vendredi 13 janvier 2012

Bouddhisme : Derrière les rites

Par Buddhadasa Bhikkhu


« Bouddhisme » veut dire « enseignement de l’Eveillé ». Un bouddha est une personne éveillée, un être qui connaît la vérité de toutes choses, un être qui connaît la vraie nature de toutes choses. Le bouddhisme est une religion basée sur l’intelligence, sur la science, la connaissance et dont le but est la destruction de la souffrance et des racines de la souffrance.

Tous les hommages rendus à des objets sacrés par l’exécution de rites et de rituels, par l’acquisition de mérites ou les prières ne font pas partie du bouddhisme. Le bouddha rejetait tout cela, comme étant ridicule et insensé. Il rejetait aussi les créatures célestes qui étaient considérés par certains groupes comme étant les créateurs de l’univers et les déités supposées résider chacune dans une étoile.

Ainsi, le Bouddha a déclaré : « Si l’eau des rivières (comme le Gange) pouvait laver les pêchés et la souffrance, alors les tortues, les crabes, les coquillages et les poissons vivant dans ses eaux devraient depuis longtemps être libérés de leurs péchés et de la souffrance. »

Et aussi : « Si un homme peut éliminer la souffrance en faisant des mérites, en rendant hommage et en priant, il ne devrait plus y avoir aucun sujet de souffrance dans le monde car n’importe qui peut rendre hommage et prier. Cependant, les gens restent sujets à la souffrance malgré toutes leurs actions d’obéissance, leurs hommages et tous leurs rituels ; ceci démontre bien que ce n’est pas le chemin pour atteindre la libération. »

Pour atteindre la libération, nous devons d’abord examiner attentivement les phénomènes afin de connaître et comprendre leur vraie nature. Ceci est l’enseignement du bouddhisme ; celui que nous devons apprendre et avoir présent à l’esprit.

Le bouddhisme n’a rien à voir avec les prosternations et la déférence à des objets inanimés. Il n’a rien à voir avec des rites et des cérémonies tels les aspersions d’eau bénite ou quoi que se soit d’autres en rapport avec les esprits et les êtres célestes. Au contraire, il s’appuie sur la raison et la vision intérieure. Le bouddhisme ne repose pas sur des conjonctures et des suppositions ; il demande que nous actions en accord avec ce que notre propre vision intérieure nous révèle, et de ne pas prendre les paroles d’autrui pour argent comptant. Si quelqu’un vient et nous dit quelque chose, nous ne devons pas le croire sans questionner. Nous devons écouter ses positions et les examiner. Alors seulement, si nous pensons que c’est une position raisonnable, nous pouvons l’accepter provisoirement et essayer de vérifier si cela peut nous convenir. 

Ce point-clé est crucial, et qui distingue le bouddhisme de toutes les autres religions du monde.

Une religion a plusieurs faces. Vue sous un angle, elle a une certaine apparence, vue sous un autre angle, elle aura une autre apparence. Beaucoup de gens regardent les religions sous un mauvais jour ; le bouddhisme ne fait pas exception. Différents individus regardant le bouddhisme avec des attitudes mentales différentes sont susceptibles d’avoir des visions différentes du bouddhisme. Car tous, nous avons confiance dans nos propres opinions, la vérité pour chacun de nous coïncide avec nos propres compréhensions et nos points de vue.

En conséquence, « La Vérité » n’est pas tout à fait la même pour tout le monde. Chacun approfondit les questions à des degrés différents avec différentes méthodes et avec des niveaux de compréhension divers. Une personne peut ne pas reconnaître comme vraie, en fonction de sa propre idée de la vérité, quelque chose qui se situe au-delà de sa propre intelligence, de sa propre capacité de compréhension.

Parfois même, il peut suivre les idées que d’autres personnes pensent être la vérité tout en sachant en lui que ce n’est pas la vérité qu’il a vu par lui-même. La conception individuelle de la vérité peut changer et se développer au fur et à mesure que s’accroît son degré d’intelligence, de connaissance et de compréhension, jusqu’à ce que, avec le temps, il arrive à la vérité ultime ; et pour y parvenir, chacun de nous a différentes manières pour examiner et tester avant de croire.

Si le bouddhisme est vu avec différents niveaux d’intelligence et de compréhension, différentes descriptions pourront en être données tout simplement par ce qu’il peut être vu sous différents aspects. Comme nous l’avons dit, le bouddhisme est une méthode pratique pour se libérer par soi-même de la souffrance, par la compréhension de la vraie nature des phénomènes, comme le Bouddha en son temps le fit lui-même.

Bien sûr, chaque texte religieux est susceptible de contenir des ajouts faits plus tardivement, et notre Tipitaka ne fait pas exception à la règle. Certains, à une époque postérieure à la rédaction initiale ont ajouté des sections basées sur les idées de leur temps, à la fois pour stimuler la confiance des gens ou pour atténuer le zèle religieux de certains. Hélas, des rites et des rituels qui ont été ajoutés se sont amalgamés à la tradition originelle et sont maintenant acceptés et reconnus comme faisant parties intégrante du bouddhisme. 

Des cérémonies, comme les plateaux de sucreries et de fruits qui sont offerts à « l’esprit » du Bouddha, de la même manière que la nourriture est offerte aux moines, n’ont rien à voir avec les principes du bouddhisme. Certains groupes cependant considèrent ceci comme faisant partie de la pratique du bouddhisme véritable, et perpétuent ces pratiques.

Ces rites et ces cérémonies sont devenus si nombreux qu’ils ont complètement occulté le bouddhisme véritable et ses enseignements originaux. Prenez la procédure d’ordination des moines, par exemple. Avec le temps, cela est devenu une cérémonie pour faire des cadeaux aux bhikkhus nouvellement ordonnés. Les invités viennent apporter de la nourriture et suivre le déroulement de la cérémonie, tant et si bien qu’il y a plein de bruits et des personnes fortement alcoolisées. Les festivités commencées au foyer se poursuivent au temple.
Après quoi, le nouveau bhikkhu quitte les ordres quelques jours à peine après son ordination et bien souvent déteste la religion bien plus qu’avant.

Il faut vous mettre dans la tête que rien de tout cela n’existait du temps du Bouddha. Ce n’est qu’un développement tardif. L’ordination au temps du Buddha signifiait simplement qu’un individu qui avait obtenu le consentement de ses parents, renonçait à sa maison et à sa famille. C’était une personne qui pouvait mettre en règle toutes ses affaires et qui s’en allait rejoindre le Bouddha et l’Ordre des bhikkhus. Lors d’une occasion propice, il s’en allait pour être ordonné et bien souvent, il ne revoyait plus sa famille, le reste de son existence. Parfois, certains bhikkhus pouvaient revenir visiter leurs parents à de rares occasions, mais cela n’était pas fréquent.

Il existe une règle permettant au bhikkhu de retourner à la maison lorsque les circonstances le demandent ; mais à l’époque du bouddha, cela ne se faisait pour ainsi dire pas.

A l’époque, les bhikkhus ne recevaient pas l’ordination en présence de leurs parents. On ne se faisait ordonner lors d’une grande occasion pour quitter la Sangha dans la semaine qui suivait comme cela se fait de nos jours.
Tous ces cadeaux remis au nouvel ordonné, toutes ces cérémonies incluant toutes sortes de rituels – tout cela que nous sommes assez fous pour englober sous le nom de « bouddhisme » !… Et nous laissons faire cela sans rien dire et acceptons de dépenser notre argent et celui d’autrui dans de telles cérémonies. Ce « Néo-Bouddhisme » se répand au point de devenir universel. 

