mercredi 18 juillet 2007

Méditation et Retraite



Vous trouverez ci après:

1 - Méditation et Retraite , Par Lama Denys


2 - Extrait du livre:
"Dharma vivant", de Jack Kornfield


La pratique de la méditation est fondamentalement l’expérience de l’immédiateté de l’instant présent, de ce qui est là, tout simplement, libéré du filtre déformant de nos projections.


1-Méditation et Retraite , Par Lama Denys

Généralement, on a tendance à dissocier méditation et action, vie contemplative et vie active. Cela entraîne de graves problèmes. Si l’on réalise l’essence de la méditation, il n’y a aucune antinomie entre méditation ou contemplation et action.

Fondamentalement, la pratique de la méditation ne nécessite pas qu’on aille vivre en retraite ou en ermite dans la solitude des montagnes ; il est très important de bien le comprendre. Il est possible de pratiquer la méditation dans la vie quotidienne, et c’est ce que font la plupart des pratiquants ; on peut progresser ainsi et en tirer de grands bienfaits. Néanmoins, les bases de la méditation se développent mieux et plus facilement dans le calme et l’isolement. Le silence extérieur est un élément favorable pour développer le silence intérieur, et le calme extérieur est un élément favorable pour développer le calme intérieur.

La discipline de la méditation se développe d’autant plus facilement que l’environnement est favorable, que l’on est moins soumis aux stimulations et agressions du monde extérieur, qui engendrent agitation, pensées, émotions et réactions conflictuelles. C’est pourquoi, pour trouver les conditions optimales de pratique, on pourra se mettre en retrait de l’agitation et des distractions, ce qui est accompli dans une situation de retraite. On peut, sans s’éparpiller, s’y consacrer pleinement à la pratique en réduisant autant qu’il se peut tout ce qui habituellement nous possède et nous distrait de l’état d’attention, de simple présence.

Une expérience extraordinaire de la vie ordinaire

Quand l’expérience de présence attentive et ouverte s’est un peu stabilisée dans la méditation assise, il est possible de l’extrapoler et de l’intégrer dans les situations de la vie quotidienne, en action. Y revenir est ce que l’on appelle “ le rappel ”. Dans la méditation en action, c’est-à-dire dans la vie quotidienne, il s’agit de développer de plus en plus fréquemment ce rappel. Il devient alors de plus en plus régulier : vous vous rappelez effectivement l’état de méditation lorsque vous vous éveillez, lorsque vous prenez votre voiture, lorsque vous mettez le pied sur la première marche de l’escalier, lorsque vous abordez un interlocuteur, lorsque vous décrochez le téléphone, lorsque vous allez mettre une clef dans la serrure d’une porte, lorsque vous allez commencer un repas, lorsque vous allez vous endormir..., en bref, dans toutes les situations concrètes du quotidien. La pratique essentielle de la méditation est de développer ce rappel constamment ; à la limite, à chaque instant.

La pratique régulière du rappel transforme les situations de la vie quotidienne. La vie ordinaire est toujours la vie ordinaire, mais l’on en développe une expérience extraordinaire qui la transforme complètement. Cette expérience extraordinaire de l’ordinaire est la méditation en action. La vie quotidienne vécue en retrait des fixations qui habituellement nous possèdent est “ la retraite fondamentale ”.

Retraite fondamentale et vie de retraite

Dans la tradition bouddhique, de nombreux accomplis ont atteint la réalisation en dehors d’une vie érémitique ou monastique. Ils ont continué leurs activités dans le monde en changeant leur attitude intérieure. Ils ont appris à vivre dans l’état de mahamoudra, “ l’instantanéité immédiate ”. Ils ont compris son expérience et, la cultivant en toutes circonstances, sont arrivés au plein et parfait éveil. Certains étaient cordonniers, fabricants de flèches, marchands de vin, fermiers, etc... Tout en exerçant leur profession, quelle qu’elle soit, ils ont vécu celle-ci en l’expérience de mahamoudra, et ont, dans leur métier, réalisé l’éveil.

