissance et qu'il disparaîtra tôt ou tard, et c'est donc la raison profonde pour laquelle toute vie est malheureuse.

Cette conviction négative a une double conséquence logique d'une extrême importance, que l'on considère le bouddhisme comme une religion ou comme une philosophie :

- non seulement il n'y a pas d'âme personnelle et éternelle, mais il n'y a pas non plus de Dieu unique, éternel, créateur et tout-puissant, car l'une et l'autre sont de la même nature que l'atman et le brahman, et parce que tous les deux sont contraires au principe universel de l'impermanence.

Ainsi donc, pour le Bienheureux , tout, êtres et choses, n'est que purs phénomènes, pures apparences, semblables, comme le dira si bien plus tard un texte célèbre, à un nuage, à une bulle d'eau, à une goutte de rosée.

L'homme n'est rien d'autre qu'un ensemble de plusieurs sortes de phénomènes en perpétuel changement, phénomènes matériels et biologiques, ceux du corps et de la vie, et phénomènes mentaux.

Chacun d'eux étant en réalité un enchaînement de causes diverses et d'effets, analogues à ceux que décrit la série des membres de la production conditionnée. I


Les 5 agrégats ou 5 kandha (en pali)

Pour en savoir plus, lire sur ce blog : les 5 agrégats : ICI

Il est formé de cinq groupes (skandha) de tels phénomènes : ceux de la matière, des sensations, des perceptions, des activités mentales et de la conscience-connaissance.

Leur complexité et leur enchaînement causal expliquent pourquoi l'être change continuellement au cours de son existence tout en restant apparemment le même, le bébé devenant peu à peu enfant, puis adolescent, adulte, enfin vieillard.

Cet enchaînement de phénomènes subsiste en partie après la mort, la plupart d'entre eux cessant et disparaissant tandis que d'autres, subtils et subconscients, notamment ceux de la maturation des actes dont nous allons parler, continuent et relient l'être qui est mort à celui qui renaît.

Ce dernier n'est ni plus ni moins différent du précédent que l'adulte ne l'est du bébé qu'il fut dans ses premières années d'existence.

Ainsi donc, le phénoménisme intégral et l'enchaînement causal permettent-ils d'expliquer fort bien la série des renaissances en accord avec les grands principes d'impermanence et d'absence d'élément personnel qui semblaient s'y opposer comme des contradictions logiques.

Il faut certainement attribuer au Bouddha lui-même cette géniale explication, qui précède de vingt-cinq siècles les théories les plus modernes de la physique et de la biologie, avec lesquelles elle présente d'importantes analogies.
Le principe d'impermanence totale et universelle, et surtout la négation de tout élément immuable et éternel, qui sont évidemment liés, allaient poser à la doctrine bouddhique un très difficile problème, que les adversaires du Bienheureux, brahmanes, jainas et autres, ne manqueraient pas de lui objecter ainsi qu'à ses disciples pendant les quinze siècles durant lesquels le bouddhisme prospéra en Inde.

En effet, si absolument rien ne subsiste d'un être après sa mort, comment peut-on dire qu'il renaît et comment peut-on prétendre que sa nouvelle vie est déterminée par les actes qu'il a commis dans son existence précédente ?

Ce n'est pas le même être qui renaît et il est complètement injuste que celui qui apparaît dans cette nouvelle existence subisse le châtiment des mauvaises actions accomplies par celui qui l'a précédé et qui est maintenant mort, disparu, ou profite au contraire des récompenses de ses bonnes actions.
De plus, s'il n'y a pas de principe personnel immuable et éternel, si rien ne subsiste après la mort, lorsque l'on meurt une dernière fois après avoir atteint le nirvâna et que l'on ne renaît plus nulle part, l'état où l'on parvient alors ne peut être autre chose que le néant absolu.

Au lieu de s'incliner devant des objections aussi redoutables, le Bouddha et ses disciples s'efforcèrent de trouver des solutions pour tourner ces difficultés, ce qui obligea sans cesse la pensée bouddhique à approfondir l'examen de ce double problème, l'un des plus ardus de la philosophie puisqu'il touche à la nature même de l'être.
Cela eut pour conséquence, capitale pour histoire du bouddhisme mais aussi de la pensée indienne dans son ensemble, de stimuler à l'extrême les facultés intellectuelles des docteurs de toutes les écoles bouddhistes, depuis ceux du bouddhisme antique, appelé Hinayana par ceux du Mahayana, jusqu'à ceux des diverses sectes tantriques en passant par les plus grands d'entre eux, ces maîtres du Grand Véhicule que furent Nagarjuna, Asanga et leurs disciples.

Pour expliquer comment un acte pouvait causer le bonheur ou le malheur longtemps après son accomplissement et même, souvent, dans une vie postérieure, après une ou plusieurs renaissances, on le compara à une plante qui, une fois semée en terre, se développe lentement et se reproduit en donnant des fruits, doux ou amers, qui tombent à leur tour sur le sol quand ils sont mûrs.