Le Dhamma, l’enseignement originel qui primait sur tout, a été supplanté par tous ces rituels, au point que les buts du bouddhisme s’en trouvent dénaturés et modifiés. L’ordination par exemple est devenu un rite de passage pour le jeune homme qui cherche une épouse (avoir été ordonné est considéré comme un signe de maturité) ; elle peut aussi être donnée à d’autres occasions pour d’autres motifs (il est fréquent de voir un homme politique désavoué se faire moine, le temps que l’affaire le concernant se tasse). Dans certains endroits, l’ordination est vue comme une opportunité pour se faire de l’argent. Certains on même pu devenir riche de cette manière ! Même cela, ils appellent cela : le Bouddhisme ! Et quiconque voudrait les critiquer se verrait traité de mécréant et d’opposant au Bouddhisme !




jeudi 12 janvier 2012

NE SOUS-ESTIMEZ PAS LES SOUILLURES ; ELLES VOUS JOUERONT DES TOURS !

Par ASHIN TEJANIYA

Les souillures (lobha, dosa, et moha : voir lexique) ne sont pas seulement les manifestations grossières de l’attachement, de l’aversion et de la confusion, ce sont aussi leurs amis et leurs parents, même les plus éloignés !! Voyez si vous avez déjà rencontré des pensées de ce genre :

« Ces lumières ne devraient pas être allumées pendant la journée ! » « Son comportement est tellement irritant. » « Il n’aurait pas dû faire ça. » « Je pourrais le faire beaucoup plus vite. » « Je suis nul comme méditant ; je ne peux même pas rester concentré une minute. » « Hier ma méditation était tellement bien ; aujourd’hui je suis complètement dispersé. » « Wouaou, ça c’était une assise géniale ; maintenant il faut que je reste vraiment présent comme ça je garderai cette sensation. » « Je dois rester dans la salle de méditation, sinon les autres vont penser que je suis paresseux. » « Il me faut une portion de plus de patates aujourd’hui parce que c’est bon pour la santé.» «Beurk! Il y a des oignons dans la salade!» «Ah non, pas encore des bananes ! » « Il est tellement égoïste, tellement irréfléchi. » « Pourquoi est-ce que ça m’arrive à moi ? » « Qui est responsable du nettoyage des toilettes ? » « Pourquoi ce méditant doit-il marcher là ? » « Ils ne devraient pas faire autant de bruit ! » « Il y a trop de monde ici ; je ne peux pas méditer. » « Quelqu’un est assis sur mon siège ! » « Elle est si jolie ! » « Il marche avec tant de grâce. »

Toutes les pensées de ce genre sont motivées par les souillures ! Ne les sous- estimez pas !


Avez-vous déjà dit à quelqu’un que vous n’étiez pas en colère même si vous n’avez vraiment pas aimé ce qu’il a fait ? Est-ce que parfois vous parlez en mal de votre patron, d’un membre de la famille, ou même d’un bon ami ? Est-ce que parfois vous racontez des blagues salaces ? Y a-t-il des moments où vous flattez les gens pour obtenir des faveurs ? Est-ce que vous levez automatiquement la voix lorsque quelqu’un n’est pas d’accord avec vous ?

Toutes les paroles de ce genre sont motivées par les souillures ! Faites-y attention !

Avez-vous déjà frappé très fort à une porte, ou peut-être utilisé le shampooing que quelqu’un avait oublié dans la salle de bain, ou fait un téléphone privé avec le téléphone d’entreprise, ou agi de manière similaire, plus ou moins sans y penser ?

Toutes les pensées de ce genre sont motivées par les souillures! Prenez-en conscience.


Cher(e) Lecteur(ice)

Ceci n’est pas une description complète ou systématique d’une quelconque méthode de méditation. Il s’agit simplement, dans les pages qui suivent, de partager avec vous quelques aspects pratiques de cette approche. Les conseils donnés sont basés sur l’expérience d’Ashin Tejaniya, à travers sa méditation et ses années d’enseignements. On espère que ce livret vous aidera dans votre pratique personnelle, mais nous sommes tous différents, et c’est pour cela qu’il y a diverses manières de développer la présence. Il s’est avéré que cette approche particulière a fonctionné au mieux pour nous, et nous aimerions vous encourager à l’essayer. L’information donnée reflète notre compréhension et notre interprétation de cette approche. Bien sûr, vous allez avoir des difficultés ou des questions auxquelles nous n’aurons pas donné de réponses dans ce livre – il vous faudra soulever ces questions lors de discussions sur le Dhamma (voir le chapitre « Discussions sur le Dhamma ».)

En lisant ce livre, s’il vous plaît ne vous raccrochez pas aux définitions qui figurent dans le dictionnaire. Par exemple, dans notre cas, les mots ‘prêter attention’, ‘observer’, ‘être présent’, ‘être attentif’ et ‘être conscient’ sont utilisés indifféremment. ‘Compréhension’, ‘réalisation’, ‘vision claire’ et ‘sagesse’ sont utilisés pour exprimer la même chose, et le mot ‘objet’ est souvent utilisé pour dire ‘expérience’. Le mot ‘perception’ se réfère aux perceptions corporelles et le ressenti aux perceptions mentales. On décrit aussi plusieurs points-clés de cette approche sous des angles différents, dans des contextes différents. Notre expérience nous a montré que ces répétitions s’avéraient utiles, particulièrement pour les débutants.


Nous avons essayé d’être le plus fidèles possible en traduisant les enseignements et les idées d’Ashin Tejaniya, mais il se peut que nous ayons fait des erreurs et que certains détails se soient perdus dans la traduction.
L’interprète, le rédacteur anonyme et les éditeurs


La Méditation Satipatthana

Dans ce centre nous pratiquons la méditation satipatthana, mais avant de commencer à pratiquer nous devons savoir comment pratiquer. Il faut avoir l’information juste et une bonne idée de la nature de la pratique pour avoir l’attitude juste lorsque nous pratiquons.
La méditation ici est basée sur les quatre fondements de l’attention (le corps, les sentiments, la conscience et le dhamma). Au fur et à mesure que notre pratique se développe, on donne de plus en plus d’importance à la conscience parce que la méditation est un travail de la conscience.
Ce qui suit ci-dessous devrait être suffisant pour commencer. Plus tard, les discussions sur le Dhamma vous permettrons d’approfondir votre pratique. Vous pouvez lire et relire ces instructions attentivement et à votre rythme.



Le Travail de la conscience

La méditation est un travail de la conscience, un travail de présence. Ce n’est pas un travail du corps. Ce n’est pas ce que vous faites avec votre corps, la façon dont vous vous asseyez, marchez ou bougez. La méditation, c’est faire l’expérience du corps et de la conscience avec intimité, d’instant en instant, avec la compréhension juste.
Si, par exemple, vous mettez vos mains ensembles en étant présent, vous remarquerez des sensations particulières à cet endroit – ceci est le travail de la conscience. Pouvez-vous remarquer ces sensations si vous pensez à autre chose ?

Bien sûr que non. Vous devez être attentif. Lorsque vous êtes présent au corps, vous remarquerez de nombreuses sensations. Est-ce que vous pouvez noter les différentes qualités de ces sensations? Avez-vous besoin de les nommer mentalement pour être attentif et présent à ces différentes sensations? Certainement pas. En fait, nommer mentalement vous empêche d’être attentif aux détails. Soyez simplement présent ! Cependant, être présent n’est qu’une partie de la méditation.

Il faut aussi avoir l’information juste et une compréhension claire de la pratique afin de travailler la présence intelligemment. En ce moment, vous êtes en train de lire ce livre pour comprendre ce qu’est la présence méditative. Cette information vous influencera inconsciemment lorsque vous méditerez. Lire ou discuter sur le Dhamma, réfléchir à la pratique, c’est le travail de la conscience - cela fait partie de la méditation.

