jeudi 31 janvier 2008

Douleur et Méditation




* Pour en savoir plus, cliquer sur les mots surlignés en bleu


Remarques préalables :

J'ai déjà évoqué, à plusieurs reprises dans ce blog, le thème de la "douleur " pendant et après la méditation.

En observant la douleur, nous allons apprendre à la connaître mais surtout pas à la combattre.

Si nous méditons dans le but de faire disparaître la douleur nous avons perdu d'avance.

La douleur est un phénomène comme un autre, qui peut-être mental ou physique et à ce titre nous l'observons comme tous les autres phénomènes, qu'ils soient agréables, désagréables ou neutres.

L'observation doit conduire à la compréhension des phénomènes ou "objets" d'observation.

En observant la douleur, avec beaucoup de patience, grâce à
vipassana , on finira par voir ce qu'elle est réellement : la douleur est dukkha, anatta et anicca

1- La douleur est dukkha:
Elle provoque de la souffrance, de l'insatisfaction ect..

2- La douleur est anatta:
Ce n'est pas "notre douleur", en ce sens qu'elle apparaît et disparaît sans notre intervention, elle ne nous appartient pas. Il ne suffit pas de dire: " je" ne veux pas avoir mal, pour ne plus avoir mal..

3- La douleur est anicca :
Elle est
impermanente : elle change d'endroit, elle est limitée à une certaine durée, elle varie d'intensité, elle disparaît puis reviens,

En observant la douleur de manière attentive nous verrons très clairement ces trois caractéristiques.


"Vouloir que la douleur disparaisse", c'est finalement la même chose, le même processus que; "vouloir qu'une sensation "agréable" apparaisse ou reste".
L'aversion et le désir c'est la même chose : désirer que quelque chose s'arrête ou désirer que quelque chose arrive c'est toujours du désir. Les deux sont causes de souffrance ( c'est la 2e
Noble Vérité)

La douleur ( physique et morale ) est au centre de l'enseignement du Bouddha, elle fait partie de la
Première Noble Vérité découverte par le Bouddha et qui est, plus largement : dukkha

Une fois de plus, nous voyons que tout est lié dans le Bouddhisme.


La méditation sans la douleur n'existe pas, et plus vous ressentez de la douleur, plus vous avez de chance de progresser car vous avez un objet d'observation "magnifique".
Je veux dire par là, que nous pouvons apprendre énormément de la douleur et que de cet "apprentissage", basé essentiellement sur son observation attentive peut naître la "claire compréhension".

Pour observer la douleur nous devons avoir de la compassion : si nous nous énervons contre elle, si nous éprouvons de l'aversion et de la peur, elle augmentera.
Nous devons alors observer cet état d'esprit, l'état d'esprit dans lequel nous sommes quand nous observons la douleur.


La douleur nous permet d'observer plusieurs choses : la douleur physique d'une part et les sensations corporelles qu'elle provoque, mais aussi notre état d'esprit à son encontre, ce qu'elle provoque sur notre mental.

Lorsque vous éprouvez des douleurs durant la méditation au lieu de vous lamentez, réjouissez vous car vous allez pourvoir observer toutes ces choses.
Sinon observer au moins votre état d'esprit entrain de se lamenter..
Il y a toujours quelque chose à observer grâce à la douleur..

(Bien évidemment cela ne veut pas dire que si la douleur est liée à une maladie, nous ne devons pas la soigner)

Kathy



Ci après, des extraits d'un enseignement : "Le développement de la vision intérieure", donné par Achaan Naeb, nonne thaïlandaise née au début du siècle.






Achaan Naeb commence généralement par demander aux visiteurs de s'asseoir confortablement, puis de ne plus bouger. Bientôt, naturellement, l'un des visiteurs change de position. « Arrêtez, ne bougez pas. Pourquoi bougez-vous ? Attendez pour bouger. » L'enseignement d'Achaan Naeb s'adresse naturellement à la source de souffrance la plus évidente : notre corps. Si nous nous contentons de rester assis, en essayant de ne pas bouger, la douleur apparaît puis augmente, et nous voulons changer de position. La plupart des actions que nous accomplissons dans la journée se déroulent selon le même schéma.
Jack Kornfield - Dharma Vivant


Être attentif à la douleur


Si le méditant est attentif à une position, celle-ci doit tôt ou tard devenir douloureuse.

Lorsque la douleur apparaît, il doit être attentif à la douleur sans tenter de la faire disparaître. Il en est de même en ce qui concerne l'attention portée à l'esprit qui vagabonde. Si nous nous concentrons sur la douleur pour supprimer la douleur, le désir s'installe et remplace l'attention à l'objet.

Le facteur mental correct pour la voie moyenne de l'équilibre mental est absent, car notre conscience est tournée vers un sentiment de plaisir ou d'aversion. Vouloir que la douleur disparaisse est encore une marque d'attachement. Et lorsque nous éprouvons un sentiment de déplaisir parce que la douleur n'a pas encore disparu, nous ressentons de l'aversion.

Si la douleur disparaît comme nous l'avions souhaité, nous voici encore davantage soumis à l'attachement, et telle n'est pas la bonne pratique : nous ne percevons pas l'objet « présent » puisque nous nous projetons dans le futur. Nous nous écartons alors de la voie moyenne.
Nous constatons qu'il n'est pas facile d'atteindre à l'équilibre de cette voie.

C'est pourquoi il est essentiel de comprendre dès le départ ce dont il s'agit. Nous devons réaliser que la vision intérieure ne dépend pas seulement de nos efforts ou de l'intensité de notre concentration, mais aussi de la justesse de la prise de conscience.

Si nous ne parvenons pas à ce type de prise de conscience, quels que soient nos efforts de concentration, nous ne parviendrons pas à la sagesse. (...) Si vous avez la juste perception et la juste compréhension, vous pouvez méditer en tous lieux sur la « réalité présente » (ce qui existe indépendamment de nos désirs).


Réaliser la nature de la souffrance

Pourquoi devons-nous être attentifs à notre posture ? Pour pouvoir réaliser la nature de la souffrance. (...)

Lorsque nous changeons de position, si nous n'avons pas conscience du fait que la posture précédente était pénible, la nouvelle posture peut dissimuler la réalité de la souffrance.

Nous devons donc toujours être sur le qui-vive et utiliser notre sagesse pour comprendre la raison de ce changement de position. Si nous découvrons cette raison avant de changer, la nouvelle posture ne dissimulera pas la réalité de la douleur.

Si nous sommes toujours conscients de la posture, nous nous apercevons que la douleur n'apparaît qu'après un certain temps, et que ce n'est qu'à ce moment-là que nous souhaitons changer de position.

Lorsque nous souffrons dans une posture donnée, nous n'aimons pas cette posture, et lorsque nous n'aimons pas cette posture, parce qu'elle est inconfortable, tout désir de l'adopter disparaît. Lorsque le désir de l'adopter disparaît, il se peut que l'aversion vienne prendre la place du goût que nous éprouvions initialement pour elle. Lorsque l'aversion envahit l'esprit, le désir s'attache aussitôt à une nouvelle posture, parce qu'elle paraît confortable.

Nous constatons donc qu'il y a de l'attachement ou de l'aversion attachés à toutes les positions. Cependant, la plupart du temps, le méditant ne reconnaît pas cela. Pour être conscient d'une position, il doit comprendre que, avant d'en changer, il doit savoir à tout moment la raison pour laquelle il doit procéder à ce changement. Si nous ne connaissons pas la cause de ce changement, nous ne pouvons pas reconnaître la douleur en tant que douleur.


Souffrance et impermanence

Envisageons maintenant la question sous un autre angle.

Est-il possible d'adopter une position et de ne jamais en changer ? Naturellement, la réponse est non. Même si nous ne voulons pas en changer, nous y sommes obligés.

Auparavant, nous disions que nous nous asseyions parce que nous voulions nous asseoir, ou nous nous tenions debout parce que nous voulions être debouts. Mais pouvons-nous dire maintenant que nous voulons changer de position parce que tel est notre souhait ? Nous pouvons dire maintenant que nous changeons de position à cause de la douleur, parce que nous sommes mal à l'aise. (...)

Nous devons maintenant comprendre pleinement les raisons pour lesquelles nous sommes contraints à changer de position. Est-ce uniquement à cause de la douleur ? Si nous répondons que nous changeons pour nous sentir plus à l'aise, cette réponse est fausse, car elle fait appel à une distorsion de l'idée de bonheur.

La réponse juste est que nous bougeons pour éliminer la douleur, et non pour être heureux. Et si nous ne comprenons pas bien pourquoi nous changeons de position, les états mentaux négatifs se manifestent immédiatement.

Si les changements de position sont destinés à éliminer la douleur, cela revient à dire que nous devons sans cesse remédier à une situation mauvaise. C'est comme si nous devions prendre des médicaments en permanence. Comme si nous étions en train de soigner une maladie. Or nous ne considérons pas comme le bonheur le fait de se soigner.

Il est facile de constater la douleur dans une posture que nous tenons depuis un certain temps, mais cela devient plus difficile dans la nouvelle posture adoptée. Mais la sagesse nous permet de le faire. Sans la sagesse, le désir se manifeste sans cesse.

C'est pourquoi nous devons être capables de reconnaître la souffrance dans la nouvelle posture. Comment ? En réalisant que nous avons changé de posture à cause de la douleur, nous sommes forcés de comprendre que la douleur est présente dans toutes les postures.

Etre assis devient douloureux, se tenir debout devient douloureux, et c'est pourquoi nous changeons.

Toutes les postures deviennent douloureuses à un moment donné, et c'est pourquoi nous changeons. (...) Nous comprenons alors que ce que nous appelons le bonheur finit toujours pas disparaître. La sagesse est ce qui permet de comprendre que la douleur est inhérente à toutes les formations de l'esprit et de la matière.
(...)

Pour information : La version intégrale de cet enseignement de Achaan Naeb, a été publié dans le livre de Jack Kornfield « Dharma vivant »

  •  Lire la version intégrale : "Le développement de la vision intérieure" sur Vivre le dhamma : ICI

mercredi 30 janvier 2008

La Guérison du corps et du cœur...