Il est important de comprendre que cette possibilité existe, mais en même temps qu’elle n’est accessible qu’à des personnes ayant une réceptivité exceptionnelle. Pour les personnes communes, il est nécessaire de développer une pratique qui combine méditation assise et en action. La méditation assise est alors une situation de retrait, d’apprentissage, préparatoire à la méditation en action. Une retraite de méditation, pendant laquelle on se consacre pleinement à la pratique assise, est cette situation de retrait poussée à son intensité maximale. S’il ne s’agit pas d’un but mais, par contre, c’est un moyen important qu’on doit apprendre à utiliser à bon escient.

C’est pourquoi on commencera généralement à travailler sur son esprit, ses pensées, ses émotions, dans le calme de la méditation assise, en retrait ; puis, petit à petit, les qualités et les découvertes entr’aperçues dans cette situation de retrait seront intégrées à la vie quotidienne.

Ainsi, bien que la méditation en action soit le but et l’idéal d’un bodhisattva - un héros d’éveil -, il est juste que celui-ci se mette temporairement à l’écart. Nombre de grands bodhisattvas ont même passé leur vie en retraite car ils n’avaient pas encore acquis la stabilité intérieure qui leur aurait permis d’aider véritablement autrui au niveau le plus essentiel, ou bien parce qu’ils jugeaient que pour eux, la meilleure façon d’aider était de montrer l’exemple d’un retraitant qui soit une source d’inspiration pour ceux incapables de se défaire des filets du samsara.

Vouloir se mettre à aider autrui prématurément risque de causer à l’autre et à soi-même de grands torts. Si l’on veut sincèrement soigner et aider, il est primordial d’être capable de le faire bien ; aussi longtemps que l’on n’a pas la compétence d’un médecin, il est juste de continuer ses études et son apprentissage sans s’improviser soignant. Mais entendons-nous bien : cette prudence n’empêche pas d’aider déjà, modestement, au niveau où l’on en est capable, dès aujourd’hui et autant qu’on le peut.

Le dharma et la vie

Petit à petit, l’expérience de la méditation et la vie quotidienne fusionnent. Au début, elles peuvent sembler très différentes, mais par la discipline et la pratique du rappel, par l’apprentissage assis et en action, aussi bien en étant en retrait qu’en s’engageant dans l’activité, vigilance, conscience dégagée et bodhicitta s’intègrent en chaque situation. Notre esprit et le dharma fusionnent progressivement, et finalement le dharma est la vie quotidienne et la vie est dharma ; nous sommes dharma.

Texte préparé à l’Institut Karma Ling à partir d’enseignements oraux de Lama V. Denys

Lama Denys

Voir l'article en entier Source : buddhaline.net




2- "Dharma vivant" de Jack Kornfield
Voici un extrait du chapitre 2 de ce livre : « La méditation en Birmanie, au Laos et en Thaïlande

Le Bouddhisme se présente sous des aspects différents en Birmanie, en Thaïlande et dans le reste de l’Asie du sud-est. Il faut mentionner en premier lieu la religion populaire pratiquée par la majorité de la population, souvent axée sur des actes permettant de gagner des mérites : aumônes, observation des rites, afin d’obtenir de bonnes renaissances dans les vies suivantes. Puis vient la pratique traditionnelle de tous ceux qui se consacrent à l’étude du pâli et du sanskrit et des Écritures bouddhiques. Viennent enfin les tâches de service social et d’enseignement qu’assurent les moines dans les villages. Dans l’ensemble le Bouddhisme fonctionne en Asie du sud-est comme les autres religions dans les autres parties du monde. Mais il faut aussi considérer la tradition du développement spirituel pratiqué par les moines et les laïcs qui suivent les chemins de la purification enseignés par Bouddha.
Les nombreux monastères et centres de méditation du Laos et du Cambodge ne sont pas accessibles aux occidentaux en raison de la situation politique actuelle, et n’existeront peut-être plus à l’avenir. Mais parmi les milliers de temples de Thaïlande, plusieurs centaines pratiquent la méditation. Plusieurs dizaines d’entre eux sont de grands centres dirigés par des maîtres connus et peuplés de leurs nombreux disciples. Nous constatons donc que la méditation ne concerne qu’une très petite partie de la population et même de la communauté religieuse. Elle est cependant essentielle à la préservation des vérités essentielles enseignées par le Bouddha.
Le bouddhisme est peut-être encore plus influent en Birmanie qu’en Thaïlande. Les Birmans s’intéressent davantage à leur religion et passent plus de temps dans les temples. Ici aussi, le développement individuel par la méditation ne concerne cependant qu’une petite partie des moines et du peuple. Pour le reste, le bouddhisme se manifeste à travers des rites et des rituels, des bourses d’études ou certaines formes d’aide sociale. En Birmanie aussi, seule une minorité des dix mille temples sont des monastères voués à la méditation. Il en existe de plusieurs types. Certains s’adressent plus particulièrement aux laïcs, d’autres sont réservés aux moines, et d’autres accueillent aussi bien les laïcs que les moines.


