samedi 14 novembre 2009

CE QUI EST par Ajahn Sumedho

Cet enseignement, extrait des deux premiers entretiens donnés par le Vénérable Ajahn Sumedho à la communauté monastique d’Amaravati, pendant la Retraite d’hiver de 1988, a été traduit par mon ami Hervé Panchaud 


Hervé a traduit de nombreux textes et enseignements pour le site le dhamma de la Forêt




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C’est aujourd’hui la pleine lune de janvier et le commencement de notre retraite d’hiver. Nous allons pouvoir passer toute la nuit en méditation assise pour commémorer la beauté de cet évènement. C’est une grande chance pour nous que d’avoir l’opportunité de consacrer ces deux mois à venir à la seule contemplation du Dhamma.

L’enseignement du Bouddha porte sur la compréhension des choses telles qu’elles sont, être en capacité de regarder, d’être « éveillé ». Cela implique de développer l’attention, la vision claire et la sagesse, et de suivre l’Octuple Sentier – tout ce qui constitue bhavana.

Quand nous observons les choses comme elles sont, nous les « voyons » au lieu de les interpréter au travers du filtre de notre ego. L’obstacle le plus important auquel chacun d’entre nous doit faire face est cette croyance insidieuse en un « je suis » – l’attachement au soi. Cette croyance est à ce point ancrée en nous que nous sommes comme un poisson dans l’eau : l’eau fait tellement partie de la vie du poisson que celui-ci ne la remarque même plus. Le monde des sensations dans lequel nous baignons depuis notre naissance est ainsi pour nous : si nous ne prenons pas le temps de l’observer pour ce qu’il est vraiment, nous mourrons sans développer la moindre sagesse.

Mais la chance que nous avons d’être nés en tant qu’êtres humains nous offre le grand avantage d’être en capacité de réfléchir – nous pouvons réfléchir sur l’eau dans laquelle nous baignons, c’est-à-dire observer le monde des sens tel qu’il est vraiment. Nous n’essayons pas de nous en extraire. Nous ne cherchons pas non plus à rendre les choses encore plus compliquées en y ajoutant nos projections ; nous sommes simplement attentifs à ce qu’il est. Nous ne nous laissons pas tromper par les apparences, par nos peurs, nos désirs et toutes les choses que notre esprit peut inventer à son propos.

C’est ce que nous voulons dire quand nous employons des expressions telles que : « C’est ainsi ». Si vous demandez à quelqu’un nageant dans l’eau : « Comment est l’eau ? », il y portera son attention et répondra : « Eh bien, elle est comme ça ; elle est comme elle est. » Vous pourrez alors préciser votre question : « Oui, mais comment est-elle exactement ? Est-elle froide, tiède ou chaude ? ... » Beaucoup de termes peuvent être employés pour décrire l’eau : elle peut être froide, tiède, chaude, agréable, désagréable … Mais, en réalité, elle est comme elle est, tout simplement. Le monde des sensations dans lequel nous baignons, tout au long de notre existence, est de même. Vous le trouvez comme ceci ou comme cela. Vous le ressentez. Parfois la sensation est agréable, parfois désagréable ; le plus souvent, elle n’est ni agréable, ni désagréable. Mais, dans tous les cas, elle est comme elle est, tout simplement. Les choses vont et viennent, elles changent ; il n’y a rien sur quoi s’appuyer qui soit vraiment stable. Le monde des sensations n’est qu’énergie, changement et mouvement, flux et reflux. La conscience sensorielle est ainsi.

Attention, nous ne jugeons pas ! Nous ne disons pas que c’est bien ou que c’est mal, que nous devrions apprécier ou rejeter les sensations : nous y prêtons simplement attention – comme pour l’eau. Le monde des sens est un monde que l’on ressent. Nous sommes nés dans ce monde et nous le ressentons. A partir du moment où le cordon ombilical est tranché, nous devenons des êtres physiquement indépendants ; nous ne sommes plus physiquement rattachés à personne. Nous ressentons la faim, nous ressentons le plaisir, la douleur, la chaleur et le froid. En grandissant, nous ressentons toutes sortes de choses. Nous ressentons avec les yeux, les oreilles, le nez, la langue, le corps, et avec l’esprit lui-même. Nous avons aussi la capacité de penser et nous souvenir, de percevoir et concevoir. Tout cela est sensation. Ce peut être amusant et merveilleux, mais ce peut aussi être déprimant, dur et pitoyable … ou neutre – ni agréable ni douloureux. Toutes ces impressions sensorielles sont donc « ce qui est ». Le plaisir est ainsi, la souffrance est ainsi, et la sensation neutre, où le plaisir et la souffrance sont absents, est ainsi.

Afin de pouvoir mener une véritable réflexion sur ces choses, vous devez être vigilants et attentifs. Certaines personnes pensent que c’est à moi de leur dire ce qu’elles doivent ressentir : « Ajahn Sumedho, que suis-je censé ressentir maintenant ? » Mais on n’explique pas à autrui « ce qui est » ; nous devons êtres ouverts et réceptifs à ce qui est. Il n’est pas utile d’expliquer ce qui est à quelqu’un, quand celui-ci peut le découvrir par lui-même. Les deux mois à venir sont donc une occasion précieuse qui nous est offerte pour découvrir « ce qui est ». De nombreux êtres humains, semble-t-il, ne savent même pas qu’un tel développement de la sagesse est possible.

Qu’entendons-nous quand nous employons ce mot : sagesse ? De la naissance à la mort, les choses sont telles qu’elles sont. Il y aura toujours une certaine part de peine, d’insatisfaction, de désagrément et de laideur. Et, si nous ne sommes pas conscients que ces choses sont simplement comme elles sont, si nous ne les voyons pas comme des dhamma, nous aurons tendance à en faire un problème. Le temps qui s’écoule entre la naissance et la mort devient très « personnel », lourd de toutes sortes de peurs, de désirs et de complications.

Dans notre société, nous souffrons beaucoup de la solitude. Nous passons une grande partie de notre vie à tenter d’éviter cette solitude. « Parlons ! Echangeons ! Faisons des choses ensemble afin de ne pas être seuls. » Mais, à l’intérieur de ce corps humain, nous sommes irrémédiablement seuls. Nous pouvons faire semblant, nous pouvons chercher à nous divertir mutuellement mais c’est le mieux que nous puissions faire. Quand il s’agit de faire l’expérience réelle de la vie, nous sommes bien seuls ; et attendre que quelqu’un vienne nous libérer de notre solitude est trop demander.