Périls et Promesses de la Vie Spirituelle de Jack Kornfield


Extraits du chapitre : Une Guérison nécessaire


Plan de ce message :
  • La Guérison du corps
  • La guérison du cœur
  • La guérison du mental
  • Méditation guidée : Développer l'attention qui guérit


(...)

LA GUÉRISON DU CORPS


La séance de méditation commence souvent par des exercices qui ont pour but de nous amener à être conscients de notre corps ; cette conscience est particulièrement importante dans une culture comme la nôtre, qui néglige la vie physique et instinctive.(...)


(...) En méditation, nous avons la possibilité de ralentir notre fonctionnement et d'accueillir tranquillement ce qui apparaît.

Quand nous sommes activement conscients, nous pouvons cultiver l'intention de nous ouvrir sans résistance aux expériences physiques, d'habiter réellement notre corps, ce qui nous permettra de ressentir plus clairement ses plaisirs et ses douleurs.


Nous ne savons pas observer la douleur

Notre conditionnement nous ayant appris à éviter et à fuir la douleur, il s'ensuit que nous la connaissons mal.

Pour guérir le corps, nous devons étudier cette douleur. Si nous nous penchons avec attention sur nos maux physiques, nous allons remarquer qu'il en existe plusieurs sortes.(...)

(...)La plupart du temps, le genre de douleur qu'on rencontre au cours de l'attention méditative n'est pas le signe de problèmes médical. Ce sont des manifestations physiques douloureuses de nos refoulements et de nos crispations aux plans psychique, physique et spirituel (...) Ce sont les régions du corps qui se sont contractées maintes fois dans des situations éprouvantes afin de nous protéger des inévitables difficultés de l'existence.

(...)


LA GUÉRISON DU CŒUR


De même qu'on permet au corps de s'ouvrir et qu'on le guérit en percevant ses rythmes et en l'entourant d'une attention profonde et bienveillante, on peut ouvrir et guérir d'autres dimensions de son être.

Le cœur et les émotions connaissent un processus de guérison similaire lorsqu'on leur offre notre attention afin de découvrir leurs rythmes, leur nature, et leurs besoins.


Ouvrir son cœur consiste à s'ouvrir aux souffrances occultées

La plupart du temps, ouvrir son cœur consiste tout d'abord à s'ouvrir aux souffrances occultées que l'on a accumulées pendant toute une vie - Tant les souffrances personnelles que les souffrances universelles de la guerre, de la vieillesse, de la maladie et de la mort. (...)

(...) Le plus souvent, les blessures les plus intimes, le sentiment d'abandon, la douleur sont ressentis comme des larmes retenues. Les bouddhistes parlent d'une mer de larmes humaines plus vaste que les quatre grands océans.

Lorsqu'on prend la place qui est la nôtre et que l'on cultive l'attention méditative, le cœur s'offre tout naturellement à la guérison. Le chagrin des souffrances et des espoirs anéantis, retenu en nous si longtemps, s'exprime alors.

Nous pleurons sur nos traumatismes passés et sur nos peurs présentes, sur toutes les émotions que nous n'avons jamais osé ressentir consciemment.(...)
La souffrance liée à la petite enfance et à la famille, blessures liées au père ou à la mère, la solitude, tout mauvais traitement physique ou sexuel, tout cela est emmagasiné dans notre cœur. (...)

(...) Refus de la réalité, colère, sentiment de perte ou de chagrin, ce travail sur la douleur engendre un profond renouveau.(...)



LA GUÉRISON DU MENTAL



Nous ne contrôlons pas nos pensées

(..) Lorsque nous observons nos pensées durant la méditation nous réalisons que nous ne les contrôlons pas (...)

La source même des mouvements du mental est l'insatisfaction (...)

(...) La nature dualiste de la pensée constitue une des causes de notre souffrance (...)


La guérison de l'esprit s'opère de deux manières:

On porte d'abord son attention sur le contenu des ses pensées et on apprend à les canaliser plus habilement en faisant appel à une réflexion lucide (...)
Si nous voulons que ces conflits soient guéris, nous devons cesser de nous identifier à eux (...)

Dés lors que nous comprenons que la nature même du mental est de penser, de diviser, de faire des projets nous sommes capables de nous libérer de la puissante emprise de son séparatisme et de nous établir paisiblement dans le corps et dans le cœur (...)


Au delà des pensées il y a un silence doux et apaisant

Lorsque nous allons au delà de cette effervescence de la pensée, nous découvrons un silence doux et apaisant (...)

(...)




MEDITATION GUIDÉE: Développer l'attention qui guérit


Asseyez-vous confortablement et tranquillement. Laissez votre corps se détendre. Respirez doucement.

Abandonnez toutes vos pensées, passé, avenir, souvenirs, projets. Contentez-vous d'être présent.

Laissez parler votre précieux corps afin qu'il vous révèle lui-même les endroits qui ont le plus besoin de guérison.

Permettez aux douleurs, aux tensions, aux maladies, aux blessures physiques de se manifester. Portez à ces endroits douloureux une attention délicate et bienveillante. Lentement, consciencieusement, ressentez leur énergie physique.

Observez ce qu'ils renferment dans leur profondeur - pulsations, élancements, tension, picotements, sensation de chaleur, contraction, irritation, mal diffus, tout ce que nous rangeons sous le nom de douleur.

Prenez le temps de les ressentir pleinement, de les envelopper d'une attention réceptive et bienveillante.

Ensuite, devenez conscient de la région du corps qui entoure ces points douloureux. Notez calmement les contractions ou crispations éventuelles ; respirez légèrement et laissez-les se détendre.

Puis, de la même manière, prenez conscience d'une aversion, d'une résistance éventuelle de votre esprit. Constatez son existence avec la même attention paisible, sans refus, en lui permettant d'exister telle qu'elle est et de se détendre quand bon lui semblera.

Observez maintenant les pensées et les peurs qui accompagnent la douleur que vous explorez : "ça ne passera jamais", "c'est insupportable", "je ne mérite pas ça", "c'est trop difficile", trop compliqué, trop profond", etc.

Offrez à ces pensées une attention bienveillante pendant quelque temps, puis revenez doucement à votre corps physique.

A présent, laissez votre conscience s'approfondir et s'adoucir. Ressentez à nouveau les différentes zones qui entourent l'endroit douloureux et permettez à chacune d'elle, à mesure qu'elle se relâche, de se déplacer, de s'intensifier ou de se dissoudre à son gré.

Penchez-vous sur votre douleur comme sur un enfant que vous voudriez doucement réconforter, la tenant toute dans une attention tendre et rassurante. Envoyez doucement votre respiration à l'intérieur de cette douleur, acceptant tout ce que vous voyez avec une bonté apaisante.

Continuez cette méditation jusqu'à ce que vous vous sentiez relié à toutes les parties de votre corps qui réclament votre attention, jusqu'à ce que vous vous sentiez en paix.

A mesure que cette attention thérapeutique se développe, vous pouvez la diriger régulièrement vers des régions particulières de votre corps affectées par une maladie ou une douleur. Vous pouvez ensuite explorer ce corps pour voir s'il réclame la même douceur de votre attention en d'autres points.

De la même manière, vous pouvez porter une attention thérapeutique à des blessures psychiques profondes. Le chagrin, le regret, la rage, la solitude, la peine peuvent tous être ressentis en premier lieu dans le corps.

Une attention délicate et bienveillante vous permettra d'aller au cœur de ces blessures. Demeurez tranquillement avec elles. Au bout de quelque temps, respirez doucement et ouvrez votre attention à chaque zone de contraction, d'émotions et de pensées qui accompagne ces blessures.

A la fin, vous pouvez laisser tous ces mouvements se calmer à leur tour, comme si vous réconfortiez doucement un enfant, en acceptant tout ce qui est, jusqu'à ce que vous vous sentiez en paix.

De cette manière, vous pouvez prendre soin de votre cœur, aussi souvent que vous le souhaitez.

Souvenez-vous que la guérison de votre corps est déjà là ; elle n'attend que votre attention compatissante.

(...)

  • D'autres enseignements de Jack Kornfield sur ce blog : ICI

Remarques:

  • Pour tous les "Extraits de livres" publiés dans ce blog, j'ai utilisé un scanner (Voir liste des livres ICI )
  • VOIR tous les "Extraits de livre" publiés sur ce blog (21 à ce jour) ICI

mardi 29 janvier 2008

La concentration d'accès






Extraits du livre de Jack Kornfield : "Périls et promesses de la vie spirituelle"



L'entrée dans une conscience élargie: La concentration d'accès


La clé qui ouvre à la fois les domaines de l'absorption et les domaines de la dissolution consiste en une stabilisation du coeur et du mental appelée "concentration d'accès".

Celle-ci représente le premier niveau de présence et de stabilité fortes qui apparaît dans la prière ou dans la méditation. Lorsqu'on parvient à cette concentration, la pratique spirituelle devient pour un temps stable et focalisée, et ni les obstacles intérieurs ni les vicissitudes de la vie quotidienne ne la perturbent plus.

On s'immerge, attentif, dans la méditation, provoquant un puissant changement de conscience; un courant de clarté, d'aisance et de concentration pénètre notre pratique.

Pour parvenir à la concentration d'accès, il faut être doué d'une aptitude naturelle à se concentrer, combinée à la persévérance et à la discipline.
Certains "pratiquants" ("élèves" dans le texte), qui suivent une formation intensive avec un instructeur compétent peuvent atteindre le niveau de la concentration d'accès en quelques mois, voire quelques semaines d'entraînement.

Les principes de méditation qui régissent cet entraînement sont toujours les mêmes: Répétition, concentration et abandon.
On se concentre sur une prière ou sur un mantra, sur une lumière colorée ou sur une visualisation, sur le souffle ou sur le corps, ou encore sur un sentiment tel que la bonté ou la compassion, en revenant sans cesse à l'objet de la concentration, ou en le répétant sans relâche, à travers tous les stades de la résistance et de la difficulté, jusqu'à ce que le coeur et le mental commencent à trouver le calme, à s'unifier et à être pratiquement absorbés dans l'expérience.

