vendredi 17 août 2007

Les 5 empêchements à la méditation.





J'ai déjà évoqué l'un de ces 5 empêchements ou 5 obstacles : Le doute


« Ces cinq éléments sont considérés comme s’opposant à toute compréhension claire, en fait à tout progrès. Quand on est dominé par eux, sans savoir comment s’en débarraser, on ne peut pas comprendre ce qui est vrai ou faux, bon ou mauvais. »

Ces 5 empêchements on les rencontre obligatoirement durant une retraite mais pas seulement. On les rencontre tout au long de notre chemin tant que l'on a pas atteint l'illumination, le stade de la Libération.
En fonction des personnes c'est tel ou tel empêchement qui sera le plus difficile à vaincre.
Mais puisque rien n'est permanent, durant une autre période c'est un autre empêchement qui prendra le dessus.



Personnellement, c'est l'agitation qui est l'empêchement que je rencontre le plus souvent, Mais "la Paresse et la somnolence"sont également très présent.

En réalité, ils sont tous là, l'un après l'autre, voire plusieurs en même temps.

Si on fait attention on peut les observer et l'empêchement devient alors un objet d'observation comme un autre.

C'est lorsque l'on est pas conscient d'un empêchement que c'est le plus difficile: Comment vaincre quelque chose dont on a pas conscience?

Il faut donc être attentif durant la méditation formelle, mais aussi durant la vie de tous les jours, afin de les remarquer au moment où ils apparaissent. Mais même si vous les remarquer bien après leur apparition c'est déjà une bonne chose.


En ce qui me concerne, c'est le premier empêchement (le désir sensuel) que j'ai le plus de mal à remarquer, ce sera donc le plus difficile à éradiquer puisque je ne peux même pas le prendre comme objet d'observation.
Ce n'est pas pour rien que Ajahn Akincano: écrit, à propos du désir sensuel (kàmacchanda):

" c'est une grande question, et de vraiment s'en libérer, c'est, dans l'échelle de la sainteté, un stade assez tardif. Si vous n'êtes pas un anàgàmì – le dernier stade avant la sainteté- il est probable que vous vous trouverez attiré par des expériences sensuelles. Aussi subtil que ce soit, il vous reste quand même un certain degré de désir"


Avec le doute, il en reste donc encore 4 :

1- Le désir pour les plaisirs des sens : kamacchanda en pali
2- L'aversion, la haine : vyapada
3- La paresse, la somnolence : thina-middha
4-
L'agitation et les remords : uddhacca-kukkucca





1-Le désir pour les plaisirs des sens : kamacchanda

Le Bouddha a dit : « L'homme qui regarde son image à la surface de l'eau comme dans un miroir, dans une eau dont on a changé la couleur, à laquelle on a ajouté de la couleur, c'est une première image. »

Pour Ajahn Akincano:

L'homme n'est pas capable de reconnaître son propre visage car l'eau a été altérée par la couleur. L'analogie avec ce qui colore l'eau, c'est l'état mental de la sensualité et plus particulièrement le désir pour des objets d'expériences. Un esprit qui essaie de trouver l'unification, le calme, n'y parvient pas car il y a dans cet esprit un désir pour toutes sortes d'expériences sensorielles.

Il faut comprendre que dans la psychologie bouddhiste on parle de six sens et non de cinq, comme dans la psychologie occidentale. Les expériences sensuelles ne sont pas seulement la convoitise ou la sexualité, par exemple, mais concernent l'ouïe, l'odorat, la vue, le toucher, le goût et aussi, très important, notre imagination – la capacité de notre mental à avoir des conceptions, la parole intérieure, des notions intellectuelles, des images… Le simple désir de chanter une petite mélodie qui tourne dans votre tête, ou de rechercher la fin d'une mélodie que vous avez écoutée, c'est, dans la psychologie bouddhiste, un désir qui paraît assez subtil, déjà. Ou bien, vous vous souvenez avec ravissement d'un texte ou d'un poème… ça remonte pendant que vous méditez. C'est considéré comme un désir sensuel qui se manifeste par le sixième sens : le mental. Vous voyez qu'il y a beaucoup de choses qui ne nous paraissent pas hautement sensuelles, mais qui sont considérées, d'après la psychologie bouddhiste, comme des expériences des sens. Considérez le terme « sensuel » dans son sens le plus large, car la plupart de nos distractions sensuelles sont situées dans le domaine de l'intellect, de notre mental et sont fortement liées à notre capacité de nous souvenir de ce qui nous a touché, de ce que nous avons pensé, de ce que d'autres ont pensé, de ce que nous avons lu, étudié… toutes sortes de choses dont nous avons fait l'expérience et qui deviennent un objet potentiel de désir.

