mardi 10 juillet 2007

Après la retraite.....

"Je suis comme un arbre, rempli de feuilles, de fleurs et de fruits. Les oiseaux y viennent construire leur nid et se nourrir. Cependant l'arbre ne se connaît pas lui-même. II ne fait que suivre sa nature ; c'est comme cela, sans plus. " Ajahn Chah








Photo personnelle


J'expérimente dukkha :


Depuis mon retour de retraite, je me sens parfois déprimée. La première semaine, je n'arrivais pas à reprendre le rythme de la vie de tous les jours : travail, courses, ménage. Je n'avais envie que d'une chose: repartir faire une retraite.

Heureusement j'ai repris le dessus (enfin, je crois..) et j'ai pris comme objet d'observation cet état d'esprit : "
déprime", "tristesse".
En observant ainsi, au lieu d'être emporté par la déprime ou la tristesse, on arrive à relativiser et on peut comprendre:
"ce n'est pas moi qui suis déprimée et triste."

Parfois, j'arrive à observer cet état mental sans pour autant arrêter mes activités. C'est d'ailleurs le but de la pratique quotidienne et des retraites: continuer de méditer dans les activités quotidiennes. Mais la plupart du temps, je n'y arrive pas.
Pour l'instant, j'ai encore besoin de méditer (formellement) pour observer ou de ralentir considérablement mes activités, ce qui n'est pas possible dans la vie de tous les jours

Je voudrais pouvoir arriver à observer la colère, la joie, la tristesse au moment même où ils apparaissent, afin de ne pas être submergé par eux.

Paradoxalement,
il n'y a rien à attendre de la pratique, rien à espérer rien à rechercher Il faut juste observer. Observer le corps, les sensations, tous les objets physiques et mentaux.

La plupart des méditants souhaitent obtenir et trouver quelque chose. Si cet état d'esprit est présent en nous ( et il l'est obligatoirement au début et même après) nous devons le prendre comme objet d'observation ( encore faut-il en avoir conscience), si cela peut nous aider, nous pouvons le noter: "attendre" ou " vouloir".
Nous devons pratiquer l'attention pure



Il y a deux jours, je me suis mise en colère contre une personne de ma famille et j'ai perdu tout contrôle. J'en ai même parlé à un ami du
Dhamma qui m'a répondu en ces termes :


R: Tout le monde a des querelles en famille. Parfois ça part tout seul. Le tout est laisser dire sans nourrir la dispute, laisser la tempête passer d'elle-même. Toujours plus facile à dire, certes, mais on peut toujours essayer. Comme tout, c'est une histoire d'entraînement. Le tout est d'apprendre peu à peu à "prendre" l'autre tel qu'il est.

Mais alors ma pratique ne me sert donc à rien ?

R: Rassurez-vous, la pratique n'a rien avoir avec la colère. Tant qu'il reste encore des kilesa, la colère peut se manifester, même fortement...



Qu'il est long le chemin qui conduit au nibbána

Pour ceux qui ne savent pas trop ce que représente
nibbána (nirvana en sanscrit) LIRE

A propos de ce chemin et de nibbána, j'aime bien la métaphore de la montagne : nibbána est situé tout en haut d'une montagne. Nous devons donc nous armer de patience pour pouvoir escalader cette montagne.
Au début, le sentier qui mène au bas de la montagne est plat, puis peu à peu, le chemin devient de plus en plus difficile. On réalise que si on ne marche pas tous les jours on arrivera jamais en haut. Et même si on marche tous les jours il y a peu de chance pour qu'on y arrive dans cette même vie.

Mais peu importe, ce qui compte c'est
avancer.

Mais cette métaphore de la montagne n'est pas vraiment adaptée à celle utilisée par le Bouddha lui même :

La calèche qui t'emmène est parfaitement silencieuse. Effort mental et effort physique sont ses roues ; la conscience en est le dossier. L'attention est la carrosserie et la vue juste, le cocher. Celui qui dispose d'une telle calèche et la dirige correctement est assuré d'atteindre nibbana, qu'il soit homme ou femme.

Comment une calèche pourrait escalader une montagne ?
Après tout, cette calèche dont parle le Bouddha est sans doute parfaitement capable de grimper des montagnes, une fois que nous avons réussi à la construire.


Si on continue dans les métaphores, une retraite intensive c'est comme un entraînement intensif à l'escalade. C'est certain qu'on arrive pas en haut de la montagne après une simple retraite de 10 jours mais on en ressort plus aguerri. De simple randonneur on devient alpiniste et l'escalade sera facilitée.