Au stade initial de la concentration d'accès, on se sent parfois mal assuré. On peut être puissamment concentré mais, tel un cycliste débutant, chanceler de temps à autre et se laisser distraire par ce qui se passe à l'arrière-plan. La répétition continuelle et la patience permettront de trouver l'équilibre au sein de cet état.

En s'abandonnant maintes et maintes fois à cette expérience, on peut apprendre à maintenir et à alimenter un niveau d'attention intensément concentrée.

La concentration d'accès a été ainsi nommée par les Anciens parce qu'en la pratiquant, nous développons suffisamment de stabilité de cœur et d'esprit pour accéder à des domaines supérieurs par le biais de la méditation.

A partir de cette concentration d'accès, on peut élargir le moi, degré par degré, en raffinant la conscience pour parvenir aux huit degrés d'absorption et se sentir un avec des états extraordinaires de conscience lumineuse.

Le moi, élargi, pénètre dans des royaumes subtils d'absorption, nous accédons à des états visionnaires comprenant les six mondes d'existence, des états de lumières et de sentiments sublimes, et même des états raréfiés de conscience qui sont au delà de ces derniers.

A partir de la concentration d'accès, nous pouvons réellement pénétrer dans une dimension de conscience totalement différente, les "domaines de la dissolution du moi". Ici, nous n'élargissons ni ne raffinons le moi mais nous examinons très profondément sa nature et celle de la conscience, jusqu'à ce que même les éléments les plus subtils et les plus élevés du sens du moi et de la séparation se dissolvent.




Le son du Silence...




Un enseignement de Ajahn Sumedho (1994) Traduit par Jeanne Schut




Dans la vie quotidienne ordinaire, le silence est quelque chose qui n’intéresse personne.

On considère plus important de réfléchir, de créer, de faire des choses — autrement dit, de « remplir » le silence. En général nous écoutons un bruit, de la musique, des paroles mais pensons que dans le silence il n’y a rien à écouter.

Quand personne ne sait quoi dire dans une réunion, les gens sont gênés, le silence met mal à
l’aise.


La vie moderne a fait éclater le silence et démoli l’espace.

Pourtant des concepts comme le silence et la vacuité nous montrent une direction à suivre, une chose à observer, car la vie moderne a fait éclater le silence et démoli l’espace.

Nous avons créé une société dans laquelle nous sommes sans cesse actifs, nous ne savons pas nous reposer, nous détendre, ni même simplement être. Notre vie est bousculée, notre cerveau brillant s’ingénie à trouver des moyens de nous faciliter la vie et pourtant nous sommes toujours épuisés.

Des gadgets sont censés nous faire gagner du temps, nous permettent de tout faire en appuyant simplement sur un bouton, les tâches ennuyeuses sont confiées à des robots et des machines — mais que faisons-nous du temps ainsi gagné ?

Il semble que nous ayons toujours besoin de faire quelque chose, de nous agiter, de remplir le silence de bruit et l’espace de formes.

La société met l’accent sur le fait d’avoir une vraie personnalité, d’être quelqu’un capable de prouver sa valeur. C’est la course au plus fort, le cycle incessant qui nous stresse. Quand nous sommes jeunes et que nous avons beaucoup d’énergie, nous apprécions les plaisirs de la jeunesse comme la bonne santé, l’amour, l’aventure etc. Mais tout peut s’arrêter d’un jour à l’autre, du fait d’un accident ou si nous perdons un être particulièrement cher. Ce qui nous arrive alors peut faire que tous les plaisirs des sens, la bonne santé, la vigueur, la beauté, la personnalité, l’admiration des autres, ne nous procurent plus aucun plaisir.

Nous pouvons aussi devenir amers parce que nous n’avons pas atteint le degré de plaisir et de succès que, selon nous, la vie aurait dû nous accorder. Alors il faudra sans cesse faire nos preuves, être « quelqu’un » et obéir à toutes les exigences de notre personnalité.


La personnalité est conditionnée par le mental.

Nous ne sommes pas nés avec une personnalité. Pour devenir une personnalité nous avons dû réfléchir et nous concevoir comme étant quelqu’un. Quelqu’un de bon ou de mauvais ou un mélange de toutes sortes de choses.

La personnalité est basée sur la mémoire, sur la capacité à se souvenir de notre histoire, d’avoir une opinion sur nous-mêmes — nous nous trouvons beau ou laid, aimable ou pas, intelligent ou idiot — et ce regard peut changer selon les situations.

Par contre, en développant l’esprit contemplatif, nous pouvons voir au-delà de ces images. Nous faisons l’expérience de l’esprit originel, de la conscience avant qu’elle soit conditionnée par la perception.

Si nous essayons de penser à cet esprit originel, nous serons piégés par nos facultés analytiques. Il faudra donc observer et écouter plutôt qu’essayer de découvrir comment « s’éveiller ».

Méditer pour s’éveiller ne fonctionne pas non plus, parce que, tant que nous essayons d’obtenir un résultat, nous créons un « moi » qui n’est pas éveillé à cet instant.

Nous nous percevons comme des êtres non éveillés — comme une personne à problèmes ou un cas désespéré. Parfois il nous semble que la pire des choses que l’on puisse penser de nous est parfaitement exacte. Il y a une forme de perversité à prétendre que l’honnêteté consiste à croire le pire de nous-mêmes !

Je ne porte pas de jugement sur la personnalité mais je suggère que vous essayiez de savoir ce qu’elle est réellement, de façon à ne pas fonctionner à partir d’une illusion créée par vous ni à partir des idées que vous vous faites sur votre propre compte.

Pour ce faire, vous pouvez apprendre à vous asseoir sans bouger et à écouter le silence. Non que cela vous apportera l’Eveil, mais cette pratique va vous aider à aller à l’encontre de vos habitudes, à l’encontre de l’agitation du corps et des émotions qui vous animent d’ordinaire.

Donc vous écoutez le silence. Vous entendez ma voix, vous entendez les bruits extérieurs mais, derrière tout cela, il y a une sorte de son aigu, presque électronique. C’est ce que j’appelle « le bruit du silence ».

Je trouve que c’est un moyen très pratique de concentrer l’esprit parce que, quand on commence à y prêter attention – sans pour autant s’y attacher ou s’en glorifier – , on arrive à s’entendre penser.


La pensée est une sorte de bruit

Quand on pense, on s’entend penser et quand je m’entends penser, c’est comme si j’entendais quelqu’un parler. Donc j’écoute les pensées et j’écoute le bruit du silence. Mais quand j’entends le silence, je constate qu’il n’y a plus de pensées. Il y a un calme et je prends note, consciemment, de ce calme. Cela me permet de reconnaître la vacuité.

La vacuité n’est pas s’enfermer ou nier quoi que ce soit, c’est un lâcher prise des tendances habituelles à l’activité incessante et à la pensée compulsive.

En fait, vous pouvez complètement arrêter le mouvement de vos habitudes et de vos désirs en écoutant ce son. Dans cette écoute il y a l’attention. Il n’est pas nécessaire de fermer les yeux, de se boucher les oreilles ni de demander à quelqu’un de quitter la pièce.

Il n’est pas nécessaire de pratiquer cela dans un endroit particulier, cela fonctionne où que vous soyez. C’est très pratique au quotidien, dans un groupe ou en famille, quand la vie risque de devenir une routine.

Dans ces situations, nous avons l’habitude les uns des autres et nous fonctionnons au travers de nos préjugés et d’images dont nous ne sommes même pas conscients. Or voilà que le silence de l’esprit permet à tous ces conditionnements d’être vus pour ce qu’ils sont. Quand on sait que tous les phénomènes qui apparaissent disparaissent, on voit que toutes les idées et les images que nous avons de nous-mêmes et des autres sont conditionnées par le mental (l’habitude, le temps, la mémoire) et que nous ne sommes pas vraiment cela.


Ce que vous croyez être n’est pas ce que vous êtes.

Vous allez demander : « Que suis-je alors ? » mais est-il nécessaire de savoir ce que nous sommes ? Il est suffisant de savoir ce que nous ne sommes pas. Le problème vient de ce que nous croyons être toutes sortes de choses que nous ne sommes pas et c’est cela qui nous fait souffrir.

Nous ne souffrons pas d’anatta, de n’être rien, nous souffrons d’être tout le temps quelqu’un. C’est là qu’est la souffrance.

Alors quand nous ne sommes pas quelqu’un, ce n’est pas une souffrance, c’est un soulagement, c’est comme poser une lourde chape d’images de soi et de peur du regard des autres.


Tous ces fardeaux liés au sentiment d’avoir un « moi », nous pouvons les abandonner.


Nous les lâchons, tout simplement. Quel soulagement de n’être personne ! De ne plus nous voir comme quelqu’un qui a toutes sortes de problèmes et qui devrait pratiquer davantage la méditation pour s’en sortir (...)ou qui devrait se libérer mais qui n’y arrive pas ! Tout cela est le produit de la pensée (...)

C’est fabriquer toutes sortes d’idées sur soi, c’est l’esprit critique qui dit sans cesse que l’on n’est pas assez bon ou que l’on doit s’améliorer.

Donc vous pouvez prêter l’oreille; cette écoute est disponible à tout moment. Peut être que, au début, il est bon de faire des retraites de méditation ou de vous mettre dans des situations où vous serez rappelé à l’ordre, où vous serez soutenu, où un enseignant vous encouragera à persévérer — parce qu’il est facile de retomber dans les vieilles habitudes, en particulier les habitudes mentales très subtiles — et le son du silence n’a pas l’air si extraordinaire que cela en comparaison.

Pourtant, même en écoutant de la musique vous pouvez entendre ce silence. Il ne gâche pas la musique, il la met en perspective.

A partir de là, vous ne vous laisserez pas emporter par elle ni piéger par les sons. Vous pourrez apprécier et le son et le silence.

La Voie du Milieu dont parle le Bouddha n’est pas l’annihilation extrême. On ne dit pas : « Le silence, la vacuité, le non-soi, voilà ce que nous devons atteindre. Nous devons nous libérer de tout désir, de notre personnalité. Tous les sens sont une agression au silence. Nous devons détruire toutes les conditions, la musique, les formes.

