lundi 13 août 2007

La co-production conditionnée



Par la co-production conditionnée s'explique l'apparition et la disparition des phénomènes de l'existence.

Cette théorie montre comment l'apparition et la disparition des phénomènes psychologiques sont régies par un déterminisme. Leur production forme une chaine, dont le nombre des membres peut atteindre 12, chaque élement étant la condition du suivant.


Pour simplifier, on dira que "rien n'est sans cause et rien n'est sa propre cause" ou encore:

"Quand ceci est, cela est ;
Ceci apparaissant, cela apparaît.
Quand ceci n'est pas, cela n'est pas ;
Ceci cessant, cela cesse."

Selon les paroles du Bouddha, "Celui qui voit la co-production conditionnée voit le Dhamma, celui qui voit le Dhamma voit la co-production conditionnée"

Ainsi pour le Bouddha, cette "découverte" est essentielle.



Ces conditions sont décomposées en douze éléments :

On notera que sur ces 12 éléments, seulement 8 apparaissent constants dans les versions anciennes, ainsi 4 éléments sont apparus plus tard :

1- Ignorance (avijjâ / avidyâ) 2- constructions mentales (sankhâra / samskâra)
3- conscience discriminante
(viññâna / vijñâna) 4- contact (phassa / spars'a)
5- sentiment
(vedanâ) 6- « soif » (tanhâ / trisnâ) 7- attachement (upâdâna) et
8- existence (bhava).
Les quatre éléments « nouveaux », désormais classiques, sont les suivants : « nom et forme » (nâma-rûpa) et « sphères » sensorielles (salâyatana / sadâyatana), qui s'intercalent entre la conscience et le contact ; naissance (jâti) et vieillesse-mort (jarâ-marana), qui achèvent la série ( Pour plus de détails: voir article de D. Trotignon plus bas)



Vous trouverez ci après:

1- L'interdépendance ou la "production conditionnée" par Michel Henri Dufour

2- La co-production conditionnée selon le bouddhisme ancien par Dominique Trotignon

3- Les douze maillons dans le bouddhisme

4- La co-production conditionnée transcendante: explication du sutta upanisa, par Bhikku Bodhi (sutta copié ci après)


5- Sutta :

1) Acela-sutta: La coproduction conditionnée:

2) sutta Upanisa




1- L'interdépendance ou la "production conditionnée" par Michel Henri Dufour :

Cette « loi » explique que le samsara, le processus de la souffrance et des existences répétées, est entretenu par une chaîne de liens interconnectés de causes et effets. Toute chose dans l’univers relatif existe en raison de conditions déterminantes et détermine à son tour d’autres choses ; rien n’est un commencement en soi ou un fin en soi (la seule exception étant l’arahanta, l’être pleinement libéré). Elle révèle également la méthode pour briser cette chaîne et mettre un terme au processus ; celui-ci n’est en effet pas inéluctable, il est possible, à chaque lien, de trouver une porte de sortie et de rompre le cercle vicieux.

Au sens premier la « production conditionnée » ou «origine(s) interdépendante(s)" fait référence à la façon dont la souffrance apparaît en dépendance directe de l’échec à appréhender correctement la réalité (ignorance) et de l’esclavage des désirs, et disparaît conjointement à leur cessation.

Chaque lien conditionne le suivant dans le sens naissance, apparition (paccaya) selon l’ordre progressif (anuloma) ou dans le sens cessation (nirodha) selon l’ordre rétrograde. Nous avons ainsi la description du surgissement de la « maladie » (ordre progressif), et la description de la façon de faire cesser cette « maladie » (ordre rétrograde).