La continuité est un élément vital de cette pratique, de ce travail de la conscience. Il est important de se rappeler d’être présent toute la journée. Alors soyez constamment attentif à vous-même ; en vous asseyant, en marchant, en nettoyant, en parlant, dans tout ce que vous faites – notez, prenez conscience, soyez attentif à ce qui se passe.


La détente

Lorsque vous essayez d’être conscient, essayez d’être détendu et de pratiquer sans tension, sans vous forcer. Plus vous arriverez à être détendu, plus il sera facile de développer la présence. Il n’est pas nécessaire de se ‘fixer’, de se ‘concentrer’ ou ‘d’intérioriser’ parce que cela demande trop d’énergie. Par contre, vous êtes encouragés à ‘noter’, à ‘être conscient’ ou ‘être attentif’.


 tout ce dont vous avez besoin pour rester présent, mais souvenez-vous, il faut faire ceci toute la journée. Si vous pratiquez de cette façon, votre énergie va augmenter tout au long de la journée. Si vous faites trop d’effort, si la conscience gaspille son énergie, vous allez vous fatiguer. Afin de pouvoir pratiquer en continu, il faut juste se rappeler d’être présent. Cet effort juste vous permettra de pratiquer avec détente, sans tension. Si vous êtes trop tendu ou trop fatigué, vous n’êtes pas en mesure d’apprendre. Si le corps et l’esprit sont fatigués, la façon dont vous pratiquez n’est pas juste. Vérifiez votre posture ; vérifiez la façon dont vous méditez. Vous sentez- vous à l’aise et vigilant ? Examinez aussi votre attitude ; ne pratiquez pas en ayant des attentes, ou en pensant que quelque chose va se produire. Il en résultera seulement de la fatigue.



Si vous êtes tendu, ou si vous le devenez, relâchez-vous. Il n’y a nul besoin de faire des efforts. En ce moment, êtes-vous conscient de votre posture ? Êtes-vous présent au fait que vos mains touchent ce livre? Pouvez-vous ressentir vos pieds? Remarquez le peu d’effort nécessaire pour reconnaître tout cela ! Ce peu d’effort est

Par conséquent, il est important de savoir si vous vous sentez tendu ou détendu. Vérifiez cela à maintes reprises dans la journée. Si vous êtes tendu, soyez présent à la tension ; si vous ne l’êtes pas, la tension va s’accroître (voir le dernier paragraphe dans ‘Activités au Quotidien’). Une fois détendu, vous pourrez méditer plus aisément.


L’Attitude juste (Yoniso Manasikara)

Être détendu et présent est essentiel, mais il est aussi très important d’avoir l’attitude juste, la disposition d’esprit juste. Que signifie avoir l’attitude juste ? Avoir l’attitude juste est une façon de percevoir les choses qui apporte satisfaction, confort, et qui vous met à l’aise – quelle que soit votre expérience. Les idées fausses, les mauvaises informations, ou l’ignorance de ce que sont les souillures auront un effet sur votre attitude.

Nous avons tous des attitudes erronées ; c’est inévitable. Aussi n’essayez pas d’avoir l’attitude juste, mais essayez plutôt de reconnaître si votre attitude est juste ou erronée. C’est important de prendre conscience du fait que vos attitudes sont justes, mais il est encore plus important de reconnaître et examiner vos attitudes erronées. Essayez de comprendre vos attitudes erronées ; observez comment elles affectent votre pratique, et remarquez de quelle manière elles affectent votre ressenti. Soyez attentif à vous-même et vérifiez régulièrement votre attitude dans la pratique.

L’attitude juste vous permet d’accepter, de reconnaître et d’être présent à ce qui se passe – que ce soit plaisant ou déplaisant – de manière détendue et vigilante. Vous devez accepter et être attentif aux bonnes et aux mauvaises expériences. Chaque expérience, qu’elle soit bonne ou mauvaise, vous donne la possibilité d’apprendre et de remarquer si la conscience accepte les choses telles qu’elles sont, ou bien de remarquer ce qu’elle aime ou n’aime pas, ce à quoi elle réagit ou juge.

Aimer quelque chose veut dire que vous le désirez, et ne pas aimer quelque chose veut dire que vous avez de l’aversion envers cet objet. Le désir et l’aversion sont des souillures qui surgissent de l’ignorance – l’ignorance et la confusion sont aussi des souillures. Alors n’essayez pas de créer quoi que ce soit ; essayer de créer quelque chose, c’est de la convoitise. Ne rejetez pas ce qui ce passe ; le rejet est un produit de l’aversion. Ne pas reconnaître une expérience telle qu’elle se présente, vouloir que ceci ou cela se passe ou ne se passe pas, c’est de la confusion.



Il ne faut pas essayer de manipuler les expériences selon ce que vous aimeriez qui se produise. Il faut essayer de savoir ce qui est en train de ce passer, exactement comme cela se passe. Penser que les choses doivent être d’une certaine façon, vouloir que cela se passe ou ne se passe pas, c’est avoir des attentes. Les attentes créent de l’anxiété et mènent à l’aversion. Il est important que vous preniez conscience de vos attitudes.


Juger la pratique et être mécontent de son déroulement, c’est une attitude erronée. Le mécontentement surgit de l’idée que les expériences ne se déroulent pas comme nous le pensons, il provient de notre désir qu’elles soient différentes, ou de l’ignorance de ce qu’est la pratique juste. Ces attitudes ferment la conscience et empêchent la pratique. Essayez de reconnaître l’insatisfaction, de l’accepter complètement et de l’observer très attentivement. L’observation et l’exploration de l’expérience de l’insatisfaction en dévoileront clairement les causes. La compréhension de ces causes dissoudra l’insatisfaction, et vous aidera à les reconnaître si elles surgissent à nouveau. Vous verrez plus clairement le mal que l’insatisfaction peut causer au corps et à l’esprit. 


Les attitudes erronées sont causées par la confusion. Nous les avons toutes ancrées dans nos consciences. Toutes les attitudes erronées sont des produits du désir et de l’aversion, ou de leur parenté, telles que l’allégresse, la tristesse ou l’anxiété. Le fait de ne pas accepter les souillures ne fait que les renforcer. Les souillures vous empêchent de progresser dans votre pratique de la méditation et de vivre pleinement votre vie. Elles vous empêchent aussi de trouver la paix véritable et la liberté. Ne sous-estimez pas les souillures ; elles se moqueront de vous !

Soyez vigilants en ce qui concerne les souillures. Familiarisez-vous bien avec celles qui surgissent dans votre conscience. Observez-les et essayez de les comprendre. Ne vous y attachez pas, ne les rejetez pas, ne les ignorez pas et ne vous identifiez pas à elles. Moins vous vous attachez ou identifiez aux souillures, et moins fortes elles deviendront. Soyez très vigilants quand à l’attitude dans votre pratique.

Rappelez-vous toujours que la présence méditative est un processus d’apprentissage, une familiarisation avec la relation intime entre le corps et la conscience. Soyez naturel et simple; il n’y a aucun besoin de ralentir vos mouvements exagérément. Il vous faut simplement voir les expériences telles quelles sont.

Il n’y a pas besoin de faire un effort pour se concentrer. La concentration se développera naturellement avec la pratique. Notre but est de devenir de plus en plus présent. Plus la présence est régulière et continue, plus la conscience devient vive et réceptive.

N’oubliez pas : l’expérience elle-même n’est pas très importante ; ce qui a vraiment de l’importance, c’est la conscience qui travaille à être présente à l’expérience en arrière-plan. Si vous faites des expériences avec l’attitude juste, n’importe quel objet est un bon objet. Avez-vous l’attitude juste ?

