jeudi 17 janvier 2008

Effort et détente dans la méditation


photo : isarablog



EFFORT ET DETENTE, par Ajahn Sumedho


L’effort, c’est simplement faire ce qu’il y a à faire. Le degré d’effort peut varier selon le tempérament et les habitudes de chacun. Certaines personnes ont beaucoup d’énergie, sont pleines d’allant et passent leur temps à essayer de trouver quelque chose à faire ; pour elles, tout est tourné vers l’extérieur.


En méditation nous ne cherchons pas à faire quelque chose pour échapper à l’instant présent

Nous développons une sorte d’effort intérieur. Nous observons l’esprit et nous nous concentrons sur le sujet.

Trop d’effort finit par créer de l’agitation mais sans un minimum d’effort la torpeur s’installe et le corps s’avachit. Le corps est un moyen idéal de mesurer l’effort : si votre dos est bien droit, le corps peut accueillir l’effort, les vertèbres sont bien empilées les unes sur les autres, le torse est redressé, les épaules dégagées.

Il faut une certaine volonté pour arriver à faire de votre corps un bon récipient pour l’effort. Si vous êtes trop relâché, vous allez arriver à la posture la plus facile, c’est à dire que la gravité va vous attirer vers le bas. Or nous savons par exemple que, quand il fait froid, il faut alimenter le dos en énergie pour en remplir le corps plutôt que se rouler en boule sous les couvertures.


Avec anapanasati ou l’attention au souffle, vous vous concentrez sur le rythme.

Cela m’a beaucoup aidé pour m’apprendre à ralentir au lieu de tout faire en vitesse. C’est comme pour la pensée : vous vous concentrez sur un rythme qui est beaucoup plus lent que celui de vos pensées. La pratique d’anapanasati nécessite de se calmer pour se mettre au diapason du rythme lent de la respiration. Alors nous cessons de penser. Nous nous satisfaisons du simple fait d’inspirer et puis du simple fait d’expirer, en prenant tout notre temps pour être présent à cette respiration du début jusqu’à la fin et à chacune des étapes intermédiaires.

Si vous utilisez anapanasati dans le but d’arriver à la concentration du samadhi, vous vous êtes déjà fixé un but, vous essayez d’obtenir quelque chose pour vous-même et dans ce cas anapanasati va cruellement vous décevoir et même vous faire enrager.

Etes-vous capable de rester présent à toute la durée d’une inspiration ? A vous satisfaire d’une simple expiration ? Pour vous satisfaire de ce bref moment, il faut ralentir votre rythme, n’est-ce pas ?



Etre attentif à toute la durée d’une inspiration et à toute la durée d’une expiration.

Quand on pratique anapanasati pour atteindre un niveau de jhana ou absorption, on y met beaucoup d’effort et par conséquent on ne ralentit rien du tout, obnubilé que l’on est par le but à atteindre, au lieu de se contenter humblement d’une simple respiration. Tout le succès d’anapanasati réside là : être attentif à toute la durée d’une inspiration et à toute la durée d’une expiration.

Posez votre attention au début et à la fin ou au début, au milieu et à la fin. Cela vous donne des points de repère précis pour le cas où votre mental s’échapperait souvent pendant la pratique. En portant une attention particulière au début, au milieu et à la fin de la respiration, vous empêcherez le le mental de s’échapper.

C’est uniquement là que nous devons concentrer tous nos efforts. Pendant ce temps, autorisez-vous à oublier tout le reste.

Réfléchissez à la différence entre l’inspiration et l’expiration examinez-la. Laquelle préférez-vous ? Parfois vous aurez l’impression de ne plus respirer tellement la respiration se sera affinée. Le corps semblera respirer de lui-même et vous aurez l’étrange impression que vous allez cesser de respirer — ce qui peut être un peu inquiétant mais sans risque. Il s’agit là d’un exercice complètement centré sur la respiration.

N’essayez à aucun moment de contrôler votre respiration

Quand vous vous concentrez sur les narines, il peut vous sembler que le corps tout entier est en train de respirer, que le corps respire tout seul. Parfois nous prenons les choses trop au sérieux, sans joie, sans le moindre sens de l’humour, nous réprimons tout. Réjouissez donc votre esprit, détendez-vous, soyez à l’aise, prenez tout votre temps sans vous fixer aucune tâche à accomplir : ce n’est rien de spécial, il n’y a rien à atteindre, rien de grave. C’est une petite chose.

Même si vous n’avez qu’une seule respiration consciente dans toute la matinée, ce sera déjà mieux qu’être inattentif tout le temps, comme la plupart des gens.

Si vous êtes négatif de tempérament, essayez de vous montrer plus gentil et plus tolérant avec vous-même. Détendez vous, ne faites pas de la méditation un lourd fardeau. Voyez-la comme une occasion d’être à l’aise et en paix avec le moment présent. Détendez votre corps et soyez en paix. Vous n’êtes pas en train de combattre les forces du mal.


N’ayez pas le sentiment que vous êtes obligé de pratiquer

Si vous sentez une résistance par rapport à la pratique d’anapanasati, soyez-en simplement conscient. N’ayez pas le sentiment que vous êtes obligé de pratiquer ; faites en sorte que ce soit plutôt un plaisir. Vous n’avez rien d’autre à faire, vous pouvez vous détendre complètement. Vous avez tout ce dont vous avez besoin, vous avez votre respiration, il vous suffit de rester assis ici, ce n’est pas difficile à faire ; vous n’avez pas besoin d’être spécialement doué ni spécialement intelligent.

