vendredi 10 octobre 2008

Une pause

Bonjour

Je tenais à remercier tous les visiteurs de ce blog, ainsi que toutes les personnes qui m'ont écrit ou qui ont laissé un commentaire depuis la création de ce blog, et vous êtes nombreux. C'est d'ailleurs grâce à vos encouragements que j'ai continué d'alimenter ce blog pendant plus d'un an. 

Je suis de retour chez moi mais je pense faire une pause dans la publication des messages de ce blog, ainsi que dans celui sur la Birmanie et prendre du recul. Rien n'est permanent de toute manière. En réalité il s'agit sans doute d'un arrêt des publications, mais dans tous les cas je ne supprimerai pas le blog de manière à ce qu'il puisse servir à d'autres. 
Et puis peut-être n'aviez vous pas trouvé le temps de lire tous les messages de ce blog (il y en a plus de 300) et/ou de consulter la liste de LIENS... 

Je pense, par la suite, faire une retraite de quelques jours ou quelques mois, je ne sais pas encore, mais ce sera une retraite non formelle, dans un endroit calme, propice à la méditation et à la pratique en général. Il ne s'agit en aucune manière d'un "renoncement" définitif (je n'ai pas l'intention de devenir none...) mais d'une simple pause, afin de revenir dans la "vie trop active" mieux armée, plus sereine et plus en paix. 

Que vous puissiez avoir l'énergie nécessaire pour continuer d'avancer sur le chemin en toutes circonstances.

Avec toute ma bienveillance.

Kathy


vendredi 3 octobre 2008

Chers Lecteurs(trices) et ami(e)s




Que vous puissiez être libre de toute souffrance tant physique que morale.





dimanche 28 septembre 2008

Transcender la douleur

J'ai déjà abordé dans de nombreux messages la douleur physique et les différentes manière de la percevoir et de la "recevoir", que ce soit durant une retraite, durant une séance de méditation ou durant la vie de tous les jours, en toutes circonstances. La douleur physique fait partie de notre vie et nous devons apprendre à lâcher prise. Plus facile à dire qu'à faire.

Il s'avère que je connais très bien la douleur physique puisque durant des années, j'ai souffert de douleurs chroniques très fortes liées à mes différentes hernies discales, tant lombaire que cervicale. Depuis 2 ans environ, je ne souffre presque plus et surtout je ne prend plus de médicaments antalgiques.
Si il m'arrive encore de temps en temps (mais de moins en moins) de ressentir des douleurs, au lieu de me jeter sur une boite de comprimés, je ferme les yeux et je médite. 
J'observe alors l'aversion que j'éprouve encore à l'encontre de la douleur, mais de plus en plus j'en suis consciente, je veux dire par là que je commence à être moins ignorante et grâce à cette "connaissance", à cette "attention", je peux commencer à voir les choses comme elles sont.

Je ne pourrais pas vous dire si c'est la douleur physique qui a diminué considérablement où si c'est le fait d'avoir une approche différente de la douleur qui a changé ma vie. Sans doute un peu des deux. 

Une nouvelle épreuve m'a permis récemment de pratiquer davantage et en toutes circonstances. Je n'ai pas écris "Hélas une nouvelle épreuve.. " car je suis persuadée que c'est une opportunité pour progresser sur le chemin.  
J'accepte dorénavant tout ce qui arrive dans ma vie comme une opportunité.

Trop souvent nous éprouvons de l'aversion à l'encontre de la douleur et nous souhaitons qu'une seule chose : que la douleur s'en aille et qu'elle ne revienne jamais.
Lâcher prise revient au contraire à penser sincèrement : peu importe qu'elle reste ou qu'elle parte. Lâcher prise c'est en quelque sorte apprendre à vivre dans l'équanimité.

A la douleur physique vient alors s'ajouter la souffrance mentale qui amplifie la douleur.

Avant de savoir lâcher prise, il y a une situation intermédiaire si je puis dire, qui consiste à être au moins conscient de cette aversion et à l'observer. C'est grâce à l'attention que nous apportons à tout ce qui se passe dans notre corps et dans notre esprit que nous arriverons, un jour, à lâcher prise, à vivre dans l'équanimité.

Rare sont les personnes qui n'éprouvent pas d'aversion à l'encontre de la douleur, rare sont les personnes éveillées....


Pour rappel, d'autres messages de ce blog parlant de la douleur :
Ci après, vous trouverez des extraits d'un enseignement d'Ajahn Brahmavamso sur la douleur-Enseignement Traduit par Luc Guillard
Il s'agit d'un Discours donné le 2 juin 2006 à la « Buddhist Society of Western Australia » dont le Titre original est Dealing With Pain.

Le Vénérable Ajahn Brahmavamso est né à Londres, sous le nom de Peter Betts, en 1951. Issu des classes laborieuses, il a étudié la physique à l’université de Cambridge. Après avoir obtenu ses diplômes et enseigné pendant un an, il est partit en Thaïlande où il a prononcé ses vœux monastiques. Il est resté pendant 9 ans moine auprès du célèbre Ajahn Chah dans un monastère retiré de la jungle. En 1983, il a créé, avec d’autres moines, le Bodhinyana Monastery sur un petit terrain dans la banlieue de Perth en Australie. Il en est devenu l’abbé depuis 1994. Il consacre beaucoup de temps aux malades et aux personnes en fin de vie mais aussi en tant que visiteur spirituel aux prisonniers et, tout simplement, aux moines et aux laïques du monastère Bodhinyana. ( Bouddhist Society of Western Australia)



Quelle est l’attitude bouddhiste face à la douleur physique et face aux expériences douloureuses de la vie ?

Je suis rentré hier de Singapour avec une intoxication alimentaire. J’ai été très malade la nuit dernière et, en ce moment-même, j’ai encore beaucoup d’acidité dans l’estomac. Quelqu’un m’a demandé, il y a quelque temps : « Quelle est l’attitude bouddhiste face à la douleur physique et face aux expériences douloureuses de la vie ? »

Je crois que ce sera un excellent sujet pour ce soir. Il n’y a rien de négatif à parler de la douleur car, qui que nous soyons et quel que soit notre mode de vie, même si nous pensons être en bonne santé, il y a forcément des moments où nous tombons malades et où nous faisons l’expérience de la douleur ou de situations douloureuses.

Un jour quelqu’un m’a dit : « Vous êtes moine, vous méditez, vous avez un mode de vie très éthique, donc vous ne devriez pas tomber malade. » Comme si un moine ne pouvait ni être malade ni mourir ! Il n’y a rien d’anormal à être malade de temps en temps, pour un moine comme pour tout le monde. Par contre, ce qu’il y a de merveilleux quand on est moine, c’est que l’on a toute une panoplie de techniques à sa disposition pour gérer la douleur physique et les difficultés de la vie.

Ainsi la douleur ne nous rend pas négatifs ou dépressifs ; elle est, au contraire, l’occasion d’apprendre à la dépasser, à la transcender, à se situer au-delà d’elle — de sorte que nous pouvons être en pleine forme même si nous avons reçu un coup dans l’estomac !

Que dit le Bouddha à propos de la douleur ? Il souligne qu’il y a deux aspects à notre malaise — et c’est, à mon avis, l’une des clefs de son enseignement pour comprendre ce qu’est la douleur et s’en libérer.
Le Bouddha dit que la douleur a deux aspects : l’un qui est physique et auquel on ne peut pas grand-chose ; et l’autre qui est mental et sur lequel on peut agir. Or c’est l’aspect mental qui est le plus important.

En fait, l’attitude de l’esprit vis-à-vis de la douleur physique est parfois si puissante qu’elle peut faire s’évaporer complètement la douleur. Je pense que vous connaissez tous ces histoires de sportifs qui se cassent une jambe ou un bras mais qui continuent à jouer, ne réalisant qu’après un certain temps qu’ils se sont blessés. J’ai pu moi-même faire l’expérience, maintes fois dans ma vie, de la puissance de l’esprit et constater comment la douleur physique est considérablement influencée par notre attitude. (...)

changer d’attitude peut nous guérir. C’est la partie mentale de la douleur qui est la plus importante.

Que font les gens qui ont mal quelque part? Ils dirigent leur esprit vers cet endroit et se crispent dessus. Je pense que tous les médecins savent que nous réagissons exagérément à la douleur. Bien sûr, il y a une cause interne, mais le fait de tendre tous nos muscles autour de cette douleur amplifie le traumatisme.

La plupart du temps, il nous suffit de nous ouvrir et de nous détendre pour que la douleur physique diminue de manière significative. On comprend alors que, plus on combat la douleur, plus on lui envoie de la négativité. Plus vous lui dites : « Va-t-en ! Tu n’as rien à faire ici », plus elle devient aiguë et se transforme en une énergie dure et insoutenable.

En tant que moine bouddhiste, j’ai appris à aller dans la direction opposée à la tendance habituelle. Quand on a mal, la tendance habituelle consiste à essayer d’échapper à la douleur. (...) Quel que soit le problème, on a cette tendance automatique qui, très souvent, fait empirer la situation.

Dans ma vie, au lieu de chercher à m’éloigner de cette douleur, de cet inconfort lié aux difficultés physiques ou mentales, j’ai appris à aller dans la direction opposée. Si l’esprit va simplement à la rencontre de la douleur au lieu de s’en éloigner aussitôt, il va se familiariser avec cette sensation plutôt que s’y opposer, il lui donne de l’amitié plutôt que de la haine.

Voilà un principe général pour toute votre vie : faire la paix et non la guerre. Etre pacifiste, non seulement vis-à-vis de la guerre dans le monde mais aussi de la guerre que vous menez, dans votre vie, contre la réalité ; cette guerre que vous menez contre la douleur, la maladie et quelquefois aussi contre des problèmes d’ordre mental ou social. Nous faisons la guerre à tout cela : « Les choses n’auraient pas dû se passer ainsi … Cela ne va pas arriver, je vais le résoudre … Va-t-en douleur ! Va-t-en, maladie ! Va-t-en, stress ! »

C’est cette négativité qui nourrit la douleur et la renforce. Mais il y a une autre voie : « Sois la bienvenue, douleur ! Merci d’être là. Je peux être ton ami. Je vais t’apprécier comme ma meilleure amie, douleur. »

J’ai appris cette façon de faire du temps où j’étais jeune moine en Thaïlande. La vie auprès de mon maître, Ajahn Chah, était dure. Il n’aurait pas toléré de moines douillets ! Nous vivions dans un monastère de la jungle, au nord de la Thaïlande, où le climat est très chaud et humide. Et la pire des choses était les moustiques — des centaines de moustiques ! 