Centres et monastères de méditation

Les centres de méditation et les monastères de méditation sont deux institutions différentes.
Les centres de méditation sont essentiellement conçus pour les retraites intensives, qu’il s’agisse de moines ou de laïcs. Il n’est pas rare, en Birmanie, que des laïcs consacrent une partie de leurs vacances à une retraite dans un centre de méditation. Les visiteurs passent de dix jours à plusieurs mois dans ces centres, s’adonnant à une pratique intensive. Ils s’efforcent d’atteindre rapidement un niveau élevé de concentration et d’attention conduisant à la vision intérieure et à la sagesse.
Les centres de méditation ont une longue histoire en Birmanie, mais il en existe également en Thaïlande. Ils offrent un environnement très paisible, où l’interaction sociale est réduite ou inexistante, à l’exception des échanges avec le maître. La pratique se déroule la plupart du temps dans la solitude, ou parfois en groupe à un moment de la journée, tout le temps du séjour étant consacré à la méditation. L’environnement est conçu pour permettre l’accomplissement des tâches particulières que sont la méditation en posture assise ou debout, et les sources de distraction sont réduites au minimum.
En revanche, les monastères de méditation sont des lieux où l’on passe de longs séjours en tant que moine ou nonne (il y a beaucoup de nonnes en Asie du sud-est). Dans les monastères, l’enseignement de la méditation fait partie du mode de vie, et se pratique à toute heure du jour. Il porte sur le développement de l’attention dans tous les moments de la vie quotidienne. Les moines méditent aussi bien en mangeant qu’en s’habillant, en cousant, en marchant, en faisant la lessive et dans toutes les interactions entre les membres de la communauté. Mais l’enseignement inclut aussi des séances régulières en posture assise et en marche. Les meilleurs monastères constituent des communautés très harmonieuses fonctionnant selon les règles édictées pour les moines et les nonnes par le Bouddha. C’est un type de vie qui favorise le développement des facteurs d’éveil à travers l’attention portée aux activités quotidiennes. Un maître de l’un de ces monastères déclare en avoir appris autant sur le Dharma en cultivant l’attention et la compassion tandis qu’il recevait ses nombreux visiteurs, et en répondant à leurs questions, que pendant toutes ses propres séances de méditation. Tout en reconnaissant le bien, fondé de plusieurs heures quotidiennes de méditation assise, il sentait que la méditation axée sur l’interaction sociale était tout aussi importante, car elle apprenait à méditer en toutes situations.

Les centres de méditation voués à une pratique intensive de courte durée et les monastères habités par des moines qui y développent un style de vie voué à la méditation constituent des cadres propices au développement de la vie spirituelle. On y rencontre dans les deux cas un maître, et le mode de vie très simple et sans distraction ne laisse guère place à d’autres activités que l’exploration de son esprit dans le contexte d’une communauté dont les valeurs sont toutes axées sur le développement spirituel.
Dans les centres de méditation, la plus grande partie du temps est consacrée à la pratique de la méditation (isolément ou en groupes silencieux), pendant une douzaine d’heures par jour. Ces séances sont en général partagées entre la méditation assise et debout ; il n’est pas question de rester assis vingt heures de suite. L’élève a en général une entrevue avec le maître tous les deux jours, et un minimum de temps est consacré aux activités indispensables à la vie. Parmi celles-ci figure la collecte des aumônes (pour les moines), un ou deux repas pendant la matinée, la toilette et enfin le sommeil, pendant environ quatre heures par nuit. Tout est axé sur le développement intensif de la concentration et de l’attention.

