mercredi 26 septembre 2007

Dans cette vie même



Vous trouverez ci après plusieurs extraits du livre de sayadaw U pandita:
"Dans cette vie même", traduit par Marie Cécile Forget

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Informations sur ce livre : ICI


Instructions pour la Méditation :

Méditation assise

Le Bouddha recommande de se choisir pour la méditation, un endroit calme, éventuellement sous un arbre dans la forêt; le méditant pratique paisiblement, assis jambes croisées.

Si ceci pose un problème, il est libre de se trouver une autre façon de s’asseoir. Ceux qui ont des problèmes de dos peuvent très bien pratiquer sur une chaise. Pour trouver la paix de l’esprit, il faut que le corps soit paisible. Il est donc important de se choisir une posture confortable, dans laquelle on puisse méditer pendant un certain temps. Il faut veiller à garder le dos bien droit mais sans raideur et à trouver le bon angle par rapport au sol.
Vous comprendrez facilement pourquoi: un dos voûté ou tordu sera vite douloureux; d’autre part, l’effort de maintenir la posture sans prendre appui sur quoi que ce soit, va énergétiser la pratique. Fermez les yeux et posez votre attention sur le ventre, sur l’abdomen. Respirez normalement, sans forcer; ne cherchez pas à ralentir le souffle ni à l’accélérer, soyez naturel.

Vous pourrez bientôt constater que certaines sensations apparaissent au moment où vous inspirez et que votre abdomen se soulève; de même, lorsque vous expirez, certaines sensations vont se manifester, liées au mouvement d’abaissement de l’abdomen. Essayez alors d’être plus précis et maintenez votre observation pendant toute la durée de ce double processus. Soyez conscients de toutes les sensations liées au mouvement de soulèvement, dès le début du processus. Maintenez votre attention très vigilante jusqu’au moment où ce mouvement se termine. Soyez ensuite conscient des sensations liées au mouvement d’abaissement de l’abdomen et observez le début, le milieu et la fin de ce mouvement.

Si on demande de décomposer les mouvements de soulèvement et d’abaissement de l’abdomen en début, milieu et fin, c’est uniquement pour faire comprendre que l’attention doit être maintenue très éveillée pendant toute la durée de ces deux processus. Mais il ne s’agit pas d’observer trois segments séparément; c’est le processus global qu’il faut observer, sans interruption, du début à la fin et avec précision. Ne forcez pas, ne focalisez pas excessivement votre esprit pour voir à tout prix le début et la fin de ces deux mouvements.

Dans cette méditation, effort et application précise sont très importants; ce sont ces deux facteurs qui vont permettre à l’attention d’atteindre la sensation avec justesse et vigueur. Pour que l’observation soit précise, il est très utile de nommer mentalement l’objet d’attention; on étiquette silencieusement la sensation, en répétant mentalement: “Soulèvement, soulèvement... Abaissement, abaissement...” par exemple.

Comment Gérer les Vagabondages de l’Esprit Il est très probable que de temps à autre, il y ait des pensées vagabondes. A un moment, vous allez vous mettre à penser. Il faut alors observer l’esprit. Soyez conscients de cette pensée. Pour en prendre clairement conscience, vous pouvez la nommer mentalement en vous répétant doucement “penser, penser”, après quoi vous revenez aux mouvements de soulèvement et d’abaissement de l’abdomen.

Et c’est de la même façon qu’il faudra procéder chaque fois qu’un objet se présentera à l’une ou l’autre des six portes sensorielles: l’œil, l’oreille, le nez, la langue, le corps et l’esprit. Personne ne peut rester parfaitement focalisé sur les mouvements de soulèvement et d’abaissement de l’abdomen, même s’il s’y efforce; d’autres objets vont inévitablement apparaître et devenir prédominants.

Dans la méditation, le champ d’observation englobe toutes les expériences sensorielles, quelles qu’elles soient: voir, entendre, sentir, goûter, toucher ainsi que toutes les activités du mental comme les imaginations ou les émotions.
Dès que l’un ou l’autre de ces objets se manifeste, vous devez en prendre conscience de façon objective tout en faisant doucement une note mentale.

Au cours de la méditation assise, si un objet s’impose nettement à l’esprit au point de le distraire des mouvements de soulèvement et d’abaissement de l’abdomen, il doit être noté avec précision. Si par exemple un bruit perçant se manifeste pendant la méditation, vous devez consciemment diriger votre attention vers ce bruit, au moment précis où il apparaît. Réalisez le fait d’entendre et identifiez en même temps l’expérience en faisant doucement la note mentale “entendre, entendre”. Lorsqu’il s’estompe ou qu’il n’est plus prédominant, revenez aux mouvements de soulèvement et d’abaissement de l’abdomen.

C’est le principe de base de la méditation en posture assise. La note mentale ne doit pas être trop compliquée. Un seul mot suffit. Pour l’œil, l’oreille et la langue, nous noterons simplement: “Voir, voir... Entendre, entendre... Goûter, goûter.”

Pour les sensations corporelles, nous pouvons être un peu plus précis et noter par exemple: “Chaleur... pression... dureté... mouvement...” Pour ce qui est des objets mentaux, même s’ils déroutent par leur diversité, ils se réduisent finalement à quelques catégories comme penser, imaginer, se souvenir, faire des projets et visualiser. Quoiqu’il en soit, souvenez-vous que l’étiquetage n’est pas un exercice de vocabulaire. Le but est de nous aider à prendre clairement conscience de l’expérience elle-même, sans être immergé dans son contenu.