Les désirs peuvent se montrer à travers une expérience sensorielle immédiate. Vous allez toucher quelque chose, ça vous plaît et vous avez envie d'approfondir l'expérience. Par exemple, le chat grimpe sur vos genoux, commence à ronronner, alors vous commencer lui caresser le dos, le chat aime, vous aimez le chat… ça c'est un désir sensuel, très sympa, très calme, très direct.


Remarque personnelle : Je réalise, en lisant ce passage de Ajahn Akincano ci dessus, sur le chat: qu'il arrive parfois, alors que je suis entrain de méditer, que mon chat vienne se coucher en boule, juste devant me jambes. Je ne le caresse pas, pensant ainsi ne pas interrompre ma méditation, mais j'aime bien le contact chaud de mon chat et puis ça m'amuse de penser que le chat médite avec moi...

Et bien je n'ai jamais pensé qu'il s'agissait d'un empêchement liée au désir sensuel, enfin pas de manière aussi consciente.

Mais que dois-je faire : Fermer ma porte pour que le chat ne vienne plus? ou laisser ma porte ouverte pour arriver, un jour, à ne plus ressentir de plaisir sensuel lorsque le chat se couche sur mes pieds?

La meilleure solution c'est sans doute de laisser la porte ouverte et d'observer mon état d'esprit à ce moment précis: Prendre cet état comme objet d'observation afin de ne plus être inconsciente de cet empêchement.

Donc, toutes sortes de choses dont vous vous souvenez peuvent aussi servir d'objet de désir sensuel. Cela ne concerne pas seulement ce que vous touchez, ce que vous sentez, ce que vous goûtez dans le moment présent mais aussi tout ce que vous avez déjà vécu. Tout ce dont vous vous souvenez peut aussi servir de désir sensuel. Nous avons donc un stock important d'objets potentiels de désir sensuel. Nous devons comprendre qu'il n'y a pas seulement ce qui se passe dans le moment présent et dans les cinq sens, qui soit l'objet potentiel de notre désir, que c'est aussi ce dont nous nous souvenons. Beaucoup de choses dont nous pouvons nous souvenir, que nous pouvons imaginer. Nous pouvons nous y attacher, nous pouvons dépenser de l'énergie mentale – ce qui nous empêche de trouver l'unification de l'esprit.

C'est pour cette raison que la parole intérieure, la pensée sont de grandes ennemies de l'unification de l'esprit, car on peut penser n'importe quoi. Vous me racontez une histoire et je peux m'en souvenir pendant une dizaine d'années. Je me souviens des histoires que l'on m'a racontées quand j'étais très petit… parfois, de telles histoires remontent et arrivent jusqu'aux pauvres moines quand ils vont en forêt, qu'ils recherchent des conditions particulières pour pratiquer la méditation et que leur reviennent des chansons bêtes que chantent les gamins. Ils se trouvent dans une petite cabane, près de la frontière birmane, avec la ferme volonté de pratiquer la renonciation, l'unification de l'esprit et leur tête est pleine de chansons de gamins qu'ils ont entendues une ou deux fois quand ils avaient quatre ou cinq ans.

Ce sont des choses qui sont assez loin, souvent, de notre volonté. Il y a une immense partie irrationnelle de l'esprit humain qui se braque contre notre volonté déclarée, contre nos aspirations, celles aux-quelles nous avons identifié notre travail.

Le désir sensuel – kàmacchanda, c'est une grande question, et de vraiment s'en libérer, c'est, dans l'échelle de la sainteté, un stade assez tardif. Si vous n'êtes pas un anàgàmì – le dernier stade avant la sainteté, il est probable que vous vous trouverez attiré par des expériences sensuelles. Aussi subtil que ce soit, il vous reste quand même un certain degré de désir.




2- L'aversion, la haine : vyapada

C'est la méchanceté, la malveillance, la colère, l'agressivité, la haine.

Ce deuxième empêchement est un empêchement assez puissant. C'est l'homme qui cherche à voir son image dans le miroir et trouve de l'eau en ébullition. Il ne peut reconnaître son visage.

