vendredi 29 février 2008

Paroles d'Ajahn Chah sur la Naissance et mort


Extraits de "No Ajahn Chah" (traduction isara)


Lequel d'entre nous partira le premier

Si vous savez pratiquer correctement, vous ne serez pas désemparé lorsque vous tomberez malade, ni bouleversé lorsqu’un de vos proche décèdera.

Quand vous allez dans un hôpital pour vous y faire soigner, mettez-vous dans la tête que si vous allez mieux, c’est bien; et que si vous mourrez, ce sera bien aussi. 

Je peux vous certifier que si un médecin venait m’apprendre que j’avais un cancer et que j'allais mourir dans les mois à venir, je lui répondrais : «Mais regardez donc!, vous êtes vous-même en train de mourir. La seule question qui reste en suspend est de savoir lequel de nous deux partira le premier. »


Reconnaître la mort

Le Bouddha enseigna à son disciple Ananda à voir l’impermanence, à voir la mort dans chaque respiration. Nous aussi nous devons reconnaître la mort.

Qu’est-ce que cela veut dire ?

Mourir, cela veut dire arriver au bout de tous nos doutes, toutes nos questions… être là, simplement dans la réalité du moment présent. Vous ne pouvez pas mourir demain ; vous devez mourir maintenant, à chaque instant.

Pouvez- vous le faire ? Si oui, vous connaîtrez la paix du non-questionnement (« the peace of no more question » 



Naissance et mort

Une bonne pratique est de vous demander à vous-même, de manière véritablement sincère : 
« Pourquoi suis-je né ? ». Posez-vous cette question le matin, l’après-midi, et le soir… chaque jour.


Notre naissance et notre mort ne sont que les deux faces d’une même pièce. Vous ne pouvez pas avoir l’une sans avoir l’autre. 

C’est vraiment amusant de voir comment face à la mort les gens sont si effrayés et tristes, alors qu’ils sont si ravis et joyeux lors d’une naissance. 

Ce n’est qu’une illusion, un aveuglement. 

Je pense que si vous deviez vraiment pleurer, ce serait lorsqu’un être naît. Pleurer à la racine, car s’il n’y avait pas de naissance, il n’y aurait pas de mort. Pouvez-vous comprendre cela.



Source :  Extrait de : « No Ajahn Chah »-Traduction par isara

mardi 26 février 2008

Lâcher prise avant de mourir



Remarques préalables

Cet enseignement est la suite du message précédant : BUDDHO, celui qui connaît.

Il s'agit d'un autre passage de "Notre vraie demeure" de Ajahn Chah

Cet enseignement est sans doute l'un des enseignements les plus émouvants d'Ajahn Chah, car il s'adresse à une disciple laïque, une femme âgée qui va mourir...

J'ai déjà lu cet enseignement de nombreuses fois, mais à chaque fois que je le relis, je suis remplie de compassion pour tous les êtres qui sont entrain de mourir, pour tous les êtres qui souffrent de la perte d'un être cher, mais aussi pour moi même puisque je mourrai un jour, proche ou lointain 

Dans l'extrait précédant, pour faire face à la souffrance, il lui enseigne le mantra BUDDHO, dans cet extrait il lui enseigne (où plutôt il lui "rappelle" car s'agissant d'un "disciple laïc" il a déjà pratiqué) le lâcher prise et la conscience de la respiration. 

Un jour où l'autre notre tour viendra, il nous faudra alors lâcher prise afin de mourir en Paix avec nous même, serons nous prêt à le faire ?

Alors, profitons pleinement de l'instant présent pour pratiquer et lâcher prise, car bien souvent nous mourons seul, sans personne pour nous accompagner et nous aider à faire face à notre peur et à mourir en paix, hormis nous même.


Extrait de "Notre vraie demeure"

(...)


Alors lâchez prise, déposez tout, tout sauf la connaissance. 

Ne vous laissez pas abuser si des visions ou des sons surgissent dans votre mental pendant la méditation. Déposez tout cela. Ne vous accrochez à rien. Restez simplement avec cette conscience non duelle. 

Ne vous préoccupez ni du passé, ni du futur, restez simplement tranquille et vous atteindrez l’endroit où il n’y a rien qui aille vers l’avant, rien qui aille vers l’arrière, rien qui s’arrête, l’endroit où il n’y a rien à saisir, rien à quoi s’attacher.

Pourquoi? Parce qu’il n’y a pas de soi, pas de “moi”, rien “à moi”. Tout a disparu. Le Bouddha nous a appris à nous vider de tout dans le sens de ne rien emporter avec nous, connaître et lorsqu’on connaît, lâcher prise.

De réaliser la Vérité, le chemin vers la liberté, hors du Cycle des Naissances et des Morts, est un travail que chacun de nous a à faire seul. Alors continuez à lâcher prise et à comprendre les enseignements. 

Mettez vraiment de l’effort dans votre contemplation. Ne vous faites pas de soucis pour votre famille. En ce moment, ils sont comme ils sont, dans le futur, ils seront comme vous. Personne au monde ne peut échapper à ce destin. 

Le Bouddha nous a dit de déposer tout ce qui n’a pas de réelle substance durable. Si vous déposez tout, vous verrez la vérité, si vous ne le faites pas, vous ne la verrez pas. C’est ainsi et c’est la même chose pour tout le monde. Alors, ne vous faites pas de soucis et ne vous accrochez à rien.

Si vous vous surprenez à penser, c’est bien aussi, pour autant que vous pensiez avec sagesse. Ne pensez pas de manière déraisonnable. Si vous pensez à vos enfants, pensez à eux avec sagesse, pas de manière déraisonnable. 

Quelle que soit la chose vers laquelle votre mental se tourne, pensez et prenez connaissance de cette chose avec sagesse, en étant consciente de sa nature. Si vous connaissez quelque chose avec sagesse, alors vous pouvez lâcher prise de cette chose et il n’y a pas de souffrance. Le mental est lumineux, joyeux, en paix et comme il tourne le dos aux distractions, il est indivisé.

En ce moment même, la chose qui peut vous aider et vous soutenir est de suivre votre respiration. C’est votre tâche, pas celle de quelqu’un d’autre.

Laissez les autres faire leur propre travail. Vous avez votre devoir et votre responsabilité et vous n’avez pas à prendre sur vos épaules ceux de votre famille. Ne prenez rien d’autre, lâchez prise de tout. Ce lâcher prise rendra votre mental calme.

Votre seule responsabilité en ce moment est de focaliser votre mental et de l’amener vers la paix. Laissez tout le reste aux autres. Les formes, les sons, les odeurs, les goûts, laissez les autres s’en occuper. Laissez tout derrière vous et faites votre propre travail, remplissez votre propre responsabilité. 

Ce qui apparaît dans votre mental, que ce soit de la peur ou de la douleur, la peur de la mort, de l’anxiété au sujet des autres ou n’importe quoi d’autre, dites à cette chose “Ne me dérange pas. Ce n’est plus mon affaire”. Continuez à vous dire cela quand vous voyez ces phénomènes (...)se produire.

(...) Et à propos du mot “monde”? Le monde est l’état même du mental qui vous agite en ce moment. “Que va faire cette personne? Et que va faire celle-là? Quand je serai morte, qui va s’occuper d’eux? Comment vont-ils réussir?” Tout cela n’est que le “monde”.

Même la simple apparition d’une pensée de peur de la mort ou de douleur, c’est le monde.

 Jetez le monde par-dessus bord! Le monde est comme il est. Si vous lui permettez de surgir dans le mental et de dominer la conscience, alors le mental s’obscurcit et ne peut se voir lui-même. 

Alors, quelle que soit la chose qui apparaisse dans le mental, dites-vous seulement “Cela ne me concerne pas. Cela ne dure pas, c’est non-satisfaisant et ça n’a pas d’identité propre”.

Si vous pensez que vous aimeriez vivre longtemps, cela vous fera souffrir. Mais vouloir mourir tout de suite ou très rapidement, c’est aussi de la souffrance, n’est-ce pas? 

Les conditions ne nous appartiennent pas, elles suivent leurs propres lois naturelles. Vous ne pouvez rien changer à la manière d’être du corps. Vous pouvez l’embellir un peu, vous pouvez le rendre attrayant et propre pendant un temps, comme les jeunes filles qui peignent leurs lèvres et se laissent pousser les ongles, mais quand l’âge arrive, tout le monde est dans le même bateau. Ainsi va le corps, vous ne pouvez le changer. Ce que vous pouvez améliorer et embellir par contre c’est le mental.

Tout le monde peut construire une maison en bois et en briques, mais le Bouddha a enseigné que cette sorte de maison n’est pas notre vraie demeure, elle ne nous appartient que par le nom. C’est une maison dans le monde et elle suit les manières du monde.

Notre vraie demeure est la paix intérieure. Une maison matérielle extérieure peut bien être belle mais elle n’est pas très paisible. Il y a ce souci et puis celui-là, cette anxiété-ci et puis celle-là. Ainsi nous disons que ce n’est pas notre vraie demeure, elle est extérieure à nous, tôt ou tard, nous devrons y renoncer. 
Ce n’est pas un endroit où nous pouvons vivre de manière permanente parce qu’elle ne nous appartient pas vraiment, elle fait partie du monde.