Si vous vous dites : « Je n’y arrive pas », reconnaissez qu’il s’agit là d’une résistance, d’une peur ou d’une frustration et puis détendez-vous. Si vous sentez que vous devenez de plus en plus tendu et agacé par anapanasati, arrêtez la pratique. N’en faites pas quelque chose de difficile, n’en faites pas une tâche impossible. Si vous n’y arrivez pas, restez simplement assis.

Quand autrefois cette pratique arrivait à me mettre dans tous mes états, j’arrêtais et je me contentais d’observer la paix retrouvée. Au début c’était : « Il faut que j’y arrive … Il faut ceci, il faut cela ». Et puis je me disais : « Détends-toi, sois en paix. » Je voyais défiler les doutes, l’agitation, le mécontentement, la résistance et puis je méditais sur la paix en répétant le mot « paix » encore et encore, en m’hypnotisant avec :« Détends-toi, détends-toi ». Les doutes arrivaient — « Ceci ne me mène à rien, ne m’apporte rien » — mais très vite j’étais en mesure de faire la paix avec eux.

On peut arriver à se calmer ainsi et quand on est détendu à nouveau, on peut faire anapanasati. Si vous voulez faire quelque chose, eh bien faites cela !

Au début vous trouverez peut-être cela très ennuyeux ou vous penserez que vous n’êtes pas doué. C’est comme apprendre à jouer de la guitare : d’abord les doigts manquent de souplesse et cela paraît impossible mais après un certain temps, on est plus habile et cela devient facile.


Avec anapanasati vous apprenez à observer ce qui se passe dans votre esprit,

Vous appernez à reconnaître les moments où l’agitation pointe, où la tension s’éveille, où la résistance se manifeste ; vous n’essayez plus de vous convaincre du contraire.

Vous êtes pleinement conscient des choses telles qu’elles sont et ensuite, que faites-vous quand vous êtes tendu, agité et nerveux ? Vous vous détendez.

Mes premières années auprès d’Ajahn Chah, j’étais très sérieux dans ma méditation. Beaucoup trop sévère et solennel, j’avais perdu tout sens de l’humour. J’étais devenu mortellement sérieux, tout desséché comme une vieille branche.

Je consacrais beaucoup d’efforts à la pratique, j’étais toujours tendu et désagréable et je me répétais sans cesse : « Il faut que je fasse ceci ou cela. Je suis trop paresseux ». Je me sentais affreusement coupable si je ne passais pas tout mon temps à méditer — j’étais dans un état d’esprit sombre et sans joie.

Alors j’ai observé cela, j’ai médité sur moi-même en tant que vieille branche desséchée et quand cela devenait trop pénible, je me rappelais que le contraire était possible : « Tu n’es pas obligé de faire quelque chose ni d’aller quelque part. Sois en paix avec les choses telles qu’elles sont en cet instant, détends toi, lâche toute cette souffrance. »

Quand le mental en arrive à ce point de tension, utilisez le contraire, apprenez à prendre les choses avec calme et légèreté. Vous lisez dans certains livres qu’il ne faut pas faire d’effort — « laissez les choses se faire naturellement » — et vous vous dites qu’il n’y a qu’à se laisser bercer tranquillement. Mais c’est précisément à ce moment-là que vous sombrez dans un état de passivité et de torpeur ; c’est là qu’il faut fournir un peu plus d’effort.

Avec anapanasati vous pouvez maintenir l’effort pendant une inspiration et, si vous n’y arrivez pas, maintenez-le au moins pendant une demi-inspiration — ainsi vous n’essaierez pas de devenir parfait d’un seul coup ! Vous n’êtes pas obligé de réussir à cause d’une idée préconçue de comment les choses devraient se passer ; faites plutôt face aux problèmes tels qu’ils se présentent. Et si votre esprit est agité de pensées, le reconnaître est une forme de sagesse, de vision pénétrante des choses telles qu’elles sont.

Croire que vous ne devriez pas être comme cela, vous détester ou vous décourager parce que vous êtes effectivement comme cela, est une forme d’ignorance.


La pratique d’anapanasati c’est votre point de départ

La pratique d’anapanasati vous permet de voir les choses telles qu’elles sont à cet instant ; c’est votre point de départ : maintenez l’attention encore un peu plus longtemps et vous commencerez à comprendre ce qu’est la concentration.

A présent, vous êtes en mesure de prendre des résolutions que vous pouvez tenir. Ne prenez pas des résolutions de Superman si vous n’êtes pas Superman. Pratiquez anapanasati pendant dix ou quinze minutes plutôt que décider de tenir toute la nuit : « Je vais faire anapanasati jusqu’à l’aube ». Parce que si vous n’y arrivez pas, vous allez être furieux. Fixez-vous des temps de méditation que vous savez pouvoir tenir. Faites-en l’expérience, travaillez avec votre esprit jusqu’à savoir exactement quel effort vous pouvez fournir et comment vous détendre.

Anapanasati est quelque chose d’immédiat, c’est une pratique qui vous mène directement à la vision pénétrante, vipassana. La nature impermanente de la respiration ne vous appartient pas, n’est-ce pas ? Une fois né dans ce monde, le corps respire tout seul — inspiration et expiration, l’une conditionnant l’autre — et il en sera ainsi tant que le corps sera en vie. Vous ne contrôlez rien, la respiration relève de l’ordre naturel des choses, elle ne vous appartient pas, elle n’est pas vous.

Quand vous observez cela, vous pratiquez vipassana, la vision pénétrante. Il n’y a là rien d’excitant, de fascinant ni de désagréable. C’est tout à fait naturel.




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