En effet, quand la colère est dans l'esprit, il est difficile de trouver le calme et de se décontracter. Ce peut-être des choses qui nous reviennent, qui n'ont rien à voir avec notre expérience immédiate. Nous pouvons nous énerver pour des choses qui se sont passées il y a bien longtemps. Nous trouvons notre coussin trop dur, trop bas, nous trouvons toutes sortes de bonnes raisons de nous fâcher. Ces problèmes nous arrachent chaque fois à notre concentration et nous ne parvenons pas à méditer.

Nous constatons pour la plupart que c'est en nous que se trouve ce potentiel latent de colère, de désir, de peur, de besoin de contrôle. Ces émotions sont provoquées par des contacts, par nos relations, par ce qui se passe dans notre vie sociale. Nous avons tendance à dire : « c'est à cause de lui, c'est à cause d'elle » tout en niant qu'en nous-mêmes il y a de la peur, de l'insécurité, de la colère, un sentiment d'impuissance.

En méditant nous expérimentons toutes ces émotions. Parfois nous nous imaginons que cela n'arrive qu'à soi car les autres ont l'air très calme, très serein. Nous les voyons ne bougeant pas, nous pensons qu'ils ont des expériences. Mais si ces gens parlent, ils se rendent compte que tout le monde possède ces émotions et qu'elles remontent dès que l'on médite.

Le potentiel de nos émotions est en nous et les gens que nous blâmons pour avoir provoqué ces émotions ne sont en fait que des catalyseurs. L'émotion dont nous nous plaignons ou dont nous nous réjouissons est en nous ainsi que notre bien-être et notre malheur. Cela ne veut pas dire que dans notre vie il n'y a pas de mauvaises personnes qui se comporteraient mal, de manière inacceptable. Mais notre propre résonance vis-à-vis de ce qui se passe dans notre vie est de notre entière responsabilité. Accepter cela est la base de toute démarche spirituelle. Nous sommes responsables du degré de complicité que nous avons avec notre souffrance et notre bonheur.
source : vipassanasangha


Pour Ajahn Akincano

C'est plus ou moins le contraire du premier. Le mot pàli est vyàpàda : c'est plutôt la méchanceté, la malveillance – entre colère et méchanceté. La forme la plus subtile, c'est une sorte d'aversion, la forme un peu moins subtile c'est « non ! » et le reste vous pouvez vous l'imaginer. On se braque contre quelque chose, c'est le reniement ou aussi l'agressivité. C'est toute la gamme entre méchanceté, colère, malveillance… et puis la haine.

Ce deuxième empêchement, c'est aussi un empêchement assez puissant. Dans l'analogie de l'Anguttara Nikàya, c'est de l'eau bouillante : l'homme qui cherche à voir son image dans le miroir et qui trouve de l'eau en ébullition ne peut reconnaître son visage, son bien, le bien des autres. Si vous avez fait l'expérience sur votre tapis de méditation d'être en colère, vous avez constaté que c'est difficile d'unifier votre esprit, il y a une sorte d'énergie centrifuge qui empêche l'esprit de vraiment s'unifier.

Constatez que, comme avec le désir sensuel, les objets qui provoquent la haine peuvent se situer dans l'immédiat. Ça peut être, par exemple, votre expérience avec le tracteur : tandis que vous allez épanouir votre mental avec la pratique de mettà, souhaiter du bien être à tous les paysans dans le monde… il y en a un en particulier qui arrive avec son tracteur et qui vous provoque beaucoup de souffrance… vous sentez la colère qui monte. C'est un exemple : vous avez jugé ce bruit désagréable et vous en avez fait un obstacle. Après avoir décrété que ce bruit était un obstacle, cela provoque en vous une réaction émotionnelle qui peut se gonfler. Peut-être vous souvenez-vous que le même paysan, dimanche dernier, pendant la retraite, a sulfaté son champ. Terminée votre méditation !… Ce qui reste de mettà, c'est une colère contre les paysans, particulièrement votre paysan voisin.