C’est la même chose avec notre corps; nous nous identifions à lui, c’est “moi” et c’est “le mien” mais en fait ce n’est pas du tout comme cela, c’est aussi une demeure qui fait partie du monde.

Votre corps a suivi son cours naturel, depuis la naissance jusqu’à ce qu’il devienne vieux et malade et vous ne pouvez l’empêcher de fonctionner ainsi, c’est la vie. Vouloir qu’il soit différent serait aussi insensé que de vouloir qu’un canard ressemble à un poulet.

Quand vous voyez cela, c’est impossible; en voyant qu’il est dans l’ordre des choses qu’un canard soit un canard et un poulet un poulet, que les corps doivent vieillir et mourir, vous trouverez de la force et de l’énergie. Même si vous souhaitez très fort que votre corps continue à vivre très longtemps, il ne suivra pas votre envie.
(...)

BUDDHO, celui qui connaît...





Ci après des Extraits d'un enseignement de Ajhan Chah, à propos du mantra BUDDHO

Remarques préalables (une fois n'est pas coutume, ces "remarques préalables" ne sont pas les miennes)

Dans cet extrait, le Vénérable Ajahn Chah s'adresse à un disciple vieillissant qui approche de la Mort. Sur un ton de profonde compassion, il rappelle les données de l'impermanence à la femme qui va mourir. Il poursuit en lui offrant des moyens concrets pour faire face à sa souffrance, d'abord un mantra, puis la pleine conscience de la respiration.

Ici, l'usage du MANTRA n'a rien à voir avec quelque incantation magique.
Il protège simplement l'esprit en lui offrant un mot aux connotations salutaires, comme alternative aux associations douloureuses qui pourraient assaillir un agonisant dans son lit.

Au fur et à mesure que l'attention s'éloigne graduellement du flux mécanique et se rattache à ce fil salutaire, l'anxiété diminue et le Mourant retrouve assez de calme pour se concentrer sur le va-et-vient de sa respiration. (...)
source : hei.free


Les extraits :

(...)
Aujourd'hui, je n'ai rien de matériel à t'offrir, seulement le DHARMA, l'enseignement du seigneur Bouddha.

Écoute bien. Tu dois comprendre que même le Bouddha avec le trésor qu'il avait accumulé ne put échapper à la Mort physique. Quand il atteignit le grand âge, il abandonna son corps et délaissa ses lourdes charges.

Maintenant, toi aussi dois apprendre à te contenter des nombreuses années pendant lesquelles tu était dépendante de ton corps. Tu dois sentir que cela suffit.

(...)

La rivière qui coule selon la pente est comparable à notre corps. Ayant été jeune, votre corps est devenu vieux et maintenant il s’en va vers la mort. N’espérez pas qu’il en soit autrement, vous n’avez pas le pouvoir de changer cela.

Le Bouddha nous a dit de voir la réalité des choses et ensuite de lâcher prise de notre attachement à ces choses.

Prenez la sensation du lâcher-prise comme votre refuge. Continuez à méditer même si vous vous sentez épuisée.

Laissez votre mental aller avec votre respiration. Prenez quelques respirations profondes et ensuite établissez l’attention du mental sur la respiration en utilisant le mantra “Buddho”. Rendez cette pratique habituelle. Plus vous vous sentez épuisée, plus votre concentration doit être subtile et bien focalisée, de manière à faire face aux sensations douloureuses qui apparaissent.

Quand vous commencez à vous sentir fatiguée, amenez toute votre pensée vers une pause, laissez le mental se rassembler et ensuite tournez-vous vers la respiration. Continuez simplement la récitation intérieure “Buddho, Bud-dho”.

Laissez de côté tout ce qui est extérieur. Ne vous attachez pas aux pensées de vos enfants et de vos parents, ne vous attachez à rien d’autre. Lâchez prise. Laissez le mental s’unifier en un point unique et laissez ce mental unifié demeurer avec la respiration. Laissez la respiration être l’unique objet de connaissance. Concentrez-vous de manière à ce que le mental devienne de plus en plus subtil, jusqu’à ce que les sensations soient insignifiantes et qu’il y ait une grande clarté intérieure et une grande vigilance.

Ainsi, quand des sensations douloureuses apparaîtront, elles cesseront progressivement d’elles-mêmes.

Finalement vous considérerez votre respiration comme si c’était un parent venu vous rendre visite. Quand un parent nous quitte, nous le suivons et nous le regardons s’en aller. Nous le regardons partir jusqu’à ce qu’il soit hors de notre vue et ensuite nous rentrons à la maison. Nous considérons la respiration de la même manière. Si la respiration est grossière, nous savons qu’elle est grossière, si elle est fine, nous savons qu’elle est fine. Comme elle devient de plus en plus fine, nous continuons à la suivre en même temps que nous éveillons le mental.

A la fin, la respiration disparaît tout à fait et ce qui reste alors c’est la sensation de vigilance. C’est cela qu’on appelle rencontrer le Bouddha.

Nous avons cette conscience claire et vigilante qu’on appelle “Buddho”, celui qui connaît, celui qui est éveillé, celui qui est rayonnant. C’est cela rencontrer le Bouddha, rester avec lui dans la connaissance et la clarté. Car seul le Bouddha historique en chair et en os est entré dans le Parinibbana; le vrai Bouddha, le Bouddha qui est la connaissance claire et rayonnante, nous pouvons en faire l’expérience et l’atteindre aujourd’hui même et quand nous faisons cela, le coeur/mental est unifié. (...)


Source : Lire l'intégralité de cet enseignement: Notre vraie demeure , sur:   Le dhamma dans le coeur


  • En savoir plus : LIRE aussi sur ce blog "Le mantra BUDDHO" par Ajahn Sumedho : ICI

lundi 25 février 2008

Pratiquer en fonction de sa personnalité



Questions et réponses avec Ajhan Juminien - Extraits de "Dharma vivant" de Jack Kornfield


Présentation :
Ajahn ( ou Achaan = enseignant) Juminien a commencé la pratique de la méditation à l'âge de 6 ans. Il a été ordonné moine dans la lignée du Bouddhisme Théravada à 20 ans. Il a enseigné en Thaïlande au monastère Wat Sukontawas.
Il fait appel à plusieurs méthodes de pratique et enseigne à ses élèves en fonction de leurs besoins et de leur personnalité ou de leur attachement antérieur.
Mais quelque soit la pratique, il ramène toujours son élève à la pratique de la vision intérieure.



Question : Vous dites qu’il y a de nombreuses manières efficaces de pratiquer. Que penser des maîtres qui affirment que leur méthode est la seule conforme à la voie du Bouddha, et que les autres pratiques ne conduisent pas à l’éveil ?


Réponse : L’ensemble de la pratique bouddhiste peut se résumer en une phrase : Ne t’attache à rien.

Il arrive que des gens, même très sages, s’attachent encore à la méthode qui leur a permis de progresser. Ils ne se sont pas encore totalement détachés de leur méthode, ou de leur maître.

Ils n’ont pas compris ce qu’il y a de commun à toutes nos pratiques. Ce ne sont pas pour autant de mauvais maîtres. Il faut s’efforcer de ne pas les juger et de ne pas idéaliser l’image du maître.

La sagesse n’est pas quelque chose à quoi on puisse s’accrocher, et elle ne peut émerger qu’en l’absence d’attachements.

Pour moi, j’ai eu de la chance. J’ai eu l’occasion de pratiquer avec plusieurs maîtres avant de commencer à enseigner.

De nombreuses pratiques sont efficaces. Ce qui importe est de mettre toute votre confiance et toute votre énergie dans la pratique. Vous jugerez vous-même alors des résultats.



Question : Faites-vous généralement commencer vos élèves par la méditation sur la vision intérieure ou par des exercices de concentration ?

Réponse : La plupart du temps, ils commencent par la pratique de la vision intérieure. Mais parfois, je commence par un exercice de concentration (jhana), notamment s’ils ont déjà pratiqué la méditation ou si leur esprit se concentre facilement.
Mais de toute façon, chacun doit tôt ou tard revenir à la pratique de la vision intérieure.

Il y a, dans les Ecritures en pâli, un discours dans lequel Bouddha, discutant avec des visiteurs laïcs, aborde ce sujet. Il montre plusieurs groupes de moines assis dans le bois autour de lui :

« Voyez comment les moines qui sont attirés par une grande sagesse sont assis autour de Sariputtra, le plus sage de mes disciples. Ceux qui cherchent à acquérir des pouvoirs sont réunis autour de mon grand disciple Maha Moggallana. Et ceux qui sont attirés par la discipline monastique sont regroupés autour d’Upali, le maître du Vinaya, tandis que ceux chez qui prédominent les tendances jhaniques sont… »

Nous voyons donc bien que depuis l’époque du Bouddha, les maîtres ont toujours permis à leur disciples de choisir leur pratique de méditation en fonction de leurs prédispositions.