En dépendance de 1. l’ignorance apparaissent :

2. les facteurs d’existence

3. en dépendance des facteurs d’existence apparaît la conscience discriminative

4. en dépendance de la conscience discriminative apparaît l’individualité psychophysiologique

5. en dépendance de l’individualité psychophysiologique apparaissent les six bases des activités des sens

6. en dépendance des six bases des activités des sens apparaît le contact

7. en dépendance du contact apparaissent les sensations ,

8. en dépendance des sensations apparaît le désir ardent,

9. en dépendance du désir ardent apparaît l’attachement,

10. en dépendance de l’attachement apparaît le devenir ,

11. en dépendance du devenir apparaît la naissance

12. en dépendance de la naissance apparaissent la décrépitude et la mort
Source :Vade mecum bouddhiste




2-La co-production conditionnée selon le bouddhisme ancien par Dominique Trotignon

On considère à juste titre la « co-production conditionnée » comme l'enseignement central et essentiel de la doctrine bouddhique et l'on reconnaît aussi souvent - toujours à juste titre - que son interprétation est, sinon fort malaisée, à tout le moins délicate.
Un important sutta du Digha-nikâya - que nous évoquerons plus en détail tout à l'heure - le Mahâ-nidâna-sutta, s'ouvre sur un dialogue, entre le Bouddha et son disciple Ananda, qui justifie toute prudence en cette matière :

Ananda : « C'est merveilleux, Bienheureux, c'est merveilleux. Cette co-production conditionnée est très profonde, vraiment très profonde. Cependant, pour moi, elle est claire, très claire. »
Bouddha : « Ne dites pas cela, Ananda ! C'est justement à cause de la non-connaissance de la co-production conditionnée, parce qu'ils n'ont pas une connaissance pénétrante de la co-production conditionnée, que l'existence des êtres devient embrouillée comme un écheveau, emmêlée comme une bobine de fils, comme un enchevêtrement de broussailles, qu'ils n'échappent pas aux situations infernales, aux états inférieurs, douloureux, au samsâra ! »

De son côté, mille ans plus tard, au ve siècle après J.-C., Buddhaghosa - qui consacre à la co-production conditionnée l'intégralité du chapitre XVII de son Visuddhimagga - ne manque pas de donner un long avertissement à son lecteur.
Il l'invite surtout, tout d'abord, à ne pas considérer le co-production conditionnée comme l'exposé d'une « genèse », c'est-à-dire d'un processus causal - signe qu'une telle interprétation (due à sa présentation « classique », sous la forme d'un enchaînement de douze éléments successifs) devait être assez courante... « Aucun sutta ne le dit et ce serait en contradiction avec les sutta », précise-t-il, citant en confirmation un extrait du Kaccâna-sutta [que nous aurons aussi l'occasion d'évoquer à nouveau.] : « Quand on voit avec une juste connaissance l'origine du monde [comme co-production conditionnée], l'idée même d'existence ou d'inexistence du monde n'apparaît pas ! », et l'on ne s'interroge donc pas davantage sur la « cause » possible du monde.

Aussi, continue-t-il, convient-il d'aborder cette notion correctement et, si l'on persiste à voir en elle la présentation d'un processus causal, « il faut en chercher la caractéristique essentielle au moyen de l'analyse grammaticale » de son appelation : paticca sam-uppâda.

L'analyse de Buddhaghosa s'attache alors à préciser la relation exacte entre les deux termes : paticca et sam-uppâda. Une lecture « traditionnelle » de ce terme composé envisagerait naturellement un rapport de détermination de l'un par rapport à l'autre : « étant conditionnée, la co-production... » ; mais une telle interprétation, nous dit-il, serait en contradiction avec les sutta et « la grammaire s'y oppose » ! Le terme paticca est en effet un « gérondif passé » et, logiquement, « doit se construire avec le même sujet que le verbe principal ». Or, l'autre terme n'est pas un verbe mais un substantif. On ne peut pourtant pas imaginer un verbe « hoti » qui serait sous-entendu - « étant conditionnée, la co-production devient » - car le verbe « hoti » n'apparaît jamais, lui non plus, dans les sutta !
Il convient donc de prendre l'expression telle qu'elle est et d'en envisager les termes comme juxtaposés, dans un rapport complémentaire, ainsi que nous y invite une double citation [dont Buddhaghosa, malheureusement, ne nous donne pas la référence.] :

Le Seigneur a dit :
« Deux facteurs - la condition d'une part,
la réunion des agents d'autre part - produisent l'effet »
« Le rassemblement des causes réunies (amenées face à face) constitue la condition.
Comme [ce rassemblement] produit des agents concomitants on l'appelle ''co-production'' ».