Quand la naissance physique a lieu, voyez comment nous semblons soudain être des entités séparées. Bien sûr, nous ne sommes plus physiquement reliés à personne mais, en plus, du fait de notre attachement à ce corps, nous nous sentons isolés et vulnérables. Nous redoutons d’être seuls et nous inventons tout un monde dans lequel nous pouvons vivre. Nous y côtoyons des compagnons de toute sorte : des amis imaginaires, des amis réels, des ennemis – mais tous, vont et viennent, apparaissent et disparaissent. Tout naît et meurt dans notre propre esprit. Alors, nous commençons à réfléchir au fait que la naissance conditionne la mort. Naissance et mort ; commencement et fin.

Pendant cette retraite, je ne peux que vous encourager à pratiquer sur ce sujet : contempler ce qu’est la naissance. A cet instant, nous pouvons dire : « Ce corps est la conséquence de notre naissance. Ce corps est ainsi. Il y a de la conscience, il y a des sensations, il y a de l’intelligence, de la mémoire, des émotions. » Tout ceci peut être observé parce que ce sont là des objets de l’esprit ; ce sont des dhamma. Si nous nous attachons au corps en tant que sujet – ou à des opinions, des idées et des sentiments – comme étant « moi » ou « mien », alors nous connaîtrons la solitude et le désespoir, et il y aura toujours la menace de la séparation et de la fin. L’attachement à ce qui est mortel introduit peur et désir dans notre vie. Nous pouvons nous sentir anxieux et inquiets, même lorsque tout va à peu près bien. Tant que perdurera l’ignorance – avijja – quant à la vraie nature des choses, la peur dominera toujours la conscience.

Mais l’anxiété n’a pas de réalité ultime, c’est quelque chose que nous créons. Tout comme l’inquiétude. L’amour, la joie et tout ce qu’il y a de meilleur dans la vie, si nous nous y attachons, entraîneront avec eux leur contraire. C’est pourquoi, dans la pratique de la méditation, nous apprenons à accepter les sensations qui correspondent à ces sentiments. Quand nous acceptons les choses pour ce qu’elles sont, nous cessons de nous y attacher. Elles sont simplement ce qu’elles sont ; elles apparaissent et elles disparaissent, elles n’appartiennent pas à un moi.

Mais qu’en est-il du point de vue de notre contexte culturel habituel ? Notre société a tendance à renforcer cette conception selon laquelle tout est « moi » ou « mien ». « Ce corps est moi ; je suis comme ceci ; je suis un homme ; je suis Américain ; j’ai 54 ans ; je suis moine, etc. » Mais tout cela n’est que convention, n’est-ce pas ? Il ne s’agit pas de nier que je suis tout ce que je viens d’énoncer, mais seulement d’observer comment nous avons tendance à compliquer les choses en croyant qu’il y a un « je » dans tout cela. Si nous nous attachons à ces conventions, la vie devient plus difficile qu’elle ne l’est en réalité ; elle devient comme une toile dans laquelle on s’empêtre. Tout devient si compliqué ; nous restons collés à tout ce que nous touchons. Et, plus nous vivons, plus nous nous compliquons l’existence. Or les peurs et les désirs viennent tous de cette croyance en l’existence d’un moi : « Je suis quelqu’un ». Finalement, cela nous conduit à l’angoisse et au désespoir ; la vie nous paraît beaucoup plus difficile et douloureuse qu’elle ne l’est en réalité.

Mais quand nous observons simplement la vie telle qu’elle est, tout est bien : les joies, la beauté, les plaisirs sont comme ils sont. La peine, l’insatisfaction, la maladie sont comme elles sont. Nous pouvons, à tout moment, suivre le mouvement et les changements de la vie. L’esprit de l’être éveillé est souple et il sait s’adapter. L’esprit de la personne ignorante est rigide et conditionné.

Tout ce sur quoi nous nous bloquons dans la rigidité tournera mal. Se percevoir de manière figée rend toujours la vie difficile. Quelle que soit la catégorie à laquelle nous nous identifions – homme ou femme, classe moyenne ou ouvrier, américain ou européen, bouddhiste et théravadin … – si nous nous y attachons, nous connaîtrons une forme ou une autre de complication, de frustration et de désespoir.

Pourtant, sur le plan conventionnel, nous pouvons être toutes ces choses – un homme, un Américain, un Bouddhiste, un Théravadin ; ce sont des concepts tout à fait appropriés pour communiquer – mais rien de plus que cela. C’est ce que nous nommons sammuttidhamma – la « réalité conventionnelle ». Quand je dis : « Je suis Ajahn Sumedho », ce n’est pas en référence à un moi, à une personne ; c’est une convention. Etre un moine bouddhiste n’est pas être une personne, c’est une convention ; être un homme ou une femme n’est pas être une personne, c’est une convention. Les conventions sont comme elles sont. Si nous nous y attachons par ignorance, nous en devenons prisonniers. C’est comme la toile dans laquelle on s’empêtre ! Nous sommes aveuglés et trompés par ces conventions.

Quand nous lâchons ces conventions, nous ne les rejetons pas pour autant. Je ne vais pas me suicider ou quitter la vie monastique ! Les conventions sont très bien telles qu’elles sont. Elles n’occasionnent pas de souffrance tant que l’esprit demeure attentif et les perçoit pour ce qu’elles sont : de simples conventions. Elles sont un moyen pratique et utile en temps et en lieu mais pas au-delà.

Par la compréhension de la « réalité ultime » (paramatthadhamma), nous parvenons à la liberté du Nibbana. Nous sommes libérés des illusions du désir et de la peur ; cette libération de l’entrave des conventions est  « l’au-delà de la mort ». Mais pour parvenir à cette réalisation, nous devons vraiment voir la nature de l’attachement. Qu’est-il en réalité ? Par quel processus naît cet attachement à un « moi » et comment cela engendre-t-il la souffrance ? Il ne s’agit pas de nier sa propre existence ; d’ailleurs l’attachement à l’idée de n’être personne, c’est encore être quelqu’un ! Ce n’est pas une question d’affirmation ou de dénégation, mais une question de compréhension, de vision intérieure. Et, pour cela, nous devons développer l’attention.

Avec l’attention, nous pouvons nous ouvrir à la globalité. Au début de cette retraite, nous nous ouvrons pour les deux mois de sa durée. Dès le premier jour, nous acceptons en pleine conscience toutes les possibilités qui pourront se présenter : la maladie comme la santé, le succès comme l’échec, le bonheur comme la souffrance, l’Eveil comme la totale désespérance. Nous ne nous disons pas : « Je ne veux avoir que ceci, je ne veux connaître que cela, je ne veux avoir que de belles expériences. Et puis je dois me préserver afin de vivre une retraite idyllique, être en parfaite sécurité et bien tranquille durant les deux mois à venir. » Un tel état d’esprit serait plutôt déprimant, non ? Au lieu de cela, nous devons nous ouvrir à tous les possibles, depuis le meilleur jusqu’au pire, et nous devons le faire en pleine conscience. Ce qui signifie : tout ce qui va se produire durant ces deux mois sera partie intégrante de notre retraite – c’est notre pratique. « Ce qui est » est le Dhamma pour nous tous : le bonheur et la souffrance, l’Eveil et le désespoir total, vraiment tout !