Question : Pouvez-vous nous donner encore quelques conseils pour orienter notre pratique ?


Réponse : Votre pratique doit être orientée à l’opposé de vos écueils et de vos attachements.

Si vous cherchez sincèrement, vous les identifierez facilement.

Ainsi, si votre tempérament vous pousse à l’indifférence, vous devrez cultiver la tendresse.

Si le désir sexuel est pour vous un problème, vous axerez votre contemplation sur les aspects repoussants du corps jusqu’à ce que vous soyez capable de voir clairement sa vraie nature, et serez débarrassé de vos désirs.

Si vous êtes ignorant et troublé, cultivez l’introspection et la sensibilité en fonction de votre expérience, et soyez disposé à surmonter cette tendance.

Mais votre pratique doit être dévote et sincère, vous devez être mené par un désir incessant de connaître la vérité. Sinon, votre pratique stagnera et deviendra un simple rituel. Petit à petit, d’un moment à l’autre, vous devez suivre votre voie avec constance. Pratiquez sans crainte dans le sens de vos attachements, et cela jusqu’à la délivrance. C’est tout.



Question : Est-il utile de méditer sur la pensée, d’utiliser la pensée dans la méditation ?


Réponse : Lorsque nous commençons à pratiquer, nous commençons à entrevoir la nature de notre processus normal de pensée. Un flux sans fin d’idées, d’imaginations, de regrets, de projets, de jugements, de craintes, de désirs, de commentaires, de soucis…

Il peut être utile, en particulier au début de la méditation, de travailler avec la pensée, d’orienter l’esprit pensant vers notre pratique. Cela signifie que l’on cultive des pensées ayant trait au Dharma, comme la réflexion sur les quatre éléments.

Contemplez la manière dont tout ce que nous savons change de forme, le fait que notre monde n’est qu’un mouvement perpétuel d’éléments.

Nous pouvons aussi axer notre pensée sur la contemplation des trois caractéristiques dans toutes les situations de la vie quotidienne.

Nous pouvons penser à la vie et à la mort imminente pour comprendre notre expérience dans les termes du Dharma.

Tout cela revient à cultiver la compréhension juste.

A partir des livres et des enseignements, nous passons à notre propre pensée maîtrisée, et enfin à la méditation pour comprendre en profondeur et en silence notre propre esprit.



Question : Parler du Dharma présente-t-il un intérêt pour la pratique ?


Réponse : La sagesse peut sans nul doute venir à un esprit concentré et silencieux qui écoute dire le Dharma par des personnes sages.

Si vous devez absolument parler, la discussion sur le Dharma est certainement le meilleur thème à choisir. Mais la parole contribue parfois à la confusion. Ce n’est que dans un cœur silencieux que nous pouvons entendre le Dharma de manière spontanée et véridique, au fond de nous-mêmes et dans les paroles de ceux qui ont déjà atteint la connaissance.

Pour la plupart des gens, l’esprit est déjà beaucoup trop empli de mots et de pensées et la meilleure pratique consiste à cultiver la concentration et le silence.



Question : La vertu et la morale jouent-elles un rôle déterminant dans votre pratique ?


Réponse : Oui. Il y a trois grands niveaux de vertu.

-Le premier consiste à éviter les actes maladroits, à respecter les préceptes de bases.

- Le deuxième est la vertu consistant à maîtriser les six sens (y compris l’esprit), qui doivent être orientés sur la pratique et non sur les désirs.

- Le troisième niveau correspond à la véritable vertu intérieure, par-delà les règles et les préceptes – la vertu d’un esprit silencieux et purifié. La sagesse apparaît alors en conjonction avec les six sens et chaque moment de l’être devient conscient, par-delà l’égoïsme.

Nous devons tous commencer par pratiquer les deux premiers niveaux de la vertu, pour atteindre enfin la vertu intérieure. Elle naîtra de l’harmonie entre le corps et l’esprit, de l’abandon des désirs et de la compréhension profonde de la vacuité du monde.



Source : Dharma vivant » de Jack Kornfield
Remarque : Contrairement aux autres extraits de livre de ce blog, je n'ai pas eu besoin de le scanner, car déjà publié par Dhammapiti

  • LIRE d'autres extraits de livres de Jack Kornfield ( dharma vivant mais aussi Périls et Promesses de la Vie Spirituelle: ICI

dimanche 24 février 2008

La Pratique





Question: Est-il nécessaire de rester assis pendant des heures ?

Ajahn Chah : Non, il n'est pas nécessaire de rester assis pendant des heures et des heures. Il y a des gens qui pensent que plus on médite en position assise, plus on est sage. J'ai vu des poules rester assises sur leurs nids pendant des jours et des jours !

La sagesse provient d'un effort d'attention constant dans toutes les positions. Ta pratique devrait commencer le matin, à ton réveil, et continuer jusqu'au moment où tu t'endors. Ne t'inquiète pas au sujet du temps pendant lequel tu es capable de rester assis. La seule chose qui compte, c'est que tu sois toujours attentif, aussi bien pendant le travail ou la méditation en position assise qu'au moment où tu vas aux toilettes.



Pratiquez! par Ajahn Chah


Voyez simplement votre souffle aller et venir. Ne soyez diverti par rien d’autre. Même si quelqu’un près de vous se tient sur la tête avec les fesses en l’air, ne vous en occupez pas !

Restez seulement avec votre inspiration et votre expiration. Concentrez toute votre attention sur la respiration. Contentez-vous de faire cela.

Ne vous intéressez à rien d’autre. Ce n’est pas la peine de chercher à obtenir quoi que ce soit. Ne vous occupez de rien d’autre. Voyez simplement l’inspiration et l’expiration… l’inspiration…l’expiration. « Bud » sur l’inspiration ; « dho » sur l’expiration.

Restez seulement avec votre inspiration et votre expiration de cette manière, jusqu’à ce que vous soyez conscient de votre inspiration et conscient de votre expiration… conscient de l’inspiration… conscient de l’expiration.

Pratiquez de cette manière jusqu’à ce que l’esprit soit apaisé, sans irritation, sans agitation, juste le souffle qui entre et qui sort. Laissez votre esprit dans cet état de paix. Vous n’avez, à ce stade, besoin d’aucun but. C’est cet état qui est le premier stade de la pratique.

Si votre esprit est tranquille, s’il est en paix, alors il sera naturellement attentif. Comme vous poursuivez ainsi, la respiration ralentit, devient plus légère. Le corps devient souple, l’esprit devient détendu. C’est un processus naturel. L’assise est confortable : vous ne ressentez pas d’ennui, vous ne dodelinez pas de la tête, vous ne vous assoupissez pas. (...)


Cette chose qui nous accompagne en permanence s’appelle « sati », le pouvoir de l’attention, de la mémorisation, et « sampajanna », qui est la compréhension claire.

Quoi que nous disions, où que nous allions, pour l’aumône ou autre activité, quand nous mangeons, lavons nos bols à aumône, quoi que nous fassions, nous devons être parfaitement conscient de tout. Etre constamment dans la pleine conscience.

 LA SUITE



Source : Ajahn CHAH “Just Do It !” - The Teachings of Ajahn CHAH - traduction par isara

vendredi 22 février 2008

Réflexions de Bikkhu Buddhadasa sur le "Néo-Bouddhisme"




Ci après un enseignement du vénérable BUDDHADASA


  • Une Brève biographie : ICI 
  • J'ai déjà présenté ce moine plus longuementICI 


Rappel

Pour Le Venérable Dr. Rewata Dhamma (Auteur du livre "Le Premier enseignement du Bouddha")  : 

"Ajahn Buddhadasa était l'un des plus grands professeurs contemporains en Thaïlande. Ses enseignements, idées et points de vues étaient controversés pour les bouddhistes thaïs traditionnels. En Thaïlande et d'autres pays du Bouddhisme Theravada, le bouddhisme est bien établi, et la plupart des enseignements sont basés sur des interprétations traditionnelles des textes de Pali. Quiconque s`écarte de cette interprétation traditionnelle, devient immédiatement controversé.
Ajahn Buddhadasa était courageux et n'a eu aucune hésitation à exprimer publiquement ses pensées et sentiments, que les gens aient étés d'accord avec lui ou pas.
Néanmoins, ses enseignements sont maintenant largement acceptés par les intellectuels en Thaïlande, et même ceux en dehors de la tradition de Theravada."




extrait de : « Handbook for Mankind » (”Manuel pour l’humain”, traduction par isara) 


Manuel pour l'humain

« Bouddhisme » veut dire « enseignement de l’Eveillé ». 

Un bouddha est une personne éveillée, un être qui connaît la vérité de toutes choses, un être qui connaît la vraie nature de toutes choses. 

Le bouddhisme est une religion basée sur l’intelligence, sur la science, la connaissance et dont le but est la destruction de la souffrance et des racines de la souffrance.

Tous les hommages rendus à des objets sacrés par l’exécution de rites et de rituels, par l’acquisition de mérites ou les prières ne font pas partie du bouddhisme. 