Autre objet d'aversion, ce sont des choses qui vous reviennent, qui n'ont rien à voir avec votre expérience immédiate. Si vous méditez quelques temps, il y a des choses qui remontent. Vous pouvez vous énerver sur des choses qui se sont passées il y a une trentaine d'années. C'est très facile de se sentir provoqué ou bien de voir un souvenir déclencher en vous une forte aversion, une colère. Il y a des choses qu'on a refoulées pendant longtemps et, en méditant, le seuil de notre résistance baisse et on est plus vulnérable. C'est une sorte de démontage des filtres. On ouvre la porte de la cave et il y a des petits monstres qui remontent et qui disent : « Je veux être admis, je veux voir la lumière de ton attention, la lumière de ta conscience, je vais remonter maintenant que tu as ouvert la porte un tout petit peu… » et puis ils remontent, ça fait du bruit, parfois ça pue et c'est effrayant. On ne peut pas faire semblant de ne pas les voir car ils sont là, on les a vus, on les sent, on les écoute mais, en même temps, on ne peut pas vraiment les admettre car ils sont vraiment moches, horribles. Alors on essaie de fermer la porte à nouveau, mais ça ne va pas car on sait maintenant qu'ils sont là et fermer la porte à quelque chose qu'on ne croit pas être là est beaucoup plus facile que de la fermer sur quelque chose que l'on sait être là. Il faut donc admettre, faire une petite négociation : « Tu es le bienvenu, mais il faut te laver les pattes avant d'entrer… », « Je t'écoute dix minutes mais pas plus longtemps… » ou « Je vais écouter ce que tu veux, mais je ne vais pas te promettre de te donner ce que tu veux… » On négocie un peu !

Ces êtres sont là et dès qu'ils bougent, on cherche les coupables à l'extérieur : « S'il n'était pas là, je n'aurais pas de problème avec ça, c'est lui qui les provoque… s'il se comportait d'une manière différente, je me sentirais beaucoup mieux ». Mais lui – ou elle – n'est pas là et pourtant ces petits êtres remontent quand même et c'est difficile de le – ou la – rendre responsable. Nous constatons, pour la plupart, que c'est en nous-mêmes que se trouve tout un potentiel latent de colère, de désir, de peur, de besoin de contrôle etc. qui, normalement, de manière épisodique, sont provoqués par des contacts, par nos relations, par ce qui se passe dans notre vie sociale et quand on se sent confronté à l'émotion, on a tendance à dire « c'est à cause d'elle, de lui… » tout en niant qu'en nous-mêmes, il reste un potentiel d'émotion, de peur, d'insécurité, de colère, un sentiment d'impuissance, peut-être. Je suis sûr que vous savez de quoi je parle. La méditation est une sorte d'expérience où on se trouve souvent confronté à cela, en restant calme à l'extérieur tout en ayant une grand intensité d'expérience à l'intérieur.

On s'imagine que cela n'arrive qu'à soi, que les autres sont très calmes, très sereins. On les voit qui ne bougent pas, on pense qu'ils ont des absorptions tout le temps, mais si ces gens parlent entre eux, ils se rendent compte que c'est, pour tout le monde, une intensification de l'expérience intérieure, du climat général de notre être qui remonte dès qu'on médite quelques jours.

Si vous croyez que cela s'arrête après quelques jours ou quelques semaines, je peux vous dire que non. J'en ai fait pendant quelques années et c'est toujours comme ça. Il y a des histoires qui remontent. L'amplitude a un peu changé, le dénivelé est un peu retombé. C'est un peu plus modéré mais, en fait, il y a des amplitudes émotionnelles et si vous avez l'opportunité de méditer pendant quelques mois, de faire une longue retraite, vous ressentirez, dans beaucoup d'histoires, la manière dont vous vous êtes comportés il y a une vingtaine d'années par exemple. Tout cela peut remonter et vous pouvez ressentir beaucoup d'émotions. Parfois c'est la joie, il vous arrive d'admettre un bonheur que vous avez eu dans votre vie et que vous n'aviez pas admis, parce que, souvent, on ne reconnaît le bonheur qu'après, tellement on est préoccupé avec ce qui se passe. C'est vraiment triste car on est passé à côté de son bonheur, on n'avait pas le temps de se l'admettre à soi-même. Donc, cinq ans plus tard, en réfléchissant à ces moments-là, on constate que c'étaient les moments les plus heureux de la vie. Parfois c'est la colère, souvent c'est le deuil, un sentiment d'échec, des moments ratés, des choses non dites… Si vous avez beaucoup de peurs dans votre vie, il est probable que vous n'allez pas risquer beaucoup et si vous ne risquez pas de vivre, vous pouvez passer une grande partie de votre temps en deuil de n'avoir pas osé respirer, de n'avoir pas accepté de respirer vraiment dans la profondeur de votre corps.