La vie quotidienne du monastère est, en revanche, beaucoup plus remplie. On se lève tôt le matin, la séance de méditation assise en groupe commence avant l’aube et s’accompagne parfois de psalmodies des Écritures en pâli. Puis les moines partent collecter dans leur bol les aumônes préparées pour eux par les laïcs. Ils prennent un (parfois deux) repas, mais n’absorbent plus aucune nourriture après midi. Après le repas, il peut y avoir une petite séance de cours donnée par le maître. Le reste de la journée se passe à méditer, étudier, et effectuer les petites tâches indispensables à la vie de la communauté : tirer l’eau du puits, participer à la construction de nouveaux bâtiments, réparer les clôtures, nettoyer, laver et balayer. Ces tâches sont généralement réparties entre les moines de manière à leur laisser plu, sieurs heures pour méditer, deux heures pour lire et étudier et plusieurs pour effectuer le travail collectif. Certains moines reçoivent des laïcs qu’ils encadrent dans leur pratique de la méditation. Les moines des monastères de la forêt cousent et teignent eux-mêmes leur robe. Le principe du monastère est l’autosuffisance. Enfin, le soir venu, les moines se rassemblent, avec les laïcs présents, pour psalmodier et méditer en groupe, et le maître donne en général une leçon sur le Dharma. Une séance de questions et de discussion sur les affaires de la communauté suit. Puis tous regagnent leur cottage ou leur chambre. Toutes les activités du jour font partie de la méditation. Que l’on soit en train de tirer l’eau du puits, occupé à un exercice sur l’attention à la respiration ou en train de débattre des affaires du monastère, tout doit être accompli dans un esprit aussi attentif et concentré que possible.

Une autre différence entre la pratique au monastère et dans un centre de méditation est la relation avec le maître. Dans les centres intensifs, l’entrevue a lieu tous les deux jours, tous les jours ou même encore plus souvent. Le maître se charge de donner des conseils au méditant en fonction de ce que celui-ci lui dit de sa pratique. C’est là un aspect important de la pratique intensive. En revanche, dans les monastères et les communautés d’étude du Dharma, les entrevues sont plus rares mais les maîtres sont disponibles pour répondre aux questions. L’enseignement est plutôt délivré sous forme de leçons s’adressant à l’ensemble du groupe, et, la pratique étant moins intensive, il semble que les entrevues en tête-à-tête soient moins indispensables. On considère du reste dans certains monastères qu’il est plus important que les yogis puissent répondre eux-mêmes à leurs propres questions et gérer leurs propres doutes afin d’observer le processus de la question et du doute dans leur esprit. Ils sont ainsi réorientés sur leur propre expérience et apprennent à résoudre leurs problèmes dans le cadre de leur pratique sans s’attacher à une entrevue quotidienne et aux conseils de leur maître.

Les deux approches sont valables. Tout dépend du point de départ et du point où l’on en est arrivé. Quels sont les bénéfices possibles d’un environnement ainsi conçu ? La tranquillité nécessaire est assurée, mais de plus l’absence de distractions permet aux élèves de ne pas s’évader d’eux-mêmes. Ils sont confrontés à leurs pensées et à leurs états mentaux mouvants. L’attention est contrainte à se tourner vers l’intérieur. L’esprit du méditant se révèle à lui-même. Il est intéressant d’observer que, même dans ce mode de vie très simple, l’habitude de l’attachement aux choses est telle que les moines le ressentent parfois encore. Malgré le très petit nombre des objets qu’il possède, le moine peut trouver moyen de s’attacher à son bol, à sa robe, et de les trouver plus beaux que ceux des autres. Il peut avoir peur de les perdre. Il est surprenant de constater que, si simple que soit la vie, l’esprit trouve toujours quelque chose à quoi s’accrocher. Mais c’est en comprenant cela que l’on finit par se libérer.