Soyez présent intelligemment

La présence méditative, ce n’est pas uniquement être réceptif aux expériences. Vous ne pouvez pas pratiquer aveuglément, mécaniquement, sans pensées. Utilisez vos connaissances et votre intelligence pour mettre de la vie dans votre pratique.

Voici les outils nécessaires pour être présent intelligemment :
• • •
l’information juste et une bonne compréhension de la pratique, la motivation juste ou l’intérêt juste, et la pensée juste ou la réflexion juste.
En lisant des textes sur la pratique et en participant aux discussions sur le Dhamma, vous acquerrez l’information juste et une bonne compréhension de la pratique. La motivation juste ou l’intérêt juste, c’est savoir pourquoi vous pratiquez ici et maintenant. Vous êtes-vous jamais demandé : « Pourquoi est-ce que je veux méditer ? » « Quelles sont mes attentes ? » « Est-ce que je comprends ce que ça veut dire de méditer ? ». La motivation juste et l’intérêt juste se développeront à partir des réponses à ces questions. L’information juste et la motivation juste auront une forte influence sur votre manière de penser ou de réfléchir au cours de votre pratique. Elles vous permettent de poser des questions intelligentes au bon moment.
La pensée juste, la réflexion ou l’investigation sont une manière de penser qui vous aident à pratiquer correctement. Si, en tant que débutant, vous êtes face à une situation particulière dans votre pratique, référez-vous tout d’abord aux instructions pour savoir comment vous y prendre. Si vous n’êtes pas sûr de ce qui se passe, posez-vous des questions telles que : « Quelle est mon attitude ? » « A quelle souillure ai-je affaire ? » Seulement, ne réfléchissez pas trop, surtout si vous êtes débutant ; vous pourriez être distrait. Ces questions ou ces pensées ont pour but de développer de l’intérêt.
Même si vous avez l’information juste, la motivation juste et la réflexion juste, vous pouvez quand même faire des erreurs. Reconnaître vos erreurs est un élément important de la présence méditative. Nous faisons tous des erreurs. Si vous avez fait une erreur, reconnaissez-là et acceptez-là ; essayez d’en apprendre quelque chose.

En étant de plus en plus conscient, votre intérêt à pratiquer va s’accroître. Etre présent intelligemment vous aidera à approfondir votre pratique et à développer une meilleure compréhension des fonctionnements de la conscience. En fin de compte, cette présence vous aidera à accomplir le but de la présence méditative ; la vision pénétrante.
La présence méditative est un processus d’apprentissage ; utilisez la présence intelligemment !


Postures / Repas / Activités au quotidien

N’oubliez pas d’être présent dès le moment où vous vous levez jusqu’au moment où vous vous endormez. Lorsque vous réalisez que vous n’êtes pas présent, vérifiez votre attitude. Essayez de voir dans quelle humeur vous êtes. Êtes-vous détendu ou pas ? Ensuite commencez par noter les sensations qui se manifestent facilement dans le corps. La conscience méditative doit être simple, nullement compliquée. Vous pouvez vous appuyer sur n’importe quelle sensation pour revenir à l’instant présent. L’objet principal ou premier vous aide à rester présent, dans l’instant. Vous pouvez toujours y revenir lorsque vous ne savez plus vers quoi prêter votre attention. Cependant, vous n’êtes pas obligé de rester avec cet objet tout le temps. C’est tout aussi bien si votre attention se dirige vers d’autres objets comme les sensations, l’audition, ou même la distraction, tant que vous êtes conscient de ce qui ce passe dans l’instant. Il convient aussi d’être présent à plusieurs objets à la fois.

Pour la méditation assise, le corps et la conscience devraient être à l’aise. Vérifiez souvent votre état de détente. S’il y a de la tension, d’abord détendez-vous, puis vérifiez votre attitude. S’il y a de la résistance, ressentez cette résistance et prenez- en conscience. Soyez simple et attentif à ce qui se passe. Soyez présent quelles que soient les expériences – votre posture, les sensations corporelles, la respiration, les sentiments et les émotions, les pensées, les distractions, l’audition et l’odorat. Si vous êtes à l’aise sur votre coussin et que vous réfléchissiez à quelque chose de très important, sans même réaliser que des pensées vous traversent, vous ne méditez pas.

 Lorsque vous en prenez conscience soudainement, ne vous faites pas de souci. Détendez-vous, vérifiez votre attitude, et recommencez l’exercice depuis le début.
Soyez présent lorsque vous marchez. Il n’y pas besoin de marcher vite ou lentement, mais simplement de façon naturelle. Il vous faut observer là où votre attention se dirige, ou bien ressentir votre corps en mouvement dans sa globalité. Si la conscience se fixe sur un mouvement ou une sensation particulière, c’est juste aussi. Mais rappelez-vous, vous n’êtes pas obligé de vous concentrer sur un même objet sans arrêt ; en fait, vous devriez éviter cela si cela crée des tensions. Vous pouvez aussi être présent aux sons et au fait que vous regardez où vous allez. Essayez de ne pas regarder autour de vous car cela risquerait de vous distraire. Toutefois, lorsque la présence sera plus continue, vous apprendrez à être présent tout en regardant quelque chose. Cette capacité de présence à la vision se développe avec la pratique. Tant que vous n’aurez pas développé cette capacité, le fait de voir des objets risque d’être une cause de distraction, de perte de présence.

Lorsque vous pratiquez la méditation debout, vous pouvez suivre les mêmes principes de base que pour la méditation assise et en marchant. Vérifiez si vous êtes tendu !
Lorsque vous mangez, ne soyez pas pressé. Si vous vous dépêchez de manger, vous risquez de n’être pas présent. Ainsi, en prenant conscience de manger rapidement, arrêtez-vous et soyez présent à l’empressement que vous ressentez ou aux sentiments qui l’accompagnent pendant un instant. Il est nécessaire d’être suffisamment calme pour comprendre ce qui se passe lorsque vous mangez. Faites l’expérience des sensations, des odeurs, des goûts, des états mentaux, de ce que vous aimez et n’aimez pas. Remarquez aussi vos mouvements corporels. Ne soyez pas trop attentif à tout les détails, mais restez présent à l’expérience.


Comment vous sentez-vous au cours de ces activités ? Est-ce que vous remarquez ce que vous aimez et n’aimez pas ? Etes- vous conscient lorsque vous regardez quelque chose ? Êtes-vous attentif lorsque vous écoutez quelque chose ? Etes-vous conscient des jugements qui surgissent envers ce que vous voyez, entendez, goûtez, touchez, pensez ou ressentez ? Etes- vous présent lorsque vous parlez ? Êtes-vous attentif à la force et au ton de votre voix ?
Votre temps libre et vos activités personnelles sont également des moments privilégiés pour pratiquer la présence. Vous avez peut-être tendance à être facilement distrait lorsque vous êtes tout seul. Êtes-vous présent lorsque vous fermez les portes, lorsque vous vous brossez les dents, enfilez un vêtement

Il est important de vérifier régulièrement si vous êtes tendu ou détendu ; si vous ne le faites pas, vous ne saurez pas si vous êtes l’un ou l’autre. Si vous êtes tendu, soyez présent à la tension. Vous ne pouvez pas pratiquez si vous êtes tendu. Si vous vous tendez, cela indique que vous n’avez pas la bonne attitude. Questionnez le fonctionnement de votre conscience. Si vous faites cela souvent, tout au long de la journée, vous pourrez prévenir beaucoup de tensions. En pratiquant, vous allez découvrir les causes cachées derrière les tensions. N’oubliez pas d’être attentif aux tensions ! Si vous êtes facilement tendu, pratiquez la méditation en position allongée une fois par jour. Cela vous aidera également à être présent dans toutes les postures du corps.