D'une part, ce phénomène s'étend sur une assez longue durée et, de l'autre, les fruits ainsi produits appartiennent toujours à l'espèce qui a été semée ou plantée : d'un noyau de mangue ne sortira jamais qu'un manguier, qui donnera ensuite, plus tard, des mangues et non pas des noix de coco, du riz ou de la canne à sucre. de même, une bonne action produira toujours, dans cette vie ou dans une autre, un effet agréable tandis qu'une mauvaise action, nuisible à autrui, donnera inévitablement un châtiment.

Récompense ou punition auront une nature et une importance en rapport étroit avec l'acte d'où elles seront nées, même si celui-ci fut accompli très longtemps auparavant.

De plus, elles atteindront nécessairement l'auteur de cet acte et jamais un autre être vivant, comme un fruit mûr tombe toujours au pied de l'arbre sur lequel il a poussé et non pas autre part, si bien que rien ni personne ne pourra empêcher l'auteur de l'acte et lui seul d'en éprouver plus tard les effets agréables ou pénibles.

C'est là un aspect capital de la morale bouddhique, qui paraît bien avoir été inventé par le Bienheureux et qui la rapproche grandement de nos idées modernes sur le caractère strictement personnel et inéluctable de la responsabilité.

Cependant, et cela aussi est très proche de nos conceptions actuelles, cette responsabilité n'est pleine et entière que si l'action fut accomplie volontairement, après que son auteur l'eut décidée en connaisant clairement l'ensemble des circonstances, donc si elle fut en accord avec la pensée, l'intention qui l'a causée.

Cela réduit donc plus ou moins, voire supprime, la "fructification" de l'acte accompli involontairement, ou par maladresse, ou par erreur, ou par débilité mentale, ou sous l'empire de la folie, de même qu'une graine, semée en terre, peut ne pas germer du tout ou mal se développer.

En sens contraire, la responsabilité de celui qui prend une part à l'acte, qui aide à accomplir, qui l'encourage ou qui l'ordonne est nettement engagée, dans la mesure où, en agissant ainsi, il a déterminé en partie ou entièrement son accomplissement.

Cette "maturation" (vipaka) de l'acte est en outre un phénomène totalement subconscient, qui demeure inconnu à son auteur comme à tous les autres êtres, si bien que ni lui ni personne ne peut pertuber ce développement et faire obstacle à sa parfaite justice. Notons en passant que le Bouddha reconnaît ainsi l'existence de phénomènes psychiques subconscients, ce que la psychologie occidentale n'admettra, et non sans discussions, que vers le début de notre siècle.

Si les adversaires du Bienheureux pouvaient admettre cette interprétation ingénieuse des renaissances et de la maturation des actes qui la déterminait, il leur était beaucoup plus difficile de se laisser convaincre par ses explications touchant l'état obtenu par l'homme qui, après être parvenu au nirvâna dans sa dernière existence, vient enfin à mourir. En effet, à ce moment, toutes les séries de phénomènes corporels, biologiques et mentaux qui constituent son être cessent complètement et définitivement, y compris celle de la maturation de ses actes antérieurs, puisqu'il en a cueilli tous les fruits.

Si l'homme ainsi délivré ne renaît plus nulle part, c'est justement parce qu'il ne subsiste plus rien de lui qui pourrait renaître d'une façon ou d'une autre et susciter l'apparition d'une nouvelle série de phénomènes.

En bonne logique, le nirvâna complet, qui s'accomplit au moment de la mort de l'arhant ou du bouddha, celui qui est le but proposé par le Bienheureux à ses disciples et que définit la troisième des Vérités saintes, n'est pas autre chose que l'anéantissement complet de l'être. C'était là une très grave objection, certainement même la plus embarrassante, que ses adversaires opposèrent au Bouddha.

Le Bienheureux se refuse, à décrire clairement cet état et il s'en justifie de plusieurs façons que nous pouvons résumer en deux.

- D'une part, il conseille à ses disciples de ne pas perdre leur temps à essayer d'imaginer ce qu'il advient de l'homme déjà délivré quand il meurt pour la première fois, car cela est trop difficile à comprendre pour l'intelligence humaine ordinaire et de plus parfaitement inutile pour avancer sur la Voie menant au nirvâna.

- D'autre part, à ceux que ce premier et sage argument ne convainc pas, il déclare que cet état n'a aucune relation possible ni avec l'être ni avec le néant tels que les hommes les conçoivent, plus précisément que, de l'homme passé ainsi pour toujours au-delà de la mort et de la renaissance, on ne peut dire qu'il existe, on ne peut non plus dire qu'il nexiste pas, on ne peut dire encore qu'il existe et n'existe pas tout à la fois, et on ne peut nier enfin qu'il existe et n'existe pas.