Le soir, pendant la méditation assise, sous les arbres, juste après le coucher du soleil, c’était comme si un écriteau pour moustiques annonçait soudain : « Restaurant ouvert ». Nos têtes rasées étaient des pistes d’atterrissage de choix pour les moustiques ! Et puis, ils semblaient savoir que nous étions non violents et que n’allions pas les écraser comme l’auraient fait d’autres gens ! J’étais l’un des premiers moines occidentaux dans ce monastère et les moustiques se régalaient de cette nourriture venue de l’ouest. (Rires) Je suis sûr qu’ils disaient à tous leurs copains moustiques : « Eh ! Venez dans cette forêt ! Il y a de la nourriture occidentale ! » (Rires)

Ils étaient terribles. Un jour je les ai comptés sur mon bras : ils étaient plus de cinquante — et je n’exagère pas ! Un seul moustique provoque une certaine irritation, alors imaginez cinquante ou soixante moustiques en même temps ! Pas de protection, pas de moustiquaire, pas de pommade calmante … Les moines thaïlandais n’étaient pratiquement pas piqués, tandis que nous, les moines occidentaux, nous l’étions tout le temps. 

Alors, un jour, nous sommes allés voir Ajahn Chah et nous lui avons demandé de changer l’heure de la méditation pour éviter les moustiques. Pour toute réponse, il nous a rappelé la signification du terme « ajahn » — mot qui signifie professeur ou enseignant. « A partir de maintenant, a-t-il dit, vous avez un nouveau professeur. Votre enseignant ne sera plus Ajahn Chah mais Ajahn Moustique. » Quelle brillante leçon cela a été pour nous ! Et nous avons dû apprendre d’Ajahn Moustique …

On apprend beaucoup plus à partir d’expériences telles que celle-ci que dans les livres, à l’université ou en venant écouter des discours. On apprend de la vraie vie comment gérer les difficultés et les douleurs. On comprend que, plus on s’inquiète, plus on se crispe et plus le problème s’aggrave. Quand on se détend vraiment et qu’on lâche prise, tous les problèmes disparaissent.

Ce que je pris alors l’habitude de faire — et qui m’a vraiment appris à méditer correctement — c’est de me concentrer réellement sur ma respiration. Quand on se concentre, on ne peut plus s’inquiéter ou penser à autre chose ; par contre, dès que l’esprit perd sa concentration, on retrouve tout de suite ses douleurs et ses maux de tête. 

Après quelque temps, j’ai appris comment entrer dans cette méditation profonde où on ne sent plus son corps mais où on ressent une grande paix, et une chose étrange est survenue : quand je sortais de ces états, de ces méditations, les moustiques avaient dû s’endormir car il n’y avait aucune piqûre sur mes bras. Au début, j’ai cru que la méditation avait le pouvoir de guérir le corps mais, quelques années plus tard, j’ai compris que les moustiques sont attirés par l’oxyde de carbone qui sort de nos pores. Plus notre métabolisme est actif, plus les moustiques détectent notre présence. Autrement dit, plus nous nous inquiétons, nous nous crispons et nous nous énervons à cause des moustiques qui nous piquent, plus nous leur disons : « Venez par ici ! Je suis là ! » Par contre, plus nous nous détendons et nous lâchons prise, plus notre métabolisme se ralentit et moins les moustiques détectent notre présence.

J’ai calmé mon métabolisme en me relaxant, en faisant la paix, en ne m’inquiétant de rien, en étant simplement très attentif à ma respiration … et je suis devenu invisible pour les moustiques ! C’est parce qu’ils ne me voyaient pas qu’ils ne me piquaient plus. Ce fut une grande leçon. Ils m’ont appris à méditer et ce fut également l’occasion pour moi de découvrir tous les bienfaits de la relaxation dans des circonstances irritantes et douloureuses. 

Dès que l’on se relaxe, toutes les tensions se dissipent. Parfois, quand on a mal quelque part, on se crispe autour de ce point et, au lieu de visualiser cette douleur et de lui donner de l’espace, on essaie de s’en débarrasser. Or procéder ainsi, c’est créer de l’énergie négative. Mieux vaut, au contraire, diffuser cette douleur dans le corps entier et aller en sens inverse de la pratique habituelle qui consiste à chercher à s’en débarrasser.

Pourquoi vais-je diffuser la douleur de mon estomac, par exemple, dans tout mon corps, mes bras, mes jambes et même ma tête ? Parce que, quand on crée une expansion, on libère les tensions ; la douleur se répand sur une zone plus grande mais elle est plus diffuse, moins dure. Quand on crée cette expansion, au début on la ressent comme un cube de glace puis comme un nuage dans le ciel, lequel devient de plus en plus léger et finit par remplir tout l’univers ; ensuite, il devient si subtil qu’il finit par disparaître.
 J’ai trouvé là une manière très efficace de surmonter la douleur, parce qu’elle ne va pas à contre-courant des choses mais dans leur sens.

Quand vous êtes concentré sur votre respiration, la douleur est perçue comme étant à l’extérieur. (...)

Ce que je vous dis là est de la psychologie et c’est la vérité. Si vous comprenez cela, vous pouvez comprendre une seconde manière de dépasser la douleur : porter son attention sur un autre objet et mettre cet objet d’attention au centre de votre conscience. Pour moi qui pratique la méditation depuis longtemps, c’est la respiration que je place au centre de mon attention … et la douleur se retrouve à l’extérieur ! Bien sûr elle est toujours présente, mais elle est à l’extérieur. Et puis vous maintenez votre attention, encore et encore, le plus longtemps possible, et à un certain moment — vous ne savez pas quand c’est arrivé mais vous savez que c’est arrivé — la sensation de douleur a disparu. (...)

Il y a des fois où la douleur est tellement présente qu’il semble impossible de s’en extraire — nous en avons tous fait l’expérience un jour ou l’autre. Dans ce cas, on n’essaie pas d’être avec la douleur mais de s’en évader. Je ne parle pas d’un rhume ou de petites douleurs d’estomac mais de douleurs chroniques, par exemple, qui ne disparaissent pas facilement, qui sont là continuellement heure après heure, après heure et que la médecine est parfois impuissante à soulager. 

Alors, si vous avez compris mes explications sur les deux aspects de la douleur, que se passe-t-il ? Nous avons vu qu’il y a la douleur mentale et la douleur physique. La douleur mentale est celle qui dit : « J’en ai assez de souffrir ! Va-t-en ! Pourquoi dois-je passer par cette épreuve ? » — comportement qui ne fait qu’empirer et accroître la douleur. Si, réellement, vous lâchez prise et abandonnez cette résistance mentale, il devient incroyablement plus facile de traiter la douleur physique. 

De ces deux formes de souffrance, la réaction mentale à la douleur représente quatre-vingt-dix pour cent du problème et la douleur physique seulement dix pour cent.

Donc si nous pouvons apprendre à faire face à la souffrance mentale, nous allons énormément progresser vers la paix et même apprécier la vie au lieu la passer dans la résistance et le stress. Nous devons nous dire : « Que fais-je de ma douleur ? Quelle est ma réaction ? Quelle est mon attitude envers cette sensation physique ? »

Souvent nous nous disons : « Je ne devrais pas avoir mal, cela ne devrait pas m’arriver » et nous nous sentons coupables. C’est pourquoi j’ai pris l’habitude de faire un petit test. Je demande à une assemblée : « Combien de personnes ici n’ont jamais étés malades ? Levez la main ! » Bien entendu, personne ne lève la main. Nous avons tous été malades de temps en temps et c’est normal — même si notre société moderne n’accepte plus la maladie et nous fait croire qu’il est anormal d’être malade, ce qui montre bien notre attitude mentale envers la douleur, la maladie et la difficulté : dès le départ, nous les jugeons mauvaises, et c’est là notre erreur.

Les gens qui ont le cancer se sentent coupables, ils ont l’impression d’avoir commis une faute. Comment se fait-il que nous nous sentions coupables des douleurs et des maladies que nous rencontrons dans la vie ? C’est une souffrance mentale qui vient s’ajouter à ce qui arrive tout naturellement. Vous pouvez toujours manger du riz complet, méditer régulièrement, faire de l’exercice ou ne manger que des légumes, mais vous n’échapperez peut-être pas au cancer et certainement pas à la mort !

(...) Quand vous avez un comportement négatif vis-à-vis de la douleur, vous ne faites que l’empirer. Dites-vous qu’il est normal d’être malade, qu’il est normal d’avoir le cancer, qu’il est normal que les gens meurent, qu’il est normal d’avoir des douleurs de temps en temps. Ne pensez pas que c’est anormal, ne pensez pas que c’est une erreur, ne pensez pas que c’est mal.

 Acceptez mentalement cet aspect de la vie et vous pourrez lui faire face et apprendre à le gérer. Remarquez que, quand vous fuyez, vous êtes dans la direction opposée au danger : vous ne pouvez donc même pas voir ce qui vous fait fuir ! Quand vous faites face au problème, vous pouvez le voir et, en le voyant, vous découvrez des choses incroyables, notamment, comment réussir à le gérer, le dépasser, le transcender et être libre.

L’une des manières de gérer les problèmes consiste à utiliser la base même de la méditation : la conscience du moment présent. Quand vous faites face à la douleur, vous voyez les problèmes et vous constatez aussitôt combien la peur du mental concerne le futur : 
« Je ne peux pas rester ainsi plus longtemps. » Vous êtes là, maintenant, dans ce moment présent, mais ce qui rend la douleur insupportable, c’est la pensée quelle va continuer de minute en minute, d’heure en heure et de jour en jour. C’est ce mouvement du mental vers le futur qui rend la douleur insupportable

Parfois c’est aussi le souvenir de douleurs passées qui fait craindre que cela va recommencer. Toutes les fois où vous évaluez ce moment présent en fonction du passé ou en anticipant le futur, c’est la part mentale de la douleur que vous renforcez et qui rend la situation très difficile à supporter. Mais nous pouvons, au contraire, apprendre à rester dans le moment présent avec la douleur physique de l’instant.