Si nous pratiquons de cette manière, le désespoir et l’angoisse peuvent nous mener au calme et à la paix. Quand j’étais en Thaïlande, je ressentais beaucoup de ces émotions négatives – solitude, ennui, anxiété, doute, inquiétude et désespoir. Mais, quand je les ai acceptées pour ce qu’elles étaient, elles ont cessé. Et que reste-t-il quand il n’y a plus de désespoir ?

Le Dhamma que nous étudions aujourd’hui est subtil. Pas subtil dans le sens d’« élevé » ou « érudit » ; il est, au contraire, si simple et si présent que nous ne le remarquons même pas. Comme l’eau pour le poisson : l’eau fait tellement partie de sa vie, que le poisson n’en a même pas conscience, même s’il y nage. La conscience sensorielle est ici et maintenant. Elle est ainsi. Elle n’est pas loin. Ce n’est pas vraiment difficile, il suffit simplement d’y prêter attention. Le chemin qui mène à la fin de la souffrance est le chemin de l’attention : présence consciente et attentive à ce qui est – sagesse.

Nous devons sans cesse ramener notre attention à ce qui est. Si vous avez de mauvaises pensées ou si vous vous sentez plein de ressentiment, amers ou irrités, observez ce que ces sentiments éveillent dans votre cœur. Si vous vous sentez frustrés et en colère pendant ce temps de méditation, ce n’est pas un problème parce que vous avez déjà ouvert la porte à cette possibilité. Cela fait partie de la pratique ; c’est ce qui est. Souvenez-vous que nous n’essayons pas de devenir des anges ou des saints, nous n’essayons pas de nous débarrasser de toutes nos impuretés et imperfections pour être parfaitement heureux. Le monde des humains est ainsi ! Il peut être imparfait et il peut être pur. Pureté et imperfection vont de pair. Connaître la pureté et l’impureté : voilà ce qu’est l’attention doublée de sagesse. Savoir que l’impureté est impermanente et non personnelle est sagesse. Mais, dès que nous la rendons personnelle, que nous nous y identifions – « Oh ! Je ne devrais pas avoir de pensées impures ! » – nous sommes à nouveau prisonniers du désespoir. Plus nous essayons de n’avoir que des pensées pures, plus les pensées impures vont surgir. En fonctionnant de cette façon, nous sommes certains d’être malheureux durant les deux mois à venir, c’est garanti ! Par ignorance, nous nous créons un monde qui ne peut être que déprimant.

Ainsi, à la lumière de l’attention ou de la présence consciente, toutes les formes d’abattement et de bonheur sont d’égale valeur : nous n’avons pas de préférence. Le bonheur est ainsi ; l’abattement est ainsi. Ils apparaissent puis disparaissent. Le bonheur est toujours le bonheur, ce n’est pas l’abattement. Et l’abattement est toujours l’abattement, ce n’est pas le bonheur. Mais ils sont ce qu’ils sont. Ils ne sont à personne et ils ne sont que cela : des sensations, des sentiments. Nous n’en souffrons pas. Nous les acceptons, nous en sommes conscients et nous les comprenons dans leur véritable nature : tout ce qui apparaît, disparaît. Aucun dhamma n’est « soi ».

Je vous offre cet enseignement comme sujet de méditation.


vendredi 13 novembre 2009

Introduction à la Méditation par Charles Genoud


INTRODUCTION A LA MEDITATION



La méditation peut être abordée sous deux aspects : d'une part la technique, de l'autre l'état d'esprit. La technique peut varier. Elle joue un rôle secondaire. L'état d'esprit joue le rôle principal. Si l'état d'esprit n'est pas compris, quelle que soit notre capacité technique, la pratique ne pourra pas s'approfondir. D'où l'importance pour moi de chercher à transmettre de la manière la plus claire possible l'état d'esprit de la méditation.


L'état d'esprit de la méditation.

Demandons-nous d'abord pourquoi nous sommes ici, réunis dans cette salle, prêts à passer de nombreuses heures à pratiquer la méditation. Demandons-nous quelle force nous a poussés, à venir jusqu'ici, parfois de loin, pour passer un week-end assis à méditer.

Il est certain que si nous avons fait cet effort, c'est parce que nous cherchons quelque chose. On ne vient pas sans motivation. Un effort est requis. Notre présence ici n'est donc pas due au hasard. Si nous sommes là, c'est bien parce que nous cherchons quelque chose. Une quête nous pousse à nous placer dans la situation où nous sommes maintenant, pour explorer la pratique de la méditation.


Mais, qu'est-ce alors qui nous a poussés à venir ici ? Nécessairement, c'est un manque. S'il n'y avait aucun manque, si notre satisfaction était parfaite, l'énergie qui nous a poussés à chercher serait absente. Il est donc possible d'affirmer : parce qu'il y a un manque, il y a une recherche, et la recherche vise à combler le manque.

Pensons maintenant à la vie quotidienne. Nous y accomplissons aussi de nombreuses activités pour combler des manques. Quelle que soit la manière, l'endroit où nous pensons pouvoir trouver ce qui nous manque : en améliorant notre situation professionnelle ou familiale, en changeant de voiture ou de logement, en trouvant une meilleure harmonie dans nos relations… quelle que soit la façon dont nous cherchons à obtenir satisfaction, le souhait de combler un manque est présent. Mais, dans notre vie quotidienne, le fait de croire que ce qui nous manque se trouve dans les objets, les personnes, les situations… traduit une certaine confusion.


Rendons-nous bien compte de ce qui se passe en nous : nous pensons qu'en obtenant telle ou telle chose, qu'en nous trouvant dans telle ou telle situation… nous pourrons finalement combler ce manque. Il est donc possible que ce que nous cherchons dans la vie quotidienne, ne soit pas tellement différent de ce que nous venons chercher dans la méditation. Peut-être est-ce, alors, la façon de chercher qui sera différente ?



Simone Weil disait que ce que nous cherchons dans les choses, les évènements, les relations, n'est pas faux ; mais que c'est l'endroit où nous cherchons qui est faux. En d'autres termes, imaginer que nous pourrons parvenir à la plénitude au moyen d'objets, de situations, de personnes… revient à croire que nous parviendrons de l'extérieur de nous-mêmes à combler un manque intérieur. C'est une erreur. Nous cherchons au mauvais endroit. Ce n'est pas la recherche de la plénitude qui est fausse, mais l'endroit où nous la cherchons.