Je ne connais pas une seule personne qui n'aurait jamais ressenti un peu de ce que je vous raconte. La qualité diffère selon les personnes, les tempéraments les causes et conditions particulières de leur vie. Vous ressentez que le potentiel de vos émotions est en vous et que les gens, que vous blâmez pour avoir provoqué ces émotions, ne sont en fait que des catalyseurs. L'émotion dont vous vous plaignez, ou dont vous vous réjouissez, est en vous ainsi que votre bien-être et votre malheur. Ça se dit facilement, mais c'est assez profond et, de vraiment prendre conscience du fait que vous êtes impliqués dans votre bonheur, dans la création et dans le conditionnement de votre bien-être ou de votre souffrance, c'est très important.

Pour moi, toute démarche spirituelle commence en étant responsable de cela. Le bonheur et le malheur sont en nous, à l'état latent. Ça ne veut pas dire que dans votre vie il n'y a pas de mauvaises personnes qui se comporteraient mal, de manière inacceptable. Ce n'est pas ce que je veux dire, mais votre propre résonance vis-à-vis de ce qui se passe dans votre vie est de votre entière responsabilité. Accepter cela est la base de toute démarche spirituelle et s'il n'en était pas ainsi, mieux vaudrait ne pas être chez les bouddhistes, mais plutôt suivre un cours de management pour entraîner votre capacité à manipuler les autres et les situations de votre vie. Si votre bonheur ou votre malheur dépendait de la situation objective dans laquelle vous vous trouvez, il vaudrait mieux alors manipuler ces situations. Ce n'est pas ce qu'enseigne le Bouddha et je ne pourrais vous aider dans cette voie. Mon approche est différente : nous commençons d'abord par être responsable du degré de complicité que nous avons avec notre souffrance et notre bonheur.

source : dhammasukha




3- La paresse, la somnolence ou encore la torpeur et l'inertie= thina-middha

C'est la faiblesse de l'esprit qui vacille, qui est visqueux, submergé, incapable de suivre précisément l'objet de méditation. L'esprit devient apathique et ne parvient plus à garder la posture du corps droite et ferme. Les paupières deviennent lourdes, la tête tombe vers l'avant, le dos se courbe. Nous avons tendance à penser « je suis fatigué, je vais aller me reposer et ensuite je pourrai mieux me concentrer ».

En fait c'est une invitation à la paresse et à la somnolence. Pour surmonter cet empêchement, nous devons essayer de retrouver notre énergie et nous concentrer à nouveau très fermement.



Pour Ajahn Akincano

Il y a plusieurs raisons à cet obstacle et les remèdes dépendent des causes, évidemment. La pratique recommandée est de développer l'effort, viriya, qui est la qualité d'un guerrier – vìr, c'est un héros, c'est une qualité qui a quelque chose à voir avec la virilité. Ça signifie développer de l'énergie, appliquer une énergie, être capable de maîtriser, de gérer l'énergie et de la projeter. Viriya est une vertu spirituelle, une occasion d'apprendre à développer de l'énergie quand vous êtes faibles, fatigués, désespérés, déprimés… Comment trouver de l'énergie ? Comment connaître ses ressources ?

Pour la plupart d'entre nous, je pense qu'il est indispensable de travailler avec le corps, de trouver des moyens corporels, des ressources énergétiques en nous-mêmes. Mais aussi, nous devons comprendre le mouvement des émotions, comprendre quelles sont les émotions qui pompent de l'énergie.

Pour moi, c'est une question de respiration. Si vous ne savez pas vous revitaliser à travers votre respiration, il vous manque quelque chose. Dès que vous êtes un peu déprimés, vous n'allez plus respirer, ou respirer à moitié, au tiers. Il va vous manquer à chaque souffle, un ou deux tiers de cette vitalité qui vient avec la respiration. Les indiens parlent du pràna – qui est le pàna dans satipatthàna et l'ànàpànasati –le pràna des indiens, c'est l'énergie de la respiration. Il vous faut donc trouver, à travers une posture, le sentiment de faire partie de cette terre, de pouvoir gérer l'énergie de la terre et de pouvoir gérer, par la respiration, une énergie assez primordiale.