Il ne devrait pas y avoir de formes dans cette pièce, que des murs blancs. » Il ne s’agit pas de voir le monde des formes comme une menace, comme une attaque contre la vacuité.


Il ne s’agit pas de prendre position pour le conditionné ou le non-conditionné mais plutôt d’être conscient de leur lien – et cela requiert une pratique continue.

C’est là que l’attention, la présence sont nécessaires. Etant donné notre état sur cette planète Terre, liés comme nous le sommes à un corps humain, notre conditionnement est très lourd.

Tout au long de notre vie, nous devrons vivre prisonniers des limites, des problèmes et des difficultés de notre corps. Sans compter les émotions !

Nous ressentons tout et nous en gardons le souvenir. Nous serons livrés aux sensations de plaisir et de douleur toute notre vie.

Mais nous pouvons voir ces choses-là d’une certaine manière, celle que le Bouddha nous a montrée : comprendre les choses telles qu’elles sont réellement, leur permettre d’être ce qu’elles sont — cause de souffrance mais transitoires et sans nature propre — plutôt qu’y accorder un intérêt qui les déformera et causera encore plus de souffrance.

Par ignorance nous pouvons créer toujours plus de fausses images à partir des choses de la vie, de notre propre corps, de nos souvenirs, de notre langage, de nos perceptions, de nos opinions, de notre culture, de nos conventions religieuses — de sorte que tout devient compliqué, difficile et dualiste.


Cette aliénation que ressent le monde moderne provient d’une obsession pour notre petit « moi »

nous nous sentons terriblement importants. On nous a appris que nous étions le centre du monde, de sorte que nous nous permettons de nous gonfler de notre propre importance. Même si nous pensons être un cas désespéré, nous donnons à cette pensée une énorme importance.

Nous pouvons passer des années à rencontrer des psychiatres, à discuter des causes de notre nullité, parce que c’est très important pour nous — et, dans un sens, c’est normal puisque nous devons passer toute une vie avec nous-mêmes ; nous pouvons éviter les autres mais nous sommes liés à nous-mêmes.

Le concept d’anatta ou non-soi est souvent mal interprété. Certains y voient un déni du soi, quelque chose de mauvais en eux dont ils devraient se défaire.
Mais anatta ne fonctionne pas ainsi.


Anatta ou le non-soi est une suggestion faite à l’esprit, c’est un outil qui permet de réfléchir à ce que nous sommes réellement
.

Et puis, après un certain temps, il n’est plus nécessaire de se voir comme étant quoi que ce soit. Si nous allons au bout de ce raisonnement, le corps, les émotions, les souvenirs, tout ce qui semble être inexorablement « nous » ou « nôtre », peut être considéré en termes de phénomènes qui ont pour caractéristique constante de se produire, de durer un certain temps et puis de disparaître.

Quand nous sommes pleinement conscients du fait que tous les phénomènes finissent par cesser, cela nous paraît plus réel que les conditions éphémères que nous avons tendance à saisir ou qui nous obsèdent. Il faut un certain temps pour dépasser l’obstacle de l’obsession de soi mais c’est faisable. Il faut un peu de temps du fait des tendances habituelles, c’est tout.

Certains psychologues et psychiatres ont dit que nous avions besoin d’un « moi ». Il est intéressant de voir que le « moi » n’est pas quelque chose que nous devrions éliminer mais quelque chose qui doit simplement être remis à sa juste place.

De plus, il doit se fonder sur ce qui est bon et bien dans notre vie, c’est-à-dire qu’il faut cesser de fabriquer une image de soi pleine de défauts et de tendances négatives. Il est tellement facile de se percevoir de manière critique, surtout quand on se compare à d’autres ou à des images ou à de grands personnages de l’histoire.

Mais quand on se compare toujours à un idéal, on ne peut qu’être critique envers soi-même parce que la vie est ainsi. La vie est une rivière qui coule, elle est changement. Parfois on est fatigué, parfois on est envahi de problèmes émotionnels, de colère, de jalousie, de peur, de toutes sortes de désirs, de toutes sortes de choses étranges dont on n’est même pas complètement conscient. Mais cela fait partie du processus.


Nous devons apprendre à reconnaître ces phénomènes quand ils se présentent,

à en observer la nature : sont-ils bons ou mauvais, parfaits ou imparfaits ? De toutes façons, ils sont transitoires, autrement dit ils disparaîtront comme ils sont apparus.

Ainsi nous continuons à apprendre et nous développons une force intérieure en dénouant les fils de notre conditionnement karmique.

Il est possible que la vie n’ait pas été tendre avec nous, que nous ayons des problèmes physiques, des problèmes de santé, des problèmes émotionnels. Mais en termes de Dhamma, ce ne sont pas des obstacles parce que, très souvent, ce sont précisément ces difficultés qui nous poussent à nous éveiller à la réalité de la vie.

Il y a quelque chose en nous qui sait très bien qu’essayer de tout arranger, de tout rendre beau et bien, de rendre notre vie agréable, n’est pas la solution. Nous comprenons que la vie ne peut être maîtrisée ou manipulée pour nous fournir ce qu’il y a de mieux, qu’elle est beaucoup plus vaste que cela.

Donc, pour nous aider à laisser tomber ce sentiment d’être quelqu’un, avec toutes les images qui s’y attachent, il y a cette perception d’un silence sous-jacent. Nous pouvons être dans un silence où tout ne fait qu’un. C’est comme l’espace dans cette pièce. C’est le même pour nous tous, n’est-ce pas ? Je ne peux pas dire que cet espace m’appartient. L’espace est ainsi, c’est en lui que les formes apparaissent et disparaissent mais c’est aussi quelque chose que nous pouvons voir et contempler.
(...)


Le « son du silence » agit de la même manière avec vos pensées : il vous permet d’en percevoir la nature.

Je me suis exercé à avoir des pensées neutres, comme « je suis un être humain », qui ne réveillent aucune réaction émotionnelle. En m’écoutant penser cela, je m’efforce d’entendre la pensée en tant que pensée et le silence qui l’entoure.

Ainsi j’observe la relation entre la faculté de penser et le silence naturel de l’esprit et, ce faisant, je stabilise mon attention, cette capacité de tout être humain à être témoin, à être à l’écoute, à être en éveil.

C’est plus difficile sur le plan émotionnel quand on n’a encore pas mis fin au désir de posséder, de ressentir ou encore de tout abandonner. C’est alors qu’il faut écouter vos réactions émotionnelles.

Commencez par observer ce qui se passe quand le silence est présent. Cela peut être de la négativité : « Je me demande ce que je fais ici » ou « Je perds mon temps ». Il vous arrivera de douter, au cours de cette pratique, mais écoutez bien ces émotions : ce ne sont que des réactions habituelles de votre mental.

En le reconnaissant et en l’acceptant, vous verrez qu’elles s’arrêtent. Les réactions émotionnelles s’évanouiront de plus en plus et vous saurez en toute certitude que vous êtes « cela » qui est conscient.

A ce moment-là vous pouvez asseoir les bases de votre vie sur l’intention de faire du bien et de vous abstenir de faire du mal. Paradoxalement, nous avons besoin de cette estime de nous-mêmes.


La méditation, ce n’est pas l’idée que, si nous sommes attentifs nous pouvons faire tout ce que nous voulons.

Il y a aussi un élément de respect des conditions : on respecte son corps, son humanité, son intelligence et ses capacités. Il ne s’agit pas de s’y identifier ou d’y être attaché mais la méditation permet de reconnaître ce qui est à notre disposition : c’est ainsi, les conditions sont comme cela. Il faut même respecter nos incapacités. Avoir du respect pour soi, c’est-à-dire pour les conditions qui nous accompagnent dans cette vie, signifie les respecter quelles qu’elles soient, développées ou atrophiées. Il ne s’agit pas de les aimer mais de les accepter et d’apprendre à travailler à partir de ces bases, aussi limitantes soient elles.

L’esprit en éveil ne cherche donc pas à avoir le meilleur de la vie. Il ne tient pas à avoir la meilleure santé, les meilleures conditions, le meilleur de tout pour y parvenir, parce que cela ne ferait que renforcer un sentiment d’être « quelqu’un qui ne peut fonctionner qu’en ayant le meilleur de tout ».


Quand on commence à comprendre que nos faiblesses, nos défauts et toutes ces particularités que nous avons ne sont pas des empêchements, nous percevons les choses correctement.

Nous pouvons les respecter et accepter de les utiliser pour aller au-delà de notre attachement à eux. Si nous pratiquons ainsi nous sommes libres de toute identification, de tout attachement à nos images de nous-mêmes. C’est la chose merveilleuse que nous pouvons faire en tant qu’êtres humains : utiliser l’ensemble des moyens que nous a accordés la vie — et c’est un processus qui ne s’arrête jamais.


  • Biographie ajahn Sumedho : LA
  • LIRE, Les autres enseignements de Ajahn Sumedho sur ce blog : ICI


dimanche 27 janvier 2008

La compassion en action




Extrait du dernier Edito de Karuna :

Gaza nous enseigne une forme de la loi de cause à effet...


(...)

Le premier précepte

On n’est pas obligé de tuer directement son voisin pour ne pas respecter le premier précepte, ni d’aller voler dans un magasin pour ne pas respecter le second.... il suffit de demeurer indifférent, de ne vouloir ni voir, ni entendre... Il suffit de se taire : on appelle ça complicité ou non assistance à personne en danger...

Fermer les yeux, se taire, ne pas protester, rester assis chez soi, est comme une manière subtile de « tuer » sans être vu...une manière d’ôter la vie par procuration... La lâcheté, elle aussi est un crime... Une loi française dit que je suis passible de prison si je ne dénonce pas la maltraitance...

On a toujours de bonnes raisons de ne rien faire et de fermer les yeux... Qu’importe puisque ce n’est pas moi qu’on tue...

On va me dire que j’exagère, je ne crois pas : il est dans la tradition bouddhiste de faire attention à ne pas tuer le moucheron... de préserver la vie... C’est l’intention qui crée le karma et non l’action... cela aussi fait partie des enseignements

Je suis le détenteur de mes actes,

Leur héritier.