Les maîtres de méditation sont très peu nombreux eu égard aux centaines de milliers de moines bouddhistes dans le sud-est asiatique, mais ils comptent parmi les plus célèbres et les plus respectés des membres de la société. Ils sont vénérés pour leur pureté, leur sainteté, la qualité de leur esprit et souvent aussi pour les pouvoirs qu’on leur attribue. Je n’ai guère parlé dans ce livre des pouvoirs qui peuvent découler de la méditation, cela pour être fidèle à la tradition de la méditation en Asie du sud-est, où les maîtres les plus illustres et les plus puissants ne parlent guère de magie, d’énergie mystique et de pouvoirs surnaturels. Le goût des pouvoirs et du mystère tend à orienter sur une mauvaise voie le développement de la sagesse et de la compassion, et tous les maîtres représentés ici ne s’intéressent qu’à une seule chose : l’approfondissement de la vision intérieure menant à la libération de tous les êtres. […]



Comment choisir un maître de méditation ?

Beaucoup se demandent comment trouver un maître, un centre, une méthode. Un récit tiré de l’histoire du Bouddhisme permet de répondre à cette question. Le Bouddha est assis dans un jardin, entouré de nombreux disciples. Un homme s’approche, lui rend hommage puis entame la louange du Sangha, la communauté monastique du Bouddha. Ensuite, le Bouddha lui-même commence à faire l’éloge du Sangha en désignant divers groupes de moines dans le jardin. Il loue leur vertu et dit : « Voyez, les hommes attirés par la pratique conduisant à des pouvoirs supérieurs sont réunis ici avec mon disciple, le grand Maha Moggallana (le moine le plus connu pour ses pouvoirs psychiques à l’époque de Bouddha). Ceux qui sont amenés par leur karma à développer leur propre voie vers la sagesse, vous les voyez réunis là autour de mon grand disciple, Sariputta (le moine le plus connu pour sa sagesse, juste après Bouddha lui-même). Et ceux, mon ami, qui sont poussés par leur karma ou leur caractère à suivre la voie dans le cadre de la discipline de l’ordre sont là-bas autour de mon grand disciple, Upali, le maître du Vinaya. Quant à ceux qui préfèrent suivre la voie des absorptions ou jahna, ils sont là-bas, avec un autre de mes disciples... » Déjà, du temps du Bouddha, il existait de nombreuses techniques de méditation et approches du développement spirituel. Et parmi ses disciples, ceux qui se sentaient davantage attirés par une technique enseignaient ceux qui eux-mêmes avaient davantage envie de l’adopter. Nous voyons bien qu’il n’y a pas de pratique préférable aux autres, mais bien une qui paraît plus naturelle à chacun, mieux adaptée à ses besoins, et qui lui apportera plus rapidement l’équilibre et l’harmonie qui sont les fruits du développement spirituel. Le choix d’un maître ou d’un centre dépend de plusieurs facteurs.

Le premier est l’intuition. Si vous rencontrez un maître et qu’intuitivement, immédiatement, vous sentez que vous aimeriez bénéficier de son enseignement, que vous vous sentez fortement attaché à lui, cette méthode sera la bonne pour vous. Mais si cela ne se produit pas, il est sage d’aller trouver plusieurs maîtres, plusieurs centres, dans votre pays ou en Asie, afin de déterminer l’environnement, le type de discipline et de pratique qui vous convient le mieux. Faites confiance à votre coeur et à votre intuition, mais donnez-vous suffisamment d’expérience et rassemblez assez de données pour choisir à bon escient. Il vous faudra choisir entre un centre où la méditation s’intègre à la vie au sens plus large et où vous pourrez accomplir un long séjour, et un centre de méditation intensive où vous ferez un court séjour de développement intensif. Vous devez également savoir si vous préférez pratiquer sous la direction d’un maître qui vous impose une discipline stricte ou si cet aspect n’est pas d’une grande importance pour vous.