Je vous ai déjà raconté une histoire classique à ce sujet, celle d’un moine de notre monastère qui avait de très mauvaises dents. Je ne sais pas quel était son problème mais il en avait assez d’aller voir le dentiste et, un jour, il s’est arraché lui-même une dent. Nous lui avons demandé : « Comment as-tu pu faire cela ? » Il a répondu : « Une fois que j’ai décidé de le faire moi-même, cela n’a pas été très difficile. J’ai eu mal pendant deux secondes et c’était fini ! »
C’est la pensée de se faire arracher une dent qui fait peur : en marchant dans la rue pour aller chez le dentiste on a déjà mal, on grimace rien qu’en y pensant. Là, on est confronté à la douleur mentale puisqu’on ne ressent encore rien. C’est l’occasion de vraiment comprendre que la part mentale est la plus importante : deux secondes de douleur c’est beaucoup mieux qu’une ou deux heures d’angoisse avant le rendez-vous chez le dentiste, non ?

Ce qu’il y a d’intéressant avec la douleur physique, c’est qu’on ne sait pas ce qui va se produire le moment suivant. Beaucoup de gens, notamment dans les retraites de méditation, ont des expériences étonnantes où de grosses douleurs disparaissent soudainement. (...)

  Il y a des moments dans la vie où on est désespéré, où la douleur est insupportable. Il n’y a rien à faire et pourtant on se dit que l’on ne pourra pas supporter cela plus longtemps. Ces moments sont très importants dans la vie, ils sont la clé qui permet de nous éveiller spirituellement. (...)

 Quelquefois, dans la vie, on se bat contre un mur, contre la douleur, et la seule chose à faire est de laisser tomber, de lâcher prise. (...)
Quand on lâche vraiment prise, cela fonctionne immédiatement. Une minute vous souffrez affreusement et la minute suivante … plus rien ! 

(...) beaucoup de gens disent qu’ils lâchent prise — « Je lâche ! Je te dis que j’ai lâché !!! » (en criant) — et puis s’étonnent que cela ne fonctionne pas.  (...) Le problème est que vous n’avez pas vraiment lâché prise, vous n’avez fait qu’utiliser une nouvelle technique pour vous débarrasser de la douleur. Ce n’est pas le lâcher prise, c’est une autre manière de contrôler la douleur. 

Pour vraiment s’abandonner, il faut pouvoir dire quelque chose comme : « Douleur, tu peux rester ici pour toujours, si tu veux » — et bien en comprendre le sens. « Tu peux même t’aggraver si tu le désires, la porte de mon cœur t’est complètement ouverte quoi que tu fasses. Tu peux rester, empirer … je t’accueille. » C’est une chose très difficile à faire, qui demande beaucoup de courage et même de la compassion — de la compassion envers la douleur, pour accueillir la douleur en réalisant qu’elle fait partie de la vie.

Tout cela n’a rien d’anormal. Pourquoi faire de la discrimination envers la douleur et dire : « Je ne veux pas de toi ! » Quand vous la laissez être, la laissez venir et rester, vous avez vraiment laissé tomber la part mentale de la douleur. On lâche cet esprit négatif qui se complaît dans les lamentations et, de ce fait, l’esprit se libère, le corps se détend et la douleur disparaît. C’est une expérience fascinante. 

Bien entendu, si on l’a vécue une fois, il est très facile de comprendre comment gérer la douleur quand on n’a pas d’autre choix. On ressent une douleur et, plutôt que la combattre et créer des tensions qui vont engendrer encore plus d’énergie négative, on lâche prise, on se familiarise avec cette douleur, on est gentil avec elle, on a de la compassion.

Si vous le faites correctement, à cent pour cent, vous serez impressionné par l’effet que cela peut avoir. La partie mentale de la douleur est la plus dure à supporter. Mais, un jour, vous aurez peut-être une douleur qui vous tuera. Vous serez mort. Pour la plupart d’entre vous ce ne sera pas un moment très plaisant. Mais si vous apprenez maintenant à faire face à la douleur, vous aurez une mort douce, tranquille. Vous êtes là, dans la souffrance et vous souriez, vous appréciez la vie et vos derniers instants avec vos proches. 

J’ai vu cela maintes fois, spécialement avec des méditants qui connaissaient un peu le Dhamma (l’enseignement du Bouddha mais aussi la loi de la nature, la vérité qui nous entoure) et qui savaient comment l’esprit et le corps sont reliés. Certains d’entre eux étaient même à l’agonie et les médecins ne comprenaient pas ce qui se passait. Mais ces personnes vivaient leurs derniers instants dans la paix. C’est beau de voir cela, c’est inspirant et cela montre tout ce que l’esprit peut faire. (...)

D’après ma compréhension des textes bouddhiques anciens — et je les ai souvent lus — le Bouddha parle des flux qui parcourent le corps. Quand ces flux se bloquent, un problème apparaît ; c’est ce que dit la médecine indienne traditionnelle. Je me rappelle un article où le médecin personnel du Dalaï Lama avait été invité dans un hôpital aux USA. Les scientifiques voulaient savoir comment se font les diagnostics dans une médecine basée sur la médecine traditionnelle indienne. On lui présenta des malades sans aucune explication préalable et son diagnostic était toujours précis mais expliqué avec des mots différents. Il parlait de flux d’énergie bloqués dans telle ou telle partie du corps. En médecine chinoise cela s’appelle le « chi ».
Quand vous êtes malade, des canaux d’énergie se bloquent mais vous en bloquez encore plus quand vous vous crispez. Vous n’êtes pas détendu, vous résistez aux douleurs de la vie, de sorte que le processus naturel de guérison du corps ne peut pas fonctionner. 

Mais le contraire est vrai ; je l’ai vu en méditation de nombreuses fois. Dans les retraites, je dis aux participants de vraiment, vraiment se détendre et de méditer, de ne pas faire la méditation de manière forcée, d’être doux et ouverts, d’ouvrir la porte de leur cœur. Et certains sentent des points de chaleur dans leur corps. 

C’est incroyable quand cela arrive. Un jour, une méditante est venue me voir pour me dire : « Ma méditation était vraiment très paisible mais mon dos est soudain devenu brûlant, que s’est-il passé ? » Je lui ai répondu : « N’avez-vous jamais eu un problème avec votre dos ? » Toute surprise, elle m’a dit : « Ajahn Brahm, vous lisez dans mes pensées. Comment savez-vous que j’ai eu un accident il y a deux ans ? »

Je n’avais pas lu dans ses pensées, elle venait de me le dire ! Voilà ce qui arrive. Vous avez eu un accident du dos mais vous ne vous relaxez pas ; vous ne vous relaxez pas suffisamment pour donner une chance à votre corps de se guérir lui-même. Pendant la retraite, elle était très détendue et l’énergie de son corps s’est dirigée vers cette zone ; elle en a senti la chaleur. Après coup, on se dit que c’était très agréable ; c’est un processus de guérison. Quand vous lâchez vraiment prise, la douleur et les difficultés ont tendance à s’alléger et à s’évaporer.  

Il y a aussi l’histoire de cet homme qui participait à l’une de mes retraites. Les gens venaient se plaindre de lui car, pendant la méditation, il avait une respiration vraiment très forte tout le temps et c’était très gênant pour tout le groupe. Après ces plaintes j’ai dû faire une annonce : cet homme avait un cancer du nez en phase terminale. Il n’y avait plus aucun traitement possible, plus aucun espoir du côté de la médecine, c’était sa dernière chance. Bien sûr, dès que j’ai annoncé cela, plus personne n’est venu se plaindre. Et puis, tout à la fin de cette retraite, l’homme est venu me voir et il m’a dit : « Il m’est arrivé quelque chose d’incroyable : pendant la méditation j’étais vraiment très détendu et j’ai senti quelque chose se décoincer dans mon nez ». C’était la première fois, depuis des semaines, qu’il pouvait respirer par le nez mais, après quelques minutes, cela s’est refermé. Je pensais qu’il était mort ensuite mais je l’ai revu quelques années plus tard à Sydney. Il est venu vers moi : « Vous vous souvenez de moi ? J’ai eu une rémission complète de mon cancer. » Maintenant il enseigne la méditation !

C’est incroyable ce qui peut arriver et comment cela arrive. Quand vous êtes vraiment, vraiment détendu, l’énergie du corps peut opérer une auto-guérison et aussi nous libérer de la douleur. Je ne vous raconte pas d’histoires : quand j’ai commencé à vous parler, ce soir, j’avais une énorme boule de douleur dans l’estomac et maintenant je la sens à peine, elle est en train de partir. C’est incroyable comme il est possible de gérer sa douleur si on a cette belle attitude qui consiste à ne pas s’inquiéter du passé, à être simplement ici, dans l’instant présent. Ne pas se battre, arrêter la résistance mentale et quatre vingt dix neuf pour cent de la douleur disparaît — parfois même cent pour cent.

Et ceci est tout aussi valable pour les difficultés de la vie : un licenciement, une séparation, une disparition, un suicide … Faites attention à la part que joue le mental dans ces occasions. Si vous arrivez à gérer cela, le reste ira bien.

 
Source : ehi passiko (blog de mon ami isara) 




mercredi 24 septembre 2008

LES EMOTIONS


Extraits choisis de "LES EMOTIONS" : Questions/réponses par Ajahn Akincano Bhikkhu



Question
Comment explique- t-on l’apparition, d’une émotion… Par exemple, il y a-t-il d’abord une impression sensorielle, ensuite la perception qui va chercher dans un catalogue, et puis un des éléments du catalogue qui a une connotation émotionnelle forte ressurgit ?


Réponse
Je pense qu’on trouve les raisons de nos émotions dans notre sensibilité. Il y a une capacité de résonance affective en nous, qui fait partie de notre être, qui fait partie de notre existence, et qu’on développe très vite. On n’a pas besoin des références du catalogue comme vous le dites.
Souvent cela se produit comme ça, car en fait on peut démontrer des émotions : il n’y a pas de référence.(...)

Certaines de nos émotions viennent à travers des références de catalogues, mais il y a aussi je pense, une émotivité fondamentale dans notre être, qui est là, comme la capacité de donner notre attention.

On peut s’engager dans un questionnement concernant les origines, de la formation des êtres humains, et évidemment la cosmologie bouddhiste a quelques idées à ce sujet.

Fondamentalement on est là parce qu’on n’est pas éveillé et tant que nous ne le serons pas, on va réapparaître. Mais pour la plupart de nous c’est une théorie que l’on ne peut pas vérifier, enfin moi je ne peux pas vérifier cela à travers l’expérience personnelle qui m’est accessible. Je la prends comme hypothèse de travail avec une grande probabilité et je l’ai acceptée en tant que doctrine bouddhiste. (...)