Cette technique renforce l’esprit, le focalise. En méditation, nous essayons de développer une attention claire, pénétrante et précise aux différents phénomènes physiques et mentaux. Le simple fait d’être attentif à ces phénomènes va nous mener à la réalisation de leur véritable nature, à la vérité concernant notre vie.

La pratique ne s’arrête pas nécessairement après une heure en posture assise. Elle peut se poursuivre pendant toute la journée, sans interruption. Lorsque vous vous apprêtez à vous lever, commencez par noter soigneusement l’intention d’ouvrir les yeux: “Intention, intention... Ouvrir, ouvrir...” Prenez conscience du phénomène mental de l’intention, ensuite ressentez les sensations provoquées par le mouvement des paupières. Notez ensuite très attentivement et en détail les différentes étapes du mouvement de votre corps qui passe à la posture debout et qui se met en marche. Tout au long de la journée, vous devrez être conscients et noter mentalement la moindre activité du corps comme par exemple le fait d’étendre ou de replier les bras, le fait de vous saisir d’une fourchette, de vous habiller, de vous brosser les dents, de fermer ou d’ouvrir une porte, de baisser les paupières, de manger, etc... Toutes ces activités devront chaque fois être soigneusement observées et mentalement étiquetées.

Il faudra s’efforcer de maintenir l’attention pendant toute la journée, jusqu’au moment où vous irez dormir. En fait, ce n’est pas si difficile: on médite en posture assise, pendant la marche et pour le reste, on est simplement conscient de tout ce qui se passe.

La Méditation en marche

Pendant une retraite, on alterne généralement la méditation assise avec la marche. Les séances se succèdent ainsi tout au long de la journée et durent en principe une heure; mais il est possible de ramener ce temps à trois quarts d’heure. Lorsqu’ils pratiquent la marche attentive, les méditants se choisissent un espace de marche d’une vingtaine de pas qu’ ils parcourent de long en large.

Dans la vie quotidienne également, la pratique de la marche attentive va se révéler intéressante à beaucoup d’égards. Y consacrer une dizaine de minutes avant de s’asseoir est une très bonne façon de focaliser l’esprit. En outre, il est toujours utile d’être attentif lorsqu’on se déplace d’un endroit à l’autre. Cet exercice équilibre et affine l’attention; la concentration qu’elle développe est solide. Elle permet de réaliser des aspects très profonds du Dhamma, parfois même l’illumination!
En fait, un yogi qui ne marcherait pas avant de s’asseoir peut être comparé à une voiture dont la batterie serait déchargée: il ne pourra pas facilement faire démarrer la machine.
La méditation en marche consiste à observer le processus de la marche. Si vous adoptez un rythme relativement rapide, vous notez: “Gauche, droite, gauche, droite” tout en observant les sensations qui se manifestent dans la jambe toute entière. Si vous adoptez un rythme plus lent, faites trois notes à chaque pas: “Lever, avancer, placer le pied”. Dans un cas comme dans l’autre, ce sont les sensations liées au mouvement de la marche qu’il faut essayer d’observer. Lorsque vous arrivez au bout du chemin, vous vous tenez debout, ensuite vous tournez et vous reprenez la marche; observez tout ce qui se passe. Ne regardez pas vos pieds à moins qu’un obstacle sur le chemin ne vous y oblige; il est également inutile de visualiser le pied; ce n’est pas par les yeux que l’on perçoit les sensations; il faut se focaliser directement sur elles.

Lorsque le méditant expérimente pour la première fois les sensations physiques à l’état pur, sans conceptualisation, comme par exemple la légèreté, le fourmillement, la chaleur, le froid, il le vit bien souvent comme une découverte fascinante. Pendant la marche attentive, on divise en général chaque pas en trois mouvements: lever, avancer et placer le pied.
Si on sépare clairement ces mouvements, c’est pour permettre d’observer avec précision; il faut également étiqueter mentalement ces mouvements, chaque fois qu’ils ont lieu, dès qu’ils apparaissent; l’observation doit être maintenue très vive et ferme jusqu’à ce que le mouvement se termine. Précisons, c’est important même si c’est un détail, que le troisième mouvement, “placer”, commence dès le début du mouvement d’abaissement du pied. Le « Nouveau Monde » des Sensations Voyons ce qui se passe lorsque nous notons “lever”. Ce terme “lever” a une signification conventionnelle que nous connaissons bien; mais en méditation, il est important de dépasser cette signification conventionnelle, ce concept et de réaliser la véritable nature du processus d’élévation, dans son entièreté: on commence par noter l’intention de lever le pied et ensuite le processus lui-même avec ses multiples sensations. L’effort déployé pour observer le mouvement d’élévation du pied doit être bien dosé: ni trop fort - la cible est dépassée, ni trop faible - la cible n’est pas atteinte. Viser avec précision et exactitude va aider à trouver le bon équilibre. Si l’ effort est bien dosé et que l’esprit est appliqué avec précision, l’attention va automatiquement s’établir sur l’objet de façon très ferme. Ce n’est qu’en présence de ces trois facteurs, effort, application précise et attention que la concentration pourra se développer. La concentration bien sûr, c’est l’unification, le recueillement de l’esprit; sa caractéristique est d’empêcher sa dispersion, son éparpillement.
Si nous persévérons et que nous affinons encore notre observation du mouvement d’élévation du pied, nous verrons la discontinuité de ce mouvement, il va nous apparaître par segments successifs comme une colonne de fourmis traversant la route; vue de loin, cette colonne semble statique, mais lorsqu’on s’approche, elle se met à chatoyer et à vibrer. Vue d’encore plus près, la colonne se disloque et on ne voit plus que des fourmis séparées les unes des autres. Nous comprenons alors que la colonne en tant que telle n’est qu’une illusion.
Nous sommes maintenant en mesure de voir qu’il n’y a que des fourmis individuelles, se succédant les unes après les autres. Ce sont exactement les mêmes constatations que nous allons faire si nous observons avec précision le mouvement de soulèvement du pied, du début à la fin: le facteur mental appelé “vision pénétrante” se rapproche de plus en plus de l’objet d’attention. Plus il s’en approche, mieux le méditant perçoit la véritable nature du processus d’élévation.