Un swami indien disait, lui, que le fait que nous ne soyons jamais lassés de cette quête, que nous cherchions constamment la plénitude au moyen de nouveaux objets, de nouvelles situations, de nouvelles relations, que nous soyons constamment mus par cette quête, prouve que nous savons intimement que la plénitude existe. C'est la preuve, disait-il, que nous avons l'intuition profonde qu'elle peut être atteinte et qu'il est juste de la chercher. Mais une confusion sur la manière d'y parvenir peut exister. Dans ce cas, nous demandons aux objets, aux personnes, aux situations ce qu'elles ne peuvent pas nous procurer : il est impossible à quelque circonstance ou objet extérieur que ce soit, de procurer une plénitude d'ordre intérieur.



La méditation, dans une certaine mesure, répond à notre aspiration de parvenir à la plénitude. Dans la tradition bouddhique, comme dans les autres traditions mystiques, elle permet d'aller plus loin, mais c'est une première étape. Dans la méditation, pour explorer cette dimension de nous-même, nous ne nous tournons plus vers l'extérieur, mais vers l'intérieur. C'est un renversement d'attitude essentiel : la plénitude ne pouvant jamais être obtenue en ajoutant quelque chose de l'extérieur, nous nous tournons maintenant vers l'intérieur. La plénitude est le fait de la plénitude de notre présence et non celle d'avoir. La plénitude est une dimension de l'être et non de l'avoir. Lorsque nous la concevons en termes d'avoir, notre démarche est évidemment vouée à l'échec. Mais si nous l'exprimons en terme d'être, nous nous rendons compte qu'il n'est pas possible d'ajouter à notre être quelque chose qui viendrait de l'extérieur.

Il y a donc renversement du mouvement. Ce n'est pas un mouvement vers l'extérieur, mais un mouvement vers l'intérieur. Cela signifie également que la plénitude de l'être, si elle est accessible, si nous pouvons l'atteindre sans rien ajouter de l'extérieur de nous-mêmes, est déjà et toujours complètement présente en sous. La plénitude n'est pas quelque chose que nous pouvons créer, organiser ou construire, elle est ce par quoi nous commençons, elle est notre être le plus intime. Dans la vie quotidienne, tout mouvement est, généralement, un mouvement qui nous sort de la plénitude, même si nous essayons sincèrement de trouver des satisfactions. Tous mouvements qui essayent d'acquérir, de recevoir, de garder, sont les mouvements mêmes qui nous font sortir de la plénitude.



Il y a quelque chose d'assez extraordinaire dans le fait que la plénitude soit ce par quoi nous commençons et que, lorsque nous la plaçons à l'inverse : ce vers quoi nous tendons, ce mouvement même nous en rende l'expérience impossible. Dans la méditation, cela veut dire qu'il ne s'agit pas de transformer, de manipuler : il ne s'agit pas d'adopter l'attitude qui, dans notre vie quotidienne, vise à transformer, à modifier, à obtenir, car c'est elle qui crée le sens du manque.

Il y a donc lieu, en méditation, de laisser tomber toute notre intelligence, toute cette intelligence qui permet de transformer le monde. Cette intelligence là est extraordinaire, très utile, mais elle est liée au temps, à l'accomplissement de quelque chose qui n'est pas présent. C'est donc bien un renversement d'attitude : ne plus chercher à accomplir ou à obtenir quelque chose qui ne serait pas là à cet instant même, mais rester dans l'instant présent. Et ce n'est que lorsque nous arrivons à faire cesser ces mouvements qui nous poussent vers le futur pour accomplir ou obtenir, ou qui nous tirent vers le passé pour retrouver - ce n'est que dans la mesure où nous n'adhérons plus à ces mouvements que nous pouvons rester dans l'instant présent. Là, il est possible d'être en intimité avec nous-même et de faire, dans cette intimité, l'expérience de la plénitude de notre être. Ainsi, le mouvement dans le temps nous sépare de la plénitude et le mouvement vers l'extérieur, dans l'espace, nous en sépare également.



Ces mouvements peuvent être grossiers, manifestes, dans le temps comme dans l'espace, mais ils peuvent aussi être beaucoup plus subtils. Dans la pratique méditative, il se peut que l'habitude de manipuler devienne très proche de l'attitude juste, mais qu'elle crée cependant une organisation dans laquelle existe encore ce lien à la temporalité qui, de nouveau, nous coupe de la plénitude que nous sommes, par laquelle nous commençons, et non vers laquelle nous tendons.

N'est-ce pas extraordinairement étrange que ce que nous cherchons avec tant d'acharnement, tant d'assiduité, soit ce par quoi nous commençons ? Mais, nous sommes tellement convaincus d'avoir à atteindre, à obtenir, que nous essayons constamment d'aller vers la plénitude et que ce mouvement nous en sépare !





La technique

Les techniques sont multiples. Elles ont toutes leur propre valeur, leur structure, leur intérêt.


Dans la pratique méditative, il s'agit de rester présent, de surseoir à nos mouvements vers l'extérieur, à nos mouvements dans le temps, pour rester dans l'instant présent. L'instruction suivante pourrait donc suffire : " Restons simplement dans l'instant présent ". Mais, nos habitudes sont tellement fortes qu'une instruction aussi vaste et aussi vague serait difficile à mettre en pratique pour beaucoup d'entre nous.



Afin d'ancrer notre présence dans une expérience stable, permettant peu à peu de faire cesser tous les mouvements vers l'extérieur et dans le temps, nous pouvons utiliser la présence au corps. Le corps a un certain poids, une certaine densité, une certaine température. Lorsque nous faisons l'expérience du poids, de la densité, de la température, nous sommes dans l'instant présent, car il est totalement impossible d'avoir une expérience sensorielle au passé ou au futur.

Explorez, si vous le voulez bien, cette affirmation avec moi. Faites simplement bouger votre main. Sentez le mouvement, la lourdeur de la main, celle de l'avant-bras, sa température… Est-il possible de faire ce mouvement au passé ? Est-il possible de le faire au futur ? Nécessairement, chaque expérience est au présent. Il est complètement impossible d'éprouver une expérience sensorielle dans le passé ou dans le futur. Ainsi, en ancrant notre méditation dans une expérience sensorielle assez simple, comme celle de la présence au corps, nous pouvons rester dans la qualité de l'instant présent.



On pourrait choisir tout autre type d'expérience sensorielle. Vous pourriez, par exemple, explorer les sons. Mais ils sont plus fluctuants. Par moments, ils peuvent surgir et être inaudibles, à d'autres. C'est pourquoi la présence au corps est une base d'ancrage très judicieuse. Le corps ne disparaît jamais. Il est là. Il n'y a pas de moment où, tout d'un coup, il aurait disparu. Je ne parle pas d'expériences méditatives dans lesquelles il serait perçu de manières différentes, mais du corps en tant que base d'expérience. Il est toujours présent.