Résolument fidèles à leur maître, les disciples du Bienheureux en déduiront que cet état est totalement inconcevable, entièrement hors de portée de l'intelligence humaine, et par conséquent impossible à exprimer, à décrire, à expliquer en aucune langue humaine.

Plus encore que la difficulté à concilier la série des renaissances et leur détermination par les actes avec les principes d'impermanence et d'absence de "soi", celle que soulevait la nature de l'homme parvenu au-delà de sa mort dernière après sa délivrance obligea les docteurs bouddhistes à approfondir la métaphysique et tout particulièrement l'ontologie ou science de l'être tout au long des siècles.

Cela les conduisit à inventer des solutions d'une très grande audace et à devancer de plus de quinze siècles en ces matières forts subtiles déjà par nature les penseurs de l'Occident, si longtemps retenus et même ligotés par la redoutable orthodoxie chrétienne.
Cependant, et si grand que fut le goût, la passion même, des intellectuels indiens pour les discussions abstraites, ce ne fut pas cela qui conduisit les docteurs bouddhistes aux plus hauts sommets de la métaphysique. Ils n'oubliaient jamais, en effet, les exhortations du Bienheureux à toujours viser la Délivrance, la leur et celle des autres.

En s'efforçant continuellement de réfuter l'existence de la moindre trace de substance et de démontrer l'universalité de la vacuité, de "soi" ou de nature propre, ils voulaient prouver que tout désir et toute haine, et plus généralement toute passion, est à la fois dépourvue totalement d'objet et aussi de sujet, que ce que l'on désire ou que l'on déteste est vide, illusoire, et que celui qui désire ou qui hait l'est tout autant, qu'il n'y a là que des phénomènes de nature passionnelle causés par la rencontre de deux séries d'autres phénomènes, l'un jouant alors le rôle d'objet et l'autre celui de sujet, en somme une sorte de théâtre d'ombres.

Par ces démonstrations, ils contribuaient grandement à encourager le détachement, le renoncement à tout ce qui suscitait les passions, ce qui engendrait les actes, leur maturation et donc les renaissances, ils faisaient avancer sur la Voie de la Délivrance eux-même et ceux qui les écoutaient.
Ils contribuaient à débarrasser l'esprit de tout ce qui le troublait, des craintes et des espoirs insensés, des erreurs et des illusions qui en ternissaient le miroir et empêchaient de refléter les Vérités.
Ils contribuaient à apaiser l'esprit en y faisant naître peu à peu la sérénité qui est la principale caractéristique du nirvâna tel que l'arhant ou le bouddha l'éprouve en ce monde, dans sa dernière existence.

Si utiles et même nécessaires que fussent ces démonstrations, elles ne suffisaient pas pour atteindre la Délivrance, il s'en fallait même de beaucoup, car elles restaient situées sur le plan du raisonnement et de la réflexion, à l'étage inférieur des méditations (dhyâna) .

Il fallait encore élever la pensée à travers celles-ci pour l'épurer progressivement par d'autres moyens, apparentés aux exercices de yoga.

L'enseignement du Bouddha insiste longuement et très souvent sur ces méthodes, dont il préconise diverses sortes, assez différentes les unes des autres mais dont certaines ont des éléments communs et dont plusieurs sont probablement empruntées à des maîtres antérieurs ou extérieurs au bouddhisme mais dont le Bienheureux avait reconnu l'utilité.

Le génie du Bouddha fut sans doute, non seulement d'en inventer de nouvelles parfaitement adaptées au but qu'il s'était fixé, mais aussi de les combiner avec les autres pour constituer autant de moyens à employer selon les diverses modalités psychologiques présentées par les candidats à la Délivrance, selon la personnalité propre à chacun d'eux et aussi conformément aux circonstances particulières où ils se trouvaient placés.

Nous retrouvons ici, mises en pratique sur la Voie du nirvâna, ces connaissances psychologiques sur lesquelles le Bienheureux avait tant insisté et que ses disciples devaient tant approfondir et développer au cours des siècles.

Il n'est donc pas étonnant que la pratique des méditations ait toujours joué un si grand rôle, un rôle capital même, dans les méthodes de salut enseignées par le bouddhisme de tous les temps et de toutes les écoles, notmment dans celle qui se forma dans la Chine ancienne sous son nom, le mot indien dhyâna étant translittéré par tchan en chinois et par zen en japonais.

Il n'est pas non plus surprenant que les psychologues occidentaux de nos jours songent maintement à mettre à profit la si longue expérience accumulée par le bouddhisme en ce domaine, ni que des religieux chrétiens s'intéressent de près aux exercices bouddhiques de méditation en vue de les adapter à leurs propres méthodes de salut, pourtant si éloignées des siennes par le but que propose leur doctrine.