L’esprit humain a quelque chose d’étonnant : lorsque la sagesse est activée et développée par vipassana, la méditation de la vision pénétrante, divers aspects de la vérité à propos de l’existence vont se manifester selon un ordre bien précis. Cet ordre, c’est ce que l’on appelle les étapes de progression vipassana. La connaissance qui se manifeste généralement en premier lieu consiste à réaliser, non pas intellectuellement ou logiquement mais intuitivement, que le processus de soulèvement est double; les méditants commencent à voir distinctement deux phénomènes, l’un mental, l’autre physique, apparaissant en association. Les sensations physiques, l’aspect matériel, sont liées mais cependant distinctes de la conscience de ces sensations, l’aspect mental.

Nous commençons à voir une succession d’événements mentaux et de sensations physiques et à reconnaître le lien de causalité entre l’esprit et la matière. Nous voyons de façon très claire et très directe que l’esprit cause la matière - l’intention de lever le pied provoque la sensation physique de mouvement et nous voyons que la matière conditionne l’esprit - une sensation de forte chaleur amène le désir de nous déplacer vers un endroit ombragé.

La réalisation des causes et des effets peut se faire de façons très variées; mais lorsqu’elle se produit, la vie nous apparaît beaucoup plus simple qu’avant. Il n’y a qu’une chaîne ininterrompue de causes et d’effets physiques et mentaux. C’est la deuxième étape dans l’ordre classique des connaissances vipassana.

Notre concentration va s’approfondir et nous verrons l’impermanence et l’impersonnalité à des niveaux de plus en plus profonds: les phénomènes qui composent le mouvement d’élévation du pied apparaissent et disparaissent à une vitesse fantastique. C’est l’étape suivante, un autre aspect de l’existence que notre attention concentrée nous permet de réaliser. Il n’y a personne derrière ces phénomènes; ce sont des processus vides de substance, qui apparaissent et disparaissent selon la loi de cause et d’effet. Le mouvement et la solidité ne sont qu’illusion; l’œil ordinaire croit reconnaître des objets, des marques distinctives, tout un monde apparemment réel. Mais lorsque le film passe au ralenti, il n’y a plus que des images séparées, statiques.





Il y a cinq types de joie.

La première est appelée "joie mineure". Au début de la pratique, le méditant qui a réussi à maintenir les empêchements à distance suffisamment longtemps, va peut-être commencer à ressentir des secousses, des frissons voluptueux; il aura parfois la chair de poule. Ce sont les premières manifestations de la joie.
Le deuxième type de joie est appelée "joie momentanée". Elle se manifeste brusquement, par à-coups et elle est plus intense que la joie mineure.

Vient ensuite la "joie débordante". L'image classique est celle d'une personne assise au bord de la mer qui subitement verrait arriver vers elle une vague immense prête à l'engouffrer. Le yogi a la même sensation, il se sent soulevé du sol. Son coeur se met à battre, il est submergé et se demande ce qui lui arrive.

Le quatrième type de joie c'est la "joie exubérante ou transport joyeux". Vous vous sentez si léger que vous avez l'impression d'être assis à quelques centimètres au-dessus du sol. Vous avez l'impression de flotter ou de voler plutôt que de marcher sur le sol.

Le cinquième type de joie, la "joie envahissante", est la plus forte de toutes. Elle infiltre le corps tout entier jusque dans ses moindres pores. Si vous êtes en posture assise, vous vous sentez incroyablement à l'aise, vous n'avez aucune envie de vous lever; vous avez au contraire un très fort désir de poursuivre votre méditation sans bouger.

Les trois premiers types de joie sont appelés pâmojja, les joies légères. Mais piti, la forte joie, est un terme réservé aux deux derniers types. Les trois premiers sont les causes pour les deux derniers, ils préparent le terrain.

Selon le Bouddha, l'attention sage est la cause pour la joie comme c'était déjà le cas pour l'effort. C'est la seule. Il faudra être sagement attentif à fournir un effort tel que l'enthousiasme pour que le Bouddha, le Dhamma et le Sangha se manifestent.




La joie : quatrième facteur d’illumination.

L’attention sage est la cause pour la joie.

Selon le Bouddha, l’attention sage est la cause pour la joie. Comme c’était déjà le cas pour l’effort. C’est la seule. Il faudra être sagement attentif à fournir un effort tel que l’enthousiasme pour que le Bouddha, le Dhamma et le Sangha se manifestent.