Le bouddha rejetait tout cela, comme étant ridicule et insensé. Il rejetait aussi les créatures célestes qui étaient considérés par certains groupes comme étant les créateurs de l’univers et les déités supposées résider chacune dans une étoile.

Ainsi, le Bouddha a déclaré : « Si l’eau des rivières (comme le Gange) pouvait laver les pêchés et la souffrance, alors les tortues, les crabes, les coquillages et les poissons vivant dans ses eaux devraient depuis longtemps être libérés de leurs péchés et de la souffrance. »

Et aussi : « Si un homme peut éliminer la souffrance en faisant des mérites, en rendant hommage et en priant, il ne devrait plus y avoir aucun sujet de souffrance dans le monde car n’importe qui peut rendre hommage et prier. Cependant, les gens restent sujets à la souffrance malgré toutes leurs actions d’obéissance, leurs hommages et tous leurs rituels ; ceci démontre bien que ce n’est pas le chemin pour atteindre la libération. »

Pour atteindre la libération, nous devons d’abord examiner attentivement les phénomènes afin de connaître et comprendre leur vraie nature. Ceci est l’enseignement du bouddhisme ; celui que nous devons apprendre et avoir présent à l’esprit.


Le bouddhisme n’a rien à voir avec les prosternations et la déférence à des objets inanimés

Il n’a rien à voir avec des rites et des cérémonies tels les aspersions d’eau bénite ou quoi que se soit d’autres en rapport avec les esprits et les êtres célestes. Au contraire, il s’appuie sur la raison et la vision intérieure. 


Le bouddhisme ne repose pas sur des conjonctures et des suppositions

 il demande que nous actions en accord avec ce que notre propre vision intérieure nous révèle, et de ne pas prendre les paroles d’autrui pour argent comptant. Si quelqu’un vient et nous dit quelque chose, nous ne devons pas le croire sans questionner. 

Nous devons écouter ses positions et les examiner. Alors seulement, si nous pensons que c’est une position raisonnable, nous pouvons l’accepter provisoirement et essayer de vérifier si cela peut nous convenir. Ce point-clé est crucial, et qui distingue le bouddhisme de toutes les autres religions du monde.

Une religion a plusieurs faces. Vue sous un angle, elle a une certaine apparence, vue sous un autre angle, elle aura une autre apparence. Beaucoup de gens regardent les religions sous un mauvais jour ; le bouddhisme ne fait pas exception. 

Différents individus regardant le bouddhisme avec des attitudes mentales différentes sont susceptibles d’avoir des visions différentes du bouddhisme. Car tous, nous avons confiance dans nos propres opinions, la vérité pour chacun de nous coïncide avec nos propres compréhensions et nos points de vue.

En conséquence, « La Vérité » n’est pas tout à fait la même pour tout le monde. Chacun approfondit les questions à des degrés différents avec différentes méthodes et avec des niveaux de compréhension divers. Une personne peut ne pas reconnaître comme vraie, en fonction de sa propre idée de la vérité, quelque chose qui se situe au-delà de sa propre intelligence, de sa propre capacité de compréhension.

Parfois même, il peut suivre les idées que d’autres personnes pensent être la vérité tout en sachant en lui que ce n’est pas la vérité qu’il a vu par lui-même. La conception individuelle de la vérité peut changer et se développer au fur et à mesure que s’accroît son degré d’intelligence, de connaissance et de compréhension, jusqu’à ce que, avec le temps, il arrive à la vérité ultime ; et pour y parvenir, chacun de nous a différentes manières pour examiner et tester avant de croire.

Si le bouddhisme est vu avec différents niveaux d’intelligence et de compréhension, différentes descriptions pourront en être données tout simplement par ce qu’il peut être vu sous différents aspects. Comme nous l’avons dit, le bouddhisme est une méthode pratique pour se libérer par soi-même de la souffrance, par la compréhension de la vraie nature des phénomènes, comme le Bouddha en son temps le fit lui-même.

Bien sûr, chaque texte religieux est susceptible de contenir des ajouts faits plus tardivement, et notre Tipitaka ne fait pas exception à la règle. Certains, à une époque postérieure à la rédaction initiale ont ajouté des sections basées sur les idées de leur temps, à la fois pour stimuler la confiance des gens ou pour atténuer le zèle religieux de certains. 

Hélas, des rites et des rituels qui ont été ajoutés se sont amalgamés à la tradition originelle et sont maintenant acceptés et reconnus comme faisant parties intégrante du bouddhisme. 
Des cérémonies, comme les plateaux de sucreries et de fruits qui sont offerts à « l’esprit » du Bouddha, de la même manière que la nourriture est offerte aux moines, n’ont rien à voir avec les principes du bouddhisme.

 Certains groupes cependant considèrent ceci comme faisant partie de la pratique du bouddhisme véritable, et perpétuent ces pratiques.

Ces rites et ces cérémonies sont devenus si nombreux qu’ils ont complètement occulté le bouddhisme véritable et ses enseignements originaux. 

Prenez la procédure d’ordination des moines, par exemple. Avec le temps, cela est devenu une cérémonie pour faire des cadeaux aux bhikkhus nouvellement ordonnés. Les invités viennent apporter de la nourriture et suivre le déroulement de la cérémonie, tant et si bien qu’il y a plein de bruits et des personnes fortement alcoolisées. Les festivités commencées au foyer se poursuivent au temple.

Après quoi, le nouveau bhikkhu quitte les ordres quelques jours à peine après son ordination et bien souvent déteste la religion bien plus qu’avant.

Il faut vous mettre dans la tête que rien de tout cela n’existait du temps du Bouddha. Ce n’est qu’un développement tardif

L’ordination au temps du Buddha signifiait simplement qu’un individu qui avait obtenu le consentement de ses parents, renonçait à sa maison et à sa famille. C’était une personne qui pouvait mettre en règle toutes ses affaires et qui s’en allait rejoindre le Bouddha et l’Ordre des bhikkhus. Lors d’une occasion propice, il s’en allait pour être ordonné et bien souvent, il ne revoyait plus sa famille, le reste de son existence. Parfois, certains bhikkhus pouvaient revenir visiter leurs parents à de rares occasions, mais cela n’était pas fréquent.

Il existe une règle permettant au bhikkhu de retourner à la maison lorsque les circonstances le demandent ; mais à l’époque du bouddha, cela ne se faisait pour ainsi dire pas.

A l’époque, les bhikkhus ne recevaient pas l’ordination en présence de leurs parents. On ne se faisait ordonner lors d’une grande occasion pour quitter la Sangha dans la semaine qui suivait comme cela se fait de nos jours.

Tous ces cadeaux remis au nouvel ordonné, toutes ces cérémonies incluant toutes sortes de rituels – tout cela que nous sommes assez fous pour englober sous le nom de « bouddhisme » !… Et nous laissons faire cela sans rien dire et acceptons de dépenser notre argent et celui d’autrui dans de telles cérémonies.

 Ce « Néo-Bouddhisme » se répand au point de devenir universel

Le Dhamma, l’enseignement originel qui primait sur tout, a été supplanté par tous ces rituels, au point que les buts du bouddhisme s’en trouvent dénaturés et modifiés.

 L’ordination par exemple est devenu un rite de passage pour le jeune homme qui cherche une épouse (avoir été ordonné est considéré comme un signe de maturité) ; elle peut aussi être donnée à d’autres occasions pour d’autres motifs (il est fréquent de voir un homme politique désavoué se faire moine, le temps que l’affaire le concernant se tasse). 

Dans certains endroits, l’ordination est vue comme une opportunité pour se faire de l’argent. Certains on même pu devenir riche de cette manière ! Même cela, ils appellent cela : le Bouddhisme ! Et quiconque voudrait les critiquer se verrait traité de mécréant et d’opposant au Bouddhisme !


Source : Blog d'isara : extrait de: “Handbook for Mankind” (Manuel pour l’humain) de Buddhadasa Bhihhku (moine) - traduction par isara

  • LIRE les autres messages de ce blog, concernant  Buddhadasa Bhihhku : ICI

L'Éveil c'est maintenant


Extraits d'un Enseignement de Ajahn Sumedho- Traduit par Jeanne Schut- Donné au Centre de Meditation de Beatenberg, Suisse. Juin 2001

Remarques préalables :
Il s'agit d'un enseignement simple et tellement important en même temps. Les enseignements des moines de la Forêt et notamment des disciples d'Ajahn Chah sont souvent remarquables par leur simplicité et leur efficacité. Ils sont accessibles à tout le monde.
Lire ces enseignements est important pour la pratique car il ne s'agit pas de "théorie" sur le Bouddhisme mais de conseils pratique qui peuvent nous servir "ici et maintenant"
C'est vrai que lire un enseignement ne remplacera jamais un "dhamma talk" car on écoute avec attention. Mais tout le monde n'a pas la chance de pouvoir écouter un enseignement de qualité régulièrement.. alors essayons de les lire avec Attention





L'ÉVEIL C'EST MAINTENANT

La méditation, c’est nous entraîner à nous ouvrir à l’instant présent. L’Eveil, c’est maintenant. La seule chose que nous puissions réellement expérimenter, c’est maintenant.