Et puis on sait que ce même chemin a été emprunté par des milliers de personnes avant nous et que d'autres nous suivront.



Remarques sur ma "déprime" par un ami du dhamma:

"La déprime n'est certainement pas lié à la retraite ! Si divers phénomènes inhabituels peuvent se produire pendant une retraite, ce n'est pas le cas lors de l'après-retraite. Tout ce qui peut arriver en raison d'une retraite ne sont que: plus d'attention, de vigilance, de calme, des prises de conscience, et une meilleure vision des choses. Peut-être que ce dernier point vous fait prendre conscience du caractère peu joyeux de votre existence "mondaine". Dans ce cas, et c'est bon signe, c'est peut-être cela qui peut expliquer (mais pas obligatoirement) une certaine déprime.

Quoi qu'il en soit, ça ne devrait pas durer. Autrement, c'est qu'il y a certainement de grosses décisions à prendre."


Je pense que c'est exactement cela: je prends conscience du caractère peu joyeux de mon existence "mondaine". Je réalise que je vivais (et encore maintenant) dans l'illusion: Illusion du bonheur, de la réussite sociale, de la beauté... toutes ces choses qui étaient importantes pour moi me semble si dérisoires parfois.

Ce qui me déprime, c'est que j'ai de moins en moins les mêmes envies que les autres, (déjà qu'avant je me sentais différente, mais là il y a un gouffre qui s'est créé). Je n'ai pas envie d'aller me faire bronzer sur une plage, encore moins d'aller dans des soirées bruyantes ou l'on boit et où l'on danse. Je me fiche d'avoir une belle voiture, de porter des fringues sexy (moi qui en ai plein mes placards). J'aime le silence, la campagne, le calme, la solitude.

Le changement est peut-être trop rapide, trop radical et ça me fait peur. Mais tout cela existait déjà en moi, avant que je n'en prenne conscience.

Réponse d'un ami du dhamma:


"Ce qui vous arrive, c'est, et de bien loin, la meilleure chose qu'on puisse souhaiter à n'importe qui !

Lorsque le fruit est mûr, il ne déprime pas de ne plus resté attaché et donc emprisonné à l'arbre du désir et de l'ignorance. Au contraire, il se réjouit de se laisser tomber, enfin délivré de tout ce branchage aliénant d'avidité, de frustration, de stress et de soucis sans fin !"



En lisant ce que Dominique Trotignon a écrit sur la souffrance (dukkha), dans un article pour l'U.B.E. (Université Bouddhique Européenne), je réalise que ce que je ressent en ce moment, n'est pas une simple "déprime" comme je l'ai qualifié au début de ce chapitre. C'est vraiment la souffrance (dukkha), au sens bouddhique du terme.
Cet extrait ci après explique bien les différents niveaux de
dukkha. C'est rare de trouver dans un article, une description qui correspond exactement à ce que vous vivez


( Pour rappel : Les Quatre Nobles Vérités se résument généralement par ces quatre postulats : Il y a la Vérité de la souffrance, l'Origine de la souffrance, la Cessation de la souffrance et le Chemin qui mène à la cessation de la souffrance.)

Pour Dominique Trotignon:

"Si dukkha recouvre l'idée de "souffrance", au sens courant du terme, il dit aussi plus que cela. La définition canonique reconnaît trois interprétations : la souffrance au sens ordinaire (dukkha dukkha) ; la souffrance liée au caractère éphémère, im-permanent des phénomènes (viparinâma dukkha ; viparinâma = transformation) et l'état conditionné de tout phénomène (sankhara dukkha).

Il y a donc plusieurs niveaux de dukkha.

Premièrement la souffrance liée au Soi : "ma" souffrance, celle que j'éprouve quand mon Soi est mis à mal par la douleur, physique ou psychologique, la déception, le refus des autres de me considérer comme un Soi méritant le respect et l'amour... souffrance du Soi dans ses relations aux autres, à l'Autre ; le Soi dans la dualité.

Deuxièmement la souffrance liée aux phénomènes qui me font douter de l'existence réelle de mon Soi : tous les changements qui surviennent en moi, qui font que se succèdent en moi la colère et la joie, et que même le bonheur que j'éprouve finit par disparaître - souffrance du Soi dans sa relation à lui-même ("Qui suis-je ?", et donc aussi : "Suis-je ?").

Troisièmement enfin, beaucoup plus profondément, le fait que tout cela n'est qu'illusion, qu'il ne s'agit que d'une construction mentale, que le Soi n'existe pas "en Soi".