Mais on trouve beaucoup de cas dans l’enseignement du Bouddha (qui diffère fortement d’autres enseignements indiens). Les bouddhistes ne s’intéressent pas trop au « pourquoi » des choses, ni a ce qu’elles sont, ils s’intéressent beaucoup au « comment » quelque chose advient.

Si on regarde l’arrière plan de l’enseignement bouddhiste et des enseignements Védiques et Brahmaniques, on constate que les Brahmans étaient obsédés par la question du quoi, par la quête de l’essence des choses. Ils cherchaient le grand Quid, ils essayaient de trouver l’essence de l’individu, si elle est différente de l’essence du Total, de l’essence de l’Atman, de l’essence de Brahmâ. De toute cette ontologie les bouddhistes se sont totalement désintéressés.

L’enseignement du Bouddha laisse la question du « quoi » complètement de côté, il s’intéresse à « comment » quelque chose fonctionne, comment quelque chose apparaît, disparaît, ce qu’on peut en faire. Quoique ce soit, sur un niveau ontologique, n’a pas vraiment intéressé l’enseignement du Bouddha dans les écritures Pali.

On pourra peut être admettre que quelques écoles tibétaines ont développé un goût pour l’ontologie, mais les enseignements en pâli sont ce qu’on appellerait aujourd’hui, fortement psychologiques. On y trouve quelques affirmations métaphysiques assez claires concernant le Nibbana, que ce Nibbana existe, et aussi au sujet des réalisations des Aryas, des différents stades de leur irréversibilité. Ils ne manquent pas d’affirmations métaphysiques à ce sujet, mais tout le reste de l’enseignement bouddhiste vise directement la compréhension : comment les choses fonctionnent, comment les choses s’enchaînent, comment on peut les désenchaîner, les défaire.

Et c’est très important de savoir qu’il y a ici un grand pragmatisme pourrait-on dire, pour les exercices. Vous voyez, on n’essaie pas de trouver la vraie nature des émotions. On sait que leur vraie nature est qu’elles apparaissent, qu’elles font quelque chose avec nous, on ne peut pas s’en empêcher, et puis qu’elles disparaissent et on se sent un peu plus fatigué après.

Peut être a-t-on réussi à en faire quelque chose, peut être a-t-on échoué, mais en tout cas le carburant est passé, il n’était pas fiable. C’est important, c’est solide, ça pèse lourd... et puis ça a changé.

Toutes mes émotions ont toujours changé, même mon inspiration pour l’enseignement du Bouddha a changé. J’ai subi des changements dans ma vie, il y a eu des moments où j’avais beaucoup plus d’inspiration que quelques années plus tard. Et puis, quand je pensais ne plus dépendre de l’inspiration parce qu’il y avait d’autres choses qui commençaient à fonctionner
dans ma pratique, tout à coup cette inspiration recommençait à grandir parce qu’elle avait gagné un autre goût.

Donc ce qui est intéressant c’est de savoir comment les choses se produisent et à quel niveau nous sommes les acteurs complices dans les choses qui nous font souffrir, et à quel niveau nous sommes capables de cultiver les choses qui nous sont bénéfiques.

Une partie de l’enseignement du Noble Octuple sentier, celui de l’effort émancipatoire, consiste très pratiquement à discerner les états bénéfiques des états non bénéfiques et de soutenir les états déjà apparus comme bénéfiques, de laisser mourir les états non bénéfiques, d’éviter qu’on embarque sur des états non bénéfiques, de donner naissance aux états bénéfiques.

On commence par favoriser ces états, mais en fait, il s’agit d’en faire plus. Le mot Pali Suva, est très révélateur. Ça parle de mettre l’esprit là-dessus, de le prendre, d’en faire beaucoup.


Question
Est-ce qu’on peut dire que le fait d’observer en témoin, les effets d’une émotion lui fera perdre son énergie et finalement lui permettra de s’atténuer et de disparaître ?


Réponse
Oui, on peut dire cela. Parfois cela fonctionne mais parfois non. Cela dépend vraiment de la qualité. Etre témoin de quelque chose veut dire plusieurs choses, par exemple qu’on se tient à l’extérieur. En fait, dans ce cas, on ne témoigne pas vraiment, on voit avec deux doigts, cliniquement, quelque chose qu’on a distancé en soi, qu’on n’a pas vraiment accepté comme sien.

On n’en n’a pas vraiment accepté la responsabilité mais on espère que cela va s’améliorer. On peut dire que c’est un témoignage, on peut dire, qu’on s’y jette vraiment, qu’on voit avec tout. On l’embrasse et on dit : c’est un témoignage. Mais en fait, on a déjà mis en scène. La qualité de ce témoignage dépend beaucoup de notre capacité à attendre, pouvoir attendre quelque chose, c’est directement dû à Sati, à notre capacité d’unifier l’esprit.

Il y a des choses dont on peut témoigner en les laissant passer, sans s’y mêler. Mais pour cela on a besoin d’une situation de culture. Souvent, même toujours, on ne fait pas comme cela on ne témoigne pas, on met en scène.

Le contraire de cette mise en scène serait le refoulement.

Une autre forme de mise en scène serait de voir les choses calmement : maintenant il y a des pensées de colère qui montent et je peux les mettre en scène en les prenant, en les affirmant, en cherchant des raisons, des causes, un bouc émissaire, en fournissant des images. Et puis je commence à me sentir indigné, il y a une sorte d’énergie qui s’empare de moi que peut être j’affirme aussi parce que j’aime bien l’énergie, cela me donne un sentiment de puissance.

J’aime beaucoup plus l’énergie de la colère que l’énergie de la dépression. Donc, une mise en scène et une affirmation subtile du contenu de cette expérience, disons l’image et la pensée, et on finit avec un état physique où le pouls s’accélère, l’adrénaline coule, les yeux se dilatent. Vous reconnaissez les symptômes n’est ce pas ?

Et quand cela s’intensifie jusqu’à un certain point, votre processus cognitif va changer, les visages sont plus accentués, les gens autour de vous ont l’air de caricatures. Il y a tout un processus que je considère comme une mise en scène du contenu d’une première petite pensée.

Or, témoigner d’une manière qui permet à l’émotion de s’épuiser, est un témoignage qui ressent et qui en même temps reste dehors. Quand il s’agit d’un témoignage de cette sorte, très bien, c’est le cas idéal ; on permet aux choses de monter, on les met dans un cadre transparent mais bien fortifié, et puis on reste témoin jusqu’à ce qu’elles meurent.

Elles font leur bruit, elles font leurs mouvements, on dit : « oui, je t’écoute, je vois très bien de quoi tu me parles, tu as toute ma compassion, mais en fait je ne peux pas vraiment te relâcher, ça fait trop de saleté, trop de dégâts. » Et on témoigne de l’apparition, de la durée et la disparition de cet état, tout en restant en contact, on ne ferme pas son coeur.

Mais on ne dit pas : « Ah oui ! Tu as raison… » On reste en contact de manière neutre mais en résonance. C’est très important de comprendre çà, ce n’est pas une stérilité qui est demandée, ce n’est pas la distance et la coupure. Il est nécessaire de rester en contact donc de sentir les vibrations mais pas de les affirmer ou les transmettre à travers les pensées, les actes, ou les mots. C’est en fait une sorte de grande compassion, une compassion prête à sentir ce qui fait mal dedans.

La traduction parfois utilisée pour Vipassana est de voir à travers quelque chose. C’est le cas idéal, quand on permet aux émotions de se montrer. C’est le meilleur des cas, quand on peut se mettre en résonance avec elles, sans les affirmer, sans les magnifier ni les refouler et en même temps rester avec. C’est cela qui est difficile, parce qu’une émotion, mes émotions, je ne sais pas les vôtres, me disent « prends moi au sérieux, fais quelque chose, ne regarde pas seulement, je suis là, il faut faire quelque chose ! » Elles essaient de m’impliquer. Il y a plein de petits crochets, de petites irritations.

En faisant une telle pratique, la valeur de ce que nous essayons de faire dépend directement de notre capacité de nous mettre vraiment en contact avec ce qui se passe. Donc, penser n’aide pas du tout.

Nous ne redoutons pas nos émotions si nous ne faisons que penser à ce qui nous a fait mal ou à ce qui nous a fait du bien. Il faut vraiment un contact aussi physique que possible avec la qualité et la vibration de cette émotion et en même temps, il faut le calme, une stabilité de l’esprit qui ne se fait pas prendre, qui est capable de sentir l’émotion sans se faire phagocyter. Peut-être que cela clarifie un peu la notion de témoignage…

Source : le refuge



lundi 22 septembre 2008

Méditer pendant une séance de chimiothérapie

Méditer sur son coussin c'est bien, apprendre à méditer partout où l'on se trouve c'est bien aussi et puis ça peut aider à surmonter l'insurmontable : la peur de mourir, la peur de perdre ses cheveux, la peur tout court.

Après quelques respirations, on commence par essayer de trouver le calme mental. Dans de telles circonstances, le compte des respirations peut aider, une fois que l'on a réussi à calmer son mental, on peut essayer d'observer tous les phénomènes : ils sont comme tous les autres : insatisfaisant, impermenant et sans soi.

En fermant les yeux et en étant attentif aux sensations du corps, on peut voir ce qui se passe au moment où ça se passe, afin de ne surtout pas dramatiser. Cette substance qui se répand dans le corps n'est que passagère.

Observer la légère brulure du produit, la chaleur étrange qui commence à apparaître à la surface de la peau, comme une lampe UV mal réglée, c'est presque agréable.... au début.

Observer l'angoisse pour ne pas s'identifier à elle, observer la dépression pour ne pas s'identifier à elle, observer la douleur pour ne pas s'identifier à elle et surtout observer ce sentiment d'aversion à son encontre.

Observer les pensées : "pourquoi moi", "quelle horreur je vais mourir" , "je ne pourrais jamais le supporter", "mes cheveux comment je vais faire si je les perd" .. ect... Surtout ne pas se laisser entraîner par ce genre de pensées et les observer pour ce qu'elles sont : des pensées et non la réalité.


Observer les nausées, l'angoisse, les pensées, la douleur et encore les nausées, la peur, l'angoisse et ainsi de suite, c'est sans fin. Le mental est notre ennemi mais tout n'est qu'agrégat, tout à un début, un milieu et une fin.

Observer les cheveux, observer la peur de les perdre, la souffrance que provoque cet attachement à des cheveux, qui de toute manière vont repousser.