Comme on le voit, l'apport du bouddhisme, fidèle aux enseignements de son maître vénéré, aux connaissances humaines est aussi considérable que divers, à la fois ence qui concerne les pures spéculations de la pensée et pour ce qui est des applications pratiques. C'est pourquoi le Bouddha et ses meilleurs disciples méritent pleinement notre admiration, et ce sera notre conclusion.

Conférence faite à L'Institut bouddhique Truc lâm 24 mai 1987
André Bareau

source :cusi.free.fr




2- LA MORALE DANS LE BOUDDHISME ANCIEN

La morale a toujours occupé une grande place dans le bouddhisme, depuis ses plus lointaines origines. Elle est l'un des éléments capitaux de la méthode de salut découverte par le Bouddha et enseignée par lui à ses disciples.(...)

(...) Il n'existe pas d'âme au sens que l'Occident donne à ce mot. Pour la même raison, Dieu, avec un D majuscule, comme le conçoivent les chrétiens, Dieu unique, éternel, tout-puissant, créateur de toutes choses, est nié également par la Doctrine bouddhique.

L'univers, formé d'innombrables mondes semblables au nôtre et peuplés de la même façon, dispersés dans un espace infini et évoluant au long d'un temps sans commencement ni fin, l'univers existe par lui-même et il se transforme de même, selon sa propre nature, suivant ses propres lois, sans qu'aucun être extérieur à lui-même et doué d'une intelligence suprême ne l'ait créé ni ne le dirige.

L'homme est tout seul en face de ses responsabilités.

De cette absence de Dieu, il résulte que la morale bouddhique est tout à fait indépendante d'une volonté et d'une action divine quelconque, donc que l'homme est tout seul en face de ses responsabilités.

Les bonnes actions ne peuvent être attribuées ni à une inspiration divine, ni à l'intervention d'anges bienfaisants envoyés par Dieu. Les mauvaises actions ne peuvent pas non plus être causées par les suggestions ou les agissements d'un Satan ou de démons inférieurs.

Selon certaines légendes bouddhiques cependant, quelques dieux, grands ou petits, sont parfois venus donner de bons conseils au Bouddha ou à ses disciples, et de même le démon de la mort, Mâra, a quelques fois essayé d'effrayer ou de tenter le Bienheureux ou ses moines, mais aucune de ses interventions divines ou diaboliques n'a jamais empêché le Bouddha d'agir en suite en toute liberté, après avoir bien réfléchi aux conseils des dieux ou avoir vite démasqué et fait fuir le démon.

La morale bouddhique n'a donc pas pour origine, pour base, la volonté de Dieu, puisque celui-ci n'existe pas pour le Bienheureux ni ses disciples, mais elle est la conséquence logique de la nature du monde, de la grande loi qui gouverne celui-ci et tout ce qu'il contient, de cette grande loi qu'on appelle le Dharma (dhamma en pali).

Cette loi universelle est analogue à celles de la physique, par exemple à celle de la gravitation, et elle est donc entièrement indépendante d'une personnalité, d'une intelligence et d'une volonté extérieures et supérieures quelconques. C'est ainsi que les anciens bouddhistes indiens comprenaient l'ordre de l'univers et ses lois, non seulement matérielles, cosmiques et autres, mais aussi sociales, psychiques et morales.


Les causes du malheur inhérent à toute existence.

Avec un esprit très méthodique, le Bouddha chercha et définit les causes du malheur inhérent à toute existence.

- La première est ce qu'il appela la "soif"(trona), le désir ardent, dont les objets sont très divers.
C'est tout d'abord la soif de renaître, pour goûter à nouveau des plaisirs, bien que ceux-ci soient tous éphémères, illusoires et décevants.
Elle est l'une des principales causes de la transmigration et elle est accompagnée de l'attachement aux sensations agréables.
C'est donc le désir de l'existence, non seulement de soi-même en tant que sujet de ces plaisirs, mais aussi des choses et des autres êtres dont on veut faire les objets de sa jouissance.C'est aussi le désir de l'inexistence, qui est celle de soi même quand on veut échapper à la vie présente et à ses conditions pénibles, mais qui est plus généralement celle des choses et des êtres que l'on déteste car ils causent du déplaisir ou de la peine et que l'on veut donc leur disparition.
En somme, ce désir de l'inexistence, ce désir négatif qui est l'inverse du désir proprement dit, est ce qu'on appelle l'aversion, le dégoût, la haine dont nous parlerons un peu plus tard.

Poussant sa réflexion plus loin, le Bouddha rechercha l'origine, les causes de cette soif, et il découvrit alors tout un enchaînement.

Les causes immédiates du désir sont les sensations (vedana), celles qui sont agréables provoquant le désir positif, celles qui sont pénibles faisant au contraire naître le désir négatif, l'aversion et la haine.

Cherchant encore plus profondément dans le même sens, le Bienheureux parvint enfin à ce qu'il considéra comme étant le premier maillon de cette chaîne de causes et d'effets, et qu'il définit comme étant l'ignorance (avdya).