Il faut savoir aussi comment développer, comment maîtriser, comment produire une convergence, un «focus», dans vos actes, dans votre regard, dans votre pratique de méditation. Il faut savoir comment maîtriser l'énergie disponible, autrement on s'éparpille. Il y a tellement de choses qui m'intéressent dans ce monde ! Je suis moine, j'ai une grande pratique du renoncement et il y a toujours tellement de choses qui m'intéressent ! Il existe plus de livres sur le bouddhisme que je ne peux en lire. Je dois choisir !… Pour chaque choix il y a un « non » et un « oui » : un oui ça signifie une douzaine de « non ». C'est difficile. Vous savez très bien que de se marier avec « un mari», ça veut dire « non » à beaucoup de maris possibles. Donc chaque « oui » implique des « non » et chaque « non » exige une décision, une clarté, un « focus ». Pour pouvoir approfondir quelque chose, il faut rester sur place. Si vous vous éparpillez partout, vous ne foncerez pas, c'est simple. Comment trouver l'énergie pour foncer, pour soutenir, pour garder une ligne de conduite, pour dire « non »? C'est une chose de pouvoir dire « oui » mais c'en est une autre de pouvoir dire « non ». Donc, l'énergie, c'est un moyen de combattre l'inertie et la torpeur.

L'autre moyen, c'est d'acquérir une clarté de ce qui gagne en nous quand on est fatigué. Il y a toujours quelque chose, en nous, qui gagne quand les obstacles « gagnent »… quelque chose en nous qui ne veut pas être éveillé. Si vous êtes comme moi, il y a une partie en vous qui ne s'intéresse pas à l'éveil, qui demande qu'on lui fiche la paix, qui ne veut pas se lever le matin, qui ne veut pas réfléchir, pas méditer, qui ne s'intéresse pas à l'enseignement du Bouddha, qui veut jouir et qui veut qu'on la laisse en paix. C'est une espèce de force d'inertie en vous qui refuse que quelque chose bouge, se transforme. C'est quelque chose de très primordial et vous devez savoir reconnaître quand cette énergie est dominante. Lorsque vous avez des obstacles qui vous empêchent d'être plus clairvoyants, plus libres, plus concentrés, il y a quelque chose qui gagne en vous. Quand ça se présente comme cela, il faut savoir reconnaître l'aspect de vous-mêmes qui combat vos aspirations à la libération. Nous ne sommes pas noirs ou blancs et nous avons toujours en nous les deux côtés. Si vous pensez qu'il n'y a qu'un côté… alors : « mes condoléances », il faut encore beaucoup de travail ! Si vous n'avez pas encore fait face à l'ambiguïté de vos aspirations, vous avez intérêt à connaître ces obstacles, sinon ils vont continuer à vous envahir. Il est donc important de connaître la partie en vous qui « vous gagne » quand vous vous bloquez.

Une partie en vous dit « Je veux méditer, je veux pratiquer » et l'autre partie s'endort. Il y a plusieurs joueurs autour d'une table, vous en reconnaissez quelques uns, vous regardez leur visage… Mais certains joueurs, dans ce drôle de poker, portent leur chapeau assez bas, ils sont dans l'ombre et vous ne parvenez pas à reconnaître si ce sont des amis ou des ennemis. Il faut comprendre que, contrariée par votre effort et malgré vos aspirations, il y a une autre partie en vous qui gagne. Donc, vous devez admettre cela même si vous êtes en colère, même si vous êtes frustrés, déprimés. Quelque chose en vous a choisi cela, vous êtes complices de cela, il faut l'admettre.

Evidemment, quelque chose se braque contre votre aspiration. Quels en sont les raisons, les motifs ? C'est une question assez profonde : il faut faire une recherche et ça ne se fait pas pendant la méditation, ça ne guérit pas avec peu d'efforts. Il faut élargir l'image de vous-mêmes. Bien sûr, il y a des aspects qui ne font pas partie de cette image et qui sont quand même assez puissants pour vous endormir, pour rendre votre esprit stérile. Il n'y a rien qui bouge, rien qui pousse, c'est mort. On ne peut pas discerner les obstacles. C'est quelque chose qui arrive quand nous faisons beaucoup d'efforts dans notre pratique. On arrive à peu près à calmer l'esprit mais, en fait, on l'a tué, on l'a rendu aride. C'est un peu apocalyptique, un peu comme la lune : c'est beau, c'est paisible mais, en fait, il n'y a rien qui pousse. Donc, parfois, ça nous arrive et il faut savoir comment vitaliser cela. Souvent, il faut élargir la notion qu'on a de nous-mêmes pour pouvoir admettre, dans cette image de nous-mêmes, des parties que l'on n'avait pas admises. Ce sont ces parties qui gagnent quand nous ne sommes pas présents, alertes.