Il va sans dire que ce dernier aspect de dukkha, pour être perçu, demande déjà une capacité hors du commun de voir la réalité telle qu'elle est ; ce troisième aspect de dukkha, en fait, n'est visible que pour ceux qui sont déjà "entrés dans le courant" (selon la formule consacrée), qui ont déjà abandonné bien "des illusions" avant de pouvoir s'attaquer à "l'Illusion" suprême. Le commun des mortels, lui, affronte dukkha selon le premier sens, au mieux dukkha selon le deuxième... s'il connaît déjà quelque inquiétude spirituelle, ou au moins existentielle !"


Je suis certaine que cette souffrance que je peux ressentir à certains moments, n'a plus rien à voir avec la souffrance (pour reprendre l'expression de D.Trotignon) ".. que j'éprouve quand mon Soi est mis à mal par la douleur, physique ou psychologique.."

Je ne peux alors m'empêcher de me poser cette question :
Cette souffrance ressentie, est-elle "liée aux phénomènes qui me font douter de l'existence réelle de mon Soi" ou, ai-je vraiment compris "que tout cela n'est qu'illusion"

Kathy


10 commentaires:

Adrien a dit…

Très intéressant la dernière remarque sur les différents "niveaux" de dukkha. J'avoue qu'après ma dernière retraite j'ai eut une grosse période de flottement et je ne pouvais pas m'empécher de considérer ça comme un échec (plus de ma part que de la technique d'ailleurs).
Lire ces quelques lignes m'a donc fait beaucoup de bien.
C'est vrai qu'il m'est arrivé parfois de simplement prendre conscience du caractère éphèmere des choses en général et d'être pris d'une sorte de malaise tout en sachant pertinemment qu'auparavant je ne m'en serais pas apperçu...
En tout cas, toutes mes félicitations pour le blog et bonne continuation !

Avec Metta
Adrien

Anonyme a dit…

un grand merci pour ce blog passionnant que je me promets de visiter longuement.
j'ai pratiqué le zen soto pendant trois ans, j'ai arrété, mais cela est présent dans ma vie depuis.

Catherine a dit…

adrien : Réaliser la non permanence cela provoque effectivement encore plus de souffrance, mais à force, cette nouvelle souffrance va se transformer et on apprécie alors davantage l'instant présent.
Ton blob "carnet de voyage" est très agréable.

venezia: je suis également contente d'avoir découverte ton blog.
merci

Adrien a dit…

Heh merci pour le blog, même si je dois avouer qu'il y a un certain décalage de ton entre nos blogs respectifs.
Il faut dire aussi que depuis ce voyage initiatique j'ai également voyagé intérieurement.
Je n'exclus donc pas de le reprendre sur des bases légèrement plus sérieuses, car le véritable voyage ne fait que commencer ;).

Adrien

Anonyme a dit…

"Réaliser la non permanence cela provoque effectivement encore plus de souffrance"

Réaliser la non permanence ne provoque pas de la souffrance, c'est
l'attachement qui en provoque.

Catherine a dit…

L'attachement provoque effectivement de la souffrance c'est même avec le "désir"ou la "soif" une des causes de la souffrance (dukkha) dont parle le Bouddha dans le sermont de Bénares.
Mais lorsque l'on réalise la non permanence des choses cela provoque aussi, au départ de la souffrance qui par la suite se transforme.
Kathy

Anonyme a dit…

C'est de ne pas accepter l'impermanence des choses qui crée de la souffrance et non l'inverse. Si tu ressens de la souffrance c'est que tu es sur une mauvaise voie.

Catherine a dit…

Pas sur la mauvaise voie mais simplement sur le chemin. Il faut du temps pour que les différentes formes de souffrance (car il y en a plusieurs) se transforment en paix.
Si personnellement tu ne souffres plus de l'impermanence, c'est à dire que la maladie, la vieillesse et la mort ne te font plus souffrir c'est que tu es un être éveillé!
En ce qui me concerne je suis encore pleine de kilesas ( impuretés en pali) et je ressents toujours dukkha. On avance sur le chemin en ressentant toujours la souffrance et c'est normal, mais celle ci se transformera au fur et à mesure. La fin de la souffrance selon le Bouddha lui même c'est le nibbana et j'en suis loin.

Catherine a dit…

Et aussi, comme je l'ai dit plus haut , réaliser la non permanence peut nous faire apprécier davantage l'instant présent

Catherine a dit…

j'ajouterais que la souffrance ne cesse qu'avec nibbanna, mais de manière seulement provisoire , elle cesse de manière définitive avec le para Nibbana.