Il n'y a personne pour contrôler la repousse des cheveux , alors ça ne sert à rien d'avoir peur, on ne peut pas empêcher leur chute, juste observer la peur et l'angoisse, la souffrance que l'on créé par ignorance.

On finira tous par perdre nos cheveux, par perdre cette vie qui n'est que passagère.

Observer, être attentif à tout ce qui se passe dans le corps, dans l'esprit.

Grâce au dhamma et à la pratique on est moins ignorant et on peut méditer et rester attentif partout, en toutes circonstances.






Kathy 








dimanche 21 septembre 2008

Pleure Birmanie Chérie, pleure mon pays bien aimé

N'oublions pas le Vénérable U Gambira



Le vénérable U gambira (à droite)



En tant que bonzes, dans le cadre de nos vœux, nous estimons de notre devoir de soulager la souffrance, où que nous la voyions. Nous ne pouvions fermer les yeux sur la misère de notre peuple. Quand nous avons constaté que les bonzes étaient unis, nous avons formé la Sangha Coalition.... (U Gambira)



J'ai déjà publié ce magnifique discours (ci après) du moine U Gambira, au mois de novembre 2007. Au moment de ce discours, il était libre.

Pour rappel:
Le Vénérable U Gambira est le Leader de "All Burma Sangha Coalition" l’Alliance de tous les moines bouddhistes de Birmanie, créé durant la "Révolution safran."

Le moine U Gambira a été arrêté le 4 novembre. Il a été appréhendé après avoir passé un mois dans la clandestinité Il a été inculpé à la fin du mois de janvier 2008 en vertu d’une loi relative à la sécurité dont la formulation est pour le moins vague.

L’article 17-1 de la Loi relative aux associations illégales permet aux autorités de considérer n’importe quel groupe comme illégal en se fondant uniquement sur l’opinion du chef de l’État, plutôt que sur des éléments rationnels ou des preuves. En vertu de ces dispositions, les groupes non violents, parmi lesquels peuvent figurer des syndicats, des partis politiques, des associations étudiantes ou des organisations religieuses, peuvent être déclarés illégaux de manière arbitraire.

U Gambira s’est vu enlever sa robe de moine et a été torturé en détention.

Fin août 2008, il a comparu devant le Tribunal situé à l'intérieur même de la terrible prison d'Insein, où il est enfermé depuis le mois de novembre 2007.

On lui reproche pas moins de 10 infractions.

De plus en plus de militants politiques sont condamnés à des peines de prison à l’issue de procès à huis clos dans le cadre des mesures de répression imposées au Myanmar depuis septembre 2007. Ces procédures judiciaires ne respectent pas du tout les garanties prévues par la loi.
N'oublions pas le Moine U Gambari ni tous les prisonniers politiques qui croupissent dans les prisons Birmanes. (Ils sont encore 2025 à ce jour)

N'oublions pas les moines Birmans emprisonnés, ni tous les Birmans qui souffrent à cause de la Junte, ils ont besoin de nous, de notre compassion mais aussi de notre soutien actif. Beaucoup de moines ont dit qu'ils étaient sortis dans la rue pour qu'on ne les oublie pas.

La Birmanie est retombée dans l'oublie, soyons de ceux qui la feront sortir de ce silence assourdissant.


Si pour le Bouddha la vie est dukkha (souffrance), il s'agit de la souffrance que nous créons par notre ignorance, par notre mental. La junte est une cause de souffrance supplémentaire.
Pour les Birmans, il y a la maladie, la vieillesse et la mort mais aussi la Junte.

Kathy 



Pleure Birmanie chérie, pleure mon pays bien aimé

Depuis l’introduction du bouddhisme dans notre pays il y a plus de 1 000 ans, les bonzes constituent l’un des principaux visages de la Birmanie.

L’éthique du bouddhisme theravada interdit à un bonze de s’engager politiquement ou d’occuper un poste politique.
Mais en Birmanie aujourd’hui, alors que les bonzes remettent en question l’hégémonie de la junte militaire, cette philosophie spirituelle qui s’enracine dans la compassion et la non-violence a fini par acquérir une certaine dimension de défi et de réticence à l’égard du pouvoir.

Nous sommes tous deux bonzes : l’un de nous est universitaire, il enseigne aux USA, et l’autre dirige l’All Burma Sangha Coalition à l’origine des récentes manifestations. Ce dernier se cache, parce que le gouvernement militaire birman a répondu aux manifestations pacifiques de nos frères bouddhistes par la violence et la brutalité.

Beaucoup de bonzes et de nonnes ont été victimes de cette violence et les milliers de personnes qui ont été arrêtées continuent à la subir. Plus de mille personnes ont disparu, beaucoup d’entre elles sont probablement décédées.

Il y a quelques semaines, les bonzes de Birmanie ont commencé à manifester, à prier et à répandre une forme de bienveillance dans une tentative de résolution pacifique des problèmes de notre pays.

La Birmanie est riche en ressources naturelles, mais la population est misérable. Elle a été touchée de plein fouet et son désespoir a atteint un abîme lorsque le gouvernement a augmenté brutalement et arbitrairement le prix de l’essence, multiplié par cinq du jour au lendemain.

En tant que bonzes, dans le cadre de nos vœux, nous estimons de notre devoir de soulager la souffrance, où que nous la voyions. Nous ne pouvions fermer les yeux sur la misère de notre peuple. Quand nous avons constaté que les bonzes étaient unis, nous avons formé la Sangha Coalition.

Ceux d’entre nous qui étudient ou enseignent actuellement à l’étranger sont également unis et soutiennent ceux qui se trouvent en Birmanie. Mais ce ne sont pas seulement les bonzes qui sont unis. Car lorsque nous avons commencé à manifester pacifiquement en faveur du changement, les étudiants, les jeunes, les intellectuels et les citoyens ordinaires se sont joints à nous sous la pluie.

Nous pensions que certains des généraux, peut-être même tous – ils sont eux-mêmes bouddhistes – qui contrôlent le pays auraient été un tant soit peu à notre écoute pour tenter de remédier aux nombreux maux qui affligent la Birmanie.

Au début, nous avons montré notre désapprobation à l’égard du régime militaire en refusant de recevoir leurs dons. Nous avons porté en position renversée les bols dans lesquels nous recevons les dons de nourriture, ceci pour traduire nos sentiments.

Nous n’avons pas perdu notre bienveillance à l’égard des simples soldats ni même à l’égard des chefs qui leur ont donné l’ordre de brutaliser leur propre population, mais nous voulions les appeler à changer alors qu’il était encore temps.

Nous savons qu’au sein de l’armée et dans des organisations proches du régime, certains étaient réticents à employer la violence contre les bonzes. Nous disons à ceux qui exercent des violences contre leurs compatriotes d’arrêter et de se demander si leurs actes sont en accord avec le dharma (l’enseignement du bouddhisme) et s’ils agissent pour le bien de la population birmane.

Des soldats qui avaient reçu l’ordre d’utiliser la violence contre nous et de nous empêcher de marcher ont refusé, car ils avaient compris ce que nous faisions.

Pour sauvegarder l’unité du pays, nous espérions ouvrir une voie de sortie aux dirigeants militaires, le moyen d’entamer un véritable dialogue avec les véritables dirigeants du peuple et les dirigeants des différents groupes ethniques. Mais cet espoir a été de courte durée. Le régime pourchasse maintenant ceux qui ont participé aux manifestations et commet des actes d’une violence indicible. Ils ont assiégé les monastères et arrêté des bonzes et des nonnes. Policiers et soldats sont partout, dans les rues, autour des pagodes et dans les quartiers résidentiels.

Des manifestants blessés auraient été enterrés vivants dans des charniers et des informations fiables font état de cadavres dans les eaux à proximité de Rangoun.

Tandis que le régime brutalise le peuple birman, il ment au reste du monde.
Le général de brigade Kyaw Hsan, un représentant des militaires, a récemment déclaré à l’envoyé spécial de l’ONU, Ibrahim Gambari, que les manifestants étaient de « faux bonzes ».
Mais nous sommes de vrais bonzes, et des milliers d’entre nous – à Rangoun, Mandalay, Pegu, Arakan, Magwe et Sagaing – ont manifesté en faveur de la paix.

On a dit que le soulèvement de Birmanie était terminé. La junte veut que l’opinion publique internationale croit qu’il en est ainsi. Mais nous pensons que ces manifestations constituent le début de la fin du régime dans notre pays.

Les généraux qui ont ordonné la répression ne s’en prennent pas seulement au peuple birman, mais aussi à leur propre cœur, à leur propre âme et à leurs valeurs spirituelles. Les bonzes sont les gardiens du dharma. En s’en prenant à eux, les généraux s’en prennent au bouddhisme lui-même.

Nous savons que la communauté internationale essaye de nous aider, mais cette aide doit être plus efficace. Nous remercions les nombreuses personnes et organisations à l’étranger qui nous aident à regagner nos droits bafoués depuis plus de 40 ans. Nous appelons aussi la communauté internationale à un soutien plus concret et plus vigoureux. Le régime militaire fera tout ce qu’il pourra pour rester au pouvoir, aussi sa violence doit-elle être exposée au monde. Ils peuvent bien contrôler la rue et les monastères, ils ne pourront jamais se rendre maîtres de nos cœurs ou étouffer notre détermination.

Par U GAMBIRA ( dirigeant de l’All Burma Sangha Coalition) et Ashin NAYAKA (fondateur de la Société missionnaire bouddhiste)

vendredi 19 septembre 2008

La none Ariya Nani lance un appel pour la Birmanie

Ven. Ariya Ñani et Ven. Vira Ñani devant les sacs de riz et les bouteilles d'huile. Au mois de juillet nous avons distribué un sac de riz et une bouteille de l’huile à 620 familles du village près de notre centre de méditation



C'est via le centre Bouddhique
le Refuge, très souvent cité sur ce blog, (centre affilié à la tradition des moines de la Forêt) que cet appel pour La Birmanie est lancé par la none Ariya Nani.

Ariya nani est une Nonne bouddhiste de la tradition théravada birmane, disciple du Maître Sayadaw U Janaka. Elle se rend donc régulièrement en Birmanie

Voici son appel :

A tous les amis !
Il y a quelques mois le cyclone Nargis a détruit la vie de beaucoup de gens en Birmanie. Des milliers de gens sont morts et des milliers de gens ont perdu leur maison. La réponse du gouvernement birman était vraiment déplorable.