Etre attentif, apprendre à maintenir notre Attention dans le présent, c’est ce que nous développons, ce que nous cultivons.

Nous vivons avec l’illusion du temps comme base de notre réalité, de sorte que nous trouvons trés facile d’éloigner de nous le présent pour pouvoir mieux penser à l’avenir.(...)

Même dans le contexte bouddhique, on retrouve cette illusion selon laquelle on pratique maintenant pour trouver l’Eveil plus tard.

(...) Pourtant, l’avenir n'est que spéculation, c’est ce que nous ne savons pas. Les choses pourraient arriver ou pas. (..)

Quand nous vivons pour l’avenir, nous vivons toujours dans un monde de planification, supposition, espoir, anticipation ou encore de peur et de crainte.(...)

La mort se situe dans le futur et pour beaucoup, c’est effrayant. La mort est ce que l’on ne connaît pas. (...) On peut croire certaines choses sur la mort, par exemple «quand on est mort on est mort, c’est l’oubli total», mais on n’en sait rien.
On peut croire à la version bouddhiste de la réincarnation (ou renaissance) (...)
Mais ce sont des suppositions, nous n’en savons rien.

En ce qui me concerne, j’ai peut-être des préférences pour la façon dont les Bouddhistes voient les choses mais, en cet instant précis, tout ce que je peux dire sur la mort et ce qui va se produire quand je mourrai, c’est que je n’en sais rien. (...)

Quant au passé, que représente-t-il en cet instant ?
(...) Nous avons des tas de souvenirs mais, pour ce qui concerne cet instant précis, ce moment présent, ce pur présent, nous voyons que l’élément temps est une illusion : le passé n’est qu’un souvenir qui apparaît dans le présent ; l’avenir est l’inconnu. Nous constatons que cette conscience est la connaissance. La connaissance est maintenant, dans l’ici et maintenant.


(...) tous les phénomènes conditionnés ont la caractéristique du changement : ils apparaissent puis disparaissent.(... ) Ce dont nous devons être conscients, c’est de l'impermanence des phénomènes plutôt que nous accrocher à leurs qualités.

D’habitude nous nous attachons à la qualité des conditions : si une chose est belle ou laide, bonne ou mauvaise, importante ou pas. Nous nous intéressons à la qualité : ceci vaut la peine, cela est une perte de temps, etc., mais nous ne développons la sagesse.

Dans la vision pénétrante, la qualité ne nous intéresse pas; nous observons plutôt comment sont les choses, comment elles changent, car il n’y a pas de qualité qui ne subisse le processus du changement. On s’éveille ainsi au changement, à ce mouvement que l’on expérimente, au lieu de se laisser fasciner ou dégoûter par la qualité de nos pensées, de nos émotions, de nos sentiments ou de nos expériences.(...)

".. peut-être, avant de mourir, j’atteindrai l’Eveil … si je vais à suffisamment de retraites de méditation ! " En cet instant il y a cette personne avec son passé qui a des problèmes, des attachements et des besoins, qui n’est pas éveillée et qui espère qu’un jour, après avoir médité assez longtemps, elle atteindra l’Eveil.

Reconnaissez-vous là votre façon de penser ? Vous créez cette perception, cette supposition mais vous n’êtes peut-être pas tout à fait conscients de cette attitude : ce que vous pensez être en cet instant, la façon dont vous vous percevez en tant que personne. Je suis sûr que la plupart d’entre vous ne se considèrent pas comme éveillés.
Vous mettez plutôt l’accent sur vos défauts. C’est une attitude typiquement occidentale. On s’attache à ses problèmes, on s’y identifie. On est très critique vis-à-vis de soi :

« Il faut que je fasse des efforts, que je médite, que j’apprenne la concentration, que je me débarrasse de ma torpeur, de ma colère, de mes soucis, de mon agitation et de mes doutes. Il faut que je me débarrasse de tous ces défauts parce qu'ils me rendent la vie impossible. Peut-être que si je pratique assez intensément, j’y parviendrai. »

Je suis sûr que certains d’entre vous fonctionnent comme cela. (...)

Ce que je veux souligner, c’est qu’en termes d’ici et maintenant, il s’agit là d’une fabrication mentale. Si nous ne nous en rendons pas compte, nous continuons à méditer en nous disant :

«Je suis cette personne et pour devenir comme ceci ou comme cela dans l’avenir, je dois faire ceci ou cela».

Si vous fonctionnez ainsi, après des années de méditation, vous serez toujours bloqués au même point parce que votre point de départ est erroné.
Si vous commencez dans l’erreur, vous finissez dans l’erreur. (...)

Ce que je vous suggère donc aujourd'hui, c’est de placer votre confiance dans une vigilance éveillée plutôt que dans les idées que vous avez sur vous-mêmes (..) je vous encourage à mettre votre confiance dans les moments d’Attention éveillée avant que vous n'apparaissiez comme une « personne ». Un simple acte d’Attention, de présence. (..)

Cet état transcende le temps, c’est ce que l’on appelle la porte s’ouvrant sur l’immortalité. Grâce à cette Attention, à cette présence, vous vous retrouvez dans un espace où le temps n’existe pas, dans un état hors du temps.

Quand vous perdez cela, vous vous retrouvez dans le domaine du temps, vous vous retrouvez
une personnalité, le sentiment d’être un « soi », vos limitations, vos défauts, vos espoirs et vos peurs concernant l’avenir, le regret, le remords, la culpabilité par rapport au passé et tout cela tourne encore et encore dans ce que l’on appelle « le cycle sans fin du samsara ».

Il ne s’agit pas de faire de gros efforts pour entrer dans un profond samadhi qu’il vous faudrait cultiver et contrôler. Parce que si vous voulez des expériences de conscience très subtiles, il faut priver vos sens de nombreux éléments environnants. C’est de cette manière que l’on y arrive : en se coupant de toutes les distractions, de toutes les causes d’irritation que le monde peut provoquer sur les sens. Peu à peu, on recherche de plus en plus de calme et on s'éloigne de tout ce qui n’est pas tranquille et paisible. Ce type d’expérience peut être très agréable mais nous ne devons pas nous y fier car elles sont trop liées aux circonstances extérieures. (..)

C’est pourquoi nous devons remettre en cause ces états d’Attention profonde.
Il ne s’agit pas de les critiquer mais de remarquer que la sphère dans laquelle nous vivons est assez grossière et donc avoir des expériences de conscience raffinées,
bien que cela témoigne d’une bonne qualité de pratique, ne peut être un refuge du fait de la nature instable du monde où nous vivons. Le véritable Eveil ne peut être atteint qu’au moyen de l’Attention, de la présence et de la sagesse. (...)

Dans le Dhammapada, une de mes strophes préférées est : « La présence, ou Attention éveillée, est la voie de l’immortalité. »

Etre présent, être attentif à la vie, à cet instant. Il ne s’agit pas de pratiquer la méditation pour apprendre à être attentif un jour. C’est immédiat. L’Attention, c’est maintenant. Si vous vous dites : « Je serai attentif demain », vous n’y êtes pas du tout. L’Attention ne peut être que maintenant. (...)

(...)

Dans cette pratique, vous pouvez simplement être conscients de votre corps. Vous établissez de plus en plus votre conscience dans la façon dont le corps est dans l'instant.
Cela vous enracine, vous donne une bonne sensation de conscience du corps, un sentiment de bien-être, d’être vraiment à l’écoute de votre corps. A ce moment-là, le corps est un support, ce n’est pas quelque chose que vous essayez d’éloigner, de faire taire pour arriver à un état mental. Au contraire, vous l’incluez.

Donc prendre conscience de la posture, de la sensation physique du corps. Cultivez cela, développez-le parce que le corps répond d’une manière qui peut vous aider beaucoup à développer cette Attention et à cultiver cette voie. (...)

Il y a aussi l’Attention que l’on porte au souffle. Vous affinez les choses quand vous vous concentrez sur anapanassati. Vous commencez à ressentir des sensations plus subtiles, vous faites l’expérience consciente de la tranquillité.

Donc, le simple fait d’être à l’écoute de ces fonctions très ordinaires du corps : la posture, les sensations, le souffle, vous permet d’être réellement présent ici. (...)

Ensuite on peut passer à l’étape qui consiste à observer l’état d’esprit, simplement noter les sensations. Dans l’abdomen, par exemple. Je me rappelle que je sentais une tension, une sensation de peur, d’anxiété dans cette partie du corps ; ou encore un sentiment de solitude ou de tristesse au niveau du coeur. Il ne s’agit pas d’en faire un problème, simplement de voir ce qui est et de l’accepter ; de permettre aux choses qui se présentent d’être ce qu’elles sont. (...)