La distraction / Les sons

Lorsque des pensées vous traversent, si vous êtes distrait, ou si un son attire votre attention, prenez-en simplement conscience. Réfléchir est une activité naturelle de la conscience. Si vous avez une bonne audition, vous allez naturellement entendre des sons. Votre attitude est juste en étant présent aux pensées ou à l’audition. Mais si vous vous sentez dérangé par les pensées ou les sons, ou si vous avez des réactions ou des jugements envers eux, il y a un problème dans votre attitude. Le problème n’est pas la distraction ou les sons; le problème c’est votre attitude pensant qu’« ils ne devraient pas surgir ». Alors comprenez qu’il s’agit simplement de prendre conscience de certains fonctionnements de la conscience. Ces fonctionnements ne sont que des objets à observer.

Réfléchir est une activité mentale. Si vous débutez, il s’agit ne pas trop porter votre attention sur les processus de pensées. Il ne s’agit pas non plus d’éviter d’être présent aux pensées en revenant immédiatement à l’objet premier de votre méditation. Lorsque vous remarquez une pensée, soyez d’abord attentif à celle-ci, puis rappelez-vous qu’une pensée n’est qu’une pensée. Ne vous dites pas « c’est ma pensée ». A ce moment-là, vous pouvez revenir à l’objet premier de votre méditation.

Si vous vous sentez dérangé par les pensées, rappelez-vous que vous ne méditez pas afin de les prévenir, mais plutôt pour les reconnaître quand elles surgissent. Si vous n’êtes pas présent, vous ne pouvez pas savoir que vous pensez. Le fait de reconnaître que vous pensez démontre la présence. Rappelez-vous bien ceci : la quantité de fois où la conscience s’évade en pensées ou s’agace à propos de quelque chose importe peu – l’important c’est d’en prendre conscience.
Il n’est pas important que les pensées s’arrêtent ou pas. Il est plus important de comprendre si ces pensées sont vives ou encombrantes, convenables ou inappropriées, utiles ou inutiles. C’est pour cela qu’il est essentiel d’apprendre à être présent aux pensées sans s’y impliquer. Si une pensée devient de plus en plus encombrante malgré votre intention d’être simplement présent, vous êtes probablement quelque peu impliqué dans la pensée. Lorsque cela se produit, lorsque les pensées prennent tant de place que vous ne pouvez plus les observer, arrêtez de leur prêter attention et soyez alors présent aux émotions sous-jacentes, ou aux sensations corporelles.

Que vous soyez assis, que vous marchiez ou que vous soyez au milieu d’une activité quotidienne, posez-vous de temps en temps ces questions : « Que fait la conscience ? » « Pense-t-elle ? » « A quoi pense-t-elle ? » « Est-elle présente ? » « Présente à quoi ? »

Les douleurs / Les sensations désagréables / Les émotions

Lorsque vous avez des douleurs, des maux ou d’autres sensations corporelles inconfortables, cela veut dire que vous avez une résistance mentale par rapport à elles. Par conséquent, vous n’êtes pas encore prêt à observer directement ces sensations physiques. Personne n’aime les douleurs et si vous les observez alors que vous ressentez encore de la résistance envers elles, elles vont empirer. C’est comme lorsque vous êtes en colère contre quelqu’un ; si vous regardez sans cesse cette personne, vous serez encore plus en colère. Aussi, ne vous forcez jamais à être présent à la douleur; ce n’est pas un combat, c’est une opportunité d’apprentissage. Il ne faut pas essayer de diriger votre attention vers la douleur pour la diminuer ou la faire disparaître. Il faut l’observer – surtout vos réactions mentales envers elle – pour comprendre le lien entre vos réactions mentales et votre façon de percevoir les sensations physiques.

Tout d’abord, vérifiez votre attitude. Espérer que la douleur diminue ou s’en aille est une attitude erronée. Que la douleur disparaisse ou pas n’est pas important. La douleur n’est pas le problème ; le problème c’est votre réaction mentale négative envers elle. Si la douleur est causée par une blessure, il s’agit de faire attention de ne pas aggraver la situation. Par contre, si vous êtes en bonne santé, la douleur est une bonne opportunité pour pratiquer l’observation du fonctionnement de la conscience. Lorsqu’il y a de la douleur, les perceptions mentales et les réactions sont fortes et donc faciles à observer. Apprenez à être présent à la colère, à la résistance, à la tension ou à l’inconfort mental. Si c’est nécessaire, alternez la présence aux sensations et à votre attitude sous-jacente à la résistance. Rappelez-vous souvent de détendre le corps et la conscience, et notez comment cela affecte votre résistance mentale. Il y a un lien direct entre votre état de conscience et la douleur. Plus la présence sera détendue et calme, moins la douleur sera perçue comme intense. Bien sûr, si la conscience réagit fortement à la douleur (par exemple si votre expérience de la douleur est intolérable), il vous faut changer de position et vous mettre à l’aise.
Si vous voulez apprendre à gérer la douleur avec habileté, essayez ceci : à partir du moment où vous ressentez une douleur, quelle que soit son intensité, notez les
tensions physiques et mentales et détendez vous. 

Une partie de la conscience restera présente à la douleur. Alors continuez à être attentif au fait d’être tendu, et détendez-vous. Vérifiez aussi que votre attitude soit correcte, et rappelez-vous que vous pouvez changer de position si la douleur devient trop intense, ainsi votre conscience sera plus disposée à travailler. Continuez dans cette démarche à moins que vous ne puissiez plus être présent en raison de la tension, de la peur, du désir de vous lever, ou en raison de l’aversion envers la douleur. Il est alors souhaitable de changer de position.

Lorsque vous pouvez être présent à la douleur, cela ne veut pas dire que vous êtes dans un état équanime. La plupart d’entre nous commencent par décider de rester assis pour une période déterminée, se forçant à ne pas bouger. Si on réussit à rester assis pendant une heure on se sent bien, autrement on ressent un échec. Il est fréquent d’essayer de supporter la douleur de plus en plus longtemps, par exemple pour augmenter notre seuil de tolérance à la douleur. Cependant, dans ce processus on néglige la présence à la conscience et aux réactions mentales envers la douleur. Développer une telle tolérance à la douleur ne veut pas dire qu’il n’y a aucune réaction envers elle.

Si vous arrêtez de vous fixer une limite de temps pour la méditation assise, et si au contraire vous commencez à prendre conscience des réactions mentales de la façon expliquée précédemment, la résistance à la douleur va graduellement s’atténuer et la conscience deviendra plus équanime. C’est très important de comprendre la différence entre l’équanimité et la capacité à supporter la douleur. On ne pratique pas la présence méditative pour se forcer, mais pour comprendre. L’équanimité véritable est le résultat d’une vraie compréhension de la nature du désir et de l’aversion par la prise de conscience et l’investigation.

Il est plus judicieux d’être présent à la douleur seulement si vous ne ressentez pas de résistance à son égard. Gardez en tête qu’il peut y avoir une réaction à un niveau très subtil. Dès que vous reconnaissez cette tension, prenez en conscience ; si vous pouvez percevoir une tension mentale à un niveau subtil, observez sa transformation ; est-ce qu’elle s’accentue ou diminue ? Lorsque la conscience devient plus équanime et sensible, elle reconnaît les réactions subtiles plus facilement.

Si vous êtes présent à un niveau plus subtil de résistance mentale, vous atteindrez peut-être un état de conscience complètement équanime. Si vous êtes présent à la douleur tout en éprouvant une équanimité véritable, il n’y aura plus de tensions au niveau mental.