Je nais de mes actes,

J’y suis relié,

Et suis soutenu par eux.

Quels que soient mes actes,

Adroits ou maladroits,

J’en serai l’héritier.

Puissent les bouddhistes du monde entier et en particulier ceux d’occident se lever et défendre la vie, sans juger qu’une cause est préférable à une autre. Qu’un pays bouddhiste vaut plus qu’un camp de palestiniens musulmans et affamés... Les bouddhistes ont mis beaucoup de temps à bouger pour la Birmanie et certains mêmes continuent de vouloir fermer les yeux...

Au simple nom de la vie, puissions nous avoir le courage de nous lever, de parler et d’agir...


Acquérir la paix

Agir avec sagesse et discernement afin que la haine, la colère et la révolte ne déteignent pas sur nous...

Acquérir la paix afin que la paix s’étende autour de nous et au-delà...

Acquérir la sagesse afin que la sagesse s’étende autour de nous et au delà...

Celui qui agit pour la paix et la vie à la conscience sereine...

Il est comme on dit « un vrai fils de Bouddha »

Nantes le 26 janvier 2008
Tinh Ý


Lire cet Edito du site Karuna en entier : Gaza nous enseigne une forme de la loi de cause à effet... ICI


Sagesse et compassion sont inséparables

La sagesse et la compassion sont inséparables comme les deux ailes de l'aigle





Un enseignement de Ajahn Jayasaro : Les Ailes de l'Aigle

Biographie:
Ajahn Jayasaro est né sur l’Ile de Wight en 1958. C’est à la Retraite de la Saison des Pluies de 1978 qu’il rejoint la communauté d’Ajahn Sumedho. En novembre de la même année il part pour Wat Pa Pong, dans le Nord-Est de la Thaïlande, où il se fait ordonner novice l’année suivante, et bhikkhu en 1980, avec le Vénérable Ajahn Chah comme précepteur. De 1997 à 2002, Ajahn Jayasaro fut l’abbé de Wat Pa Nanachat. Il vit actuellement seul dans un ermitage au pied des montagnes Kow Yai.




Notre pratique du Dhamma

Il y a des pratiques qui nous servent de refuge quand tout va bien mais qui disparaissent dès que les temps sont durs.(...)

Nous devons investir un certain effort pour développer notre pratique parce que ces enseignements que nous avons découverts sont encore fragiles, ils ne tiennent pas le choc face à des circonstances difficiles.

Nous devons les nourrir et les protéger et parfois nous devons accepter humblement que notre esprit n’est pas encore assez fort pour traiter certaines choses. Nous devons donc accorder de l’attention au développement de la sagesse par rapport aux différents phénomènes ou problèmes qui apparaissent dans notre pratique. Dans le Sabbasava Sutta (Majjhima Nikaya 2), le Bouddha propose différentes méthodes pour traiter les asava ou leurs manifestations.
(asava= les effluents mentaux, appelés aussi « souillures » ou « pollutions » émanant du coeur et de l’esprit)

  • Lire Le Sabbasava Sutta (Majjhima Nikaya 2): ICI

Il y a certaines choses qu’il faut tout simplement éviter de faire. Pour un moine, ce
sont les parajika, par exemple.
(parajika= littéralement « ce qui provoque la défaite ». Ce sont les quatre fautes les plus graves dans le Code Monastique ou Vinaya, entraînant l’expulsion définitive de la Communauté ou Sangha)

C’est comme marcher beaucoup trop près du bord d’une falaise : il faut éviter de genre de situations, ce ne sont pas des circonstances dans lesquelles il serait bon de pratiquer l’endurance ou le lâcher-prise.

Et puis il y a d’autres choses qu’il faut être capable d’endurer, comme la chaleur et le froid, la faim et la soif, etc.

Et d’autres choses enfin qu’il faut savoir utiliser en pleine conscience, avec sagesse, comme par exemple la nourriture, les vêtements, le logis et les médicaments qui sont des nécessités de base que nous ne pouvons pas lâcher complètement. Il est nécessaire d’être en lien avec elles même si elles relèvent du monde sensoriel parce que notre corps vit dans le monde sensoriel, il en fait partie.


Nous devons aiguiser notre sensibilité et notre attention à la nature des conditions auxquelles nous sommes confrontés

Le Bouddha a donc enseigné le principe de la réflexion sage (yoniso patisankha) sur l’usage des choses qui nous sont nécessaires.

Pour d’autres asava, il suggère une diminution progressive et une lente disparition liée à la pratique régulière.

Comme il n’existe pas de pratique « parapluie » qui réponde à toutes les situations, nous devons aiguiser notre sensibilité et notre attention à la nature des conditions auxquelles nous sommes confrontés, ainsi que la connaissance et la force d’esprit voulues pour avoir l’attitude juste face à elles.

Cela peut nous épargner beaucoup de frustration car si cette forme de sagesse nous fait défaut, nous risquons d’essayer de supporter des choses qui devraient être carrément écartées ou d’écarter des choses qui devraient être supportées. Nous pouvons aussi éviter certaines choses qui devraient en réalité être utilisées attentivement ou essayer d’être attentifs en utilisant des choses qui devraient être complètement abandonnées. Nous en revenons toujours à l’importance de la Vision Juste, autrement dit la qualité de sagesse.


Que faire lorsque nous sommes régulièrement confrontés à la même difficulté dans notre pratique?

Si nous nous trouvons régulièrement confrontés à la même difficulté dans notre pratique, nous devons la prendre en considération et commencer à l’observer sous différents angles.

Dans certains cas, ce sera peut-être comme utiliser un révolver en savon sous la pluie : nous avons l’enseignement, nous faisons ce qu’il faut, mais nous ne l’appliquons pas correctement. Nous manquons de vigueur dans notre application, nous manquons d’intégrité et de continuité alors, au lieu d’obtenir ce que nous devrions, nous nous retrouvons — à cause de notre compréhension défectueuse — avec une piètre imitation qui ne fait pas l’affaire.

Dans d’autres cas, nous utilisons peut-être le mauvais outil ou nous pratiquons selon une certaine technique sans comprendre pleinement sa relation à d’autres facteurs qui lui sont indispensables pour l’étayer.

Alors, si vous êtes bloqué dans notre pratique, vous pouvez utiliser les indriya comme bases de votre investigation. (ici indriya= les cinq forces spirituelles : confiance, énergie, attention, concentration et sagesse)

Imaginons que vous ayez du mal à maintenir votre attention ; vous pouvez vous tourner vers le fondement de l’attention qui, selon les cinq indriya, est viriya (l’énergie, la vigueur) et vous demander :

« Mon attention est-elle relâchée parce que je manque d’énergie ? Y a-t-il un moyen qui me permettre d’investir plus d’effort dans la pratique ? »


En effet, l’effort juste va soutenir tout naturellement une attention juste …

Si vous découvrez alors qu’il y a effectivement un manque d’effort et que la volonté ou la détermination (adhitthana) n’y peuvent rien, vous pouvez reculer encore d’un pas et arriver au stade de la foi ou de la confiance (saddha).

Si l’effort juste fait défaut et que vous ne parvenez pas à investir assez d’énergie dans votre pratique, vous pouvez vous demander si vous manquez de foi.


Il y a différentes formes de foi.

- Il y a la foi de base d’un Bouddhiste qui consiste à avoir foi en l’Eveil du Bouddha en tant qu’être humain et, par conséquent, foi en un potentiel humain à l’Eveil et en notre propre potentiel à l’Eveil.

Avez-vous cette foi-là ou bien êtes-vous prisonnier d’états d’esprit autocritiques, pensez-vous que vous ne pouvez pas y parvenir, que vous avez trop de problèmes ? Avez-vous une vision grise et déprimée des choses ? Si c’est le cas, cela signifie qu’à ce moment précis, la foi fait défaut.

Et si la foi fait défaut, l’effort ne peut se produire et sans effort, pas d’attention et donc pas de concentration et pas de sagesse.

- Il est important aussi d’avoir confiance en votre objet de méditation. Vous devez
vous poser la question :

« Quelle foi, quelle confiance ai-je dans ma méditation, dans le processus de la méditation ? Quelle importance a-t-elle dans ma vie ? Est-ce que je crois vraiment que la pratique de la méditation peut me conduire à l’Eveil ? »

Si vous ne le croyez pas, si l’esprit n’a pas cette confiance, là encore l’énergie fera défaut et vous ne pourrez pas maintenir l’attention.


Ces indriya (confiance, énergie, attention, concentration et sagesse) vont tous à contre-courant de nos habitudes, ils n’apparaissent pas spontanément.

Ce sont leurs contraires qui apparaissent naturellement :
  • le manque de foi,
  • la paresse,
  • le manque d’attention,
  • la distraction, la mauvaise compréhension des choses.


Tout cela apparaît très facilement, ce sont les tendances naturelles d’un esprit non entraîné. Mais ces qualités vertueuses qui vont à leur encontre — la foi, l’énergie, l’attention, la concentration et la sagesse — viennent à l’existence avec difficulté.

Il n’est guère surprenant que l’on trouve la pratique difficile mais c’est aussi ce qui lui donne du sel, ce qui lui donne des allures de défi et la rend passionnante. Si c’était facile, ce serait vraiment ennuyeux. Pourquoi voudrions-nous le faire si c’était si facile ? Quand on transforme un problème en un défi, il devient facile d’y puiser force et inspiration et de voir l’énergie se réveiller. Tandis que si l’on considère quelque chose uniquement comme un problème, on peut se sentir accablé et découragé.

Alors nous nous posons la question :

« Nous sentons-nous écrasés, opprimés ou pleins d’aversion par rapport aux choses sur lesquelles nous travaillons ? Pensons-nous que les choses devraient être différentes ? »


Ce que nous pensons de notre pratique et la façon dont nous l’interprétons a des conséquences sur la pratique elle-même

Cela va dans les deux sens. Nous pouvons éviter beaucoup de souffrance en sachant considérer les choses avec un regard juste.