*Pour obtenir un Lien permanent pour ce message : Cliquer sur son titre

  • TELECHARGER cet enseignement en entier (format PDF) ICI

jeudi 21 février 2008

Le danger des "jhana" ou "absorption"




1- Remarques préalables :

Samadhi en pali signifie "concentration", mais il y a plusieurs niveaux de concentration.

De nombreux enseignants du théravada ont mis en garde le méditant contre cet état de "concentration" intense qui conduit à l'absorption ou "Jhana"

Pourquoi cette mise en garde? Parce cet état procure un sentiment de "bonheur", de "bien -être" ou de "paix". De nombreux méditants ( et je n'échappe pas à cette règle) lorsqu'ils atteignent ce "calme mental parfait" n'ont alors plus qu'une seule idée en tête : Retrouver cette "merveilleuse" sensation.

Le risque est grand de s'attacher à cette sensation et de ne plus vouloir avancer sur le chemin.

Combien de fois me suis-je "faites avoir"( pardonnez moi l'expression..) lorsque, après une séance de méditation, j'avais l'impression d'avoir atteint quelque chose ( mais quoi ??), parce que je m'étais sentie tellement en "paix", tellement "lègère", j'avais eu l'impression de ne plus avoir de corps et que je pouvais rester assise pendant des heures et des heures...
Lorsque l'on atteint cet état on a plus envie de "revenir" dans la dure réalité de la vie..

Le voilà le danger : vouloir, à la prochaine méditation assise "retrouver" cet état...L'attachement est né et c'est difficile ensuite de s'en débarrasser.
Mais être conscient de cela c'est déjà avoir franchi un cape.
Ce qui est dangereux finalement c'est de ne pas avoir conscience que l'on s'égare...

Lorsque cela m'arrive durant une séance de méditation assise, si je le peux, j'essaye d'observer qui se passe en observant mon esprit qui "se pense en paix".
C'est l'observation pure qui me "sauve" si je puis dire, c'est l'observation qui me permet de voir que ce n'est qu'une sensation comme une autre, une illusion de paix car je n'ai pas encore assez de sagesse.


Nous devons avoir à l'esprit que nous ne sommes que des « puthujjana » c'est à dire des "êtres ordinaires", des "êtres non illuminés". Nous avons encore en nous « lobha » ; l’avidité ; et nos esprits sont confus. Nous avons des vues fausses.....(Vénérable U panathami )


Nous devons avoir à l'esprit que nous ne sommes que des "êtres ordinaires" avec parfois des sensations qui nous paraissent "extraordinaires".
Mais c'est justement parce que nous ne sommes que des
puthujjana que nous avons cette impression..


Le Bouddha, après avoir atteint les plus hauts niveaux de jhana, a comprit que ce n'était pas la fin du chemin car après il y a
vipassana (attention : "vipassana" prend ici sa véritable signification, ce n'est une technique de méditation mais c'est : Voir les choses comme elles sont ou la vision directe de la réalité )



"..
.Il y a le cas où un bikkhu -- tout à fait retiré de la sensualité, retiré des qualités (mentales) maladroites -- entre et demeure dans le premier jhana: ravissement et plaisir nés de la retraite, accompagnés par la pensée dirigée et de l'évaluation.

Avec l'apaisement de la pensée dirigée et de l'évaluation, il entre et demeure dans le second jhana: ravissement et plaisir nés du sang-froid, unification de la conscience libre de la pensée dirigée et de l'évaluation -- assurance intérieure.

Avec l'estompement du ravissement il demeure dans l'équanimité, attentif, pleinement vigilant, et physiquement sensible au plaisir. Il entre et demeure dans le troisième jhana, et de lui les Nobles Personnes déclarent, 'Equanime et attentif, il a une attitude agréable.'

Avec l'abandon du plaisir et de la douleur -- comme dans la précédente disparition de l'euphorie et de l'abattement -- il entre et demeure dans le quatrième jhana: pureté de l'équanimité et de l'attention, ni plaisir ni douleur. C'est là ce qu'on appelle la concentration correcte...
" (Magga-vibhanga Sutta: qu'est-ce que la concentration correcte: )


Bien sur le Bouddha a venté les mérites des jhana, mais il faut avoir à l'esprit que ce n'est qu'une étape sur le chemin et qu'il est parfois difficile de revenir à la réalité... cet état au lieu d'être bénéfique devient alors dangereux pour le Méditant..
C'est ce qu'explique Ajahn Chah dans l'extrait de l'enseignement ci après.

Une dernière remarque : Dans la tradition dite "Mahasi" on pratique "vipassana " directement sans passer au préalable pas samatha ou le calme mental.
Vipassana conduit lui aussi à des états de concentration intense : Les jhanas de vipassana.
  • Lire à ce sujet : "Les jhana de vipassana" présentés par Sayadaw U Pandita : ICI

Pour en savoir plus sur les jhana, lire aussi :


Ci après, des extrait d'un enseignement donné par Ajahn Chah en Angleterre, en 1977. ( Traduction par Isara) : "Les dangers de samadhi"

Remarque : Pour une lecture plus claire, La "mise en page" est différente du texte initial


2- Enseignement d' Ajahn Chah : Les dangers de samadhi


Samadhi est capable d’apporter au méditant beaucoup de bénéfices, mais aussi beaucoup de périls.

On ne peut pas dire que samadhi (la concentration) n’apporte que l’un ou que l’autre. Pour quelqu’un qui ne possède pas de sagesse, samadhi est plein(e) de périls ; mais pour celui qui possède la sagesse, samadhi peut apporter de grands bienfaits, elle(il) peut conduire à la vision pénétrante («insight»).


Ce qui peut être dangereux pour le méditant, c’est l’absorption (jhana),

La concentration avec un calme profond et soutenu.

Ce type de samadhi apporte une grande paix. Là où il y a paix, il y a la joie. Quand la joie est présente, apparaîssent l’attachement et le désir de s’accrocher. Le méditant ne veut plus contempler autre chose, il se complait dans cette sensation plaisante.

Quand nous pratiquons de longue date, nous avons la capacité d’entrer très facilement dans ce type de samadhi. Aussitôt que nous commençons à nous recentrer sur l’objet de notre concentration, l’esprit entre dans un état de calme, et nous ne voulons plus ressortir de cette sensation de calme pour aller étudier autre chose. Nous restons soudés à ce sentiment de bonheur. C’est un danger pour quiconque pratique la méditation.

Nous devons utiliser « upacara samadhi » (la concentration d’approche) : là, nous entrons dans le calme et lorsque l’esprit a atteint un niveau de calme suffisant, nous « sortons » et observons les activités extérieures (par « activités extérieures », nous entendons toutes les impressions sensitives ; en opposition à « l’inactivité intérieure » de l’absorption – jhana – où l’esprit ne doit pas regarder les sensations extérieures).

Regarder les sensations extérieures avec un esprit apaisé peut nous ouvrir à la sagesse. C’est très difficile à expliquer et à comprendre, parce que cela ressemble presque à la pensée et à l’imagination ordinaires.

On pourrait penser que si une pensée est présente, c'est que l’esprit n’est pas en paix, mais dans ce cas, la pensée prend place dans le calme.

La contemplation est présente, mais elle ne perturbe pas la paix de l’esprit. Nous pouvons évoquer une pensée afin de la contempler.

Nous apportons la pensée à la conscience afin de pouvoir la détailler ; ce n’est pas une idée qui arrive au hasard ou qui s’invite à notre esprit, c’est quelque chose qui émerge dans un esprit en paix. Cela s’appelle "la conscience dans le calme et le calme dans la conscience".

S’il s’agissait de pensées ordinaires, l’esprit ne resterait pas calme, il serait perturbé. Mais je ne suis pas en train de vous parler d’une pensée ordinaire, je parle d’une sensation qui émerge d’un esprit en paix. C’est ce qu’on appelle : "contemplation".
La sagesse naît de là.


En fait, il existe deux types de samadhi

1-Dans le "faux" samadhi l’esprit entre dans un état de calme, mais il n’y a pas de conscience.

On peut s’asseoir pendant deux heures, ou même un jour entier, mais l’esprit ne sait pas où il se trouve, ni ce qui se passe. Il ne sait rien. Il y a le calme et rien d’autre.

Ce serait comme un couteau bien aiguisé qui serait à votre disposition et dont vous ne vous serviriez pas. Ce type de calme est trompeur parce qu’il n’y a pas d’attention. Le méditant peut penser qu’il a atteint le niveau ultime de la méditation, alors il ne se soucie plus d’aller chercher plus loin.

A ce niveau, samadhi peut devenir un ennemi. La sagesse ne peut survenir parce qu’il n’y a aucune conscience de ce qui est bon ou néfaste.


2- Avec le samadhi "correct", peu importe le niveau de calme atteint, il y a toujours l’attention. Il y a la pleine conscience et la compréhension.

C’est cette forme de samadhi qui peut conduire à la sagesse, on ne peut s’y égarer.

Les pratiquants doivent bien comprendre cela. Nous ne pouvons pas nous passer de cette attention, elle doit être présente du début à la fin. Ce type de samadhi est sans danger.