Rappelez-vous que vous ne développez pas la présence aux réactions mentales pour les faire disparaître. Considérez toujours les réactions comme une opportunité d’examiner leur nature. Posez-vous des questions ! Comment vous affectent –elles ? Quelles pensées vous traversent l’esprit ? Comment ces pensées affectent votre ressenti ? Comment votre ressenti affecte-t-il vos pensées ? Quelle est l’attitude derrière les pensées? Comment est-ce que ces éléments influencent votre perception de la douleur ?

Essayez d’appliquer ces derniers points lorsque vous êtes confronté à d’autres inconforts tel que des démangeaisons, la sensation de chaud ou de froid. De plus, toutes les habiletés développées face à vos réactions aux inconforts physiques peuvent aussi être appliquées aux souillures, telles les émotions suivantes : la colère, la frustration, la jalousie, la déception ou le rejet, de même que la joie, le plaisir, la convoitise ou l’attachement. Ces souillures et toute leur parenté – même la plus éloignée – devraient être gérées de la même façon que la douleur. Il est nécessaire d’apprendre à reconnaître et lâcher prise aussi bien l’attachement que l’aversion.

Lorsque vous examinez des émotions de ce genre, il est important de se rappeler qu’elles sont toutes des phénomènes naturels. Elles ne sont pas ‘vos’ émotions ; tout le monde en fait l’expérience. Il faut toujours garder cela en tête en examinant les pensées et les images mentales qui les accompagnent. C’est un fait que l’identification aux pensées avivera les émotions.

Toutefois, si vous faites l’expérience d’une émotion forte, il se peut que vous ne puissiez pas prendre conscience des pensées qui l’accompagnent sans l’intensifier. En pareil cas, il est judicieux de prendre clairement conscience des sentiments agréables ou désagréables ainsi que des sensations accompagnant l’émotion. Si c’est trop envahissant de focaliser la présence sur les émotions et les sensations,
vous pouvez diriger votre attention vers un objet neutre ou agréable, comme la respiration ou un son. Faire ceci va judicieusement distraire la conscience et arrêter les pensées – ou tout au moins les réduire. ‘Vous’ ne serez plus aussi impliqué dans ‘l’histoire’ et, par conséquent, l’émotion cessera. Mais n’ignorez pas complètement ces émotions et sensations ; dirigez votre attention vers elles de temps à autre !

Lorsque une émotion forte s’est calmée, ou si vous examinez une émotion plus douce, vous pourrez être présent aux sentiments, aux pensées et aux sensations corporelles. Plus vous comprendrez comment elles sont intimement liées, plus vous deviendrez habile en abordant tous les types d’émotions.

N’oubliez pas de vérifier votre attitude : voyez si vous êtes vraiment prêt à accepter l’émotion ou si vous avez des résistances envers elle. Toutes les résistances et les identifications envers l’émotion que vous ne reconnaissez pas vont l’alimenter et la rendre plus envahissante, comme un effet boule de neige. Rappelez-vous : les émotions n’ont pas du tout besoin de disparaître. Le but est de savoir comment vous ressentez les émotions, de reconnaître votre manière de penser lorsqu’il y a des émotions, de comprendre leur nature et le comportement de la conscience.


La continuité de la présence

Il est nécessaire d’être présent tout le temps, quelle que soit votre posture, dès le moment où vous vous levez jusqu’au moment où vous vous endormez. Ne laissez pas la conscience devenir oisive ou s’évader librement. C’est important que la conscience continue à travailler, c’est-à-dire continue à être présente. Quoique vous fassiez, c’est la présence qui importe. L’effort juste est nécessaire pour développer la présence en continu. Dans notre contexte, l’effort juste, c’est de vous rappeler d’être présent. L’effort juste est un effort de persévérance. Ce n’est pas un effort intense pour se concentrer sur quelque chose. C’est un effort qui se dirige simplement sur le fait de rester présent, et qui ne demande pas beaucoup d’énergie.

Vous n’avez pas besoin d’être attentif à tout les détails de votre expérience. Soyez simplement présent, et prenez conscience de ce qui se passe dans l’instant. Posez-
vous ces questions régulièrement : 

« Que ce passe-t-il maintenant ? » « Suis-je véritablement présent ou seulement présent de manière superficielle ? »

Ces questions serviront de soutien à la continuité de votre présence. Souvenez-vous : ce n’est pas difficile d’être présent – c’est juste difficile de l’être continuellement !
Il est important de développer votre pratique pour l’approfondir, et ceci ne peut se faire que grâce à la continuité de la présence. En pratiquant continuellement l’effort juste, la présence prendra graduellement plus d’essor et de force. Lorsque la présence prend le pas, la conscience est forte, qui elle-même développera la présence juste, la concentration juste, et la sagesse.


Pourquoi ?

Après cette lecture, vous vous sentez peut-être submergé par toutes les informations à garder à l’esprit pendant la méditation. Pourquoi est-ce important de savoir tout cela avant même de commencer à méditer ? T outes ces informations, ces suggestions et ces conseils n’ont qu’un seul but : vous donner la vue juste ou la compréhension juste qui vous aidera à méditer avec l’attitude juste. Lorsque vous avez la compréhension juste, vous appliquez l’effort juste naturellement, et cela vous permet de développer la présence juste et la sagesse. Toutes les informations reçues et comprises forment la base des attitudes que vous avez acquises, et celles- ci influencent naturellement la façon dont la conscience agit en toutes circonstances.


L’Essence de la Pratique

Développer la compréhension juste de la pratique.
Pratiquer continuellement ; c’est absolument essentiel pour l’approfondissement de votre pratique.
Détendez-vous !

Ayez l’attitude juste ; acceptez votre expérience telle qu’elle est. Soyez présent intelligemment Reconnaissez les souillures.

Discussions sur le Dhamma

Les discussions sur le Dhamma ou les questions de méditation vous donnent l’opportunité de partager vos expériences en méditation avec votre enseignant et de recevoir des conseils.
L’enseignant veut savoir comment cela se passe – si vous êtes capable d’être détendu et présent, si vous avez une présence continue, si vous pouvez reconnaître les bonnes et mauvaises attitudes, si vous êtes attentif à vos réactions, comment vous vous sentez, ce que vous comprenez, etc. Ces informations sont la base des discussions ; c’est seulement si l’enseignant connaît vos forces et vos faiblesses qu’il pourra vous donner les conseils nécessaires à votre pratique.
Vous pouvez expliquer où vous en êtes et où vous voudriez aller. Vous devez être honnête avec vous-même. Si vous ne parlez que de vos bonnes ou de vos mauvaises expériences, il sera difficile de vous guider judicieusement.


Le développement de la présence

Si vous êtes débutant vous devrez souvent vous rappeler d’être présent. Au début vous allez être lent à reconnaître que vous n’êtes plus présent, et vous allez probablement penser que votre présence est plutôt continue. Mais lorsque votre présence sera plus pointue, vous allez voir qu’en fait elle s’interrompt souvent. Vous allez même peut-être penser que la qualité de votre présence est de plus en plus mauvaise, alors que vous êtes simplement en train de reconnaître la quantité d’instants ou vous n’êtes pas présent. C’est un pas dans la bonne direction : cela
démontre que votre présence s’améliore. Ne vous critiquez jamais, acceptez vous simplement là où vous en êtes et rappelez-vous d’être attentif.