Au mois de juillet, pendant une semaine, j’ai organisé en Birmanie la distribution des choses essentielles pour six monastères de nonnes dans les environs de notre Centre de méditation (Chanmyay Myaing Meditation Centre) et pour les gens de la région du delta. Avec le support de mes amis du monde entier je pouvais distribuer du riz, de l’huile, faire construire de nouvelles maisons, ou faire réparer des maisons endommagées.

Pour les nonnes et les laïques qui ont reçu cette aide vitale, la vie était devenue un peu moins pénible. Mais la lutte pour survivre continue.

Par exemple, les gens dans la région du delta ne peuvent pas planter du riz, les champs ayant été inondés par l’eau salée. Ou bien, les nonnes reçoivent très peu d’offrandes et n’ont pas assez à manger.

Au mois de décembre je vais retourner en Birmanie et j’espère pouvoir y apporter des dons pour organiser à nouveau la distribution de riz, d’huile, de savon et d’autres choses essentielles.

Sister Ariya Nani - Le refuge

Lire des extraits de "Vivre à l'ombre de metta" par Ariya Nani : Ne pas être piégé par la Haine et l'Aversion (message du 4 mars 2008)


Pour Rappel, Ajahn Sumédho avait également apporté son soutien à la Birmanie après la répression qui s'était abattu sur les moines et sur l'ensemble de la population Birmane au mois de septembre 2007, il y a tout juste un an.

samedi 13 septembre 2008

L'EQUANIMITE

Enseignement donné par Henepole Gunaratana durant une retraite au Centre Kanshoji, en mai 2007 ("Dhamma talk" Retranscrit par Emmanuel Mancuso traduit par Jeanne Schut)
LIRE les autres enseignements donnés durant cette retraite : libellé/Mot clé = Henepola Gunaratana


(...) Dans l’enseignement du Bouddha, on ne penche jamais vers les extrêmes, ni dans l’excès d’autosatisfaction ni dans l’automortification. Si dans la méditation des trente-deux parties du corps, on développe une répulsion envers le corps, on va dans l’extrême de l’automortification.

Les gens qui ne connaissent pas bien les enseignements du Bouddha nous accusent déjà d’avoir une vision très négative et pessimiste des choses. Si nous développons le rejet du corps, nous confirmons leurs accusations. C’est pourquoi il faut bien comprendre le sens réel de cette pratique de méditation.

Le Bouddha a toujours insisté pour que nous comprenions les choses exactement telles qu’elles sont, avec une attitude impartiale et équanime. L’équanimité se cultive de différentes manières :
il y a l’équanimité de la diversité et l’équanimité de l’unité.


L’équanimité de la diversité:

Qu’est-ce que l’équanimité de la diversité ? Quand nous voyons un objet, selon la nature de cet objet peuvent apparaître le plaisir ou la douleur. Quand c’est le plaisir qui apparaît, nous voulons nous saisir de l’objet et quand c’est le déplaisir ou la douleur, nous le rejetons. Le Bouddha a enseigné que, sans le rejeter ni nous en saisir, nous devons apprendre à entraîner l’esprit, à entraîner notre vision pour voir cet objet de manière impartiale.

Quand on travaille sur le développement de l’attention, dès que ces deux types de réactions extrêmes apparaissent, on en prend immédiatement conscience et on revient à un état d’équanimité.

Le Bouddha a donné une image très claire à ce propos. Il a dit : « Aussi vite qu’un clin d’oeil ». Quand quelque chose nous éblouit nous clignons aussitôt des yeux, n’est-ce pas ? Eh bien, dès qu’une ou l’autre de ces réactions est sur le point de se produire, nous revenons à l’équanimité.

Cette attitude est particulièrement efficace quand nous pratiquons la méditation formelle assise. Il arrive, dans ces moments-là, que des souvenirs nous reviennent à l’esprit. Beaucoup de gens se plaignent de ne pouvoir pratiquer l’attention ou la concentration quand tant de choses tournent dans leur esprit — et les objets visuels ne sont que l’une des nombreuses choses qui peuvent apparaître en méditation ! Il s’agit donc d’en prendre immédiatement conscience, de les considérer avec équanimité et puis de revenir à la respiration.

La respiration est un objet neutre. Nous n’éprouvons généralement ni attachement ni répulsion à son égard, c’est pourquoi nous l’utilisons en tout premier lieu pour rappeler l’attention au présent.

De la même manière, si nous percevons un son et qu’il est agréable, nous allons nous y attacher et s’il est désagréable, nous allons en être agacé. Le Bouddha a donné une autre image pour que nous retournions à l’observation du souffle quand ces réactions apparaissent en nous : « Aussi vite que claquer des doigts ». Quand on claque des doigts, un son se produit. Eh bien aussi vite que ce son apparaît puis disparaît, quand nous entendons un son, nous en prenons conscience et nous revenons à l’équanimité et à l’observation du souffle.

Ensuite, quand nous sentons une odeur et qu’elle est agréable, nous nous y attachons et si elle est désagréable, nous nous en plaignons. Le Bouddha a dit d’abandonner ces sentiments extrêmes en donnant une autre image : « Comme quand on verse de l’eau sur une feuille de lotus : l’eau ne se pose pas, elle coule puis tombe à terre. » Cette image est très intéressante. La goutte d’eau roule lentement le long de la feuille de lotus puis tombe dans la terre.

De la même manière, quand l’odeur apparaît, elle ne disparaît pas instantanément : elle s’estompe progressivement. Nous pouvons y prêter toute notre attention et voir comment elle disparaît pour ensuite retourner à l’observation du souffle et à l’équanimité.

Et quand nous goûtons quelque chose, si c’est très bon, nous nous y attachons et si ce n’est pas bon, nous grimaçons. L’image du Bouddha dans ce cas est : « Aussi vite que lorsque l’on met un peu de salive au bout de la langue et que l’on crache », nous lâchons ces deux réactions extrêmes et nous revenons à l’équanimité et à l’observation du souffle.

De la même manière, quand nous touchons quelque chose — notamment quand nous sommes assis en méditation et que nous ressentons des douleurs physiques ou des sensations agréables- dès que nous prenons conscience de nos réactions, nous devons très vite les observer et retrouver une attitude équanime. « Aussi vite que lorsque l’on fléchit une main tendue ou que l’on tend une main fléchie », a dit le Bouddha. Et puis nous revenons à l’observation de la respiration.

Finalement, quand un souvenir surgit, s’il est agréable, nous nous y attachons et s’il est désagréable, nous le repoussons. A ce moment-là, nous devons aussi immédiatement en prendre conscience et revenir à un état d’équanimité.

L’image que le Bouddha a donnée pour cela est très belle. Il a dit : « Imaginez une poêle posée toute la journée sur un réchaud brûlant et dans laquelle vous versez quelques gouttes d’eau, une par une. Dès que les gouttes d’eau touchent la poêle brûlante, elles s’évaporent immédiatement. » J’aime cette comparaison plus encore que les autres parce qu’elle nous donne une image très claire de la qualité d’attention que nous devons avoir.
L’esprit ressemble beaucoup à la poêle : quand il est brûlant d’attention, dès que quelque chose se produit, il voit si c’est agréable ou désagréable et immédiatement — aussi vite que la goutte s’évapore — il revient à l’équanimité.

Je vous rappelle que l’équanimité est l’un des quatre Brahma Vihara dont nous avons déjà parlé plusieurs fois : mettā, l’amitié bienveillante ; karunā, la compassion ; muditā, la joie altruiste ; et upekkhā, l’équanimité.

Donc toutes les formes d’équanimité dont nous venons de parler sont appelées « équanimité dépendant de la diversité » parce qu’elles apparaissent en relation avec des objets vus, entendus, sentis, goûtés, touchés ou évoqués mentalement.

Même l’équanimité dont il est question dans la Brahma Vihara est « dépendante » puisqu’elle se développe en lien avec des êtres vivants ; c’est la faculté de savoir et de comprendre la nature du kamma et de voir comment il fonctionne pour rendre les gens heureux ou malheureux. Quand on comprend la nature du kamma, il n’y a plus de raison de réagir émotionnellement. On peut rester dans l’équanimité.


L'équanimité dépendant de l’unité:

Il y a une autre forme d’équanimité que l’on l’appelle « équanimité dépendant de l’unité ». Celle-ci apparaît quand on pratique la méditation et que l’on arrive à un état de concentration.

C’est de la concentration que naît cette équanimité. Elle ne dépend donc que d’un seul objet : la concentration, ce qui explique le nom qui lui est donné.


L'attention au corps : l'attention aux éléments

A présent, comme c’est aujourd’hui le dernier entretien sur le Dhamma de notre retraite, je voudrais conclure le chapitre que j’ai entamé les jours précédents : l’attention au corps.

J’ai déjà mentionné l’attention à la respiration, à la posture, à la claire compréhension et aux trente-deux parties du corps. Il me reste donc à aborder l’attention aux éléments et à ce que l’on appelle « les neuf étapes de la décomposition du cadavre ». Je serai bref sinon cela pourrait prendre beaucoup de temps.


Qu’est-ce donc que l’attention aux éléments ?

Comme nous le savons tous, il y a quatre éléments. Bien sûr, on dit parfois qu’il y a dix-huit éléments, d’autres fois six, d’autres fois cinq mais, la plupart du temps, quand on parle des éléments on parle des quatre grands éléments : la terre, l’eau, le feu et l’air.

On ne peut connaître et reconnaître ces éléments qu’à travers leurs fonctions spécifiques et nous devons apprendre à les utiliser en tant qu’objets de notre méditation.


LA TERRE

1-Prenons le premier élément, la terre. On reconnaît l’élément terre à son contact doux ou dur. Nous pouvons retrouver ce contact jusque dans notre respiration. Nous avons déjà vu que, quand on respire, on sent le contact de l’air avec les narines ainsi que l’expansion et la contraction de l’abdomen.

Toutes ces sensations nous font éprouver soit la dureté soit la douceur, manifestations de l’élément terre. Et si les sensations changent, c’est parce que l’élément terre lui-même n’est pas permanent. S’il l’était, nous aurions toujours la même sensation ; mais comme celle-ci passe de la douceur à la dureté et vice-versa, nous savons que cet élément terre change sans cesse et ne nous affecte donc pas toujours de la même manière. La raison en est que chaque élément est lui-même dépendant des autres éléments.