Cette ignorance de la réalité, de la vérité (satya) comme le bouddhisme la conçoit, est pour lui l'origine profonde, indirecte mais certaine, non seulement du désir ardent, mais aussi de tout ce qui fait le malheur (duhkha) de l'existence, à savoir la naissance, la maladie, la vieillesse et la mort, le fait de ne pas obtenir ce que l'on désire et le fait de posséder au contraire ce que l'on déteste, à quoi s'ajoute naturellement la sombre masse des chagrins, des peines des souffrances des tourments de toutes sortes,de la tristesse et du désepoir.

En réfléchissant aux résultats ainsi obtenus, le Bouddha dénonça par la suite le désir (karma), la haine (dvesa) et l'erreur (moha), soeur de l'ignorance, comme étant les trois "racines du mal" (akusa la-mula), qu'il fallait absolument arracher et détruire complètement pour supprimer le malheur propre à toute existence.
En effet, c'est de ces trois racines du mal que naissent tous les vices et toutes les passions, qu'il s'employa à définir, à analyser et à classer pour pouvoir les combattre plus efficacement.



La responsabilité morale individuelle.

Toute action, bonne ou mauvaise, produit, dans la partie subconsciente du psychisme de son auteur, une sorte de semence.

Celle-ci va ensuite germer lentement et se développer jusqu'à produire un "fruit" ou effet qui mûrira peu à peu , puis tombera et atteindra inéluctablement l'auteur de l'acte et lui seul.
Si l'action fut moralement bonne, le fruit sera doux, voire exquis, mais, si elle fut moralement mauvaise, il sera amer et détestable.

Comme tout se passe au plus profond du psychisme, dans la nuit de l'inconscient, l'auteur de l'acte ni personne d'autre ne peut avoir connaissance de ce phénomène et ne peut en conséquence le modifier en un sens ou un autre, d'où son caractère strictement individuel et parfaitement inéluctable. Sur cette justice immanent, si satisfaisante pour l'esprit, est fondée la responsabilité morale individuelle.

La croyance aux transmigrations va fournir une solution fort élégante à l'un des problèmes les plus anciens, les plus choquants et les plus difficiles à résoudre qui se soient posés aux moralistes de tous les temps et de tous les pays.

En effet, la maturation de l'acte, depuis l'accompissement de celui-ci jusqu'à la chute de son fruit, est très lente, si lente qu'elle dure souvent plus longtemps qu'une vie, et même que plusieurs vies successives.

Il est donc tout à fait normal que l'on goûte les fruits agréables d'une bonne action accomplie dans une lointaine existence passée ou que l'on subisse le châtiment d'un méfait commis jadis, bien avant la vie présente.

Il n'est donc pas surprenant ni scandaleux qu'un homme doué de toutes les vertus soit poursuivi par le malheur ni qu'un autre, pleine de vices et parfois même criminel, jouisse de la santé et de la fortune. Si telle est leur situation présente, il est cependant bien certaine pour les bouddhistes que, dans l'avenir, le premier obtiendra la chance dont profit le second et que ce dernier sombrera alors dans le malheur en conséquence de son actuel comportement.

La nature et l'importance des actes

Cette justice immanente n'agit pas aveuglément, mais conformément à la nature et à l'importance des actes.

Plus une faute est grave, et plus le fruit qui en naîtra sera amer, plus le châtiment sera sévère. En outre, le voleur renaîtra dans la misère, tandis que l'homme charitable et généreux vivra dans la richesse, le méchant qui se sera plu à faire souffrir autrui mourra dans d'atroces supplices, alors que l'homme bon et compatissant qui aura porté secours à d'autres êtres échappera aux souffrances physiques.

Plus subtilement, cette justice immanente tient judicieusement compte des circonstances de l'acte et des degrés de responsablité de son auteur .

Pour qu'un acte produise un fruit, doux ou amer , il faut non seulement qu'il ait été décidé en toute connaissance de cause et en pleine conscience, mais aussi qu'il ait été accompli librement.

C'est pourquoi, des trois sortes d'actes, corporels, vocaux et mentaux, ce sont ces derniers qui supportent tout le poids de la responsabilité individuelle et du déclenchement du phénomène de maturation.

L'importance de cette responsabilité est proportionnelle aux degrés de la liberté d'action, de la connaissance et de la compréhension des circonstances, de la volonté de la décision.

Elle est donc diminuée quand on agit sous une certaine contrainte, ou par maladresse, ou par erreur.

Le phénomène de maturation ne se produit même pas du tout quand l'acte est accompi inconsciement, en dormant, dans une crise de folie ou par idiotie complète. De plus et en conséquence, l'importance du fruit est proportionnelle à la pureté de l'intention, à son désintéressement et à l'effort accompli, plus encore qu'à la valeur matérielle de l'action corporelle ou vocale.(...)