Les onze façons supplémentaires de développer la joie :

Dans les commentaires, on reconnaît onze moyens de faire surgir la joie :

1. Se remémorer les vertus du Bouddha.

Le premier consiste à se remémorer les vertus du Bouddha, c’est buddhanussati. Il y en a un grand nombre et il n’est sans doute pas indispensable de toutes les connaître pour voir apparaître les premières manifestations de la joie. Il y a par exemple la qualité de araha ; c’est la première vertu à figurer dans la liste traditionnelle ; le Bouddha s’était rendu parfaitement pur en déracinant les kilesas ; il méritait dès lors le respect des humains, des devas et des brahmas. Vous réussirez peut-être à faire à faire surgir en vous la joie par le simple fait de réfléchir à la façon dont le Bouddha se débarrassa des kilesas et obtint la pureté de l’esprit...


2. Se réjouir dans le Dhamma.

La seconde façon de faire surgir la joie consiste à pratiquer le souvenir du Dhamma et de ses vertus. Traditionnellement, la première de ces vertus s’exprime par une phrase : « Le Dhamma est bien exposé par le Bouddha ; oui, le Dhamma est bien proclamé par le bouddha ». Le Dhamma a été excellemment enseigné par le Bouddha et actuellement, la façon dont vos professeurs le transmettent est fiable. C’est une bonne raison de se réjouir. Le Bouddha a beaucoup parlé du triple entraînement de sîla, de sâmadhi et de pannâ. Celui qui le suit doit commencer par assurer la pureté de son comportement en observant les préceptes moraux. Nous allons essayer de vivre à un haut niveau d’intégrité morale, en contrôlant nos actions et nos paroles. Ceci va amener beaucoup de bénéfices. Nous serons libres de l’autocritique, du blâme et du remords. Nous serons également libres de la censure par les sages et de la condamnation par la loi.

Nous allons ensuite développer la concentration en suivant les instructions du Bouddha. Si notre motivation est sincère et que nous pratiquons avec constance et persévérance, nous expérimenterons le bonheur et la clarté, notre esprit sera lucide et paisible. C’est samatha sukha, le bonheur qui procède de la concentration et de la tranquillité d’esprit. Il est même possible d’atteindre les différents niveaux d’absorption ou jhanas, états béatifiques extraordinaires dus à la suppression temporaire des kilesas.

Et lorsque vous serez arrivés à vipassanâ, vous porrez expérimenter un troisième type de bonheur. Vous pénétrerez plus profondément dans le Dhamma, atteindrez le stade de connaissance de l’apparition et de la disparition des phénomènes et serez grisé par un type de joie que l’on pourrait qualifier de « frissonnante ».
Elle sera suivie de la « joie née de la clarté ». Et lorsque finalement vous aurez atteint le stade de connaissance appelé sankharupekkânâna, la connaissance de l’équanimité par rapport aux formations, vous expérimenterez la « joie de l’équanimité ». L’agitation et l’excitation auront fait place à un bonheur plus profond, très subtil et équilibré. Ceux qui s’engagent dans la pratique verront donc se réaliser les promesses et garanties du Bouddha, ils expérimenteront ces différents types de bonheur. Si vous réussissez à tous les vivre dans votre pratique, vous serez en mesure d’apprécier en profondeur la justesse des paroles du Bouddha. Vous aussi vous direz alors : « Le Dhamma est bien exposé par le Bouddha ; oui, le Dhamma est bien proclamé par le bouddha ».



3. Apprécier les vertus de la Sangha.

Se remémorer les vertus de la sangha constitue, selon les commentaires, la troisième façon majeure de développer la joie. La sangha est la communauté des personnes nobles entièrement engagées dans le Dhamma, qui mènent leur effort avec patience et sincérité. Ils suivent correctement la voie, sans faire de détour, et atteignent leur destination respective...


4. Considérer ses propres vertus.

La quatrième façon de faire surgir la joie consiste à considérer dans quelle mesure on a réussi à maintenir la pureté du comportement, cette puissante vertu qui amène un sentiment intense de satisfaction et de joie chez celui qui la possède. Mais elle exige beaucoup de persévérance. En repensant aux efforts que vous avez fournis pour y arriver, vous ressentirez peut-être un profond sentiment d’accomplissement et de bonheur...


5. Se remémorer sa propre générosité.

La cinquième façon de faire surgir la joie consiste à se remettre en mémoire sa propre générosité. Pour être méritoire, la charité doit se pratiquer sans espoir de retour, dans l’unique but de rendre les autres heureux, paisibles, en leur souhaitant de se libérer de la souffrance. En plus des mérites, un tel acte amène un bonheur et une satisfaction intenses. C’est la motivation qui est déterminante : pour être bénéfique, elle ne doit contenir aucune trace d’égoïsme...


6. Considérer les vertus des Dieux.

La sixième façon de faire surgir la joie consiste à réfléchir aux vertus des devas et des brahmâs, les êtres qui vivent dans les plans supérieurs. Lorsqu’ils se trouvaient encore dans le plan humain, ces gens ont cru au kamma. Etant persuadés que les actions positives amènent des récompenses et que les actions négatives ont des conséquences néfastes, ils s’efforçaient de pratiquer le bien et de s’abstenir du mal. Certains pratiquaient même la méditation. A cause des énergies pures qu’ils avaient ainsi introduites en eux, ils reprirent naissance dans des états supérieurs où la vie est plus agréable que dans le plan humain...

7. réfléchir à la Paix absolue.