Quand nous parlons de la terre, nous avons généralement l’image de cette immense planète Terre. Mais cette terre extérieure ne va pas nous apporter beaucoup de lumière sur les différentes façons dont cet élément se comporte à différents moments. Par contre, les éléments qui sont en nous peuvent nous apprendre beaucoup sur la façon dont ils changent. Ainsi, quand nous mangeons, nous consommons parfois de la nourriture solide, parfois quelque chose de tendre. Ce sont là différentes formes de l’élément terre.

On leur donne des noms chimiques : le fer, le magnésium, les vitamines, etc. mais ces termes représentent tous différents aspects de l’élément terre. Cet élément terre que nous consommons chaque jour est impermanent, c’est pourquoi nous devons nous nourrir plusieurs fois par jour. Une fois absorbée, la nourriture ne reste pas longtemps en nous. Si nous ne remplaçons pas ce que nous perdons chaque jour, nous ne pouvons pas vivre plus d’un mois en puisant dans nos réserves de graisse.
Le fait que nous devions manger chaque jour montre bien que l’élément terre que nous consommons est impermanent.

A l’intérieur, notre corps génère aussi une certaine quantité d’éléments terre qui doivent aussi être renouvelés. Nos os, par exemple, génèrent dans la mœlle deux milliards et demi de globules rouges par seconde. Pourquoi la moelle produit-elle autant de globules rouges ? Que deviennent-ils ? C’est parce que ces globules disparaissent sans cesse qu’ils doivent être renouvelés. Toutes les protéines, toutes les vitamines, tous les minéraux, tous les hydrates de carbone, absolument tout ce que nous ingérons fonctionne de même.

Aussi, quand nous utilisons l’élément terre comme objet de méditation, nous comprenons qu’il est impermanent.


L'EAU

2-Quant à l’élément eau, il subit lui aussi des changements. Comme l’élément terre, nous pouvons reconnaître l’élément eau grâce à ses caractéristiques. L’une de ses caractéristiques, l’une de ses fonctions principales, est de souder les choses entre elles. Si on retirait toute trace d’eau de notre corps, il se transformerait aussitôt en poussière. D’ailleurs nous savons tous que, si nous ne buvons pas une certaine quantité d’eau chaque jour, nous risquons de mourir de déshydratation. Ceci nous permet de dire que l’élément eau qui se trouve en nous n’est pas quelque chose de permanent.


L'AIR

3-La fonction de l’élément air est le mouvement. Il permet aux choses de bouger et ce mouvement lui-même n’est pas permanent. Quand l’élément air à l’intérieur du corps est perturbé, nous pouvons avoir toutes sortes de problèmes de santé.


LE FEU

4-Il en va de même pour l’élément feu dans notre corps. Que fait-il ? Il digère la nourriture, il nous fait vieillir et il régule la température du corps quand il fait froid ou chaud à l’extérieur. Ceci montre que l’élément feu n’est pas permanent non plus.

Nous voyons donc que, tels qu’ils se manifestent en nous, tous les éléments sont en perpétuel mouvement, dans un flux changeant. Or le Bouddha a dit que nous devons comprendre les quatre éléments à l’intérieur, de même que nous devons comprendre les quatre éléments à l’extérieur.


Cela signifie que les éléments tels que nous les ressentons à l’intérieur sont les mêmes que ceux qui se manifestent à l’extérieur.

Les trente-deux parties du corps — ou les millions de particules qui le composent — contiennent toutes ces éléments. Ce qui arrive aux éléments internes arrive aussi aux éléments externes.

Nous devons donc être attentifs aux quatre éléments à l’intérieur de notre corps et être attentifs aux éléments extérieurs. Contrairement à ce que certaines personnes ont pu suggérer, connaître les quatre éléments « à l’extérieur » ne signifie absolument pas que nous devons connaître les éléments dans le corps de quelqu’un d’autre !

Il ne s’agit pas de connaître les éléments chez les autres mais de voir que les éléments qui sont en nous sont aussi à l’extérieur de nous.

Il est bon de pratiquer cette méditation sur les quatre éléments et, ce faisant, de cultiver notre attention avec équanimité. Comme il le faisait souvent quand il avait des choses complexes à expliquer, le Bouddha, là encore, a fait une excellente comparaison pour clarifier son propos. L’image n’est guère ragoûtante, à vrai dire, puisqu’il s’agit d’un boucher qui tue une vache — mais cela devait être une pratique courante à l’époque car les Indiens mangeaient du bœuf. Comme la vache est un animal sacré, il existait des rituels particuliers comme le gomega yaga qui signifie littéralement : « le sacrifice d’un jeune bœuf très sain ».

Quoi qu’il en soit, le Bouddha a fait la comparaison suivante : « Imaginez qu’un boucher tue une vache ; il découpe ensuite la carcasse en quatre morceaux égaux et les pose à un carrefour pour les vendre. Quand cet homme tue une vache, il sait que c’est une vache, mais quand il vend les morceaux de sa carcasse, il ne vend pas une vache, il vend de la viande. » La notion de « vache » disparaît pour faire place à une notion différente, celle de « viande » (...)

Le Bouddha a donc dit que, après avoir tué la vache, quand le boucher commence à vendre les quartiers, il n’a plus la notion de « vache », il n’a que la notion de « viande ». De la même façon — et c’est une chose qu’il faut vraiment garder en mémoire — quand nous méditons sur les éléments qui composent notre corps, nous ne voyons plus que les éléments et nous perdons la notion d’un « moi » ou d’un « mien ».

Ainsi, notre puissant désir d’être un « moi » va disparaître, au moins le temps de la méditation, quand nous voyons clairement que nous sommes composés de ces quatre éléments. Vous avez entendu la récitation que nous faisons avant le repas : « Tout comme cette nourriture se compose de quatre éléments, celui qui consomme cette nourriture se compose également de quatre éléments. » Un ensemble d’éléments est consommé par un autre ensemble d’éléments.

Dans la méditation, quand on en arrive à ce niveau, on développe en esprit une attitude d’équanimité envers soi. Cela ne signifie pas que nous nous nions complètement mais que nous comprenons mieux la nature réelle de notre existence. C’est pourquoi la méditation sur les quatre éléments est très importante.


La méditation sur «les neuf étapes de décomposition du corps».

Je voulais vous parler ensuite de la méditation sur «les neuf étapes de décomposition du corps». La conscience de la mort est un sujet très important que je développe parfois tout au long d’une retraite de dix jours, mais ici nous n’avons guère le temps de le faire en détail. Je vais donc vous en donner une idée générale.

Cette méditation permet de se libérer de beaucoup de concepts erronés à notre propos. Bien entendu, de nos jours, il n’est pas facile de trouver un cadavre à contempler en méditation. (...)

Il y a toutes sortes d’idées bizarres à propos de la mort et des cadavres mais le Bouddha était très réaliste et il voulait que nous en ayons une image claire et précise. Comme je vous l’ai dit plusieurs fois, les méditants sont censés chercher toujours, sans exception, à voir les choses exactement telles qu’elles sont, sans peur, sans dégoût, sans attachement, tout comme un scientifique considère un objet pour en comprendre la nature.

Comme nous n’avons guère l’occasion de voir des corps en décomposition, le Bouddha a dit :
« Imaginez. Imaginez un corps mort. Imaginez ce même corps un jour après la mort, deux jours, trois jours, quatre jours après la mort. Imaginez-le gonflé et bleui. Imaginez et observez ce corps. » Quelqu’un de maigre qui a toujours voulu prendre du poids se retrouve gros et gonflé en deux jours. Le corps passe par toutes sortes de changements et nous devons observer tout cela très attentivement.

Il est très difficile de traiter de ce sujet aussi rapidement mais disons simplement que, à partir de là, le corps se décompose lentement, progressivement. Le sang s’échappe, la chair se dessèche, et il ne reste que le squelette. Ensuite le squelette se décompose, lui aussi ; il commence par s’effriter en petits morceaux puis ceux-ci se transforment en poussière. Enfin la poussière est emportée par le vent. Tel est le destin de ce corps si beau !

Mais si nous méditons, nous pouvons toucher à l’essence du corps. Nous pouvons utiliser l’attention de notre esprit pour que ce corps en décomposition nous apporte vision pénétrante et sagesse. A la fin, nous n’aurons plus un tel corps et nous atteindrons la Libération complète, de sorte que nous ne reviendrons plus habiter dans un corps comme celui-ci.
Je ne peux pas en dire plus long aujourd’hui sur la méditation des « neuf étapes de la décomposition d’un corps ». J’espère, mes amis, que vous aurez tiré profit de ces enseignements — sinon, venez faire une retraite en Virginie ! Je vous souhaite à tous d’avancer avec beaucoup de succès dans la pratique de la méditation.


Source : Vous pouvez trouver l'intégralité de ces enseignements sous la forme d'un livret (au format pdf) sur le site lerefuge : Collection Theravada N°16 intitulé "la méditation vipassana"  


dimanche 7 septembre 2008

THERAVADA ET ECOLE DE LA FORET


Article de Jeanne Schut, Publié dans le mensuel "Bouddhisme Actualités" du mois de juin 2008 (en page 14 )


Le Bouddha a appelé la religion* qu’il a fondée le Dhamma-vinaya, c’est-à-dire « la doctrine et la discipline » ou plus simplement le Dhamma (Dharma en sanskrit).

Pour apporter une structure sociale qui soutienne la pratique du Dhamma et pour préserver ses enseignements pour la postérité, le Bouddha a établi le Sangha, l’ordre des bhikkhu (moines) et des bhikkhuni (nonnes), qui continue aujourd’hui encore à transmettre les enseignements, tant aux religieux qu’aux laïcs.

Mais dans les deux siècles qui suivirent la mort du Bouddha, tandis que le Dhamma se répandait sur la majeure partie du territoire indien, plusieurs interprétations différentes de certains de ses enseignements originaux sont apparues, en conséquence de quoi des schismes se produisirent au sein du Sangha et dix-huit écoles distinctes virent le jour.

L’une d’elles, le Mahasanghika, donna finalement lieu à un mouvement de réforme qui prit le nom de Mahayana, « Le Grand Véhicule », et donna par dérision aux autres écoles le nom de Hinayana ou « Petit Véhicule ».

Ce que nous appelons Theravada aujourd’hui est la seule école survivante de toutes les branches non mahayanistes de l’époque. Pour éviter la connotation péjorative de ces noms, il est convenu aujourd’hui d’appeler le Theravada « le bouddhisme du sud » — car il se concentre historiquement sur l’Asie du Sud-est — et le Mahayana « le bouddhisme du nord » car il a surtout émigré au nord de l’Inde vers la Chine, le Tibet, le Japon et la Corée.