En savoir plus : Lire sur ce blog : Le khamma : ICI



Pas de fatalisme car la responsabilité concerne autant les actions présentes et futures que celles du passé

Contrairement à ce que l'on pense parfois, la croyance en la maturation des actes n'a pas le fatalisme pour conséquence, car la responsabilité concerne autant les actions présentes et futures que celles du passé .

Tout désagrément, toute peine a non seulement la valeur d'un châtiment, mais aussi celle d'un avertissement et d'un encouragement à agir désormais conformément à la morale pour éviter de nouveaux malheurs et déplaisirs à l'avenir et pour cueillir , dans cette vie ou dans une autre , les fruits exquis des bonnes actions.

Il est donc parfaitement juste d'user de sa liberté pour employer tous les moyens capables de guérir des maladies ou de sortir de la misère, à la condition toutefois que ces moyens obéissent à la morale et ne nuisent à aucun être vivant. Si ces moyens réguliers réussissent, ce sera par l'effet de la maturation de bonnes actions antérieures, et , s'ils échouent ,ce sera à cause de mauvaises actions du passé.

(...)

Bien qu'elle utilise des mots désignants le bien et le mal comme des noms, la Doctrine bouddhique ne considère pourtant ni l'un ni l'autre comme des substances, mais au contraire comme de simples phénomènes et plus présisément comme des qualités des actions. C'est pourquoi elle emploie le plus souvent ces mots comme des adjectifs signifiant bon ou mauvais.

Puisque le bien et le mal sont étroitement liés au bonheur et au malheur par le phénomène de la maturation des actes, ils prennent une étymologie particulière.

Est dit bon, conforme aux règles de la morale, l'acte qui est littéralement désigné comme approprié, convenable, correct, voire habile, car il produira des effets agréables.

On appelle mauvais, donc immoral, celui qui est dit au contraire inapproprié, incorrect, non convenable, maladroit, car il fera naître des fruits amers et conduira à la peine et au malheur.

Le bouddhisme antique n'a aucunement personnifié le bien, mais il a donné une personnification au mal, représenté par le dieu Mâra.
En réalité, celui-ci appartient entièrement au domaine de la légende et il est donc totalement absent de la littérature doctrinale. Mâra est plus exactement une personnification de la mort, comme son nom l'indique clairement, et c'est pourquoi il apparaît toujours comme étant le principal adversaire du Bouddha.

En effet, celui-ci a découvert la Voie qui mène à la délivrance des transmigrations,et de plus il y conduit les autres êtres par son enseignement. Par conséquence, il va priver le dieu Mâra, incarnation de la mort, d'innombrables victimes puisque ceux qui atteindront le Nirvâna ne renaîtront plus nulle part et ne mourront donc plus jamais, échappant ainsi définitivement à l'autorité opprimante de Mâra.

On comprend alors l'hostilité acharnée de ce dernier envers le Bouddha, son obstination à empêcher le Bienheureux et ses disciples d'avancer sur la Voie menant à la Délivrance et d'y conduire d'autres êtres. Naturellement, toutes tentatives faites par Mâra, en utilisant la terreur, la tentation ou d'autres moyens, aboutissent à leur complet échec, si l'on en croit les récits légendaires.

(...)

A l'opposé du désir sont désignés le renoncement aux plaisirs des sens, le détachement envers les objets des passions, la tempérance, la frugalité et surtout le don, don des biens matériels, don des biens spirituels, don de sa personne même, si la charité l'impose pour sauver autrui, et donc aussi la patience, le renoncement à toute idée de vengeance, le pardon total des offenses, si cruelles soient-elles.

A l'opposé de la haine et de la colère, voici la bonté, l'amitié, la joie de sympathie envers les êtres qui sont heureux, la compassion et la pitié pour ceux qui souffrent, ce qui conduit souvent au don sous ses diverses formes, à quoi s'ajoutent la reconnaissance ,la gratitude à l'égard de ce qui nous ont aidés,

A l'opposé de l'égarement, de l'ignorance et de la stupidité, sont louées la sagesse, l'intelligence et les qualités qui en facilitent la réalisation, à savoir l'attention, la concentration mentale, le calme, l'apaisement du corps et celui de l'esprit, la confiance, l'équanimité, l'indifférence aux mauvais traitements, aux flatteries et aux honneurs comme aux injures et aux offenses.

A cela s'ajoutent encore d'autres vertus vivement recommandées et louées par le Bouddha dans ses sermons, comme l'énergie, l'effort, la résolution, la ténacité.
Celles-ci sont en effet indispensables pour suivre jusqu'au bout, jusqu'à la Délivrance du nirvâna la longue et rude Voie menant à celui-ci, Voie si longue que la très grande majorité des hommes ne peut la parcourir qu'à travers la durée de plusieurs existences successives.


La moralité est l'un des principaux éléments de la méthode de salut enseignée par le Bouddha.Elle est aussi le premier d'entre eux par ordre chronologique

La moralité, plus précisement l'habitude de se conduire selon les règles de la morale, habitude qui doit se cultiver sérieusement et longuement, est l'un des principaux éléments de la méthode de salut enseignée par le Bouddha.