Vous pouvez vous demander : « Où apparaît le bienfait ? Comment se produit la sagesse ? »


Lorsque le type correct de samadhi a été développé, la sagesse peut émerger à tout moment.

Quand l’œil voit une forme, quand l’oreille entend un son, le nez sent une odeur, la langue expérimente un goût, que le corps expérimente le toucher ou l’esprit fasse l’expérience des sensations mentales – et quelle que soit la posture – l’esprit reste avec la pleine connaissance de la vraie nature de ces impressions des sens, la pleine connaissance des phénomènes.

Quand l’esprit est baigné par la sagesse, il ne vagabonde pas.

En toute circonstance, nous sommes pleinement conscient de l’apparition de la joie et de l’insatisfaction (dukka).

Nous laissons aller ces deux sensations, nous ne nous y agrippons pas. On appelle cela "la bonne pratique" qui est présente dans toutes les postures.

Ici, l’expression "toutes les postures" ne fait pas référence aux positions corporelles seulement, mais à l’esprit aussi, qui est en permanence dans la pleine conscience et la claire compréhension de la vérité.

C’est ce que nous nommons "la vision pénétrante" (insight), la connaissance de la vérité.


Il y a deux sortes de paix : l’une est grossière, l’autre plus subtile.

1-La paix qui vient de samadhi est d’une forme grossière.

Quand l’esprit est en paix, il y a de la joie. L’esprit prend alors cette joie pour de la paix.

Mais la joie et l’insatisfaction naissent et se transforment. Nous sommes toujours dans le domaine du "samsara" (le cercle de la naissance et de la mort), parce que nous continuons à nous accrocher à ses sensations. La joie n’est pas la paix, la paix n’est pas la joie.

2- L’autre forme de paix est celle qui vient de la sagesse.

Ici, nous ne confondons pas la paix avec la joie. La paix qui naît de la sagesse n’est pas la joie, mais elle est celle qui voit la vraie nature de la joie et de l’insatisfaction. L’esprit ne s’accroche pas à ces notions, l’esprit s’ouvre au-delà de la joie et de l’insatisfaction.

Ceci est le vrai but de la pratique bouddhiste.


( Notes du traducteur : Dans la version anglaise de ce texte, les termes employés sont “happiness” et “unhappiness”. On pourrait normalement les traduire par “bonheur” et “malheur”.J'ai préféré les traduire par “joie” et “insatisfaction”, qui me semblent plus appropriés dans ce contexte.)


Source : Ajahn CHAH, “On Danger of Samadhi” extrait de “Teachings of Ajahn Chah”
traduction par
Isara


mercredi 20 février 2008

Journal d'un moine , part 5



Une Journée au Wat Paa Mahanikhai

Wat Paa (part 5) : Balayage

Extraits:

Seul dans la nuit, mon balai à la main, devant moi des feuilles mortes que je ne vois pas et qu’il faut pourtant rassembler pour les brûler, encore trois heures avant des pouvoir aller manger, ce vent qui ne cesse de souffler sur le plateau où est bâti le monastère, le bruit des feuilles qui tombent dans mon dos, là où je viens de passer le balai, la robe qui glisse sans cesse sur mon bras que je dois remonter ans cesse, les centaines de mètres carrés du Lann Dhamm que je ne suis pas près d’avoir fini de nettoyer, l’écharde de bambou dans le creux de la main qui a provoqué une inflammation, après le repas il faut que j’aille débroussailler le sous-bois dans la partie basse du monastère, et pourquoi m’a-t-il appelé par mon nom de moine « Pra Jakawaro » et non pas « Pra Hervé », lorsqu’il m’appelle Jakawaro, c’est qu’il a quelque chose à me reprocher, et pourquoi ce balai, qu’est-ce que j’ai pu bien faire encore, je ne connais pas le dixième des règles que je dois respecter alors bien sûr que je dois me planter, d’ailleurs dans le Vinaya il est dit que les moines ne doivent pas faire de feu, ni creuser la terre, ni couper des arbres : pourquoi ici tout cela est-il autorisé, ces textes à retenir : sûr que ce n’est pas demain la veille que je vais y parvenir, il n’arrive pas à balayer correctement ce balai, Luang Por prend toujours les neufs, moi j’ai les vieux qui laissent la moitié des feuilles encours de route, le vent redouble encore… merde, je crois que je suis en train de me mettre en colère !!!…

Vous reconnaissez sans doute là les idées qui me passent par la tête pendant que j’essaie tant bien que mal de rassembler les feuilles en tas. Il y a là écrit ci-dessus l’équivalent de cinq minutes de divagation de mon esprit… douze fois cinq minutes multiplié par trois heures de balayage : de quoi en noircir des pages !

Je suis dans ce wat où je n’ai aucune préoccupation particulière et pourtant, j’ai l’impression de penser mille fois plus que dehors, quand j’étais dans le monde !

Avant j’avais un poste de cadre supérieur dans une multinationale de la grande distribution, je devais manager une équipe de cent cinquante personnes, il y avait pour des millions de bath qui transitait par l’entrepôt que je dirigeais, j’avais mes objectifs à atteindre, il fallait faire le chiffre… pourtant, je n’avais pas l’impression de penser autant que maintenant où je n’ai rien d’autre à faire que de me servir de mon balai ! (...)


LIRE : part 5 en entier ( et part 1 à 4) : blog d'isara: ICI

Encore merci à isara pour ce récit remarquable, comme pour les autres parties, j'attends la suite avec impatience....

mardi 19 février 2008

Le fruit de samadhi






Je profite de ce message pour remercier isara pour ses traductions


Enseignement donné par Ajahn Chah en Angleterre, en 1979 (Traduction isara)


LE CHEMIN EN HARMONIE


« Aujourd’hui, je voudrais vous demander à tous : « Etes vous sûr de vous ? Etes vous bien au clair sur votre manière de pratiquer ? »

Je vous demande cela parce que nos jour, il y a de nombreuses personnes qui enseignent la méditation, et je crains que vous ayez l’esprit embrouillé, que vous soyez sujet au doute ou aux hésitations. Si nous comprenons clairement, alors nous serons capable de rendre notre esprit calme et stable.


Nous devons comprendre l’octuple sentier comme étant l’association de trois fondations : L’éthique, la concentration et la sagesse.

C’est la base sur laquelle se constitue le chemin. Notre pratique consiste à faire éclore ce chemin en nous.

Pendant la méditation assise, nous devons garder nos yeux fermés, de ne rien regarder d’autre parce que nous allons regarder directement l’esprit. Quand nous fermons les yeux, notre attention se porte vers l’intérieur. Nous établissons l’attention sur la respiration, nous centrons nos sensations sur le souffle, focalisons notre pleine conscience.
Quand les fondations du chemin sont en harmonie, nous sommes en capacité de voir la respiration, les sensations, l’esprit et les objets de l’esprit pour ce qu’ils sont.

Ici nous pouvons voir le « point de focalisation » (focus point), où samadhi et les autres fondations du chemin convergent en harmonie.

Quand nous sommes assis en méditation, à suivre notre respiration, nous devons penser en nous-même que maintenant, nous sommes seul ; qu’il n’y a personne autour de nous, qu’il n’y a rien du tout.

Nous devons développer cette sensation que nous sommes seul jusqu’à ce que l’esprit se défasse de tous les éléments extérieurs, pour ne se concentrer que sur la respiration. Si nous pensons : « telle personne est ici, telle autre là », l’esprit n’est pas en paix, il n’est pas tourné vers l’intérieur.

Nous devons faire abstraction de tout ce qu’il y a autour jusqu’à ce que nous ressentions qu’il n’y a personne près de nous, jusqu’à ce qu’il n’y ait rien du tout, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus ni de répulsion, ni d’attraction.


Laisser la respiration s'établir

Il faut laisser la respiration s’établir, aller à son rythme, ne pas la forcer à être plus courte ou plus longue. Etre là, tout simplement, et regarder le souffle aller et venir.

Lorsque l’esprit saura se défaire de toutes les sensations venues de l’extérieur, du bruit des voitures ou de toute autre perturbation, plus rien ne nous dérangera plus ! Ni la vue, ni les sons ne pourront nous perturber parce que l’esprit ne les percevra plus. Notre attention ne fera plus qu’une avec la respiration.

Si l’esprit est confus et ne veut pas rester concentrer sur la respiration, il faut prendre une longue inspiration, aussi profonde que possible, puis relâcher, expirer jusqu’à expulser tout l’air. Nous devons recommencer ceci trois fois puis rétablir notre attention sur la respiration. L’esprit finira bien par se calmer.

Il est normal que l’esprit reste calme un moment, puis que l’agitation et la confusion apparaissent à nouveau. Lorsque cela arrive, nous devons nous concentrer, respirer profondément à nouveau et rétablir notre attention sur la respiration. Nous devons poursuivre ainsi, encore et encore.

Après de nombreuses fois, nous saurons comment nous y prendre et l’esprit laissera passer toutes les manifestations extérieures. Les impressions venues du dehors n’atteindront plus l’esprit. Sati (l'attention) sera fermement établi.