En dehors de la différence des approches et des techniques pratiquées dans les centres et les monastères, il existe également des différences dans la personnalité et le style de l’enseignement. En ce qui concerne le style, on dit qu’en général, les maîtres qui ont atteint la libération par une voie donnant la préférence à l’une des trois caractéristiques (bien que celles-ci ne soient que les trois aspects de la même vision intérieure profonde) insistent davantage sur cette voie dans leur enseignement. Certains maîtres sont parvenus à la connaissance en pénétrant la caractéristique de la vacuité (anatta) de tous les phénomènes et ont tendance à insister sur la sagesse et la clairvoyance dans leur enseignement. D’autres ont saisi la vérité en pénétrant la caractéristique de la souffrance, et tendent à donner de l’importance à l’effort dans leur pratique. C’est la technique prônée par Sunlun Sayadaw. D’autres maîtres ont pénétré le Dharma à travers l’imper­manence et mettent l’accent sur la foi dans leur prati que. U Ba Khin pratiquait ce type d’enseignement. Mais ce n’est pas une loi générale et un bon maître indiquera toujours à son élève la voie la meilleure pour son cas. Les maîtres ont bien des personnalités et des styles différents. Le maître d’Achaan Maha Boowa et d’Achaan Chaa était Achaan Mun, l’un des plus grands maîtres thaï de ce siècle. Il manifestait beaucoup de force dans son enseignement. Il se montrait brutal, féroce et très strict avec ses disciples. D’autres maîtres, comme Achaan ]umnien, se mon trent aimables, affectueux et ouverts envers leurs élèves.

Il n’y a pas un type préférable à un autre. Les différences reflètent simplement le karma ou la personnalité de chaque maître, sa propre pratique et ses compétences en tant qu’enseignant. Ici encore, lorsque vous choisissez un maître, laissez-vous plutôt guider par votre intuition. Le maître peut faire appel à diverses méthodes. L’une de ces méthodes peut être l’amour de ceux qui viennent le voir et la tolérance à leur égard, qui leur permet à leur tour de s’accepter et de s’aimer eux-mêmes. Cela est une qualité de l’esprit favorable au développement de la voie spirituelle. Une autre méthode sollicite l’équilibre. Le maître prescrit souvent un exercice de méditation particulier afin de résoudre une difficulté éprouvée par l’un de ses disciples. Ainsi, celui qui a un tempérament coléreux se verra conseiller de méditer sur la tendresse, et celui qui a des tendances lascives pourra méditer sur le caractère répugnant du corps. Si le maître s’aperçoit que l’énergie et la concentration d’un disciple ne sont pas équilibrées, il pourra lui prescrire des exercices de marche ou tout autre exercice lui permettant de dépenser son énergie. Chez un autre, c’est la foi et la sagesse qui ne sont pas équilibrées ; trop confiant, il ne développe pas la qualité d’investigation de l’esprit, il ne voit pas la qualité de l’esprit qu’est l’investigation, il ne saisit pas clairement la vraie nature du processus corps-esprit. Pour rétablir l’équilibre, le maître pourra avoir recours à une histoire qui montrera au disciple qu’il ne comprend pas vraiment, qu’il doit renoncer en partie à sa confiance trop aveugle et faire usage de ses capacités de questionnement ou de sagesse. Tout le développement spirituel repose sur cet équilibre, et le rôle du maître consiste à équilibrer la pratique de son disciple.

Le rôle du maître consiste aussi à nous faire remarquer nos derniers attachements. Au fur et à mesure que nous progressons et que notre esprit devient plus subtil, les attachements quittent la forme extérieure des désirs grossiers des sens pour prendre une forme plus raffinée, l’attachement par exemple à certains états de bonheur, à la lumière ou à la paix qui découlent de la méditation. Tout cela, lorsque nous verrons notre maître, apparaîtra clairement. Il verra que nous sommes bloqués, à quoi nous sommes attachés, et nous aidera à nous détacher, à nous laisser prendre par le processus global de détachement qui mène à la libération. On peut raconter le non attachement à travers des histoires en modifiant le cours de la méditation, ou même, selon la méthode zen, en frappant le disciple juste au bon moment. Dans tous les cas, cependant, c’est le méditant lui-même qui réalise le travail. Le maître ne fait que l’aider à rester sur la bonne voie et à rétablir l’équilibre.