Toutefois, se rappeler d’être présent ne suffit pas. Pour que la présence se renforce, il faut aussi avoir l’attitude juste, une présence libérée des souillures. Être attentif est difficile si, par exemple, vous vous faites du souci en ce qui concerne vos progrès. Tout d’abord, vous devez prendre conscience du fait que cette attitude est une souillure, et en faire un objet d’observation. Si vous faites l’expérience du doute, de l’inconfort, de l’insatisfaction, de la tension, de la frustration ou de l’exaltation, alors observez-les. Examinez-les, posez-vous des questions telles que: « Quels types de pensées y a-t-il à la conscience ? » « Quelle est mon attitude ? » Cela vous aidera à comprendre comment les souillures vous affectent. Pour cela, vous allez devoir être patient, intéressé et curieux. Plus vous serez compétent à être présent avec l’attitude juste, plus votre présence s’approfondira et deviendra continue. Ceci vous aidera à être plus confiant en vous-même dans la pratique.

C’est alors que vous commencerez à en connaître les bienfaits et être présent vous demandera moins d’effort et ce sera plus amusant. Il sera plus facile de vous rappeler d’être présent et de repérer les souillures. En conséquence, la présence deviendra de plus en plus continue et, avec le temps, la pratique s’affinant, la présence gagnera en profondeur.
Lorsque la pratique s’approfondira , vous pourrez rester présent de façon naturelle. Cette présence naturelle a un aspect presque tangible et vous permet de ressentir une liberté très profonde jamais ressentie auparavant. Vous remarquez tout simplement lorsque vous êtes présent, et vous en faites l’expérience pendant la plus grande partie du temps. En d’autres termes, vous êtes présent à la présence, et la conscience devient un objet de présence. Lorsque vous éprouvez cette sorte d’élan, la conscience devient plus équanime.

Lorsque que la présence se renforce, il ne vous faudra que très peu d’efforts pour maintenir cet élan. Vous aurez toujours plusieurs objets de présence à la conscience sans faire d’effort. Par exemple, en vous lavant les mains, vous allez probablement reconnaître les mouvements corporels, le toucher et l’odeur du savon, la sensation et
le bruit de l’eau qui coule. 

En même temps, vous serez peut-être attentif à la sensation de vos pieds sur le sol, au son des haut-parleurs venant du monastère voisin par delà les champs, ou bien à la perception de taches sur le mur ainsi qu’à l’envie de les essuyer. En même que ces expériences, il se peut que vous soyez également présent à ce que vous aimez ou n’aimez pas. A chaque fois que vous vous laverez les mains, vous allez forcément noter des expériences différentes. La présence naturelle est constamment en mouvement, constamment en train d’observer l’environnement, lâchant certains objets pour en observer de nouveaux, et aussi passant d’un groupe d’objets à un autre.

Lorsque la présence deviendra naturelle, vous sentirez peut-être que les choses ralentissent, ceci est du au fait que maintenant vous pouvez être conscient de beaucoup d’objets à la fois, alors qu’au début de la pratique, il vous était difficile d’être attentif à seulement un ou deux objets. Cependant, il se peut que vous perdiez soudainement votre calme lorsque vous ressentez subitement des formes plus intenses de la colère ou du désir. La différence, c’est que maintenant la conscience perçoit les souillures et les mauvaises attitudes de manière plus immédiate, elles se dissoudront alors instantanément ou commenceront immédiatement à perdre de leur force. Il se peut que la présence soit encore interrompue, que la conscience se perde dans la confusion, mais vous reconnaîtrez ceci rapidement, et donc la présence naturelle se remettra au travail.

Ne soyez cependant pas trop enthousiaste, voici un petit avertissement ! Ce n’est pas facile de développer cette sorte d’élan. Vous ne pouvez pas le créer. Vous devez être patient. Il est possible d’en faire l’expérience après quelques semaines de méditation intensive, mais ce sera de courte durée. Il faut être très habile et beaucoup pratiquer pour maintenir cet élan. Lorsque vous l’expérimentez pour la première fois, vous allez probablement le perdre en quelques heures ou même quelques minutes. N’essayez jamais le faire revenir ; cela ne peut survenir que naturellement, en persévérant dans la pratique. Il faudra à la plupart des gens plusieurs mois ou plusieurs années pour développer les compétences et la compréhension nécessaire pour maintenir une présence naturelle tout au long de la journée.

Lorsque votre pratique s’approfondira, la concentration s’améliorera de façon naturelle, et donc la conscience sera plus stable. La conscience deviendra aussi plus affûtée, plus apaisée, plus simple et honnête, plus flexible et plus réceptive. Elle pourra facilement repérer les souillures plus subtiles, tout en restant présente à d’autres objets. La présence naturelle vous permet non seulement d’être présent à plusieurs objets, mais aussi de comprendre les relations de cause à effet, d’observer les détails et d’aborder les souillures à un niveau subtil de manière plus judicieuse.

Par exemple, vous allez peut-être vous sentir détendu et calme en marchant vers la salle de méditation, puis remarquer une forme subtile d’agitation pendant la méditation assise. A ce stade, la conscience est présente aux souillures, elle accepte l’expérience et développe de l’intérêt. Vous allez peut-être vous poser la question : « Pourquoi y a-t-il de l’agitation ? » La conscience maintiendra cette question en arrière-plan. Vous pourrez en même temps explorer les pensées, les sentiments et les tensions physiques qui sont liées à cette agitation. Ensuite, vous allez peut-être voir que ces tensions physiques sont causées par une accumulation de petits incidents dus au stress, aux frustrations ou à de l’exaltation. Il y a alors compréhension des causes de l’agitation, et celle-ci s’affaiblira immédiatement, de même que les tensions corporelles.

Si vous continuez à observer, vous allez peut-être découvrir encore un peu d’agitation et de tension. Vous allez peut-être vous poser la question: « Pourquoi ces incidents ont-ils surgit ? » et ceci vous amènera plus loin dans votre compréhension. Vous repérerez peut-être des désirs non satisfaits, des résistances, des vues erronées, des espérances ou des attentes qui ont créé ces tensions. Alors, si vous reconnaissez les causes qui sont à l’origine de l’agitation, la conscience peut complètement lâcher prise.

A ce niveau de compréhension, la connaissance des causes de cette agitation et de ces tensions permettra d’être attentif à de semblables incidents qui feraient surgir le stress, la frustration ou l’exaltation. S’ils reviennent, la sagesse repèrera les souillures qui en sont la cause. De cette manière la présence deviendra encore plus ininterrompue, et la conscience encore plus forte. A ce stade de la pratique, la
confiance, l’effort, la présence, la concentration et la sagesse travaillent étroitement ensemble. En d’autres termes, le Dhamma travaille par lui-même.

Toutefois, même la présence naturelle ne peut pas toujours reconnaître les souillures. Nous avons tous des zones d’ombre, des schémas bien ancrés dont nous ne sommes pas conscients. La présence naturelle ne repèrera pas ces zones d’ombre. Elles sont profondément cachées dans la conscience et donc inaccessibles à l’observation directe. Par contre, ce que la présence peut reconnaître, ce sont les réactions émotionnelles chez d’autres personnes. Si vous voyez que, d’une façon ou d’une autre, certaines personnes se mettent sur la défensive avec vous, prenez conscience de votre comportement et de votre attitude. Cependant, il n’est pas toujours clair pour vous de remarquer comment vous auriez pu offenser quelqu’un. Si vous êtes à l’aise avec la personne que vous avez offensée, vous pourriez lui demander pourquoi. Sinon, vous pouvez décrire la situation à un ami et discuter de la situation pour soulever le problème. Une fois que vous avez pris conscience du problème, vous pouvez aussi en parler au cours d’une discussion sur le Dhamma. Il est important de soulever et d’explorer ces habitudes cachées. C’est seulement si vous prenez conscience de ces mauvaises attitudes cachées que la sagesse pourra les mettre en lumière.