Nous utilisons donc la présence au corps : sa densité, sa température, sa qualité vibratoire, pour ancrer notre présence. Il se peut que dans l'expérience sensorielle de la présence au corps se produisent des fluctuations dues, par exemple, au mouvement de la respiration : une plus grande densité par moment, une moins grande à d'autres, dans certaines zones corporelles. Il est également possible de leur être présent, d'être à chaque instant avec l'expérience qui surgit.

Aucune expérience sensorielle n'est extérieure à notre champ de méditation. Si, ayant choisi d'être présent aux sensations corporelles, j'entends le chant des oiseaux, ce n'est pas une distraction, ce n'est pas un obstacle à la méditation, c'est simplement une autre expérience dans l'instant présent : celle de l'audition du chant des oiseaux, comme ce pourrait être celle du son d'une cloche. Chaque expérience sensorielle n'est vécue que dans l'instant présent. Et, ce qui nous intéresse, n'est pas de faire l'inventaire des oiseaux qui se trouvent dans le parc, mais la qualité de présence dans chaque expérience sensorielle. C'est elle qui nous relie à nous-même, qui permet le développement de l'intimité. Non le fait de connaître le nom des oiseaux, mais celui d'être relié à l'expérience sensorielle d'entendre. Non l'inventaire des tensions que j'ai dans les épaules (c'est un autre travail), mais l'expérience de la qualité de présence dans les sensations corporelles.



Il s'agit donc pour nous, dans notre pratique, de rester à chaque instant en intimité avec nous-même, au moyen des expériences sensorielles. Cela signifie qu'il n'y a rien à changer, rien à manipuler. Dans l'instant présent il est impossible de changer quoi que ce soit. Pour changer quelque chose, transformer, la durée est nécessaire, il faut introduire le futur. Donc, rien à changer, rien à transformer, seulement se relier à chaque instant à l'expérience sensorielle qui surgit.


LIRE LA SUITE : Terre d'Eveil 






jeudi 12 novembre 2009

Merci à Charles Genoud pour son enseignement

Je voudrais juste dans ce message, dire un grand MERCI à Charles Genoud pour son enseignement sur la méditation.


Un enseignement simple et généreux, d'une grande efficacité.




Pour rappel : qui est Charles GENOUD : ICI 

et quelques enseignements AUDIO : LA

Sinon, à chaque fois que je participe à une nouvelle retraite j'ai le plaisir de rencontrer des lecteurs de ce blog. Le monde est petit 

L'association Terre d'Eveil envisage d'organiser en 2011,sous la "guidance" de Charles Genoud une retraite de un mois.


c'est rare de pouvoir suivre une retraite en silence d'une durée de 1 mois en France et si cette retraite se met en place, j'espère pouvoir y participer.




Que toutes les personnes puissent un jour connaître la joie de suivre une retraite de méditation en silence

lundi 19 octobre 2009

La vague du désir des sens

Extraits de

La vague du désir des sens

Ajahn Chah

Traduit par Jeanne Schut



la vague des stimulations sensorielles : être emporté par une vague d’images, de sons, d’odeurs, de goûts, de contacts. Emporté parce qu’on ne regarde que l’extérieur, on ne tourne pas son regard vers l’intérieur. Les gens ne se voient pas, ils se contentent de regarder les autres. Ils sont capables de voir tout le monde mais pas eux. Ce n’est pas que ce soit difficile ; c’est juste qu’ils n’essaient pas vraiment de le faire.


C’est un véritable esclavage car, dès lors, quelqu’un d’autre a tout pouvoir sur vous. Quand on vous dit de vous asseoir, vous devez vous asseoir ; quand on vous dit de marcher, vous devez marcher. Vous ne pouvez pas désobéir parce que vous êtes l’esclave. Etre l’esclave des sens est exactement la même chose : vous pouvez toujours essayer mais il semble impossible de vous libérer de vos chaînes. Et, si vous espérez que quelqu’un d’autre le fera pour vous, vous allez vraiment avoir des ennuis. Il faut que vous vous libériez seul.

C’est pour cela que le Bouddha a laissé la pratique du Dhamma, la transcendance de la souffrance, à notre discrétion. Prenez le nibbāna, par exemple. Le Bouddha était complètement et parfaitement éveillé, alors pourquoi n’a-t-il pas donné une description détaillée du nibbāna ? Pourquoi nous a-t-il dit de pratiquer et de le découvrir par nous-mêmes ? Certains sont troublés par cela. Ils disent : « Si le Bouddha avait vraiment su, il nous l’aurait dit. Pourquoi aurait-il gardé quoi que ce soit de caché ? »

LIRE LA SUITE : le dhamma de la forêt 



mercredi 14 octobre 2009

Retraite "vipassana" de 5 Jours

Bonjour


Pour ceux que ça intéresse :


du vendredi 6 novembre au mercredi 11 novembre 2009



Retraite résidentielle de 5 jours , 


Organisée  par l'association terre d'Eveil,
Conduite par Charles Genoud
à 28230 Epernon
Plus d'informations : ICI
Qui est Charles Genoud : LA 



Et Vous trouverez des enseignements audio (format mp3) de Charles Genoud : ICI 


Programme de la retraite :








- 06.15
Réveil

06.45
- 7.30
Méditation en posture assise
07.30
- 09.00
Petit-déjeuner

09.00
- 10.15
Instructions sur la méditation et assise guidée suivie de Questions & Réponses