La septième façon de faire surgir la joie consiste à méditer sur la paix qui résulte de la cessation des kilesas. Au sens ultime, c’est nibbâna.
Si vous en avez déjà fait l’expérience, vous pourrez faire surgir beaucoup de joie en vous la remémorant.

Si vous n’avez pas encore expérimenté nibbâna, vous pouvez réfléchir à la fraicheur des états concentrés, ou jhânas. La concentration profonde amène une paix qui est de loin supérieure aux plaisirs mondains...

Le calme et la fraîcheur s’installe tout naturellement lorsque les kilesas ont été maintenues à distance pendant un certain temps...




8 et 9. Eviter la compagnie des gens grossiers, recherchez la compagnie des gens raffinés.

Les huitième et neuvième façons de faire surgir la joie sont liées. Eviter la compagnie des gens rudes et grossiers, facilement pris par la colère, les gens qui manquent de mettâ –d’amour bienveillant- et rechercher d’autre part la compagnie des personnes raffinées, au cœur compatissant...

10. Penser aux Suttas.

La dixième façon de faire surgir la joie consiste à méditer sur les suttas. Lorsqu’il y est question des vertus du Bouddha, ces sermons peuvent faire surgir beaucoup de joie et de bonheur chez les personnes ferventes de nature. D’autres, et notamment le Satipatthana Sutta, parlent des bénéfices de la pratique du Dhamma. D’autres encore d’histoires inspirantes à propos de la sangha, la communauté des êtres nobles. Repenser à ces lectures peut donner de l’inspiration et faire surgir la joie et la bonheur.

11. Incliner l’esprit.

La dernière façon de développer la joie consiste à incliner l’esprit vers ce but, avec fermeté et détermination. Il faut comprendre que la joie apparaît dès que l’esprit est suffisamment pur. Si vous voulez la faire surgir, il faudra donc faire l’effort d’être attentif à chaque instant pour qu’avec la concentration, les kilesas soient maintenues à distance. Il faudra beaucoup de détermination pour maintenir votre attention ferme et ininterrompue en posture assise, couché, en marche, debout et dans toutes activités.





Les sept facteurs d'illumination

Ce n'est pas en regardant les étoiles qu'on atteint l'illumination. La seule lecture ou étude des textes ne permet pas de l'obtenir, pas plus que la réflexion ou le désir de la voir se produire dans son esprit. Certaines conditions ou préalables sont nécessaires pour cela. En pali on parle des bojjhhangas, les facteurs d'illumination ; il y en a sept.

Le mot bojjhangas se compose de bodhi qui veut dire "illumination" ou "personne illuminée" et de anga, "facteur causal". On peut donc traduire ce terme par "facteur causal présent chez l'être illuminé" ou "cause pour l'illumination". Il y a une autre sens au mot bojjhanga qui se base sur une interprétation de ces racines palies. La signification alternative du mot "bodhi" est "la connaissance qui comprend ou voit les Quatre Nobles Vérités" : la vérité de la souffrance universelle ou insatisfaction ; la vérité du désir, cause de la souffrance et de l'insatisfaction ; la vérité selon laquelle il est possible de mettre fin à la souffrance, et la vérité du chemin qui mène à la fin de cette souffrance, soit le Noble Octuple Sentier. La signification alternative du mot "anga" est "partie" ou "portion". La deuxième signification de bojjhanga est donc "la partie spécifique de la connaissance qui voit les Quatre Noble Vérités".

Tous les méditants vipassanâ en arrivent à comprendre les Quatre Nobles Vérités dans une certaine mesure mais la véritable compréhension de ces vérités suppose un moment de conscience particulier, profondément transformant, que l'on appelle la conscience du chemin. C'est un des stades les plus avancés de la pratique vipassanâ.
Cette conscience inclut l'expérience de nibbâna. Le yogi qui en a fait l'expérience comprend en profondeur les Quatre Nobles Vérités et peut donc être considéré comme quelqu'un qui possède les bojjhangas.
Une telle personne est dite noble. En ce sens, les bojjhangas ou facteurs d'illumination peuvent également être vus comme les qualités ou caractéristiques d'un être noble. On parle parfois des sambojjhangas, le préfixe sam voulant dire complet, parfait, correct ou vrai. Le préfixe n'apporte pas de modification très importante à la signification du mot mais il l'intensifie et lui donne de l'éclat.

Les sept facteurs d'illumination, autrement dit les sept qualités d'une personne noble sont : l'attention, l'investigation, l'effort, la joie, le calme, la concentration et l'équanimité.

En pali sati, dhamma-vicaya, viriya, pîti, passadhi, samâdhi, upekkhâ. Ces sept facteurs sont présents tout au long du cheminement vipassanâ. Du point de vue des stades de progression, nous pouvons dire que ces sept facteurs d'illumination ne commencent à être clairement discernables qu'au stade de connaissance des apparitions et disparitions des phénomènes. Comment faire pour développer ces facteurs en soi? Par la pratique de la méditation satipatthâna. La Bouddha a dit : "Oh ! Bhikkhus, en pratiquant sans interruption et avec constance les quatres fondements de l'attention, on développe automatiquement et jusqu'à maturité les sept types de bojjhangas."





les jhanas de vipassana, (cet extrait est aussi copié dans les jhanas)



Il y a deux types de jhānas, les jhānas de samatha et les jhānas de vipassanā.