Lorsque vous débutez, il vous faut faire un effort pour que la sagesse entre en jeu. Il vous faut utiliser la présence intelligemment pour pratiquer judicieusement. En particulier, lorsque vous rencontrez des difficultés, il vous faut réfléchir aux diverses manières de sortir de cette situation. Avec le temps cependant, et alors que la présence devient plus continue, la sagesse se met à travailler plus rapidement. La sagesse reconnaît la différence entre les attitudes justes et les attitudes erronées, et elle peut dissoudre les souillures. Lorsque votre pratique se renforce, la présence et la sagesse se mettent à travailler ensemble. Lorsque la présence est naturelle, la sagesse acquise est toujours à disposition.
Peu importe le nombre de fois où la présence est interrompue ; reprenez conscience de l’instant présent avec douceur et patience. Rappelez-vous constamment d’être présent, mais ne soyez jamais en attente de progrès. Ce n’est pas important si les autres progressent plus rapidement que vous ; vous effectuez votre parcours à votre
rythme. Tout ce que vous devez faire, c’est de persévérer, et tôt ou tard la présence se développera de façon naturelle.


La sagesse

La sagesse ou la connaissance s’acquièrent généralement en lisant et en écoutant (sutamaya panna), en réfléchissant et en raisonnant (cintamaya panna), mais aussi par l’expérience directe (bhavanamaya panna).
Dans le contexte de la méditation, sutamaya panna c’est acquérir l’information juste pour débuter. Cintamaya panna, c’est le processus de réflexion sur cette information. Bhavanamaya panna, c’est la compréhension qui surgit au cours de l’expérience directe. Nous avons besoin de sutamaya panna et de cintamaya panna pour pratiquer la présence de manière judicieuse, de sorte que bhavanamaya panna puisse surgir. Ces trois types de pratique font partie de la méditation et tous trois sont essentiels pour la pratique de vipassana.

Lorsque nous débutons en méditation, il nous faut lire des livres sur le Dhamma, ou du moins écouter et participer à des discussions sur le Dhamma. Cela nous donne l’information et les conseils nécessaires pour pratiquer, cela nous donne matière à réflexion. Il s’agit de se rappeler de cette information et de ces conseils, il s’agit de réfléchir lorsque nous sommes confrontés à des difficultés, et, bien sûr, il s’agit de poser des questions pendant les discussions sur le Dhamma.
Il est essentiel de consciemment faire un effort pour apporter la sagesse à l’expérience. Toutefois, il est également nécessaire de garder à l’esprit l’impact sur notre pratique de ces connaissances acquises. Toutes ces informations travaillent d’elles-mêmes en arrière-plan, et elles vont donc influencer notre manière de penser, de voir les choses. Il est donc important de vraiment bien comprendre ces indications de bases ; assurez vous de ce que vous faites. Si vous n’êtes pas sûr de savoir ou si vous n’arrivez pas à comprendre par vous même, clarifiez votre compréhension avec un enseignant. Il est vital d’avoir l’information juste, la motivation juste, et une manière de penser juste afin de pratiquer intelligemment et avec efficacité. Pour la
plupart d’entre nous, ce processus d’apprentissage de la sagesse est lent, et souvent difficile et douloureux – on n’arrête pas de faire des erreurs.

Ne craignez pas de faire des erreurs et, surtout, ne vous reprochez jamais d’en avoir fait une. On ne peut éviter de faire des erreurs ; ce sont des étapes à franchir sur notre chemin et au cours de notre progression. Prendre conscience des erreurs, les examiner minutieusement, et en tirer des leçons, c’est la sagesse qui se manifeste ! En apprenant grâce aux erreurs, la sagesse se manifestera plus naturellement, plus automatiquement. Au fil du temps, en progressant dans notre pratique, et en devenant de plus en plus présent, les connaissances et la compréhension que nous aurons accumulées se manifesteront plus rapidement. La sagesse et la présence feront équipe.

Lorsque la présence devient naturelle, la conscience se renforce et la sagesse acquise est toujours disponible. Il n’est plus besoin d’effort pour la rechercher. Lorsque la présence se renforce, la sagesse permet de traiter les souillures avec habileté. Plus la sagesse se développe, plus la conscience devient pure et équanime. A ce stade, vous ferez l’expérience de moments d’équanimité et de clarté grâce auxquels vous commencerez à voir les choses sous un jour différent. En d’autres termes, vous commencerez à avoir des visions pénétrantes.

Avoir une vision pénétrante signifie comprendre en profondeur ce que vous ne compreniez auparavant que de manière intellectuelle et superficielle. C’est une expérience qui arrive naturellement, spontanément ; vous ne pouvez pas la créer. Le récit que quelqu’un fait de certaines expériences amenant à une vision pénétrante et la vision pénétrante elle-même, sont deux choses fondamentalement différentes. Et si vous faites des expériences similaires, cela ne veut pas du tout dire que vous êtes en train d’avoir une vision pénétrante, ou que vous en aurez une. Le moment venu, lorsque vous serez prêt, vous aurez vos expériences à vous, et vos propres visions pénétrantes surgiront. C’est alors que vous comprendrez l’immense différence entre ce que vous avez lu ou entendu et l’expérience même de la vision pénétrante. Vous pourrez exprimer l’effet de la vision sur vous même, ou les expériences liées à celle- ci, mais certainement pas la compréhension profonde que vous aurez acquise grâce à cette dernière.

Une expérience si directe de la réalité aura un impact important sur votre pratique, sur votre manière de percevoir le monde, et sur la façon dont vous vivrez votre vie. En d’autres termes, cette sagesse transformera immédiatement votre manière de voir les choses. Cependant une vision claire n’est pas permanente, elle ne dure qu’un instant. Ce qui dure, ce qui survit, c’est sa qualité, son potentiel. Si cette qualité n’est pas nourrie, elle peut disparaître. C’est seulement en continuant la pratique que cette qualité restera vivante et que la sagesse développée continuera à faire son travail et s’approfondira. La pratique continue ne veut pas dire qu’il faut s’asseoir en méditation pendant un certain nombre d’heures par jour ou par semaine, même si c’est une aide certaine. La pratique continue signifie maintenir la présence quelle que soit l’activité, en faisant de son mieux.
A ce stade de la pratique, la sagesse est l’élément le plus important. La présence se maintient toujours à ses côtés, mais maintenant c’est la sagesse qui a le rôle principal. Cette sorte de sagesse nous aidera à faire des progrès importants dans notre pratique.

Sutamaya, cintamaya, et bhavanamaya panna travaillent également main dans la main. La sagesse que vous développerez par la réflexion vous permettra d’approfondir votre confiance dans le Dhamma et stimulera ainsi votre intérêt pour la pratique. Cet intérêt va à son tour vous motiver à réfléchir et à apprendre davantage. Vous n’allez plus craindre de faire des erreurs et vous commencerez à explorer de nouvelles façons de faire face aux difficultés. Vous verrez plus clairement les bienfaits de la pratique et vous comprendrez ce que vous avez appris à des niveaux plus profonds. Tout cela approfondira votre confiance. Une fois que vous ferez l’expérience des visions pénétrantes, votre confiance dans le Dhamma évoluera énormément. Ceci encore une fois renforcera votre détermination à pratiquer sans réserve. La pratique de la présence prendra une place centrale dans votre vie et votre monde en sera à jamais transformé.

Quelle que soit l’expérience acquise, quel que soit votre niveau de connaissance, ne soyez jamais satisfait de la sagesse que vous avez acquise ou de la profondeur des
visions que vous avez eues. Ne vous limitez pas ; laissez toujours la porte grande ouverte à des connaissances nouvelles et plus profondes.

source : http://www.vimalakirti.org/IMG/pdf_Ne_sous-estimet_pas_.doc-_TRANSLATION.pdf