Quant à l’Ecole de la Forêt, elle fait partie du Theravada et remonte à l’un des plus grands disciples du Bouddha, Mahakassapa. Tout au long de sa vie, Mahakassapa reçut l’éloge du Maître pour la qualité de sa pratique et son mode de vie simple et discipliné, voué à la méditation et à l’écoute des lois de la nature. A la mort du Bouddha, Mahakassapa se retrouva tout naturellement à la tête du Sangha pour diriger le Premier Concile.


L’HISTOIRE DE MAHAKASSAPA

Quand le jeune Kassapa entendit parler du Bouddha, il quitta sa jeune femme dont la quête spirituelle était semblable à la sienne, prit l’habit du renonçant et s’engagea dans la forêt. Sentant qu’un disciple très particulier lui arrivait, le Bouddha alla à sa rencontre et lui apparut tout nimbé de lumière. Kassapa le reconnut aussitôt et mit sa vie à ses pieds. Touché par sa ferveur et sa sincérité, le Bouddha lui donna aussitôt un enseignement en trois règles :

- Humilité et conscience de ses actes grâce à une claire perception de la loi du karma (hiriottapa).
- Attitude attentive par rapport à tous les enseignements reçus, examen approfondi des notions entendues et assimilation dans le cœur.
- Attention au corps liée à la joie.

Puis maître et disciple prirent la route et, lorsque le Bouddha voulut se reposer, Kassapa lui offrit de s’asseoir sur son vêtement plié et le pria ensuite de garder ce vêtement. Le Bouddha répondit : « Mais, Kassapa, pourras-tu porter ces vêtements de chanvre et de chiffons usés qui sont miens ? » « Certainement, Vénérable, répondit Kassapa empli de joie, je peux porter les vêtements de chiffons usés et rugueux du Bouddha. »

Cet honneur ne fut accordé à aucun autre disciple et les Commentaires précisent que l’intention du Bouddha était d’encourager Kassapa à observer les pratiques d’austérité dès son entrée dans le Sangha. La Voie du Milieu dénonçait l’ascétisme extrême mais le Bouddha encourageait tout de même les moines à adopter des vœux d’austérité favorables à la simplicité, au contentement, au renoncement et à la vigueur. En fait, dès ce moment-là, Kassapa prit l’engagement d’observer un mode de vie ascétique. Des années plus tard, le Bouddha lui suggéra, du fait de son âge, d’accepter le confort d’un monastère au lieu de continuer à vivre dans la forêt, mais Mahakassapa refusa et il s’en expliqua ainsi :

« D’une part, il me plaît de demeurer ainsi et, d’autre part, je pense que lorsque les générations de moines à venir entendront parler de cette manière de vivre, ils voudront peut-être l’imiter. »

Le Bouddha répondit : « Bien parlé, Kassapa ! Bien parlé ! Tu vis pour le bonheur d’un grand nombre, par compassion pour le monde, pour le bienfait et le bien-être des dieux et des humains. Tu peux garder tes vêtements rugueux en haillons, sortir pour demander l’aumône et vivre dans la forêt. » (SN16 :5)


L’ECOLE DE LA FORET EN THAÏLANDE

A la fin du XIXe siècle, un moine, le vénérable Ajahn Mun, retrouva en lui le potentiel des bienfaits de la vie dans la forêt. Il se souvint que le Bouddha était né dans la forêt, avait trouvé l’Eveil dans la forêt, avait enseigné dans la forêt, et était mort dans la forêt. Et puis le célèbre exemple de Mahakassapa l’inspira. La simplicité, le renoncement et la nature ne formaient-ils pas le cadre idéal pour parfaire la méditation et atteindre ce que les disciples du Bouddha ne croyaient plus possible d’atteindre 25 siècles plus tard : l’Eveil ?

Effectivement, Ajahn Mun atteint l’Eveil et devint un grand maître. Sa vie simple et vertueuse fut un exemple de conduite dans une société et un ordre monastique dégradés et corrompus. Presque tous les maîtres de méditation accomplis et révérés du XXe siècle en Thaïlande ont été ses disciples directs ou ont été grandement influencés par lui. L’un des grands maîtres à avoir suivi son exemple est le vénérable Ajahn Chah.


AJAHN CHAH ET L’ECOLE DE LA FORET EN OCCIDENT

Il a suffi d’une rencontre avec Ajahn Mun pour que le futur Ajahn Chah soit débarrassé de ces voiles qui empêchent la lumière de jaillir. Il méditait encore, approfondissant sa révélation, que déjà son rayonnement attirait moines et laïcs. Installé au cœur d’une jungle — endroit idéal disait-il, pour faire face à ses peurs des fantômes et des tigres ! — sa joie de vivre et sa rigueur attirèrent aussi les jeunes Occidentaux des années 1960 et 1970 en quête de spiritualité.

Lors de deux voyages en Occident, en 1977 et 1979, il confia à certains de ses disciples le soin de planter les racines de l’Ecole de la Forêt de ce côté-ci de la planète. Sous la houlette d’Ajahn Sumedho, son premier disciple occidental, des monastères ont vu le jour en Europe, aux Etats-Unis et en Australie, pour le plus grand bonheur de ceux qui cherchent la vérité du Bouddha dans la simplicité et la nature.

Les trois enseignements donnés par le Bouddha à Mahakassapa sont aujourd’hui encore en vigueur dans les monastères de la forêt thaïlandaise — notamment la méditation sur le corps, trop souvent négligée en Occident, mais qui est considérée par les maîtres thaïlandais comme un passage obligé. Quant aux moines, ils portent toujours des vêtements faits de morceaux de tissu rapiécés qu’ils teignent eux-mêmes, ils vont mendier leur nourriture pieds nus chaque matin et, bien entendu, ils vivent dans la forêt.

En Occident, malgré une courageuse tentative de maintenir ces principes, il fallut tenir compte du climat et des coutumes (les gens avaient tendance à mettre des pièces de monnaie et non de la nourriture dans le bol des moines !). Mais les moines occidentaux partent régulièrement à pied, de monastère en monastère, mendiant leur nourriture en chemin, et il existe de nombreux récits vantant la générosité des passants curieux, puis intéressés, puis ouverts et sensibles à la simplicité et à la dépendance totale des moines de la forêt.

Sources :
- Les Grands Disciples du Bouddha, Tome 1, Ed. Claire Lumière.
- Le dhamma de la Forêt


Le Bouddha n'a pas fondé de religion

* Le Bouddha n'a pas fondé de religion.
Autant le Bouddhisme "Tibétain" est devenu une véritable "Religion" avec son "Chef Spirituel" et tout ce que cela implique; autant le Bouddhisme Théravada n'est pas une Religion. Lire sur ce thème : Les enseignements du Bouddha n’ont rien de religieux

L'enseignement du Bouddha n'avait rien de religieux, le Dhamma n'est pas une Religion c'est un enseignement qui doit nous conduire à changer notre manière de vivre grâce à la pratique et au respect des préceptes (qui ne sont pas des "commandements.")

Le Dhamma-Vinaya fondée par le Bouddha n'est donc aucunement une religion.
(Pas de croyance en un Dieu ou une quelconque divinité qui pourrait nous conduire à la Libération.)

Je ne vais pas (re)développer ici ce qu'est le Bouddhisme et plus particulièrement le Bouddhisme Théravada ( de nombreux messages expliquent déjà cela)


samedi 6 septembre 2008

L'histoire des beaux yeux de Subha



Extrait résumé de l'histoire de Subha  de l'ouvrage : Women of the Way par Sally Tisdale


Après les vies de mérites accumulés, Subha était né au temps du Bouddha en tant que fille d'un éminent brahmane à Rajagaha. Elle chantait les rituels védiques, portait les lampes au temple et interrogeait en vain son père sur le sens de la vie.

Quand elle entendit le Bouddha enseigner à son père, elle réalisa en un instant le vide de la vie qu'elle menait et en elle s'éleva impérieux le désir de mener la vie pure et simple des nonnes. Avec la permission réticente de son père, elle rejoignit la communauté des nonnes et pratiqua assidûment les enseignements du maître.

Un jour, tandis qu'elle marchait dans un bois de manguiers près de Jivakamba, la jeune femme fut accostée par un jeune homme de la ville. Comme beaucoup d'hommes, il considérait toutes les femmes de la même façon : ou bien elles étaient la propriété d'un homme en particulier ou bien elles étaient disponibles pour tous.

L'homme barra le chemin de Subha et lui fit une proposition grossière. il sentait l'alcool de riz. "Excusez-moi lui dit-elle, ceci est contre la règle monastique, vous le savez."

Il ne bougea pas d'un pas. Elle protesta à nouveau, en vain. L'homme répéta sa suggestion. Il se regardait comme un amant formidable et lui décrivit avec force détails ce qu'ils pouvaient faire dans la prairie en fleur, et de quelle manière célébrer le printemps. Subha restait impassible, attendant simplement qu'il s'écarte de son chemin.

Il essaya une autre tactique. "Tu es seule lui dit-il en élevant la voix, tu ne sembles pas effrayée, je pense qu'au fond tu es d'accord, et j'aime tes yeux, tes yeux langoureux."

"Ce corps est mort, fut sa réponse, qu'y vois-tu de valable ?"

"Tes yeux sont pareils à ceux d'une gazelle, pareils à des boutons de lotus, leur forme me rend plus impatiemment amoureux que jamais."

Subha entreprit de lui enseigner les vérités spirituelles dont elle était toute imprégnée. L'homme ne l'écoutait pas, il la saisit finalement par sa robe et répéta avec un grand rire : "j'adore tes beaux yeux"

"Ces yeux ne sont que des balles, des balles visqueuses, dit-elle avec force ! Elle plongea ses doigts dans une orbite et tendit à l'homme éberlué un oeil sanguinolent. Tiens, prends mon oeil que tu trouves si beau !"

Horrifié l'homme s'enfuit en courant et pendant longtemps ses amis ne le reconnurent plus, lui si bruyant était devenu muet et ne s'intéressait plus aux filles.

Quant à Subbha, elle revint vers le Bouddha, instantanément, sa vue lui fut rendue. Elle vit alors toutes choses d'un regard complètement neuf et libre.

Source : Cette histoire est tirée de l'ouvrage de Sally Tisdale Women of the Way relatant l'histoire d'une cinquantaine de femmes qui, au fil des siècles, ont laissé dans les mémoires la trace de la détermination de leur aspiration spirituelle.
Extrait trouvé sur le site Bouddhisme au Féminin