Extraits d'un Enseignement de Ajahn Sumedho- Traduit par Jeanne Schut- Donné au Centre de Meditation de Beatenberg, Suisse. Juin 2001
Remarques préalables :
Il s'agit d'un enseignement simple et tellement important en même temps. Les enseignements des moines de la Forêt et notamment des disciples d'Ajahn Chah sont souvent remarquables par leur simplicité et leur efficacité. Ils sont accessibles à tout le monde.
Lire ces enseignements est important pour la pratique car il ne s'agit pas de "théorie" sur le Bouddhisme mais de conseils pratique qui peuvent nous servir "ici et maintenant"
C'est vrai que lire un enseignement ne remplacera jamais un "dhamma talk" car on écoute avec attention. Mais tout le monde n'a pas la chance de pouvoir écouter un enseignement de qualité régulièrement.. alors essayons de les lire avec Attention
L'ÉVEIL C'EST MAINTENANT
La méditation, c’est nous entraîner à nous ouvrir à l’instant présent. L’Eveil, c’est maintenant. La seule chose que nous puissions réellement expérimenter, c’est maintenant.
Etre attentif, apprendre à maintenir notre Attention dans le présent, c’est ce que nous développons, ce que nous cultivons.
Nous vivons avec l’illusion du temps comme base de notre réalité, de sorte que nous trouvons trés facile d’éloigner de nous le présent pour pouvoir mieux penser à l’avenir.(...)
Même dans le contexte bouddhique, on retrouve cette illusion selon laquelle on pratique maintenant pour trouver l’Eveil plus tard.
(...) Pourtant, l’avenir n'est que spéculation, c’est ce que nous ne savons pas. Les choses pourraient arriver ou pas. (..)
Quand nous vivons pour l’avenir, nous vivons toujours dans un monde de planification, supposition, espoir, anticipation ou encore de peur et de crainte.(...)
La mort se situe dans le futur et pour beaucoup, c’est effrayant. La mort est ce que l’on ne connaît pas. (...) On peut croire certaines choses sur la mort, par exemple «quand on est mort on est mort, c’est l’oubli total», mais on n’en sait rien.
On peut croire à la version bouddhiste de la réincarnation (ou renaissance) (...)
Mais ce sont des suppositions, nous n’en savons rien.
En ce qui me concerne, j’ai peut-être des préférences pour la façon dont les Bouddhistes voient les choses mais, en cet instant précis, tout ce que je peux dire sur la mort et ce qui va se produire quand je mourrai, c’est que je n’en sais rien. (...)
Quant au passé, que représente-t-il en cet instant ?
(...) Nous avons des tas de souvenirs mais, pour ce qui concerne cet instant précis, ce moment présent, ce pur présent, nous voyons que l’élément temps est une illusion : le passé n’est qu’un souvenir qui apparaît dans le présent ; l’avenir est l’inconnu. Nous constatons que cette conscience est la connaissance. La connaissance est maintenant, dans l’ici et maintenant.
(...) tous les phénomènes conditionnés ont la caractéristique du changement : ils apparaissent puis disparaissent.(... ) Ce dont nous devons être conscients, c’est de l'impermanence des phénomènes plutôt que nous accrocher à leurs qualités.
D’habitude nous nous attachons à la qualité des conditions : si une chose est belle ou laide, bonne ou mauvaise, importante ou pas. Nous nous intéressons à la qualité : ceci vaut la peine, cela est une perte de temps, etc., mais nous ne développons la sagesse.
Dans la vision pénétrante, la qualité ne nous intéresse pas; nous observons plutôt comment sont les choses, comment elles changent, car il n’y a pas de qualité qui ne subisse le processus du changement. On s’éveille ainsi au changement, à ce mouvement que l’on expérimente, au lieu de se laisser fasciner ou dégoûter par la qualité de nos pensées, de nos émotions, de nos sentiments ou de nos expériences.(...)
".. peut-être, avant de mourir, j’atteindrai l’Eveil … si je vais à suffisamment de retraites de méditation ! " En cet instant il y a cette personne avec son passé qui a des problèmes, des attachements et des besoins, qui n’est pas éveillée et qui espère qu’un jour, après avoir médité assez longtemps, elle atteindra l’Eveil.
Reconnaissez-vous là votre façon de penser ? Vous créez cette perception, cette supposition mais vous n’êtes peut-être pas tout à fait conscients de cette attitude : ce que vous pensez être en cet instant, la façon dont vous vous percevez en tant que personne. Je suis sûr que la plupart d’entre vous ne se considèrent pas comme éveillés.
Vous mettez plutôt l’accent sur vos défauts. C’est une attitude typiquement occidentale. On s’attache à ses problèmes, on s’y identifie. On est très critique vis-à-vis de soi :
« Il faut que je fasse des efforts, que je médite, que j’apprenne la concentration, que je me débarrasse de ma torpeur, de ma colère, de mes soucis, de mon agitation et de mes doutes. Il faut que je me débarrasse de tous ces défauts parce qu'ils me rendent la vie impossible. Peut-être que si je pratique assez intensément, j’y parviendrai. »
Je suis sûr que certains d’entre vous fonctionnent comme cela. (...)