Citations que Buddhaghosa glose de la manière suivante :
« La réunion des causes, énoncées une par une, provoque la manifestation des effets (...) Cette réunion, qui produit un effet commun lorsqu'aucun des facteurs ne manque, est « conditionnelle » parce qu'elle amène 'face à face' les facteurs au complet. Cette réunion s'appelle « co-production » parce qu'elle produit des facteurs simultanés qui n'existent pas indépendamment les uns des autres. »
Une plus juste traduction, en français, devrait donc être : « co-production conditionnelle ». C'est d'ailleurs la traduction que propose Christian Maès dans son édition récente du Visuddhimagga (Fayard, collection « Trésors du bouddhisme »).

Une analyse étymologique des termes tend à confirmer cette interprétation.
Le terme sam-uppâda se compose lui-même de uppâda [sk. ut-pâda] : « produit [pâda] par l'effet de... [ut-] », auquel s'adjoint le préfixe sam- marquant la convergence, et pourrait donc s'interpréter comme « production résultant d'une convergence ».
Le terme paticca [sk. pratîtya] est lui aussi un composé [= prati-itya] , unissant itya, gérondif du verbe aller [î], et le préfixe prati- : « rencontre avec, tenir compte de. » ; qui pourrait s'interpréter comme « en allant [devenant ?] en fonction de ».
L'expression complète aurait donc pour signification : « produit par un ensemble de conditions, durant dépendamment [de la rencontre de celles-ci] ».
L'expression « co-production conditionnelle » voudrait donc dire qu'un phénomène ne se produit que lorsque l'ensemble des conditions requises est effectivement réuni et que ce phénomène n'existe [ne dure] que le temps que ces conditions sont effectivement réunies.
Autrement dit : un « concours de cironstances », qu'on pourrait représenter sous la forme du schéma suivant :

Or on le sait, une telle lecture - successive, puis chronologique - est devenue
« classique » dans le bouddhisme ancien... tout comme l'interprétation de cette succession comme un enchaînement causal - ce qui poussera d'ailleurs les écoles mahayanistes ultérieures à introduire de subtiles distinctions entre causes [hetu] et conditions [pratyaya], parfaitement inconnues (et peut-être inutiles...) dans les textes canoniques les plus anciens !

Cette évolution de l'interprétation de la « co-production conditionnelle », semble-t-il, est étroitement liée à une certaine évolution de sa présentation développée.
Telle qu'elle apparaît désormais, en douze membres, cette présentation contient des éléments, ignorés des textes les plus anciens, qui posent en effet problème.
On ignore à quelle époque cette formulation en douze membres s'est finalement fixée, mais de nombreux textes anciens démontrent qu'il y a eu longtemps un grand flottement dans le choix et le nombre des composants.

Ce qui ressort avec évidence, c'est que les éléments les plus récents (« nouveaux ») introduisent tous une dimension physique et matérielle dans un processus qui se présentait, au départ, uniquement d'un point de vue strictement psychique.

Huit éléments apparaissent constants dans les versions anciennes :
1- Ignorance (avijjâ / avidyâ) 2- constructions mentales (sankhâra / samskâra) 3- conscience discriminante (viññâna / vijñâna) 4- contact (phassa / spars'a) 5- sentiment (vedanâ) 6- « soif » (tanhâ / trisnâ) 7- attachement (upâdâna) et 8- existence (bhava).
Les quatre éléments « nouveaux », désormais classiques, sont les suivants : « nom et forme » (nâma-rûpa) et « sphères » sensorielles (salâyatana / sadâyatana), qui s'intercalent entre la conscience et le contact ; naissance (jâti) et vieillesse-mort (jarâ-marana), qui achèvent la série.

Rappelons rapidement les deux lectures « classiques » que cette introduction a finalement induit : chronologique et causale.