En fait, c'est une sorte d'auto sabotage qui se présente et que vous allez rencontrer partout, pas seulement dans la méditation. Vous le rencontrerez dans vos relations, dans votre travail – dans votre manière d'appréhender votre travail. Parfois, c'est une sorte d'auto sabotage et quand des schémas se répètent au cours de votre vie, cela vaut bien la peine de faire une recherche. Qu'est-ce qui gagne dans ce cas ? Souvent, c'est une partie de nous-mêmes qui n'a pas été admise.

En conséquence, ça demande de notre part une plus grande compréhension, plus approfondie, de notre tempérament, de nos motivations, de nos peurs, car souvent ce sont nos peurs qui se protègent – contre un succès, par exemple – et qui se servent du sabotage. Tandis qu'une partie de moi veut méditer, une autre partie ne le veut pas et, ne pouvant le dire, dispose un obstacle. Elle ne dit pas : « Arrête de méditer, c'est bête !… » mais : « Oui, c'est bien que tu médites… mais, maintenant, je vais t'endormir, ou je vais changer quarante fois d'objet de méditation, de façon à ce que tu ne puisses pas en approfondir un seul !… » Donc, cela nous arrive et si vous ne l'avez pas remarqué dans votre vie, je vous conseille de l'observer plus clairement. Je ne connais personne qui n'ait pas ce travers dans sa vie. Pour certains, c'est très marqué, pour d'autres, ça l'est moins. Il y a, là, quelque chose d'assez puissant car ça ne se déclare pas, c'est un «non» pas déclaré. Quand une partie de moi dit « je veux faire cela » et l'autre dit « non, je ne veux pas » c'est assez facile: on négocie un peu et on arrive à un compromis où tous les deux gagnent. Mais parfois il y a des « non » qui sont souterrains, sous la ligne d'eau: parce que ces «non» ne sont pas admis il n'y a pas de négociations et par conséquence tous les deux perdent. C'est un processus corrosif et très destructeur.

L'inertie exige souvent une grande quête des motifs qui entretiennent cet auto sabotage. Parfois, ça aide de développer l'effort et, parfois, il est utile de noter l'importance du prix de la vie qui fait que, s'il vous reste longtemps à vivre, tout vous paraît possible alors que, dans le cas contraire, il vous faudra donner des priorités. Il est très important de se rendre compte du fait que l'on va mourir, que l'on ne sait pas quand et que notre temps disponible est limité, que certaines choses sont plus importantes que d'autres.

Si vous avez des difficultés à trouver un sens de l'urgence, à choisir des priorités, une des contemplations traditionnelles est la contemplation de la mort. Du fait que l'on doit mourir, que l'on ne sait pas quand et que la vie humaine est précieuse, parfois, on peut acquérir une capacité plus aiguë à faire un choix de priorités – de ce qui est important et de ce qui l'est moins.

source : dhammasukha




4- L'agitation et les remords : uddhacca-kukkucca


C’est une inquiétude, une sorte de nervosité qui se transforme en grattements, en besoin de se gratter, en petites douleurs partout.

Parfois ces petites douleurs ont l'air sérieux, cela pourrait être le ménisque, il faut bouger... C'est très convaincant. Il y a toute une histoire qui se monte en rapport avec cela dès que l'on commence à donner de l'intérêt à ces sensations, cela ne s'arrête plus. Nous pouvons passer des heures à nous gratter avec des sensations de chatouillement.

Il ne faut pas bouger. C'est vraiment la façon la plus facile de se débarrasser de ces phénomènes. C'est l'esprit qui se divertit par l'intermédiaire de ces petits maux. Toutes ces sensations qui piquent, qui démangent sont convaincantes et il est très difficile de ne pas y croire. Nous aurons tendance à vouloir nous en débarrasser en bougeant, mais il est recommandé de ne pas bouger, de ne pas se gratter.

L'inquiétude nous empêche de trouver le calme mental, elle nous empêche de trouver la clarté, la lucidité de l'esprit. C'est cette lucidité qui est nécessaire pour avoir une compréhension juste.

Le deuxième aspect, ce sont les remords. C'est la conscience qui se montre, nous sommes perturbés par des remords. Au lieu d'être un problème physique, c'est un problème mental, quelque chose que nous avons fait nous trouble. Nous nous sentons soit coupable soit responsable. Il est très important de comprendre et de respecter les préceptes, car c'est la moralité qui nous protège contre de tels remords.