Elle est aussi le premier d'entre eux par ordre chronologique, puisqu'on doit la pratiquer avec grand soin et s'efforcer de la développer avant de mettre en application les autres éléments, les méditations et les facultés intellectuelles menant au nirvâna.

C'est pourquoi les devoirs des fidèles laîcs consistent essentiellement à observer les cinq commandements moraux fondamentaux et à donner aux moines bouddhiques les aumônes de nourriture et d'autres choses dont ils ont strictement besoin pour subsister.

( remarque personnelle : Le mot "commandement" est moins approprié que celui de "précepte "car il n'y a pas de commandement proprement dit dans le Bouddhisme)

(...)

(...) il faut d'abord supprimer, chasser de son esprit toutes les choses mauvaises, immorales, les pensées de désir et de malveillance, avant d'entreprendre la série des méditations.

Il faut vider son esprit de toutes ces mauvaises pensées qui le souillent et le troublent, pour le préparer aux opérations qui le débarrasseront successivement des activités psychiques, intellectuelles et émotionnelles, qui l'agitent et le dispersent, qui l'empêchent de se concentrer et de s'unifier pour devenir enfin un pur et limpide miroir dans lequel pourront apparaître et briller de tout leur éclat les saintes vérités de la Doctrine salivatrice.

Autrement dit, la pratique de la morale est la condition nécessaire et préalable à l'exercice des méditations ,et celles-ci forment la condition non moins nécessaire et préalable à la naissance de la sagesse.

D'autre part, la pratique des méditations et des autres exercices analogues, apparentés au yoga, dont les sermons du bouddha décrivent en détail et recommandent hautement un ensemble assez nombreux et fort divers, constitue une aide puissante et efficace dans la lutte constante que l'on doit mener contre les passions, les vices et les erreurs, que l'on doit ainsi détruire tous peu à peu jusqu'à leur destruction totale et définitive, leur épuisement complet jusqu'au tréfond du subconscient.

Ainsi donc, la pratique des méditations au sens large du mot continue en la renforçant puissamment celle de la morale ordinaire, mais il est bien évident que celle-ci ne doit jamais être abandonnée, tout au contraire.

La pratique des différents vertus par ces diverses méthodes bien définies doit même devenir si habituelle que le moine puisse parvenir à l'exercer sans y réfléchir, avec un esprit de plus en plus calme, détaché, paisible, sans le moindre attachement sentimental pour les autres êtres, quels qu'ils soient.

(...)

La morale bouddhique entraîne donc des devoirs, non seulement envers les hommes, tous les hommes, mais aussi envers tous les êtres vivants.

(...)

Un vrai bouddhiste évitera donc de maltraiter un animal quelconque, et surtout de le tuer.

C'est pourquoi les anciens moines devaient filtrer leur eau de boisson afin de ne pas avaler les animalcules qui y vivent, et pourquoi ceux d'aujourd'hui comme ceux d'autrefois ne doivent manger de viande ou de poisson qu'après s'être bien assurés que les animaux en question n'ont pas été tués spécialement pour leur en donner la chair à consommer.

(...)



Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le Bouddha a autorisé ses fidèles, surtout les laïcs, à rendre aux dieux et génies de toutes sortes les hommages qu'ils attendent des hommes et à leur porter des offrandes, à la seule condition que ces formes de culte ne fussent pas contraires à la morale qu'il leur enseignait. Tout sacrifice d'animal était donc interdit et les offrandes consistaient surtout en fleurs, encens, lumière, nourriture et musique. dans l'immense littérature du bouddhisme ancien, les dieux sont presque toujours des êtres fort estimables et menant une vie très convenable.

Beaucoup d'entre eux ont un corps fait de matière extrêmement subtile et lumineuse, et leur seul nourriture est la joie qu'ils tirent des profondes méditations dans lesquelles ils sont plongés sans cesse. Les plus élevés sont même de purs esprits.

A part Mâra, personnification de la mort, et quelques petites divinités vivants sur la terre, dans les arbres ou les rivières et les mares, qui sont souvent irascibles, les dieux sont toujours bienveillants envers les hommes, surtout envers le Bienheureux et ses disciples.

C'est du reste à cause de leurs nombreuses et importantes bonnes actions accomplies durant leurs vies antérieures qu'ils jouissent maintenant d'un bonheur presque parfait et d'une merveilleuse longévité. En leur rendant un culte , les bouddhistes ne font donc que leur donner ce qui leur est dû et se conformer ainsi aux règles de courtoisie par lesquelles on entretient de bonnes relations avec ses voisins et les aures personnes.

Si les fidèles doivent se conduire ainsi avec des êtres si différents d'eux, on comprend que leur morale leur impose encore plus de devoirs envers les humains, tous les humains, même ceux qui sont les plus misérables, les plus méprisés.