Le Bouddha a appelé yoniso manasikara, la capacité à utiliser la pensée avec sagesse et intelligence. Sans cette vertu, la pensée, au lieu de demeurer dans un état de neutralité, devient ayoniso manasikara, autrement dit elle s’engage dans une voie erronée.

Nous faisons donc usage de la faculté de sagesse pour évaluer et pour adapter. Nous apprenons à reconnaître les choses qu’il faut savoir endurer et à repérer les différents types de pensées erronées (micchasankappa) qui ne doivent pas être supportées patiemment en attendant qu’elles disparaissent d’elles-mêmes.

Ainsi, les fantasmes sexuels ou les pensées de haine et de négativité sont des habitudes qui engendrent un karma très lourd dans l’esprit. Elles empoisonnent l’esprit, elles lui font perdre son équilibre et peuvent très facilement le conduire dans un véritable enfer.

Le Bouddha a dit : « Au moment précis où nous prenons conscience de telles pensées, nous les stoppons net, sans hésiter une seconde. Nous ne les nourrissons pas. »

Dans notre pratique, nous avons besoin de toutes sortes de qualités, d’un vaste éventail d’outils et d’armes. Nous avons besoin de douceur, de compassion et de pardon mais aussi, en même temps, d’une attitude impitoyable vis-à-vis des intentions mauvaises ou malsaines.

En parallèle, nous cultivons un fort désir de nous libérer du cycle des existences, de nous libérer de l’attachement aux éléments qui constituent la personnalité : la forme physique, les sensations, les perceptions, les formations mentales et la conscience sensorielle.

En réfléchissant constamment à la souffrance générée par l’attachement — pas seulement en tant que sujet d’étude mais à travers notre vécu — nous nous détournons progressivement des choses.

Il ne s’agit pas là d’aversion ni d’un désir de se débarrasser des choses (vibhavatanha). C’est plutôt comme si, en roulant le long d’une route, on voyait sur la gauche une belle allée entourée d’arbres et de montagnes où la vue est splendide mais ce n’est pas la direction que nous voulons prendre. On ne se dit pas : « Je pourrais peut-être prendre cette direction … » ; on prend la ferme résolution de ne pas prendre cette route parce que nous voyons que ce n’est pas là que nous voulons aller. L’esprit est détendu, il n’y a ni la brûlure ni le mouvement de rejet, il n’y a aucune raison de ressentir de la colère ou du dépit.

Ainsi, même si les formes, les sensations, les perceptions, les formations mentales et les différentes formes de conscience sensorielle ont des aspects agréables et attirants, ce n’est pas dans cette direction que nous voulons aller.

Nous avons déjà suivi cette voie pendant trop longtemps, nous nous sommes attachés à ces circonstances vie après vie, et où cela nous a-t-il menés ? Dans les moments où la souffrance, la détresse, la solitude, l’angoisse, la peur ou la dépression apparaît dans l’esprit, en quoi les plaisirs et les belles expériences du passé peuvent-elles nous aider ? En rien.

Alors nous nous entraînons à voir que les formes ne sont que des formes, les sons ne sont que des sons, les odeurs, seulement des odeurs, les goûts seulement des goûts, une sensation physique. Ils ne sont rien de plus ; ils font partie du monde matériel ; ils sont « dhammata », comme on dit en thaï.

Au moment où il y a désir ou attachement pour quoi que ce soit dans l’esprit, ce n’est plus dhammata — « c’est ce que c’est » —, ce n’est plus une simple sensation ; cela prend de l’importance, nous projetons, nous donnons beaucoup de sens à ces choses. Percevoir les choses comme dhammata signife que nous sommes conscients que les phénomènes sont simplement ce qu’ils sont, alors que notre forme habituelle de pensée a tendance à dire : « Cela ne devrait pas être », « Pourquoi moi ? », « Il n’aurait pas dû dire cela ! ». Tous ces jugements sont basés sur le sentiment que les choses devraient être différentes de ce qu’elles sont.

La culpabilité, c’est le sentiment que nous n’aurions pas dû dire ce que nous avons dit ou que nous aurions dû dire quelque chose que nous n’avons pas dit, que nous devrions être meilleurs que nous ne le sommes.

Au contraire, comprendre dhammata, c’est voir que les choses sont telles qu’elles sont suite à certaines causes et conditions.

Quand on comprend cela, on est en mesure de voir que, en cet instant, les choses ne pourraient pas être autres que telles qu’elles sont.

En réponse à la question : « Comment quelqu’un peut-il se comporter de manière aussi cruelle, brutale ou grossière ? », on voit que c’est dû à toutes les causes et les conditions qui peuvent remonter à l’enfance ou à une vie antérieure. Elles peuvent aussi être liées à une maladie ou à un état mental particulier qui engendre, chez la personne, ce type de comportement très déplaisant.

Nous réalisons que, étant donné la façon dont ont été conditionnés les khanda (= les cinq « agrégats » qui constituent une personne : la forme physique, les sensations, les perceptions, les formations mentales et la conscience sensorielle) qui constituent cette personne, c’était en réalité la manifestation parfaite à ce moment-là.


Nous entraîner à voir les choses en termes de causes et de conditions, en tant que seule ou parfaite manifestation des causes et des conditions existant à un moment donné, n’engendre pas la passivité.

On ne va pas se dire : « Les choses sont ainsi et elles seront toujours ainsi … » On va simplement comprendre que les choses sont ainsi du fait de causes et de conditions qui sont présentes à cet instant précis ; mais les causes et les conditions changent. Ce n’est que quand l’esprit a atteint l’équanimité qu’il sera en mesure de répondre aux situations de manière appropriée, de manière créative.

Cela contredit une idée reçue que l’on a en Occident, selon laquelle on ne peut accomplir quelque chose de bien que lorsqu’on est animé par la passion.

De nos jours, on admire ceux qui sont passionnément engagés dans quelque chose ; les gens pensent que le changement positif, l’action, ne peuvent surgir que de la passion. L’absence de passion n’est guère valorisée.

Mais le Bouddha a dit que les actions mues par la passion seront toujours légèrement décalées, jamais parfaitement adéquates ; elles manqueront d’une certaine circonspection et d’une maturité de vision.

En conséquence, la voie qui mène à la résolution et à la paix commence, avant tout, dans la reconnaissance et l’acceptation d’une situation comme étant dhammata. Les choses sont comme elles sont, à cause d’expériences passées, de situations passées, etc., qui culminent aujourd’hui dans cette manifestation particulière.

Avec la reconnaissance et l’acceptation de dhammata, le rejet de ce qui est, l’aversion, et tous les dhamma malsains sont abandonnés. Apparaît alors un état d’esprit détendu et équilibré (..)

On voit que l’équanimité est un passage obligé qui mène ensuite à l’étape active où l’on peut parler ou bien garder le silence, faire ou ne pas faire, selon les circonstances.


La sagesse et la compassion sont inséparables.

Une vérité fondamentale de l’esprit humain, souvent soulignée par le Bouddha est que la sagesse et la compassion sont inséparables.

Dans l’une des comparaisons traditionnelles à ce propos, on parle d’un aigle géant dont les deux ailes sont l’une la sagesse et l’autre la compassion. Le Bouddha a dit que, plus nous voyons clairement la nature de la souffrance, plus nous comprenons clairement que la nature de la souffrance est conditionné par le désir né de l’ignorance. Nous voyons combien l’Octuple Sentier est efficace pour alléger cette souffrance et nous commençons à voir la cessation.

Au fur et à mesure que notre compréhension des Quatre Nobles Vérités s’approfondit, nous nous ressentons plus de compassion envers les autres comme envers nous-mêmes — plus exactement, envers tous les êtres vivants.
Nous pouvons donc dire, en quelque sorte, que, pour vérifier le degré de sagesse que nous avons développé grâce à notre pratique, nous devons observer notre degré de compassion et, pour vérifier la compassion de notre coeur ; nous avons la faculté de sagesse. Sachant qu’il ne faut pas confondre véritable compassion et pitié ou sentimentalité

Quand la sagesse est réelle, la compassion est réelle et quand la compassion est authentique, la sagesse est présente.

si la compassion manque de sagesse, elle peut faire plus de mal que de bien.

Un vieux proverbe anglais dit : « La route de l’enfer est pavées de bonnes intentions. » Parfois les gens essaient de faire du bien ou d’aider sans être conscients de leur propre état d’esprit ni de leurs motivations et sans comprendre les gens qu’ils veulent aider. Ils n’ont aucune sensibilité au moment et au lieu, pas plus qu’à leurs propres capacités, de sorte qu’ils n’obtiennent pas les résultats escomptés. Il arrive alors qu’ils soient fâchés, déçus ou blessés et, si on ose exprimer une critique, ils sont encore plus offensés. Ils peuvent se dire que leur action était nécessairement juste puisqu’elle été basée sur une bonne intention, que l’intention de leur coeur était pure.

Mais la pureté d’intention ne suffit pas ; encore faut-il qu’elle soit fondée sur la sagesse, c’est-à-dire sur une compréhension de la souffrance, de son origine et de la façon dont elle est soulagée. Elle doit être fondée sur une véritable compréhension de la souffrance.

Donc, plus nous nous observons dans la pratique, plus nous voyons la souffrance dans ces myriades de formes, de la plus grossière à la plus subtile, ainsi que la toute- présence de tanha (le désir) à chaque fois que nous souffrons.

Nous commençons à voir que la souffrance est inutile et une profonde compassion s’éveille pour nous et pour les autres.

En réalité, la distinction entre soi et les autres devient beaucoup moins nette ; il lui arrive même de disparaître presque complètement tandis que l’esprit se raffermit et se renforce, lumineux et puissant, grâce à la pratique.

En même temps, paradoxalement, il devient extrêmement sensible à la souffrance ; nous trouvons la souffrance intolérable et cette incapacité à supporter la souffrance est le signe d’un esprit plein de compassion.

A travers l’entraînement en trois points (sila, samādhi et pañña =moralité, attention ou concentration et sagesse) nous libérons progressivement l’esprit, en lui donnant une véritable indépendance, une intégrité.

Nous augmentons sa sagesse et sa compréhension de ce qui est, tandis qu’un sentiment de compassion s’éveille pour tous les êtres vivants, y compris nous-mêmes.