D'un point de vue chronologique, les douze membres ont été répartis en trois temps : au passé appartiennent l'ignorance et les constructions mentales ; au futur, la (re-)naissance et vieillesse et mort ; les huit éléments restants concernent le présent - soit comme « résultat » du passé (conscience, « nom-et-forme », « sphères », contact et sentiment), soit comme condition d'apparition des éléments appartenant à l'avenir (« soif », attachement, existence).

D'un point de vue causal, on distinguera les « bases » que constituent les souillures (kilesa / kles'a) : passée - ignorance, et présentes - soif et attachement ; les « actes » (kamma / karman) qui en surgissent : passé - constructions, et présent - existence ; enfin les « fruits » (vipâka) qu'ils provoquent : présents - conscience, nom-et-forme, sphères, contact et sentiment, et futurs - naissance, vieillesse et mort.

Ces deux lectures, mêlant étroitement chronologie et causalité, induisent non seulement une interprétation physique-matérielle des quatre éléments nouveaux mais, aussi, que la conscience soit envisagée, non plus comme un « acte de conscience discriminante », mais comme un « support de renaissance » [gandhabba / gandharva] - interprétation devenue elle aussi « classique », aussi bien chez Buddhaghosa que dans l'école Sarvâstivâda.

Comment ces éléments « nouveaux » se sont introduits et comment ils ont provoqué cette évolution de l'interprétation, c'est ce que nous étudierons plus loin.
Avant cela, il nous reste encore à présenter rapidement une autre formulation de la « co-production conditionnelle », fort souvent citée, qui en constitue en quelque sorte un résumé :

« Quand ceci est, cela est ;
Ceci apparaissant, cela apparaît.
Quand ceci n'est pas, cela n'est pas ;
Ceci cessant, cela cesse. »

Sa traduction habituelle en français - que nous venons de donner - n'est pas, elle non plus, sans poser quelques difficultés et sans doute a-t-elle largement participé elle aussi, au moins en Occident, à induire une interprétation causale du processus. Un rapide coup d'oeil au texte original permet de voir que cette traduction est largement fautive...

Imasmim sati, idam hoti [bhavati] ;
imassuppâdâ, idam uppajjati.
Imasmim asati, idam na hoti ;
imassâ nirodha, idam nirujjhati.

Là où le français énonce par deux fois, en miroir, le même verbe (être, apparaître et cesser), le texte pâli décline deux verbes différents : as [sati] et hoti pour la première et la troisième propositions, uppâda et uppajjati pour la deuxième, nirodha et nirujjhati pour la quatrième !
Il est surprenant que l'adage bien connu ait été à ce point illustré : « traduire, c'est trahir » !!

En effet, les trois verbes de chaque première partie sont d'évidence des termes « neutres », énonçant simplement l'existence (as = être), le surgissement (uppâda = apparaître) et la disparition (nirodha = cesser) de « ceci ». En revanche, les trois verbes de chaque deuxième partie ajoutent une idée fondamentale, celle de la durée de « cela » : le devenir (hoti-bhavati), la croissance (jâti) et la cessation de la croissance (nirujjhati = nir-jati) - [le terme jâti, habituellement traduit par « naissance », ne désigne pas en effet un événement, ponctuel, mais un processus, durable, qui s'étend de la conception jusqu'à la sortie de l'utérus ; il est compris plus généralement - comme dans la première des Quatre Nobles Vérités - comme le processus de croissance par opposition au processus de décroissance et de décrépitude, la vieillesse - jâra].

Une traduction plus fidèle au texte original devrait être :

« Ceci étant, cela devient ;
ceci apparaissant, cela naît [croît]
Ceci n'étant pas, cela ne devient pas ;
ceci cessant, cela cesse de naître [croître]. »
Source : UBE



3- Les douze maillons dans le bouddhisme : La co-production conditionnée.


Le pratitya-samutpada, ou coproduction conditionnée, traite de production ou d’origine, et consiste en douze nidanas, ou maillons, en série ou en chaîne. Chacun de ces douze maillons apparaît en dépendance du précédent, ou est conditionné par celui-ci. Voilà pourquoi l’on parle de coproduction conditionnée, ou d’origine en dépendance de ces maillons, se succédant l’un après l’autre, dans la séquence.