Cela concorde avec l'idée, si souvent et fermement exprimée par le Bienheureux, que ce n'est pas sa naissance, sa caste, sa position sociale qui fait la valeur d'un homme, mais ce sont ses qualités morales.

Lire à ce sujet un message de ce blog sur "le bouddhisme et racisme" : ICI

C'est pourquoi l'importance d'une bonne action, donc celle du fruit qui en naîtra, est proportionnelle, entre autres choses, à la valeur de l'être qui en est l'objet, qui reçoit un don, une aide ou des marques de respect.

Très tôt, on établit donc une hiérarchie des valeurs humaines afin de guider les fidèles dans le choix des hommes auxquels ils devaient apporter leurs aumônes et les autres manifestations de leur vénération, de leur bonté ou de leur compassion. Au sommet de cette hiérarchie, on plaça naturellement le Bouddha, puis ses moines en ordre descendant selon leur degré de sainteté, de sagesse et de vertu, enfin la foule des humains ordinaires, en tenant compte de leur valeur morale et de leurs besoins matériels. On justifiait ainsi le don d'aunômes fait aux ascètes bouddhistes, qui est l'un des devoirs principaux des fidèles laïcs.

Cependant, le Bienheureux mit bien en garde ces derniers contre les mauvais moines, les faux ascètes introduits dans la Communauté, qui ne méritent ni dons ni respect, et dont les agissements coupables sont décrits en détail et condamnés dans les énormes codes de la discipline monastique.


La troupe des disciples du Bienheureux qui adoptait la vie ascétique de celui-ci augmentait en effet avec le temps et certains d'entre eux commettaient des actions qui troublaient le calme et la bonne entente de la Communauté monastique en empêchant leurs compagnons de pratiquer dans de bonnes conditions les divers exercices de méditation et autres qui les faisaient progresser sur la Voie de la Délivrance. En outre, ces mauvaises actions indignaient les laïcs qui tendaient alors à mépriser tous les moines bouddhistes et à les priver des aunômes de nourriture qui leur étaient indispensables pour vivre, si bien que la Communauté tout entière menacée et la Doctrine aussi par conséquent.

Assez tôt, donc, le Bouddha fut obligé d'imposer à sa troupe de moines des règles de discipline de plus en plus nombreuses, au fur et à mesure que des fautes étaient commises par certains de ses membres

Ainsi se constituèrent peu à peu d'énormes codes dont chaque secte eut ensuite le sien propre, car ce travail de législation interne à la Communauté continua après la mort du Bienheureux. Ces vastes recueils contiennent de deux cent cinquante à trois cent règles fondamentales et plusieurs milliers de règles secondaires, mais la plupart d'entre elles sont communes à tous ces codes. Toute la vie ascétique des disciples du Bouddha fut ainsi réglementée jusque dans ses plus infimes détails, et chaque transgression fut punie par un châtiment adapté à la faute et proportionnel à sa gravité, depuis le simple aveu pour les plus légères jusqu'à l'exclusion définitive de la Communauté pour les crimes majeurs.

En savoir plus, lire sur ce blog, Les moines de la tradition théravada : ICI


Chaque type et degré de faute donnait lieu à une procédure définie avec une grande précision. On y tenait grand compte des circonstances qui pouvaient atténuer ou même annuler la culpabilité de son auteur, et le jugement n'était rendu, collectivement, par la communauté locale assemblée, qu'après avoir reçu les aveux du coupable et en avoir discuté. On est surpris par les principes très démocratiques et étrangement modernes à certains égards d'une telle procédure, mais il est vrai que la constitution de la Communauté monastique bouddhiste avait pris pour modèle celle des petites républiques aristocratiques existant dans le bassin du Gange à l'époque où vivait le Bienheureux.

(...)

L'existence même des codes de discipline prouve clairement que ni le Bouddha ni les sages disciples qui poursuivirent et parachevèrent son oeuvre juridique ne se faisaient d'illusions sur l'application pratique, par les moines comme par les fidèles laïcs, de l'admirable morale qu'ils leur prêchaient constamment. Le Bienheureux n'a jamais prétendu que le simple fait de se croire ou de se dire bouddhiste, ni celui d'être devenu un ascète de sa communauté par l'accomplissement régulier du rite de l'ordination suffisaient pour accéder à l'un ou l'autre des quatre degrés de sainteté qui sont autant d'étapes sur la Voie menant au nirvâna.


Revenons pour finir à la morale bouddhique, telle qu'elle fut enseignée par le Bouddha et qu'elle est définie si longuement, avec tant de détails, dans l'énorme masse des textes canoniques composés durant les derniers siècles avant l'ère chrétienne. Elle est certainement l'un des plus beaux monuments spirituels créés par des hommes et elle mérite vraiment notre admiration.


(...)

source : cusi.free.fr

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