10.15
- 10.45
Pratique en marchant

10.45
- 11.30
Méditation en posture assise

11.30
- 12.00
Pratique en marchant

12.00
- 12.30
Méditation en posture assise

12.30
- 13.00
Repas en silence

13.00
- 14.15
Repos

14.15
- 15.00
Méditation en posture assise

15.00
- 15.45
Pratique en marchant

15.45
- 16.30
Méditation en posture assise

16.30
- 17.15
Pratique en marchant

17.15
- 18.00
Méditation en posture assise

18.00
- 19.00
Repas léger

19.00
- 19.30
Méditation en posture assise

19.30
- 20.30
Exposé sur le dharma
20.30
- 21.00
Pratique en marchant

21.00
- 21.30
Méditation en posture assise

21.30

Fin de la journée

vendredi 25 septembre 2009

Tout apparaît, tout disparaît

Extrait du livre publié aux Editions SULLY,

Tout apparaît, tout disparaît - Ajahn Chah

traduit par Jeanne Schut

Chapitre 6 : Voir les choses telles qu’elles sont réellement

Le Bouddha a enseigné qu’il faut observer tout ce qui se présente. Les choses ne durent pas. Après s’être manifestées, elles cessent ; ayant cessé, elles apparaissent à nouveau puis, étant apparues, elles cessent encore. Mais quelqu’un dont l’esprit est confus et qui n’a pas la connaissance, ne veut pas qu’il en soit ainsi. Quand nous méditons et que l’esprit s’apaise, nous voulons demeurer ainsi, sans être dérangés, mais ce n’est pas réaliste. Le Bouddha nous a recommandé de regarder d’abord les faits et de voir combien ces choses sont trompeuses ; ensuite seulement pouvons-nous trouver la paix. Quand nous ne connaissons pas les choses telles qu’elles sont, nous croyons les posséder et le piège du « sentiment de soi » fait surface. Nous devons donc remonter à l’origine et découvrir comment cela s’est produit. Il faut que nous comprenions comment les choses sont en réalité, comment elles entrent en contact avec l’esprit et comment l’esprit réagit ; après, nous pourrons être en paix. Voilà ce que nous devons étudier à fond. Si nous refusons que les choses se passent comme elles se passent, nous ne pouvons pas connaître la paix. Où que nous tentions de nous échapper, les choses se produisent toujours de la même manière — c’est leur nature.

En termes simples, ceci est la vérité. L’impermanence, la souffrance et l’absence de soi sont la nature même des phénomènes. Ils ne sont rien d’autre que cela, mais nous donnons aux choses bien plus de sens qu’elles n’en ont en réalité.

Il n’est pas vraiment si difficile de permettre à la sagesse d’émerger. Il s’agit simplement de chercher les causes et de comprendre la nature des choses. Quand votre esprit est agité, vous pouvez vous dire : « Cet état n’est pas certain. Tout est impermanent. » Et quand l’esprit est calme, ne vous dites pas : « Oh ! C’est vraiment la paix ! » — parce que cela non plus n’est pas certain.

Si on vous demande : « Quel type de nourriture préférez-vous ? » ne prenez pas la question trop au sérieux. Si vous dites que vous aimez vraiment quelque chose, quelle importance ? Réfléchissez : si vous en mangiez tous les jours, l’aimeriez-vous toujours autant ? Vous en viendriez probablement à dire : « Oh, non ! Pas encore de ça ! »

Vous comprenez ? On peut finir par se rendre malade précisément avec ce que l’on croyait aimer et cela à cause de la nature changeante de toute chose. Voilà ce qu’il vous faut découvrir. Le plaisir est incertain, le malheur est incertain, l’amour est incertain, la tranquillité est incertaine, l’agitation est incertaine. Tout, absolument tout, est incertain. Donc, quoi qu’il arrive, si nous comprenons cela, nous ne sommes piégés par rien. Tout ce que nous pouvons vivre, sans exception, est incertain car tout, par nature, est impermanent. L’impermanence signifie que les choses ne sont pas figées, ne sont pas stables et, en termes très simples, cette vérité est le Bouddha.

Anicca, l’incertitude, est la vérité. La vérité est là, sous nos yeux, mais nous ne lui accordons pas un regard clair et direct. Le Bouddha a dit : « Ceux qui voient le Dhamma me voient. » Si nous voyons anicca — cette qualité d’incertitude — en toute chose, alors apparaîtront le détachement et le désintéressement par rapport au monde : « Oh ! Ce n’est que ceci. Bah ! Ce n’est que cela. Il n’y a là rien d’extraordinaire, ce n’est que cela.» L’esprit se stabilise dans cette réalisation : « Ce n’est rien d’extraordinaire. Bah ! » Quand on a réalisé cela, il n’y a rien de bien difficile à faire en méditation. Quoi qu’il se présente, l’esprit dit : « Ce n’est que cela », et il s’arrête. C’est la fin. On comprend que tous les phénomènes ne sont que tromperies ; rien n’est stable ni permanent ; au contraire, tout change constamment et présente les caractéristiques de l’impermanence, de la souffrance et du non-soi. C’est comme une boule de fer en fusion que l’on aurait mise à chauffer dans un four. Quelle partie sera fraîche ? Essayez d’y toucher et vous verrez. Touchez le dessus, il sera brûlant. Touchez le dessous, il sera brûlant. Touchez les côtés, ils seront brûlants. Pourquoi est-ce brûlant ? Parce qu’une boule de métal en fusion est brûlante partout. Quand on comprend cela, on n’y touche pas. Quand vous vous dites, à propos de quelque chose : « Oh ! Comme c’est bon ! J’aime ça, je le veux ! », n’accordez aucun crédit à ces pensées, ne les prenez pas trop au sérieux car elles sont comme la boule de métal en fusion : quelle que soit la partie que vous touchiez, si vous essayez de la prendre, vous vous brûlerez, vous aurez très mal, votre peau se fendra et vous saignerez.

Nous devrions contempler cela à tout moment, quand nous marchons, quand nous sommes debout, assis ou couchés ; même quand nous sommes aux toilettes, quand nous allons quelque part, quand nous mangeons ou, après avoir mangé, quand nous déféquons les résidus de notre repas. A tout moment, nous devrions voir que tout ce dont nous faisons l’expérience est instable et impermanent ainsi qu’insatisfaisant et non personnel. Les choses qui sont instables et impermanentes sont incertaines et sans réalité absolue. Sans exception, elles sont toutes illusoires. C’est exactement comme la boule de fer brûlante : où pourrions-nous y trouver un endroit non brûlant ? Toutes ses parties sont brûlantes, alors nous cessons d’essayer de la toucher.

Il n’y a rien là qui exige un entraînement difficile. Par exemple, des parents préviennent un enfant qu’il ne doit pas jouer avec le feu : « Ne t’approche pas du feu, c’est dangereux, tu vas te brûler ! » L’enfant peut ne pas croire ses parents ou ne pas comprendre de quoi ils parlent mais, s’il touche le feu une seule fois et se brûle, ses parents n’auront plus besoin de lui expliquer les choses ni de le surveiller.

Peu importe l’attirance ou le plaisir que l’esprit peut éprouver, rappelez-vous seulement : « Ce n’est pas sûr ! Ce n’est pas permanent ! » Par exemple, si on vous offre un verre que vous trouvez très beau, vous vous direz peut-être : « Quel beau verre ! Je vais le ranger et en prendre grand soin pour éviter qu’il ne se casse. » Mais ajoutez ensuite : « Ce n’est pas certain. » Il se peut que, après avoir bu, vous posiez le verre près de vous et que, dans un moment d’inattention, vous lui donniez un coup de coude et qu’il se casse. S’il ne se casse pas aujourd’hui, il se cassera demain et s’il ne se casse pas demain, ce sera le jour suivant. Ne placez pas votre confiance dans des choses susceptibles de se casser.