L’ignorance.

Le premier nidana est l’avidya (en pali : avijja), ou l’ignorance. Ce nidana est d’une certaine façon le plus important de tous les nidanas. L’avidya n’est pas tant l’ignorance dans le sens intellectuel que le manque ou la privation de la prise de conscience spirituelle, voire de la conscience spirituelle et de l’être spirituel. L’avidya, dans ce sens, est l’antithèse directe de la Bodhi, de l’Éveil. La Bodhi est le but de tout le processus de l’évolution, et particulièrement tout le processus de l’évolution supérieure. De la même façon, l’avidya représente tout ce qui s’étend derrière nous, ou en dessous de nous, dans ce processus d’évolution. Si l’Éveil représente le but, alors l’ignorance représente les profondeurs d’où nous venons. Si l’Éveil représente le sommet de la montagne, alors l’ignorance représente les vallées dont nous émergeons progressivement, et qui dorment, plongées dans l’obscurité.

Plus spécifiquement, l’avidya est faite de diverses vues fausses. Un certain nombre d’entre-elles sont spécifiées dans les textes canoniques. Il y a par exemple la vue fausse qui consiste à voir le conditionné en tant qu’Inconditionné — penser que toute chose phénoménale peut durer pour toujours. Ce n’est bien sûr pas une conviction intellectuelle, mais une supposition inconsciente : nous nous comportons comme si certaines choses allaient durer pour toujours ; nous nous y attachons donc, et sommes malheureux quand, finalement, nous devons y renoncer.

Les activités formatrices.

Selon la formule trouvée dans les textes, en dépendance de l’ignorance apparaissent les activités formatrices (en sanskrit : samskaras ; en pali : sankharas). Samskara signifie littéralement « préparation » ou « mise en place ». Le mot veut dire volitions ou actes de volonté. Dans ce contexte le mot est utilisé pour signifier l’agrégat des conditions mentales qui, selon la loi du karma, sont responsables de la production, ou de la préparation, ou de la mise en place, du premier moment de conscience dans une « nouvelle » vie. Dans ce contexte le mot samskaras est souvent traduit par « activités formatrices » ; lorsqu’il apparaît dans le contexte des cinq skandhas (les cinq agrégats), il est habituellement traduit par « volitions ».

La conscience.

En dépendance des activités formatrices apparaît la conscience (en sanskrit : vijñana ; en pali : viññana). Ce n’est pas la conscience en général, mais la conscience dans le sens spécifique de « conscience re-liante ». Elle est appelée ainsi car elle re-lie la personne, ou la psyché, à l’organisme psychophysique de la nouvelle vie.

Le nom-et-forme.

En dépendance de la conscience apparaît le nom-et-forme (nama-rupa). Ici, le nama-rupa signifie simplement le corps physique (et tout d’abord le corps physique embryonnaire) et les trois autres agrégats mentaux de sensation (vedana), perception (samjñ) et volitions (samskaras).

Les six bases.

En dépendance du nom-et-forme apparaissent les six bases (en sanskrit : sadayatana ; en pali : salayatana). Les six bases sont simplement les cinq organes physiques des sens et l’esprit (qui est traité comme une sorte de sixième sens, voire de sixième organe des sens). Elles sont appelées les six bases parce qu’elles constituent les bases de notre expérience du monde extérieur.

Le contact.

En dépendance des six bases apparaît le contact (en sanskrit : sparsa ; en pali : phassa). Ceci représente l’impact mutuel entre l’organe et l’objet approprié. L’œil, par exemple, entre en contact avec une forme visuelle, ce qui donne naissance au contact de l’œil. De la même façon les cinq autres sens entrent en contact avec leurs objets des sens respectifs.

La sensation.

En dépendance du contact apparaît la sensation (vedana). En ce qui concerne son origine, la sensation a six formes, selon qu’elle provient du contact de l’œil, du contact de l’oreille, etc. À son tour, chacune de ces sensations a trois formes, à savoir plaisante, douloureuse ou neutre (ni plaisante ni douloureuse).

L’avidité.