Les Jhānas de Samatha

Ceux qui ont déjà une certaine connaissance des jhānas de samatha, se demanderont peut-être pourquoi j’en parle ici alors que nous pratiquons vipassanā. Samatha jhāna est la pure concentration ; l’attention se fixe sur un seul objet – une image mentale par exemple, un disque de couleur ou une lumière. L’esprit reste fixé sur cet objet sans s’en écarter, sans se déplacer ailleurs. Il va ainsi progressivement se calmer, se tranquilliser et se concentrer jusqu’au moment où il sera absorbé dans cet objet. On reconnaît dans les écritures différents niveaux d’absorption, chaque niveau ayant ses propres caractéristiques.


Les Jhānas de Vipassanā

Les jhānas de vipassanā permettent par contre à l’esprit de se déplacer librement d’un objet à l’autre, tout en restant fixé sur les caractéristiques d’impermanence, d’insatisfaction et de non soi, qui sont les traits communs à tous les phénomènes. L’esprit capable de rester fixé sur la béatitude de nibbāna fait également partie de vipassanā jhāna. Alors que le but du méditant samatha est la tranquillité et l’absorption, c’est la vision pénétrante et la sagesse qui sont les résultats les plus importants de la pratique de vipassanā jhāna. L’esprit se focalise ici sur les paramattha dhammas, ce que l’on appelle communément « la réalité ultime » ; ce sont tout simplement les choses que nous expérimentons directement au moyen de nos six sens sans passer par la conceptualisation. Le plus souvent, ce seront des sankhāra paramattha dhammas, des phénomènes appartenant à la réalité ultime conditionnée : le flux perpétuellement changeant des phénomènes physiques et mentaux. Nibbāna est également un paramattha dhamma, mais bien sûr, il n’est pas conditionné.

La respiration est un bon exemple de processus conditionné. Les sensations que vous expérimentez au niveau de l’abdomen, sont la réalité ultime conditionnée, les sankhāra paramattha dhammas, qui sont causés par l’intention de respirer. Lorsqu’il concentre son attention sur l’abdomen, le méditant cherche à pénétrer la qualité, la nature réelle de ce qui se passe à cet endroit du corps. Si vous percevez des mouvements, des tensions, de la dureté, de la chaleur ou du froid, vous commencez à développer les vipassanā jhānas.

L’attention au contact sensoriel suit le même principe. S’il y a effort diligent et attention pénétrante, l’esprit focalisé sur ce qui se passe au moment d’un contact sensoriel, comprend la véritable nature de ce processus. Les activités sensorielles seront comprises à la fois dans leurs caractéristiques individuelles et dans leurs caractéristiques communes.
Si nous nous référons à la classification en quatre niveaux des jhānas, le premier comprend cinq facteurs que nous allons décrire maintenant. Ils sont tous importants dans la pratique de vipassanā.

Les Cinq Facteurs Jhāniques

Le premier facteur est appelé vitakka : c’est le fait de viser l’objet et d’y appliquer l’esprit avec précision. Le faire avec fermeté, de façon à ce qu’il ne puisse pas s’échapper, est un autre aspect de ce premier facteur jhānique.

Le deuxième facteur est vicāra (prononcez « vichara »), que l’on traduit généralement par « investigation » ou « réflexion ». Vitakka a amené l’esprit sur l’objet et l’y a établi fermement. Vicāra prend le relais et va y frotter l’esprit. Vous pouvez expérimenter cela par vous-même lorsque vous observez les mouvements de soulèvement et d'abaissement. On commence par faire l’ effort de diriger l’esprit de façon très précise vers le processus de soulèvement. L'esprit atteint la cible, il ne glisse pas superficiellement à la surface de l’objet mais y adhère et s’y frotte.

Vous maintenez cette attention intuitive et précise de façon ininterrompue ; l’esprit se purifie petit à petit. Les empêchements, comme le désir, l’aversion, la paresse, l’agitation et le doute, s’affaiblissent et lorsqu’ils auront disparu, l’esprit devient calme et limpide comme du cristal. Cette lucidité est due à la présence des deux facteurs jhāniques dont nous venons de parler. On l’appelle viveka, ce qui veut dire « réclusion ». La conscience s’est retirée loin des empêchements. Viveka n’est pas un facteur jhānique ; ce n’est qu’un terme qui désigne cet état de réclusion de la conscience.
Le troisième facteur jhānique, c’est pīti, la joie, un intérêt enthousiaste pour ce qui se passe. Ce facteur peut se reconnaître à certaines manifestations physiques, comme la chair de poule, l’impression d’être subitement entraîné vers le bas, comme si on était dans un ascenseur ou au contraire , d’être soulevé du sol.

Le quatrième facteur jhānique est sukha, le bonheur ou le confort. Il suit de très près le troisième. Le méditant est très satisfait de sa pratique. Ces troisième et quatrième facteurs jhāniques sont apparus du fait que l’esprit s’est éloigné des empêchements ; c’est la raison pour laquelle on les appelle vivekaja pīti sukha, ce qui veut dire « joie, ravissement et bonheur nés de la réclusion ».

Il faut voir cette séquence comme un enchaînement de causes et d’effets. La réclusion de l’esprit se produit étant donné la présence des deux premiers facteurs jhāniques. En effet, si la conscience est appliquée de façon précise à l’objet, qu’elle l’atteint et s’y frotte, elle va progressivement s’isoler. Etant à l’abri des empêchements, elle expérimente la joie, le bonheur et le confort.