Cette impermanence est le véritable Dhamma. Les choses ne sont ni stables ni réelles. Rien en elles n’est réel — voilà ce qui est réel. Allez-vous mettre en doute cette évidence ? C’est la chose la plus certaine qui soit : nous naissons et puis inévitablement nous vieillissons, tombons malades et mourons. Telle est la réalité permanente et certaine, et cette vérité permanente est née de la vérité de l’impermanence. Quand on étudie les choses en profondeur, à l’aune de ce « pas permanent, pas certain », il se produit une transformation en quelque chose de permanent et de certain et, à partir de là, on cesse de porter le poids des choses.

Les disciples du Bouddha se sont éveillés à la vérité de l’impermanence. Parce qu’ils ont réalisé l’impermanence de tous les phénomènes, ils ont connu le détachement et le désintéressement par rapport aux choses — nibbida. Ce désintéressement n’est pas de l’aversion. S’il y a aversion, ce n’est pas vraiment du désintéressement et cela ne devient pas une voie. Nibbida n’est pas ce que nous considérons d’ordinaire comme du désintéressement par rapport aux choses de ce monde. La vie de famille, par exemple, quand les relations ne sont pas bonnes, peut donner à penser que nous sommes vraiment devenus désenchantés, comme il est dit dans les enseignements, mais ce n’est pas le cas. Il ne s’agit, dans ce cas, que de « pollutions mentales » qui s’accumulent et oppressent notre cœur. Quand vous vous dites : « J’en ai vraiment assez. Je vais tout abandonner ! », il s’agit d’une lassitude due aux pollutions mentales. Ce qui se passe, en réalité, c’est que ces pollutions sont plus fortes maintenant qu’avant que vous ne vous mettiez en tête cette idée de lassitude par rapport aux choses qui vous posent problème.

C’est comme l’idée que nous nous faisons de mettā, l’amour bienveillant. Nous croyons que nous sommes censés aimer tout le monde et tous les êtres vivants, alors nous nous disons : « Je ne devrais pas être en colère contre eux ; je devrais avoir de la compassion ; les êtres vivants sont vraiment dignes d’amour. » Au début, vous avez de l’affection pour eux et, à la fin, cette affection se transforme en désir et en attachement. Faites attention ! Il ne s’agit pas de ce que nous appelons généralement « amour », ce n’est pas mettā dans le sens du Dhamma, c’est mettā mélangé à de l’égoïsme. Nous voulons obtenir quelque chose des autres et nous appelons cela mettā. C’est un peu comme notre soi-disant désintérêt pour le monde. « Oh ! Oui, je suis vraiment fatigué de tout cela, je me retire ! » C’est tout simplement une grosse pollution mentale, pas une lassitude du monde ou un détachement. On emploie les mêmes termes mais pas dans le sens que leur a donné le Bouddha. Si c’est authentique, il y a renoncement sans aversion ni agressivité, sans qu’aucun mal ne soit fait à personne. On ne se lamente pas, on ne blâme rien. On considère simplement tout comme étant vide.

On arrive alors à ce point où l’esprit est vide, vide de tout attachement aux choses. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a rien, ni gens ni objets dans le monde. Il y a l’esprit vide ; il y a les gens, il y a les choses, mais dans l’esprit tout ceci est perçu dans sa vérité, c’est-à-dire comme quelque chose d’incertain. On voit les choses pour ce qu’elles sont, on voit qu’elles suivent leur cours naturel comme éléments de la nature apparaissant et disparaissant.

Imaginons que vous ayez un vase. Pour vous, c’est un bel objet mais, de son côté, le vase existe de manière neutre. Il n’a rien à dire. Vous êtes le seul à avoir des sentiments à son sujet, à en faire une question de vie ou de mort. Si vous ne l’aimez pas ou si vous le détestez carrément, cela ne le touche pas, c’est votre affaire, il y est indifférent ; tandis que vous, vous avez des sentiments d’attirance ou d’aversion et vous vous y attachez. Nous jugeons les choses comme étant bonnes ou mauvaises. Ce « bon » trouble notre cœur et ce « mauvais » trouble notre cœur. Tous deux sont des pollutions mentales, le produit d’une compréhension erronée.

Il est inutile de nous enfuir ailleurs ; tout ce que nous avons à faire, c’est regarder et étudier cela à fond. L’esprit est ainsi. Quand nous n’aimons pas quelque chose, l’objet de notre aversion n’est pas touché, il reste tel quel. Quand nous aimons quelque chose, cette chose n’est pas touchée par notre attirance, elle reste telle quelle. Tout ce que nous faisons, c’est nous rendre fous.

Nous croyons certaines choses bonnes, nous voyons d’autres choses comme fantastiques, mais nous ne faisons que projeter ces idées à partir de nous-mêmes. Si nous sommes conscients de nous-mêmes, nous comprendrons que toutes ces choses sont égales.

Nous pouvons aisément illustrer cela avec l’exemple de la nourriture. Nous trouvons que tel ou tel aliment est délicieux ; quand nous voyons les plats sur la table, ils nous attirent ; mais une fois que tout est mélangé dans notre estomac, c’est une autre histoire. Pourtant nous regardons tous les plats et disons : « Celui-ci est pour moi, celui-là est à toi, celui-là est à elle. » Mais quand nous aurons fini de manger et que la nourriture ressortira de l’autre côté, il est probable que personne ne va se pencher dessus pour dire : « Ceci est à moi et cela est à toi », n’est-ce pas ? Serez-vous toujours aussi possessif et gourmand à ce moment-là ?

Ceci pour exprimer les choses brièvement et simplement. Si notre vision est claire et que nous fonctionnons en conséquence, tout aura une même valeur à nos yeux. Quand nous avons des désirs et que nous pensons en termes de « mien » et de « tien », les choses se terminent en conflit. Quand nous donnons une même valeur à tout, il n’y a pas d’appartenance à qui que ce soit, ce ne sont que des conditions qui existent telles qu’elles sont. Quel que soit le raffinement de la nourriture que nous mangeons, une fois transformée en excrément, personne ne veut la ramasser et en faire toute une histoire, personne ne va se battre pour elle.