Tout comme l’esprit se pose et se clarifie, la respiration s’allège. Les sensations deviennent de plus en plus subtiles, le corps et l’esprit deviennent légers.


L’attention est centrée sur l’intérieur et nous pouvons voir clairement les inspirations et les expirations, nous pouvons voir clairement toutes les sensations. Alors, nous pourrons voir apparaître ensemble les trois fondations de la pratique : éthique, concentration et sagesse. Ceci se nomme « samadhi ».


La respiration peut devenir si légère qu’elle semble disparaître

Après avoir observé le souffle pendant une longue période, celui-ci devient très léger ; l’attention sur la respiration s’estompe progressivement et cesse, laissant l’attention seule.

La respiration peut devenir si légère qu’elle semble disparaître ! Comme si nous étions là, mais qu’il n’y avait plus de respiration du tout.

En réalité, le souffle est toujours présent, même s’il semble qu’il n’y en ait plus. C’est parce que l’esprit a atteint son état le plus calme, le plus épuré, et qu’il n’existe plus que l’attention nue.
L’esprit est allé au-delà de la respiration. La connaissance que la respiration a disparue devient évidente. Mais alors, quel sera notre objet de méditation maintenant ? Nous allons prendre cette nouvelle connaissance, à savoir, cette connaissance de l’absence de respiration comme objet.
Certaines expérience inattendues peuvent alors survenir : certains expérimentent cela, d’autres non. Si cela nous arrive, nous devons rester stable et garder une attention sans faille. Certaines personnes se rendent compte que leur respiration a disparu et prennent peur ; elles s’effrayent à l’idée de mourir. A ce moment-là, nous devons voir la situation telle qu’elle est. Nous devons simplement noter que la respiration a disparu et prendre cela comme objet pour notre attention.


Le fruit de Samadhi

Ceci, nous pouvons le dire, est l’état de samadhi le plus sûr, le plus solide ; l’esprit est réunifié, sans fluctuation. Peut-être que le corps va devenir si léger que nous pourrions avoir l’impression qu’il n’y a plus de corps du tout. Nous aurons l’impression d’être assis dans un espace vide, totalement vide.

Même si cela peut nous sembler étrange et inhabituel, nous devons comprendre qu’il n’y a aucune inquiétude à avoir. Nous devons maintenir notre esprit fermement établi sur ce que nous expérimentons.

Quand l’esprit est ainsi fermement unifié, aucune impression sensorielle ne peut venir le perturber. On peut rester dans cet état aussi longtemps qu’on le souhaite. Aucune sensation de douleur ne viendra nous déranger.

Lorsque samadhi atteint ce niveau, nous pouvons en sortir quand nous voulons. Mais de manière douce et non parce que nous commençons à ressentir de l’ennui ou à être fatigué.

Nous quittons samadhi, parce que la méditation est terminée, que nous avons assez pratiqué pour lors. Nous nous sentons bien, à l’aise.

Si nous sommes capable de développer ce type de samadhi, alors nous pouvons nous asseoir, disons, trente minutes ou une heure, et ressentir les bienfaits de cette assise pendant plusieurs jours.

Quand l’esprit est calme et paisible ainsi, il est limpide. Quelle que soit l’expérience que vous pourrez faire, l’esprit s’en saisira et l’examinera. C’est le fruit de samadhi.


L’éthique est une fondation du chemin, de la pratique, la concentration en est une autre et la sagesse une troisième.

Ces trois facteurs forment un cercle. Nous pouvons les voir rassemblés dans l’esprit en paix.

Lorsque l’esprit est calme, il est réunifié et concentré grace à la sagesse et à l’énergie de la concentration. Comme il devient plus concentré, il devient plus fin, plus subtile ; et ceci donne à l’éthique la force de croître en pureté.

Comme notre éthique devient plus pure, elle aide au développement de la concentration. Quand la concentration est fermement établie, elle aide à l’éclosion de la sagesse. Ethique, concentration et sagesse s’entraident mutuellement ; elles sont en inter-relation.

A la fin, le chemin ne fait plus qu’un avec les trois fondations. Nous devons rechercher cette force qui émerge du chemin, parce que c’est la force qui conduit à la vision intérieure et à la sagesse. »


Source : Ajahn CHAH, “The Path in Harmony” extrait de “Teachings of Ajahn Chah”- Traduction isara


Lire d'autre enseignement de Ajahn Chah : ICI



dimanche 17 février 2008

Paroles d'Ajahn Chah






LE FOU



Imaginez qu’un matin, alors que vous marchez pour vous rendre à votre travail, un homme se jette sur vous et vous insulte en braillant.

Aussitôt que vous entendez ces insultes, votre état d’esprit se transforme. Vous êtes choqué et en colère. Vous pouvez même vouloir vous enfuir.

Quelques jours plus tard, une autre personne se présente chez et vous dit : « Vous savez, cet homme qui vous a agressé l’autre jour, il est complètement cinglé ! Cela fait des années qu’il est comme çà. Il agresse tout le monde de la sorte. Personne ne tient compte de ce qu’il raconte. »

Dès que vous entendez cela, vous vous sentez tout de suite mieux. La colère et la peine que vous avez portées en vous pendant ces derniers jours s’évanouissent.

Pourquoi ? Parce que désormais, vous connaissez la vérité. Avant vous ne la connaissiez pas. Vous pensiez que cet homme était "normal", alors vous étiez en colère après lui, qui vous avait insulté et fait souffrir. Dès que vous avez su la vérité, tout a changé brusquement : « Oh ! Il est fou ! Tout s’explique alors ! »

Quand vous comprenez cela, vous vous sentez bien, tout simplement parce que vous savez.
Et maintenant que vous savez, vous pouvez lâcher prise. Tant que vous ne saviez pas, vous vous accrochiez. Tant que vous pensiez que cet homme qui vous avait agressé était sain d’esprit, vous auriez été capable de le tuer. Mais vous apprenez la vérité, vous apprenez qu’il est dérangé, tout s’explique et vous vous sentez mieux. C’est cela la connaissance de la vérité.


Quelqu’un qui voit le Dhamma fait la même expérience.

Lorsque l’attachement, l’aversion et l’ignorance disparaissent, ils disparaissent de la même manière. Aussi longtemps que vous n’avez pas cette connaissance, vous pensez : « Comment vais-je faire pour me libérer ? J’ai tant de désirs et tant d’aversions. »

Ce n’est pas cela, la vraie connaissance. Tout comme lorsque vous pensiez que le fou était une personne saine d’esprit. Quand vous avez su la vérité, alors vous avez été rassuré.

Ceci, personne ne peut vous le montrer. C’est seulement lorsque l’esprit voit par lui-même qu’il peut déraciner et abandonner l’attachement.


Source : Extraits de “A Tree in a Forest” Ajahn Chah- traduction par Isara.


samedi 16 février 2008

Utiliser une partie des enseignements du Bouddha pour apporter une justice sociale sur terre







Chan Khong est une nonne bouddhiste vietnamienne qui œuvre au changement social.
Elle travaille depuis plus de 30 ans avec Thich Nhat Hanh.

Elle s'est livrée à Martine Batchelor (Rencontre avec des femmes remarquables) voici un court extrait de son témoignage :



(...) Le travail social a toujours fait partie de ma vie. Au départ, je ne savais rien du Dharma, bien que je sois née dans une famille généreuse qui aimait aider les pauvres.

Quand j’étais jeune, je voulais apprendre quelque chose qui me permettrait d’aider les nécessiteux à grande échelle. Je décidais de faire des études classiques.

Je pensais que je pourrais utiliser le savoir occidental pour améliorer la justice sociale (...) mais je ne savais pas vers quoi me tourner. Petit à petit, je commençais à étudier le bouddhisme, et je fus impressionnée par les enseignements du Bouddha.

Je voulais utiliser ces enseignements pour instaurer une justice sociale, mais les moines bouddhistes que je rencontrai à l’époque n’étaient pas d’accord avec moi.

Ils disaient que je devais d’abord m’éveiller. Je ne pourrais aider les autres qu’en étant éveillé.

Beaucoup de moines étaient si conservateurs qu’ils pensaient qu’être une femme était un obstacle, et ils me dirent que je devais pratiquer pour renaître en homme. Puis, après plusieurs vies je pourrais devenir Bouddha.

J’estimais que je n’avais pas besoin de devenir un homme, je n’avais pas besoin de devenir bouddha, j’avais simplement besoin d’utiliser une partie des enseignements du Bouddha pour apporter une justice sociale sur terre.(..)

Je décidai que je pouvais m’éveiller en étant travailleuse sociale. Je n’avais pas besoin de devenir un homme et de vivre de nombreuses vies pour être bouddha. En aidant les pauvres gens et en allégeant leur souffrance, lentement, ils feraient partie de mon chemin spirituel.



Source : "Rencontre avec des Femmes remarquables" de Martine Batchelor (collection SULLY).
Pour info : j'ai également publié cet extrait sur Karuna

  • Lire d'autres témoignages, extraits de ce livre, sur ce blog : ICI