Ainsi, quand nous méditons, nous pouvons essayer de considérer notre pratique comme un défi. Quand un problème particulier se présente, c’est notre défi, c’est notre pratique et non quelque chose qui nous en éloigne.

Il arrive que nous apprenions beaucoup de ces défis particuliers, dans la mesure où une forme particulière d’habitude ou de déséquilibre peut devenir claire dans notre méditation.


Quand nous voyons se reproduire toujours le même schéma, nous réalisons qu’il y a de fortes chances pour que celui-ci ne soit pas limité à notre pratique méditative et qu’il est probablement symptomatique de toute la façon dont nous considérons la vie en général.

C’est comme si, en méditation, nous regardons à la loupe les germes des choses qui nous font souffrir. Il y a donc beaucoup à apprendre de ce qui nous empêche de réaliser samadhi. Nous commençons à considérer tout ce qui se produit, qu’il s’agisse d’obstacles ou de facteurs d’Eveil, comme dhammata : ce sont tous les phénomènes conditionnés ; ils sont ainsi à cause de circonstances bien précises.

En réalisant cela, nous pouvons véritablement entrer dans le flot de la causalité et agir sur lui positivement. En se limitant à voir dhammata en toute chose, on élimine la réaction émotionnelle instinctive d’attirance ou de répulsion et on arrive à un état d’équanimité.

Ensuite à partir de l’équanimité, cet état neutre, l’esprit peut embrayer dans le mode actif le plus approprié pour faire face à ce phénomène.

S’il s’agit d’un phénomène malsain, nous faisons l’effort de l’abandonner ; et s’il s’agit d’un phénomène bénéfique, nous pouvons, en toute conscience, l’encourager et le développer.

Plus nous regardons de près, mieux nous comprenons et plus il y a de compassion dans notre coeur. Ainsi quand on pratique le développement de la sagesse, ce n’est pas un développement asymétrique, c’est l’ensemble de l’être qui est engagé, car sagesse et compassion sont les deux ailes de l'oiseau.


samedi 26 janvier 2008

lokavidū; "celui qui connaît le monde"






Un enseignement de Ajahn Sumedho, donné au Centre de Méditation de Beatenberg - Suisse- Juin 2001- Traduit par Jeanne Schut

Rappel : sa Biographie : ICI




Les mots ont le pouvoir de nous toucher de différentes façons.

Il nous arrive souvent de nous sentir heureux ou abattus selon ce que les gens disent de nous. Que l’on chante nos louanges, et nous voilà heureux, que l’on nous critique et nous voilà furieux
ou déprimés. Les mots, l’intonation de la voix, toute la sphère sensorielle dans laquelle nous baignons a cet effet sur nous.

Le fait d’être né dans un corps humain en tant qu’entité consciente dans cet univers est une expérience sensorielle permanente. Cette sensibilité est parfois très pénible parce qu’il arrive que nous ne la comprenions pas, donc nous l’interprétons mal et, bien sûr, elle fait peur.

Nous passons énormément de temps à nous désensibiliser ou à créer autour de nous un monde de sécurité illusoire qui nous donne l’impression d’être à l’abri.

La société fait de son mieux pour isoler les étrangers, les gens bizarres, les fous, les lépreux et autres inadaptés, de façon à créer l’illusion que tout va bien.

Dans le Dhamma, par contre, nous n’essayons pas de nous illusionner sur nous-mêmes ou sur le monde dans lequel nous vivons mais de connaître vraiment le monde tel qu’il est.


L’un des qualificatifs utilisés pour décrire le Bouddha est lokavidū, « celui qui connaît le monde ».

Dans ce contexte, il ne s’agit pas d’un monde qu’un dieu aurait créé il y a quelques milliards d’années comme on le conçoit généralement, mais du monde que nous créons nous-mêmes.

En effet, quand on considère l’immédiateté de l’instant, il devient évident que c’est nous qui créons le monde dans lequel nous vivons.

Je vous propose cela comme sujet de réflexion, pas comme un dogme qu’il vous faudrait adopter mais comme une autre façon de considérer et de comprendre ce que vous faites dans le présent. Je dis que, en cet instant, vous vous créez vous-même ainsi que le monde dont vous faites l’expérience, à travers vos peurs, vos désirs et vos habitudes.

Pour transcender cela nous avons l’Attention, la présence consciente. Pas pour créer un monde meilleur ou pour nous mettre d’accord sur le monde que nous allons créer — ce qui est d’ailleurs impossible — ou pour nous débarrasser du monde et le réduire à néant, mais pour connaître le monde.

Loka signifie monde et vidū celui qui connaît, celui qui voit — Celui qui Voit le Monde.


Le monde dont je parle n’est rien d’autre que ce que vous croyez être

Vos peurs, vos désirs, vos habitudes, vos idées et vos opinions. C’est cela, le monde que vous créez. (...)
Quand on regarde les choses sous cet angle, on voit qu’il n’y a ni "Angleterre" ni "Suisse" ni rien de ce genre. Les choses sont ce qu’elles sont et c’est tout. Mais l’être humain crée ces idées autour des choses. Ensuite nous en venons à désigner une région en lui donnant un nom et puis nous y croyons comme à une réalité. Mais quand nous examinons tout cela, nous constatons qu’il n’y a là rien de réel.


Les conditionnements culturels.

C’est la même chose pour ce qui nous concerne. Quand nous grandissons, nous sommes conditionnés par nos parents, notre culture. Nous avons une idée de qui nous sommes et de ce que nous devrions être. Les images ou les attentes que les parents ont pour leurs garçons ou leurs filles, tout cela est projeté sur nous dès la naissance. Le sentiment d’être suisse ou américain est quelque chose que nous acquérons. Nous acquérons aussi l’idée de comment les garçons ou les filles devraient se comporter, comment les choses devraient être. Tout cela nous est inculqué tout de suite après la naissance.
Quand nous prenons vie dans un corps humain, il y a rupa, le corps, et nama, l’esprit. C’est naturel, c’est le Dhamma, l’aspect naturel des choses ; ce n’est pas culturel, ce n’est pas quelque chose qui a été ajouté par la société — et nous en prenons conscience : c’est ainsi. En grandissant nous nous approprions une image de nous mêmes avec le nom, l’identification à une famille, une classe sociale, une race, un groupe ethnique ou une tribu … Tout cela nous vient après la naissance. Ce sont des conditionnements culturels. De même, ce que nous pensons de nous-mêmes — que nous méritons ou pas d’être aimés, que nous sommes intelligents ou stupides — tout cela est acquis, ce n’est pas « naturel », pas Dhamma.


Toutes ces choses-là ne sont que des fabrications mentales

Si nous ne le voyons pas, si nous ne remettons pas ces choses-là en question, nous aurons tendance à fonctionner à partir de ces fabrications mentales, parfois durant toute notre vie.

Ce que nous faisons, en méditation, ce n’est pas essayer de nous débarrasser de nos idées pour en adopter d’autres — des idées bouddhistes, par exemple. Il ne s’agit pas de vous débarrasser de votre perception suisse ou de votre perception chrétienne des choses, il ne s’agit pas de substituer un type de perception par un autre, mais de transcender votre capacité de perception et de prendre du recul par rapport à elle pour cesser de fonctionner à partir de ces préjugés ou de ces habitudes acquises.

Il y a des gens qui ont une vie très dure dès la naissance, qui viennent au monde dans des circonstances très difficiles. Nous avons tous des problèmes différents dans la vie, que ce soit la pauvreté, une forme de handicap, les conditions économiques et politiques du pays où nous naissons …. et cela agit sur nous de telle sorte que, si nous ne nous éveillons pas à la véritable nature des choses, nous pouvons nous retrouver plus ou moins programmés par certaines perceptions et habitudes et réagir toute notre vie en fonction de cela .

Pourtant je suis sûr qu’en chacun de nous il y a le sentiment que quelque chose d’autre existe derrière cette programmation, une espèce d’intuition que la vie n’est pas simplement être bien programmé, avoir les bonnes pensées, appartenir au bon groupe — ou même essayer de perfectionner le monde et d’y intégrer nos idéaux.

J’ai grandi aux Etats-Unis, pays de culture très idéaliste. Nous sommes élevés avec des idées très arrêtées sur comment les choses devraient être. Nous avons un fort sentiment de liberté par exemple, de liberté personnelle, d’individualité, d’égalité des droits. Ce sont là des valeurs et des idéaux américains très puissants qui nous sont distillés à travers notre éducation, les opinions de nos parents, etc.



Contemplons la nature d’un idéal.

Avoir un idéal, c’est créer quelque chose à son plus haut niveau : nous imaginons la façon dont les choses devraient être si tout était parfait, à leur point culminant, là où tout est absolument juste, honnête, beau, vrai, absolument parfait. Prenons l’exemple de la liberté. L’idéal de la liberté pour un Américain revient à dire : « Etre libre est mon droit », d’où il découle : « Je peux faire ce que je veux et quiconque essaie de m’en empêcher, de m’arrêter ou de me limiter va à l’encontre de mon droit à la liberté. » A partir de là, il se peut que l’on se sente terriblement frustré, menacé ou furieux contre toutes les influences, les forces, qui empêcheront d’être libre, autrement dit de vivre son idéal.

Ou bien prenons l’exemple de l’égalité : tout le monde est pareil, nous sommes tous égaux — riche ou pauvre, homme ou femme, blanc ou noir — selon l’idéal, nous sommes tous égaux. C’est l’idéal de l’égalitarisme mais ce n’est pas la réalité. Au quotidien, dans la vraie vie, les Américains sont loin d’être égalitaires ...


Dans la méditation, nous observons les choses telles qu’elles sont, non telles qu’elles devraient être selon un idéal

Donc il y a l’idéal et puis la réalité de l’instant qui n’a rien d’idéal. Or, dans la méditation, nous observons les choses telles qu’elles sont, non telles qu’elles devraient être selon un idéal.