Sila, la moralité est liée à la pratique de la méditation. Si nous vivons d'une façon qui provoque des remords cela remontera pendant que nous méditerons. Dès que cela remonte, cela nous empêche de nous unifier. C'est pour cette raison qu'une vie morale pure est la base de tout progrès dans la méditation.

Si notre manière de vivre provoque des sentiments de culpabilité, des remords, il sera très difficile de nous concentrer car nous serons troublés. La colère peut aussi nous troubler. Nous pouvons faire des gestes, prononcer des mots, avoir des attitudes qui font mal aux autres et à nous-mêmes. Cela peut aller très vite. Avec les remords cela va un peu moins vite, mais cela nous perturbe quand même.
source : vipassanasangha


Pour Ajahn Akincano

Les raisons en sont souvent une sorte de résistance au niveau physiologique, parfois une peur de vraiment s'engager car on risque quelque chose lorsqu'on s'engage. Tous les processus psychologiques transformateurs ont besoin d'une certaine "température" de travail. Il faut atteindre une certaine pression avant que l'alchimie du coeur se fasse. Soit une certaine température, soit une pression. C'est la même chose au niveau psychologique : vous devez entrer dans un cadre où vous risquez quelque chose avant que votre coeur commence à changer, à se transformer. Avant qu'il y ait une purification de votre esprit, il vous faut de l'énergie.

Si vous restez dans votre lit, c'est agréable mais ce n'est pas la purification : le ciel est bleu, l'oreiller est doux, il ne se passe rien et rien ne change. Avant que ça change, il faut normalement une intensification de votre situation et souvent une intensification de ce qui est désagréable. Pour comprendre la souffrance, il faut souffrir d'abord. Or, beaucoup d'entre nous ne veulent pas souffrir et si nous souffrons, nous ne désirons pas le sentir, nous ne voulons pas l'admettre. Accepter l'intensification de notre expérience est à la base de toute transformation.

Donc, souvent, il y a une résistance contre cela, ou une partie de nous qui dit « oui, renonciation », « oui, méditation… mais pas maintenant », ou « pas plus de soixante pour cent » ou « pas le samedi soir ». Ou alors, il y a un grand « oui »et beaucoup de petits « non », car le coeur humain est complexe Votre grand poète Rimbaud dit : « Je est un autre » et ça m'a toujours impressionné. Il a compris qu'il était beaucoup, beaucoup de personnages et que le gars qui s'appelle « Je » n'est pas toujours le même. Donc, il y a une complexité de ce que nous voulons et, parfois, nous avons une contrainte envers nous-mêmes, nous sommes nos propres obstacles.

L'agitation peut donc arriver s'il y a une résistance cachée. On s'empêche de risquer quelque chose, de s'engager et on provoque des petits phénomènes physiologiques qui nous empêchent de vraiment porter les coups à fond, de vraiment foncer.

La deuxième partie de l'agitation : les remords et leurs conséquences simples dans la manière dont nous gérons notre vie. Dans la tradition asiatique, c'est clair, on parle toujours dans ce cas de dàna -sìla -bhàvanà, générosité – moralité – développement mental. La plupart des enseignants que je connais insistent sur le fait qu'il est indispensable de maintenir cette éthique tridimensionnelle. Pour ce qui est de ma propre expérience, je ne peux pas vraiment soutenir cela car, chez moi, c'est plutôt à travers la méditation que je me suis rendu compte que certains domaines de ma moralité n'étaient pas vraiment au point, et c'est par bhàvanà que ça c'est amélioré.

Vérifiez par vous-mêmes les choses qui remontent quand vous méditez une journée, deux journées. Ce sont des choses qu'il faut étudier – peut-être pas pendant la méditation – mais c'est important si quelque chose revient sans cesse dans votre vie. Il vous faut regarder ce qui se passe, ça a une signification. Ce qui revient, ne se développe pas du tout de façon arbitraire ou accidentelle. Il faut trouver un moyen de distinguer la qualité des choses qui reviennent. Parfois ce ne sont que des mots – comme des bribes de pub – qui se baladent dans votre tête et ce n'est pas tellement significatif. Mais parfois il y a des choses qui reviennent, qui remontent… qui remontent… et il faut vraiment rechercher ce qu'elles contiennent.


5e obstacle ou empêchement : le doute :

C'est un empêchement vraiment particulier et qui peut- être très fort, déjà développé : ICI



Il va donc falloir tout au long de notre cheminement, surmonter ces empêchements ou tout du moins, en prendre conscience.

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