Lorsque les quatre premiers facteurs jhāniques sont présents, l’esprit va automatiquement se calmer, se pacifie ; il devient capable de se concentrer sur ce qui se passe sans s’éparpiller ni se disperser. Cette fixité de l’esprit est le cinquième facteur jhānique, samādhi ou concentration.


Pour Accéder au Premier Jhāna de Vipassanā, il faut qu’il y ait Réalisation de l’Esprit et de la Matière

La présence de ces cinq facteurs ne suffit pas pour faire surgir le premier jhāna de vipassanā. Il faudra pour cela que l’esprit pénètre plus profondément dans le Dhamma et voie le lien qui unit l’esprit et la matière. Si tel est le cas, on peut dire que l’accès au premier jhāna de vipassanā s’est produit. Le yogi qui dispose de ces cinq facteurs jhāniques expérimente une nouvelle qualité d’attention, plus précise et qui adhère mieux à l’objet. Il peut ressentir une joie, un bonheur et un confort intenses au niveau du corps également. Tout cela va peut-être l’amener à se vautrer dans les merveilles de la pratique. « Oh ! Formidable ! Je suis arrivé à être vraiment précis et subtil ! J’ai même l’impression de flotter ! » Vous aurez sans doute compris qu’il s’agit là d’attachement.

L’Arrêt intérieur

Tout le monde peut se retrouver un jour ou l’autre prisonnier de cette joie, de ce bonheur et de ce confort. L’attachement à ce qui se passe à l’intérieur de soi à ce moment-là, est la manifestation d’un type particulier de désir, qui ne porte par sur les plaisirs mondains ordinaires. Il qui procède directement de la pratique elle-même. Si le méditant n’est pas capable de le voir au moment où il se manifeste, sa méditation sera perturbée. Au lieu de noter immédiatement ces phénomènes agréables, il s’y complaît sans y être attentif: il pense aux joies futures que lui réserve la pratique. Nous comprenons maintenant la mystérieuse recommandation du Bouddha : cet attachement aux résultats agréables de la méditation est précisément ce qu’il appelle l’arrêt intérieur.

J’espère avoir réussi à expliquer ce très court sutta qui nous demande d’éviter à la fois le vagabondage extérieur et l’arrêt intérieur. Mais il y a cependant plus à dire si nous voulons comprendre en profondeur.


La Triple Réclusion

Le sutta recommande d’éviter certaines choses lorsqu’on pratique la méditation, à commencer par le contact avec les plaisirs sensuels, kāma et avec les dhammas négatifs. C’est précisément la pratique de la triple réclusion qui va permettre d’y arriver: kāya viveka, la réclusion du corps, citta viveka, la réclusion de l’esprit et vikkhambhana viveka, celle qui résulte des deux premières, un état caractérisé par le fait que les empêchements et les impuretés sont faibles et maintenus à distance.

Kāya viveka ne concerne pas le corps physique lui-même mais plutôt le « corps » des objets susceptibles de faire surgir le plaisir sensuel. C’est l’isolement par rapport à l’ensemble des objets sensoriels: sons, formes visuelles, odeurs, goûts et impressions tactiles.
La réclusion par rapport aux dhammas négatifs appartient à citta viveka : l’esprit se met à l’abri des empêchements qui obstruent le développement de la concentration et de la sagesse. Concrètement, il s’agit donc tout simplement d’être attentif de façon ininterrompue. On dit du méditant qui a réussi à maintenir la continuité de l’attention, qu’il a activé citta viveka.
Les deux premiers types de viveka ne sont réalisables que par l’effort. Pour kāya viveka, il faudra renoncer aux environnements qui favorisent les plaisirs sensuels et pratiquer dans un endroit propice à la paix mentale. Mais il va de soi que ce premier isolement ne suffit pas. Il faudra poursuivre avec citta viveka et être attentif à tous les contacts susceptibles de se manifester aux six portes sensorielles.

Etre attentif, c’est diriger délibérément l’esprit vers l’objet ; cet effort est capital car il permet de cadrer, d’appliquer la pensée à l’objet de façon très précise, ce qui constitue justement le premier facteur jhānique, vitakka.

Il faudra donc viser correctement. Vous essayez tant bien que mal, d’observer le soulèvement et l’abaissement de l’abdomen ; vous progressez, l’esprit atteint l’objet et arrive petit à petit à voir clairement des sensations de dureté, de tension, de mouvement. Il commence à adhérer à ces mouvements et à s’y frotter. C’est vicāra, comme nous l’avons expliqué. Après un certain temps, il va s’y fixer et s’y absorber. S’il est maintenu sur les mouvements de soulèvement et d'abaissement de l'abdomen, les pensées vont se raréfier ; il se peut même que par moment, il n’y en ait plus aucune. De toute évidence, l’esprit est alors libre des objets sensuels désirables, de même que des kilesas qu’ils introduisent. On peut dire que kāya viveka et citta viveka ont été réalisés. Si la pratique se poursuit de façon continue, que l’effort est maintenu sans interruption, les kilesas vont s’estomper à l’horizon. Vous détenez alors la troisième et dernière forme de réclusion, vikkhambhana viveka.