Quand nous réalisons que toute chose fait partie de ce Dhamma unique, que tout est de même nature, nous relâchons notre saisie, nous posons les choses ; nous voyons qu’elles sont vides et nous ne ressentons ni amour ni haine pour elles. Nous sommes en paix. Il est dit : « Le nibbāna est le bonheur suprême, le nibbāna est la vacuité suprême. »

Je vous demande de bien écouter ceci : le bonheur dans le monde n’est pas le bonheur suprême, le bonheur ultime. Ce que nous concevons comme la vacuité n’est pas la vacuité suprême. S’il s’agit réellement de la vacuité suprême, il y a la fin de la saisie et de l’attachement. S’il s’agit réellement du bonheur suprême, il y a la paix. Mais la paix que nous connaissons n’est pas encore suprême, le bonheur que nous connaissons n’est pas suprême. Si nous atteignons le nibbāna, la vacuité est suprême, le bonheur est suprême. Et il y a une transformation : le bonheur est transformé en paix ; le bonheur est présent mais on ne lui accorde pas de sens particulier ; et la souffrance est également présente. Quand bonheur et souffrance apparaissent, on les voit comme égaux, ils ont la même valeur.

Les expériences sensorielles que nous aimons ou n’aimons pas sont, dans l’absolu, de même valeur, mais quand elles nous touchent, nous ne les percevons pas ainsi. Si quelque chose nous plaît, nous nous en réjouissons ; si quelque chose nous déplaît, nous voulons que cela disparaisse. Donc les expériences sont différentes pour nous mais, en vérité, elles sont égales. Nous devons nous exercer à les voir ainsi : les choses sont de même valeur dans la mesure où elles sont toutes instables et impermanentes.

C’est comme l’exemple de la nourriture. Nous disons que ce type d’aliment est bon, ce plat est délicieux, celui-là est merveilleux. Mais quand ils se retrouvent tous mélangés dans le corps et quand ils sont ensuite éjectés, c’est tout pareil. A ce moment-là, personne ne va se plaindre qu’il n’en a pas eu assez ; à ce moment-là, l’esprit ne va pas se laisser emporter.

Si nous ne voyons pas la vérité de l’impermanence, de l’insatisfaction et du non-soi, il ne peut y avoir de fin à la souffrance. Si nous sommes attentifs, nous pouvons voir cette vérité à tout moment. Elle est présente dans l’esprit et le corps et nous pouvons la voir. C’est là que nous trouvons la paix.


Ajahn Chah


Source : le dhamma de la Forêt




samedi 27 juin 2009

Les empêchements à la méditation

Depuis quelques temps déjà je ne médite plus tous les jours et comme par hasard les douleurs liées à une ancienne sciatique sont revenues. Et j'ai même craqué cette nuit en prenant des antalgiques.

L'esprit nous joue des tours et le corps en paye les conséquences.

Cette nuit je me suis laissée emporter et même dépasser par la douleur car je n'ai pas réussi à l'observer sereinement.

Je désirais tellement que la douleur s'en aille qu'elle est restée.

Si le retour de la douleur est liée à la Non médiation, je suis dans l'impasse car si je médite de nouveau, ce sera indirectement Pour que la douleur disparaisse et bien sûr, dans ces conditions, elle ne disparaîtra pas.

Et surtout méditer pour obtenir quelque chose c'est faire fausse route.

Méditer ce n'est pas seulement s'assoir sur son tapis de méditation, méditer c'est reprendre le chemin emprunté par le Bouddha.

Si s'assoir les yeux fermés pour pouvoir mieux observer mon corps et mon esprit est indispensable à la débutante que je suis, cela ne me suffit plus, peut-être est-ce pour cela que je m'en suis éloignée?

Je réalise que les années les plus faciles sont les premières années car on est porté par l'ivresse du débutant, pour ne pas dire l'ignorance du débutant.

Plus les années passent plus les obstacles sont subtiles et plus on trouve de raison pour s'éloigner du chemin.

L'esprit nous emprisonne.

Lorsque des empêchements s'installent il faut les observer et s'en servir pour franchir une nouvelle étape. Etre conscient de la présence des ces obstacles c'est très important car comment lutter contre quelque chose qu'on ignore.

Les empêchements à la méditation portent bien leur nom....


Kathy, le 27 juin 2009





jeudi 7 mai 2009

Nous sommes responsable de la souffrance infligée aux animaux d'élevage

"Jusqu’à présent, personne ne sait si la grippe A H1N1 pourrait être à l’origine d’une pandémie mondiale, mais sa provenance semble néanmoins de plus en plus évidente: sa source se trouverait fort probablement dans une méga-porcherie de Veracruz, au Mexique, propriété d’une compagnie multinationale américaine....

Ces 
méga-porcheries sont dégoûtantes, dangereuses , et elles se multiplient rapidement. Des milliers de porcs y sont entassés dans des entrepôts sales et se font administrer un cocktail de médicaments, ce qui entraîne des problèmes sanitaires à plusieurs niveaux. Ces méga-porcheries et les lacs de lisier qu’elles créent constituent des milieux extrêmement propices au développement de nouveaux virus dangereux tels que le A H1N1. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) doivent entamer des recherches et développer des moyens de contrôle pour ces fermes afin de protéger la santé mondiale. 

Les grandes entreprises agro-alimentaires essaieront de bloquer toute tentative de réforme, nous devons donc lancer un cri de protestation que les autorités sanitaires ne pourront ignorer. 
Signez la pétition ci-dessous demandant des règles et des contrôles pour les fermes-usines et faites passer le mot à vos amis et aux membres de votre famille. Nous remettrons cette pétition aux agences de l’ONU.

Les études abondent sur les conditions horribles que les porcs subissent dans ces méga-porcheries et sur l’impact dévastateur de ces fermes sur l’économie locale des petites communautés agricoles......

Même avec toutes ces preuves des torts causés, la combinaison de l’augmentation de la consommation de viande mondiale avec une industrie puissante, motivée par les profits au prix de la santé humaine, signifie qu’au lieu d’être fermées, 
ces méga-porcheries se multiplient autour du monde graĉe à des subsides.

Nous devons trouver une solution à la crise sanitaire mondiale actuelle en réévaluant notre consommation et notre production alimentaire. Si nous demandons de toute urgence que des enquêtes soient entreprises sur l’impact des méga-porcheries sur notre santé, des règles plus sévères seront mises en place pour la production agricole, ce qui pourrait nous permettre d’éviter les épidémies futures de maladies trouvant leur origine chez les animaux de l’industrie agro-alimentaire. 

Avec espoir, 

Alice, Pascal, Graziela, Paul, Brett, Ben, Ricken, Iain, Paula, Luis, Raj, Margaret, Taren et toute l’équipe d’ Avaaz"


Signer la pétition: ICI


Je suis végétarienne notamment parce que je trouve insupportable la souffrance qu'on inflige à tous les animaux d'élevage. 

Idem avec les vaches laitières, elles vivent dans des conditions terribles.

Par notre comportement alimentaire, nous sommes responsable de la souffrance causée aux animaux d'élevages industriels

L'homme est responsable de ses actes et des conséquences de ses actes.