« Soyez votre propre lumière. »

Il est important de ne pas juger un maître ou un centre aux apparences. Le premier monastère où je me suis rendu était un monastère ascétique très strict et discipliné. Le maître, Achaan Chaa, était très précis, correct, l’exemple parfait du moine vivant une vie très simple. Puis je suis allé dans un temple birman d’un style très différent. J’y rencontrai un célèbre maître de méditation qui avait eu dix mille disciples avant moi. Pourtant, quand je le vis, il avait un air négligé, sa robe traînait par terre ; il fumait des cigares birmans, et passait la plus grande partie de la journée assis à bavarder avec les femmes d’une manière fort éloignée de celle des moines, à l’opposé de mon ancien maître. Il lui arrivait de se mettre en colère pour des choses insignifiantes. Pendant mes deux premiers mois de pratique intensive dans ce monastère, je ne cessais de tracer des comparaisons et de souffrir. Le maître était bon avec moi et m’avait donné un des meilleurs cottages à proximité du sien. Le résultat était que je le voyais toujours assis à fumer ses cigares en bavardant avec les femmes. Cela me dérangeait énormément dans ma pratique. Je me disais : « Qu’ai-je à apprendre de cet homme ? Je travaille dur à ma méditation, et il est là, comme ça, il n’a rien à m’apprendre. Pourquoi ne se conduit-il pas comme un vrai moine, comme Achaan Chaa ? »

Il me fallut deux mois pour réaliser que son apparence extérieure ne m’empêchait pas de tirer grand bénéfice de ma méditation, et que juger et comparer les formes extérieures, chercher le Bouddha à travers mon maître ne pouvait que me causer des souffrances supplémentaires.

L’esprit qui juge crée de la souffrance. Enfin, quand je fus capable de renoncer à juger, je tirai le meilleur parti de son enseignement de la méditation (et tout ce qui était inutile, je ne m’en souciais plus). J’avais beaucoup souffert avant de comprendre que l’esprit qui discrimine crée des difficultés ; mais constatant cela, j’eus la force d’y renoncer).

Dans le Bouddhisme theravâda (comme du reste dans de nombreuses religions), nombreux sont ceux qui éprouvent la tentation de juger et de comparer les méthodes de leurs maîtres. Leur maître, leur méthode sont toujours les meilleurs, la méthode la plus pure. Ce type de discrimination amène les gens à voir le monde en termes de bien et de mal. Ceci est bien, ceci est mal. Cette vision erronée est cause de beaucoup de crainte et de douleur.

Il n’y a pas de forces bonnes ou mauvaises dans le monde. Le seul « mal » qui existe se trouve dans notre esprit, ce sont les états douloureux de la convoitise, de la haine et de l’illusion. Il n’existe aucune autre difficulté, et l’esprit purifié de toutes ces réactions douloureuses ne connaît aucun autre mal, et ne saurait être troublé ou agité par l’apparition ou la disparition d’une expérience quelconque, car il perçoit le monde avec sagesse comme vide, et non-soi.

De même, ceux qui s’accrochent à la tradition « pure », à des sectes « pures » et prétendent les suivre peuvent parfois donner une vision erronée de l’enseignement du Bouddha. Il n’y a qu’une sorte de pureté fondamentale, enseignée par le Bouddha, c’est celle qui libère, la pureté de l’esprit, la libération de la convoitise, de la haine et de l’erreur. En dehors de cette purification interne, tous ceux qui se réclament de la pureté, même bien intentionnés, ne font qu’alimenter l’attachement et la discrimination. L’essence de toute pratique consiste à dépasser l’attachement et l’égoïsme. Utilisez l’un de ces outils ou tous, mais ne vous laissez pas aller à prendre l’outil ou le maître pour la vérité du Bouddha. Pratiquez avec zèle et abandonnez tous vos liens, et n’essayez rien d’autre que d’atteindre la liberté par vous-même.

Au fur et à mesure que vous progresserez, c’est votre pratique qui vous tiendra lieu de référence. Avant de mourir, le Bouddha a demandé à ses disciples de suivre le Dharma, et non tel ou tel maître ou secte. Il ne plaça personne au-dessus de la communauté des moines et des nonnes. Le Dharma seul devait leur servir de guide. Pour nous, il n’y a donc pas de foi aveugle dans le bouddhisme. Nous croyons simplement assez dans la possibilité de la libération et nous sommes assez sages pour voir la vérité de la souffrance dans notre vie et avons assez de foi pour pratiquer. C’est par la pratique que nous parvenons à la vérité du Dharma. Le Bouddha a encouragé les hommes de ces mots : « Soyez votre propre lumière. » C’est de cette pratique que viendra la libération.


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