Un Type Particulier de Joie

Vikkhambhana viveka va adoucir et affiner l’esprit qui va devenir, lucide, alerte, habile et souple. Une forme particulière de bonheur va se manifester : c’est nekkhama sukha, le bonheur et le confort d’un esprit libre des objets sensuels et des kilesas négatives qui réagissent à ces objets. Au lieu d’un plaisir ordinaire et très palpable, c’est le confort libérateur qui apparaît. N’est-il pas étrange qu’en abandonnant le bien-être sensoriel, on en obtienne un autre, celui de se sentir libre par rapport à ces sens qu’on vient d’abandonner ? C’est cela le véritable renoncement aux plaisirs sensuels.

La réclusion de l’esprit par rapport aux dhammas négatifs est en réalité une réclusion de l'esprit par rapport à toutes les kilesas. Elles n’ont aucune chance de se manifester car leur cause immédiate, les plaisirs sensuels, ont été abandonnés. Le mot jhāna qui d’ordinaire, signifie « état d’absorption », prend ainsi une signification supplémentaire. Les facteurs jhāniques de vitakka, l’application de l’esprit et de vicāra, le frottement, provoquent l’abandon des plaisirs sensuels et la mise à distance des kilesas. En plus de l’absorption, les jhānas amènent donc également la disparition des kilesas. Il les font disparaître en fumée.

Le Lien entre Vitakka et Vicāra

Vitakka et vicāra, application précise de l’esprit et frottement à l’objet, sont deux facteurs très importants dans le développement des états jhāniques. Il est souvent question dans les écritures du lien très étroit qui les unit. En voici deux illustrations.
Imaginez qu’il y a là un bol en cuivre sale et terni. D’une main, vous le tenez et de l’autre vous le frottez avec un chiffon enduit de crème à polir. Si vous travaillez consciencieusement, soigneusement et de façon constante, il va très vite redevenir brillant.

De la même façon, le yogi devra maintenir son esprit là où l’objet primaire se manifeste, c'est-à-dire l’abdomen. A chaque instant il fait surgir l’attention à cet endroit précis, l’y frotte jusqu’au moment où la saleté et la pollution des kilesas auront disparus. Le méditant sera alors en mesure de pénétrer la véritable nature de ce qui se passe à ce point précis. Il comprendra le processus de soulèvement et d’abaissement. Si d’autres phénomènes deviennent prédominants et supplantent l’objet primaire, il devra bien sûr les noter en leur appliquant vitakka et vicāra également.

Le fait de tenir le pot dans la main c’est vitakka, l’action de polir c’est vicāra. Imaginez ce qui se passerait si le yogi se contentait de serrer le bol dans la main sans le polir ; il resterait aussi sale qu’avant. Et s’il essayait de le polir sans le tenir fermement, ce ne serait pas beaucoup plus efficace. Cet exemple illustre l’interdépendance de ces deux facteurs.

Un autre exemple est celui du compas, l’instrument que l’on utilise en géométrie. Comme vous le savez, un compas a deux bras : le premier est pointu et l’autre est pourvu d’une mine. La pointe aiguë du compas c’est l’esprit, il faut le placer fermement sur l’objet de méditation ; il faudra ensuite le faire tourner de façon à ce qu’il puisse se faire une idée générale très claire de l’objet. Le résultat c’est un cercle parfait.
Le fait de fixer la pointe sur l’objet, c’est vitakka ; la rotation, c’est vicāra.

La Connaissance Intuitive Directe

On traduit parfois vicāra par « investigation » ou « pensée soutenue ». Mais cette traduction est très déroutante. En Occident, on forme les gens au raisonnement logique dès leur jeune âge, on leur apprend à toujours rechercher le comment et le pourquoi des choses. Cette façon d’investiguer est malheureusement inappropriée en méditation. L’apprentissage intellectuel n’est qu’un moyen parmi d’autres d’acquérir la connaissance. On peut y arriver de façon intuitive, immédiate. Dans vipassanā, observe directement la réalité ultime, les paramatthas dhammas. Il faut les expérimenter directement, sans faire de détour par la pensée. C’est la seule façon d’atteindre la sagesse et la vision pénétrante de la réalité telle qu’elle est vraiment, de l’état naturel des choses. Le raisonnement intellectuel peut beaucoup nous apprendre sur la réalité ultime, mais sans l’expérience directe de la réalité, il est impossible d’acquérir la sagesse même si on a lu énormément.

Les jhānas de samatha amènent la tranquillité mais sont incapables de faire surgir la sagesse, parce que dans ce type de méditation, l’observation porte sur des concepts ; on n’observe pas ce qui peut s’expérimenter directement sans passer par la pensée. Vipassanā jhāna par contre, mène à la sagesse car ici le méditant maintient un contact direct et soutenu avec la réalité ultime.

Imaginez qu’il y a en face de vous une pomme dont on vous a dit qu’elle était très juteuse, sucrée, délicieuse. Votre regard tombe sur ce fruit et vous vous dites, « Mince! Cette pomme a vraiment l’air très juteuse. Je suis sûr qu’elle est délicieuse ». Vous pouvez penser ou imaginer tout ce que vous voulez, tant que vous n’aurez pas mordu dans le fruit, vous n’en connaîtrez pas vraiment le goût. C’est pareil en méditation. Vous pouvez vous faire une idée très claire de certaines choses mais tant que vous n’aurez pas fait l’effort de pratiquer, on ne peut pas dire que vous les avez vraiment expérimentées. Si vous procédez correctement, vous allez réaliser par vous-même. Il ne sera plus question de conjectures à propos du goût de cette pomme.


1 commentaire:

Kark a dit…

Très bon article, ça donne envie de creuser encore plus et de pratiquer.