En dépendance de la sensation apparaît l’avidité (en sanskrit : trsna ; en pali : tanh)a. La trsna, l’avidité ou la soif, est de trois sortes : la kama-trsna, la bhava-trsna, et la vibhava-trsna. La kama-trsna est l’avidité d’expériences sensuelles. La bhava-trsna est l’avidité de la continuation de l’existence, en particulier de la continuation de l’existence au paradis, après la mort. La vibhava-trsna est l’avidité de l’annihilation ou de la mort. Cette étape particulière, dans laquelle l’avidité apparaît en dépendance des sensations, est une étape très importante, voire l’étape cruciale de toute la série, car c’est là, si l’on est capable de ne pas réagir à la sensation par l’avidité, que la chaîne peut être brisée.

L’appropriation.

En dépendance de l’avidité apparaît l’appropriation (upadana). Il est intéressant de noter qu’il y a quatre sortes d’appropriation. Généralement nous ne pensons qu’en termes d’appropriation des choses matérielles, des plaisirs et des possessions. Ceci est en fait la première sorte d’appropriation : l’appropriation des plaisirs sensuels, c’est-à-dire l’appropriation des expériences plaisantes venant par l’œil, par l’oreille, par le nez, etc. Nous savons tous ce qu’elles sont, et il n’y a pas besoin d’entrer dans les détails.

Le devenir.

En dépendance de l’appropriation apparaît le devenir (bhava). Bhava est la vie, ou l’existence, à n’importe quel niveau, en tant que conditionnée par notre appropriation.

La naissance.

En dépendance du devenir apparaît la naissance (jati).

La décrépitude et la mort.

En dépendance de la naissance apparaissent la décrépitude et la mort (jara-marana). Une fois que vous êtes né, rien sur cette terre ne peut vous empêcher de tomber en décrépitude, et finalement de mourir.

Voici les douze nidanas, les douze maillons de la coproduction conditionnée. Ils forment une série d’exemples concrets du principe bouddhique universel de la conditionnalité, en particulier lorsque ce principe est appliqué au processus de la renaissance.

source : centrebouddhisteparis




4- La co-production conditionnée transcendante, ( explication du sutta upanisa) par Bhikku Bodhi  : ICI 




Lire aussi : La production conditionnée: paticca samuppáda: LA




5- Ci après 2 sutta


1) La coproduction conditionnée: Acela-sutta

(14.1) Ainsi ai-je entendu: Une fois, le Bienheureux séjournait à Kalandakanivapa dans le parc des Bambous, près de la ville de Rajagaha. Un jour, le Bienheureux, s'étant habillé de bon matin, prit son bol et son manteau, puis entra dans la ville de Rajagaha pour sa tournée d'aumône. A ce moment-là, un ascète nu appelé Kassapa vit de loin le Bienheureux qui arrivait. L'ayant vu, l'ascète Kassapa s'approcha du Bienheureux et échangea avec lui des compliments de politesse et des paroles de courtoisie, puis se tint debout à l'écart sur un côté.

(14.2) Se tenant debout à l'écart sur un côté, l'ascète nu Kassapa dit: "Si le vénérable Gotama nous le permet, s'il veut nous donner l'occasion d'écouter sa réponse, nous voulons l'interroger sur un certain point." Le Bienheureux dit: "Ce n'est pas le moment pour questionner, ô Kassapa, nous sommes parmi les maisons." L'ascète nu Kassapa dit pour la deuxième fois: "Si le vénérable Gotama nous le permet, s'il veut nous donner l'occasion d'écouter sa réponse, nous voulons l'interroger sur un certain point." Le Bienheureux dit: "Ce n'est pas le moment pour questionner, ô Kassapa, nous sommes parmi les maisons."

(14.3) L'ascète nu Kassapa dit pour la troisième fois: "Si le vénérable Gotama nous le permet, s'il veut nous donner l'occasion d'écouter sa réponse, nous voulons l'interroger sur un certain point." Le Bienheureux dit: "Ce n'est pas le moment pour questionner, ô Kassapa, nous sommes parmi les maisons."