Ce que je veux souligner, c’est qu’en termes d’ici et maintenant, il s’agit là d’une fabrication mentale. Si nous ne nous en rendons pas compte, nous continuons à méditer en nous disant :
«Je suis cette personne et pour devenir comme ceci ou comme cela dans l’avenir, je dois faire ceci ou cela».
Si vous fonctionnez ainsi, après des années de méditation, vous serez toujours bloqués au même point parce que votre point de départ est erroné.
Si vous commencez dans l’erreur, vous finissez dans l’erreur. (...)
Ce que je vous suggère donc aujourd'hui, c’est de placer votre confiance dans une vigilance éveillée plutôt que dans les idées que vous avez sur vous-mêmes (..) je vous encourage à mettre votre confiance dans les moments d’Attention éveillée avant que vous n'apparaissiez comme une « personne ». Un simple acte d’Attention, de présence. (..)
Cet état transcende le temps, c’est ce que l’on appelle la porte s’ouvrant sur l’immortalité. Grâce à cette Attention, à cette présence, vous vous retrouvez dans un espace où le temps n’existe pas, dans un état hors du temps.
Quand vous perdez cela, vous vous retrouvez dans le domaine du temps, vous vous retrouvez
une personnalité, le sentiment d’être un « soi », vos limitations, vos défauts, vos espoirs et vos peurs concernant l’avenir, le regret, le remords, la culpabilité par rapport au passé et tout cela tourne encore et encore dans ce que l’on appelle « le cycle sans fin du samsara ».
Il ne s’agit pas de faire de gros efforts pour entrer dans un profond samadhi qu’il vous faudrait cultiver et contrôler. Parce que si vous voulez des expériences de conscience très subtiles, il faut priver vos sens de nombreux éléments environnants. C’est de cette manière que l’on y arrive : en se coupant de toutes les distractions, de toutes les causes d’irritation que le monde peut provoquer sur les sens. Peu à peu, on recherche de plus en plus de calme et on s'éloigne de tout ce qui n’est pas tranquille et paisible. Ce type d’expérience peut être très agréable mais nous ne devons pas nous y fier car elles sont trop liées aux circonstances extérieures. (..)
C’est pourquoi nous devons remettre en cause ces états d’Attention profonde. Il ne s’agit pas de les critiquer mais de remarquer que la sphère dans laquelle nous vivons est assez grossière et donc avoir des expériences de conscience raffinées,
bien que cela témoigne d’une bonne qualité de pratique, ne peut être un refuge du fait de la nature instable du monde où nous vivons. Le véritable Eveil ne peut être atteint qu’au moyen de l’Attention, de la présence et de la sagesse. (...)
Dans le Dhammapada, une de mes strophes préférées est : « La présence, ou Attention éveillée, est la voie de l’immortalité. »
Etre présent, être attentif à la vie, à cet instant. Il ne s’agit pas de pratiquer la méditation pour apprendre à être attentif un jour. C’est immédiat. L’Attention, c’est maintenant. Si vous vous dites : « Je serai attentif demain », vous n’y êtes pas du tout. L’Attention ne peut être que maintenant. (...)
(...)
Dans cette pratique, vous pouvez simplement être conscients de votre corps. Vous établissez de plus en plus votre conscience dans la façon dont le corps est dans l'instant.
Cela vous enracine, vous donne une bonne sensation de conscience du corps, un sentiment de bien-être, d’être vraiment à l’écoute de votre corps. A ce moment-là, le corps est un support, ce n’est pas quelque chose que vous essayez d’éloigner, de faire taire pour arriver à un état mental. Au contraire, vous l’incluez.
Donc prendre conscience de la posture, de la sensation physique du corps. Cultivez cela, développez-le parce que le corps répond d’une manière qui peut vous aider beaucoup à développer cette Attention et à cultiver cette voie. (...)
Il y a aussi l’Attention que l’on porte au souffle. Vous affinez les choses quand vous vous concentrez sur anapanassati. Vous commencez à ressentir des sensations plus subtiles, vous faites l’expérience consciente de la tranquillité.
Donc, le simple fait d’être à l’écoute de ces fonctions très ordinaires du corps : la posture, les sensations, le souffle, vous permet d’être réellement présent ici. (...)
Ensuite on peut passer à l’étape qui consiste à observer l’état d’esprit, simplement noter les sensations. Dans l’abdomen, par exemple. Je me rappelle que je sentais une tension, une sensation de peur, d’anxiété dans cette partie du corps ; ou encore un sentiment de solitude ou de tristesse au niveau du coeur. Il ne s’agit pas d’en faire un problème, simplement de voir ce qui est et de l’accepter ; de permettre aux choses qui se présentent d’être ce qu’elles sont. (...)
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