Les idéaux sont bien, ils sont beaux, ils sont parfaits. On peut imaginer un idéal qui soit parfait, sans faille, supérieur à tout … mais cela restera une idée, un idéal. C’est statique, sans vie, sans la souplesse, le mouvement, le changement dont nous faisons l’expérience dans la vie. On peut le figer, dire que la vie devrait se conformer à cette image parfaite — mais que se passe-t-il ensuite ? Nous devenons très critiques. Nous nous observons et nous constatons immédiatement : « Je ne suis pas une personne idéale. Il y a des tas de choses que je ne devrais pas penser ou ressentir. » Et puis nous regardons autour de nous et ne trouvons rien ni personne qui soit idéal, aucune société, aucun système politique ... Ah, si ! La démocratie !

Voilà ! C’est le système que l’on devrait appliquer partout ! Mais quand on regarde les démocraties de près, il est évident qu’elles sont loin de l’idéal que nous avons de la démocratie, n’est-ce pas ? Il y tellement de choses à redire, tellement d’inégalités, tellement de situations qui ne sont pas démocratiques — et qui devraient l’être !
Alors viennent l’indignation, la colère et la frustration contre le pays en question.

C’est la même chose pour nous. Ne sommes-nous pas souvent très critiques envers nous-mêmes parce que nous ne sommes jamais aussi bons que nous pensons devoir l’être ? Nous n’avons jamais assez de sagesse, de compassion, de gentillesse, de bienveillance, comparé à ce que nous devrions avoir si nous étions aussi parfaits que notre idéal.

Il est très important de réfléchir aux idéaux. Un idéal a une raison d’être. C’est une sorte d’étoile qui nous guide ; elle est très haute, parfaite et nous montre une direction.

C’est comme le Bouddhisme, ou le Bouddha en tant qu’idéal : le Bouddha est l’Eveillé, le Parfaitement Eveillé, Celui qui est toute compassion, etc. C’est un idéal, une haute et belle étoile qui nous donne une direction à suivre. Mais si on compare la vie quotidienne que l’on mène à un idéal, on aura toujours l’impression de ne pas pouvoir y arriver, ne jamais être assez bon, assez valeureux parce que les réalités de la vie ne permettent pas de connaître cette apothéose avant la mort.

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Etre humain, c’est avoir un corps, des yeux, des oreilles, un nez, une langue. Un corps toujours plus ou moins irrité, d’une façon ou d’une autre, du fait de nos sens et de notre sensibilité à la chaleur, au froid, au plaisir, à la douleur, aux contacts qui s’imposent à nous par la vue, les sons, les odeurs, les goûts, le toucher ; et puis par notre mental avec ses pensées et cette mémoire qui retient tout, qui fait que nous nous souvenons des bons moments comme des mauvais.

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Dans la méditation de l’ici et maintenant, certaines choses vont faire surface et remonter à la conscience

et c’est une bonne chose, ce n’est pas le signe d’une mauvaise méditation. Si des émotions désagréables ou des états d’esprit négatifs remontent au niveau du conscient, c’est parce que vous vous ouvrez véritablement. A ce moment-là, des souvenirs, des pensées, des émotions qui vous aviez refoulés ou niés resurgissent. C’est en leur permettant d’être pleinement conscients que vous pourrez les laisser partir, lâcher prise. Dans ce cas, le lâcher prise n’est pas un rejet, un déni ou un refoulement mais la capacité à vous libérer de l’habitude du refoulement et du déni.

C’est dans l’instant présent que nous pouvons accéder à cela. Même si vous comprenez la théorie et que vous en voyez intellectuellement le bien-fondé, c’est dans la dure réalité de l’instant qu’apparaissent la colère et le ressentiment. Voyez ces moments comme des occasions plutôt que comme une mauvaise méditation. C’est l’occasion de voir les choses clairement, telles qu’elles sont : c’est ainsi.

sati sampajañña: la conscience intuitive

(...) on s’ouvre, on accueille simplement, en acceptant les choses telles qu’elles sont, grâce à cette prise de conscience ou sati sampajañña, la conscience intuitive. Alors seulement on peut laisser les choses être ce qu’elles sont. On n’essaie pas de les changer ou de blâmer quelqu’un. Non, c’est ainsi et c’est tout. Ensuite on va observer que tout cela disparaît naturellement. Les choses apparaissent, se maintiennent un moment et puis disparaissent.

« Ce » qui est conscient de cette apparition et de cette disparition, de la présence et de l’absence des phénomènes, c’est Bouddho, la connaissance, la pure subjectivité en laquelle nous commençons à avoir confiance (...)

La personnalité apparaît dans le cadre de la conscience mais la conscience, elle, n’est pas personnelle, c’est une condition naturelle. Tout cet univers dans lequel nous vivons est une expérience de la conscience. Ce n’est pas masculin ou féminin, américain ou suisse, personne ne peut revendiquer la conscience. Bien sûr, on peut croire qu’elle nous appartient mais c’est une illusion que nous créons. Donc il ne s’agit pas d’y croire comme en quelque chose de personnel mais de commencer à reconnaître l’état naturel qui consiste à être conscient avant de devenir « quelqu’un ».

(...) Il faut aussi développer une certaine confiance en notre propre capacité à apprendre de l’instant. Nous avons tendance à préférer croire les Ecritures ou ce que disent les maîtres plutôt que notre propre vécu parce que l’image que nous avons de nous-mêmes est peu sûre.

Notre « personnalité » est si instable, si facilement perturbée par les événements, que nous ne pouvons pas la considérer comme un refuge — et c’est aussi vrai pour la personnalité de quiconque ! Par contre, ce à quoi nous pouvons nous fier, c’est à cette conscience, cette Attention au présent.


Prendre conscience de l’existence physique du corps

A cet instant, vous pouvez simplement prendre conscience de l’existence physique du corps : la posture, la présence de ce corps tel que vous en faites l’expérience — non en fonction de théories sur le corps, mais à partir d’une conscience directe : avoir un corps en position assise, c’est ainsi. Simplement en vous disant cela, vous vous ouvrez à l’expérience de l’assise et le corps apparaît soudain dans la conscience.

Quand vous le reconnaissez, vous pouvez percevoir certaines sensations : tensions, douleurs, picotements, sensations agréables, désagréables ou neutres … Votre Attention s’ouvre aux choses telles qu’elles sont, à la sensibilité de ce corps tel que vous le ressentez dans l’instant.

Et puis il y a la respiration. Développer la méditation sur l’inspiration et l’expiration — c’est l’ici et maintenant …


Observer l’état mental, la qualité du mental dans l’instant présent,

Et puis citta vipassanā : observer l’état mental, la qualité du mental dans l’instant présent, observer l’humeur, l’état émotionnel. Simplement observer. Il ne s’agit pas d’essayer d’y échapper mais de prendre conscience que vous pouvez regarder l’état émotionnel comme un objet. Cette conscience embrasse toute l’émotion que vous ressentez. Au lieu de l’analyser pour en rechercher la cause, vous la voyez comme une qualité énergétique. Cette énergie est là. C’est ainsi.


Et puis il y a le « son du silence ».

L’arrière-plan qui englobe tout, le sans-limites. Quand on médite sur le son du silence, on a un sentiment d’infinitude. Il n’a aucune frontière, il est partout, il pénètre tout, il est incommensurable.

Tout cela vous permet de cesser de vous positionner sur le plan personnel habituel : « Il faut que je pratique, je dois me débarrasser de tous mes défauts, je dois faire plus d’efforts pour aller plus loin et trouver l’Eveil un jour. » Cela, c’est le conditionnement habituel de l’esprit.

Mais quand vous percevez ce calme infini, cet incommensurable, cette immobilité du mental, vous commencez à voir que les idées erronées qui vous font fonctionner habituellement — « Je suis une personne qui doit pratiquer pour pouvoir devenir … » — sont une fabrication mentale, c’est le monde que vous créez à partir de votre vision conditionnée des choses.

Ce qui sait, ce qui perçoit la vérité, n’est pas personnel. Bien sûr, il ne s’agit pas non plus de dire : « Inutile de méditer, il n’y a ni passé ni futur, je suis déjà parfait. » Non, ce que nous faisons, c’est apprendre ce qui est naturel sans le transformer aussitôt en autosatisfaction ou en autocritique.


  • Lire "Le son du silence" d'Ajahn Sumedho : ICI


La tendance des Occidentaux est de s’appesantir sur leurs défauts.

(...)Ajahn Chah nous encourageait souvent à contempler nos propres qualités, même sur le plan personnel, parce que la tendance des Occidentaux est de s’appesantir sur leurs défauts.

Il est vrai que, dans nos cultures, dire quelque chose de bien sur soi, c’est se vanter. Cela ne se fait pas, c’est prétentieux, c’est orgueilleux. On n’est même pas censé avoir la moindre idée positive sur soi, au point que nous croyons qu’être honnête signifie reconnaître tous ses défauts.

(...)dans la tradition bouddhiste ceci est encouragé, non pas pour se vanter ou cultiver une bonne image de soi mais comme une réflexion honnête sur notre véritable nature.

Par exemple, pourquoi venir à une retraite de méditation ? Rester assis sans bouger pendant une semaine, s’engager à respecter les Huit Préceptes, ne pas pouvoir parler, se lever à 5h30 le matin … quand vous pourriez passer du bon temps ailleurs ! Pourquoi ? Parce qu’il y a quelque chose en nous qui aime ce qui est bon et qui a envie de se rapprocher de ce qui est authentique.
Nous sommes prêts à sacrifier confort et plaisir pour en avoir l’occasion. Sinon nous ne viendrions pas dans un endroit comme celui-ci ; il y a tellement d’autres possibilités en cette belle saison, tellement de choses plus drôles à faire !


Le but est de voir que nous ne sommes pas vraiment cela

Reconnaissons donc les bonnes choses qui sont en nous sans pour autant écarter les mauvaises. Le but est de voir que nous ne sommes pas vraiment cela : nous ne sommes ni bons ni mauvais. Ces choses-là apparaissent et cessent selon les circonstances mais notre véritable nature transcende cette dualité, cette perception du bon et du mauvais. Quand nous le voyons, nous entrons dans la sagesse, pañña, et le anattā dhamma.

(...)

Lire d'autres enseignement de Ajahn Sumedho sur ce blog : ICI