(14.4) Lorsque cela eut été dit par le Bienheureux, l'ascète nu Kassapa persista: "Ce n'est pas une grande chose que nous voulons vous demander, ô vénérable Gotama." Enfin, le Bienheureux dit: "Demandez alors, ô Kassapa, ce que vous voulez."

(14.5) L'ascète nu Kassapa demanda: La souffrance de l'individu, ô vénérable Gotama, est-elle quelque chose de créé par lui-même ? - Ce n'est pas comme cela qu'elle se produit, ô Kassapa dit le Bienheureux. -La souffrance de l'individu, ô vénérable Gotama, est-elle quelque chose de créé par quelqu'un d'autre? - Ce n'est pas comme cela qu'elle se produit, ô Kassapa, dit le Bienheureux.

(14.6) - Si la souffrance de l'individu n'est pas quelque chose de créé par lui-même, si la souffrance de l'individu n'est pas quelque chose de créé par quelqu'un d'autre, ô vénérable Gotama, la souffrance de l'individu est-elle une chose apparue par hasard? - Ce n'est pas comme cela qu'elle se produit, ô Kassapa, dit le Bienheureux.

(14.7) - La souffrance de l'individu, ô vénérable Gotama, est-elle une chose non existante? - Si, ô Kassapa, la souffrance de l'individu n'est pas une chose non existante, la souffrance de l'individu est donc une chose existante. -Peut-être, le vénérable Gotama ne connaît-il pas la souffrance de l'individu, ne voit-il pas la souffrance de l'individu? -Non, ô Kassapa, je ne suis pas quelqu'un qui ne connaît pas la souffrance de l'individu. Je suis quelqu'un qui connaît la souffrance de l'individu. Je suis quelqu'un qui voit la souffrance de l'individu.

(14.8) - Comment cela peut être alors, ô vénérable Gotama ? Lorsque j'ai demandé si la souffrance de l'individu avait été créée par lui-même, vous m'avez répondu en disant " Ce n'est pas comme cela qu'elle se produit".

(14.9) Lorsque j'ai demandé si la souffrance de l'individu avait été créée par quelqu'un d'autre, vous m'avez répondu en disant " Ce n'est pas comme cela qu'elle se produit".

(14.10) Lorsque j'ai demandé si la souffrance de l'individu se produisait par hasard, vous m'avez répondu en disant " Ce n'est pas comme cela qu'elle se produit".

(14.11) Lorsque j'ai demandé si la souffrance de l'individu était une chose non existante, vous m'avez répondu en disant " La souffrance de l'individu n'est pas une chose non existante. La souffrance de l'individu est une chose existante".

(14.12) Lorsque j'ai demandé si le vénérable Gotama ne connaissait pas et ne voyait pas la souffrance, vous m'avez répondu en disant " Je ne suis pas quelqu'un qui ne connaît pas la souffrance de l'individu. Je suis quelqu'un qui connaît la souffrance. Je suis quelqu'un qui voit la souffrance".

(14.13) Dites-moi donc, ô vénérable Gotama, comment se produit la souffrance? Expliquez-moi, ô vénérable Gotama, comment se produit la souffrance?

(14.14) (Le Bienheureux répondit): Lorsqu'on dit que l'individu fait des actions et que le même individu reçoit leurs résultats - comme vous l'avez dit au début: "La souffrance de l'individu est créée par lui-même "-, une telle affirmation se réduit à la theorie éternaliste.

(14.15) Lorsqu'on dit qu'un individu fait des actions et qu'un autre obtient leurs résultats, c'est-à-dire l'opinion selon laquelle on souffre à cause de la faute d'un autre, une telle affirmation se réduit à la théorie annahilationiste.

(14.16) Dans ce cas, ô Kassapa, le Tathagata enseigne la doctrine sans aller à ces deux extrêmes, mais selon la voie du milieu, selon laquelle: conditionnées par l'ignorance se produisent les formations mentales; conditionnée par les formations mentales se produit la conscience; conditionnés par la conscience se produisent des phénomènes psychiques et des phénomènes physiques; conditionnées par les phénomènes psychiques et les phenomenes physiques se produisent les six facultés; conditionné par les six facultés se produit le contact (sensoriel et mental); conditionnée par le contact (sensoriel et mental) se produit la sensation; conditionné par la sensation se produit le désir; conditionnée par le désir se produit la saisie; conditionné par la saisie se produit le processus du devenir, conditionnée par le processus du devenir se produit la naissance; conditionnés par la naissance se produisent la décrépitude, la mort, les lamentations, les peines, les douleurs, les chagrins, les désespoirs. De cette façon se produit ce monceau de souffrances.

(14.17) (Cependant), par la cessation complète de l'ignorance, les formations mentales cessent; par la cessation complète des formations mentales, la conscience cesse; par la cessation complète de la conscience, les phénomènes psychiques et les phénomènes physiques cessent; par la cessation complète des phénomènes psychiques et des phénomènes physiques, les six facultés cessent; par la cessation complète des six facultés, le contact cesse; par la cessation complète du contact, la sensation cesse; par la cessation complète de la sensation, le désir cesse; par la cessation complète du désir, le processus du devenir cesse; par la cessation complète du processus du devenir, la naissance cesse; par la cessation complète de la naissance, la décrépitude, la mort, les lamentations, les peines, les douleurs, les chagrins, les désespoirs cessent. Telle est la cessation complète de tout ce monceau de souffrances.

(14.18) Cela étant dit, l'ascète nu Kassapa dit au Bienheureux: Merveilleux, ô Vénérable, merveilleux, ô Vénérable. C'est (vraiment), ô Vénérable, comme si l'on redressait ce qui a été renversé, découvrait ce qui a été caché, montrait le chemin à l'égaré ou apportait une lampe dans l'obscurité en pensant: "Que ceux qui ont des yeux voient les formes ", de même le Bienheureux a rendu claire la doctrine de maintes façons.

(14.19) Je prends donc refuge dans le Bienheureux, dans l'Enseignement et dans la Communauté. Puissé-je obtenir l'Ordination mineure et l'Ordination majeure auprès du Bienheureux.

(14.20) (Le Bienheureux dit): O Kassapa, si quelqu'un qui était d'abord un adepte d'une autre religion veut obtenir l'Ordination mineure et l'Ordination majeure ici, dans cette Doctrine et dans cette Discipline, il lui faut passer une période de probation de quatre mois. Lorsqu'il a passé cette période de probation, à la fin des quatre mois, les moines contents de lui lui donneront délibérément l'Ordination mineure et l'Ordination majeure afin de le faire moine. Néanmoins, je constate une différence entre les individus.

(14.21) L'ascète nu Kassapa dit: O Bienheureux, si quelqu'un qui était d'abord un adepte d'une autre religion veut obtenir l'Ordination mineure et l'Ordination majeure ici, dans cette Doctrine et dans cette Discipline, s'il passe une période de probation de quatre mois et si, lorsqu'il a passé cette période de probation, à la fin des quatre mois, les moines contents de lui lui donnent délibérément l'Ordination mineure et l'Ordination majeure afin de le faire moine, je suis prêt, ô Bienheureux, à passer une période de probation, même de quatre ans. Après avoir passé ainsi une période de probation, à la fin des quatre ans, que les moines contents de moi me donnent délibérément l'Ordination mineure et l'Ordination majeure.

(14.22) Ainsi, l'ascète nu Kassapa obtint auprès du Bienheureux l'Ordination mineure et l'Ordination majeure. Peu de temps après son Ordination majeure, l'Ayasmanta Kassapa, demeurant seul, retiré, vigilant, ardent, résolu, parvint rapidement à ce but pour la réalisation duquel les fils de noble famille quittent leur foyer pour la vie religieuse; cet incomparable but de la Conduite pure, il le réalisa dans cette vie même.

(14.23) Il compris: "Toute naissance nouvelle est anéantie. La conduite pure est vécue. Ce qui doit être achevé est achevé, plus rien ne demeure à accomplir." Ainsi, l'Ayasmanta Kassapa parvint au nombre des Arahants.



2) sutta Upanisa : ICI 



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