lundi 25 février 2008

Pratiquer en fonction de sa personnalité



Questions et réponses avec Ajhan Juminien - Extraits de "Dharma vivant" de Jack Kornfield


Présentation :
Ajahn ( ou Achaan = enseignant) Juminien a commencé la pratique de la méditation à l'âge de 6 ans. Il a été ordonné moine dans la lignée du Bouddhisme Théravada à 20 ans. Il a enseigné en Thaïlande au monastère Wat Sukontawas.
Il fait appel à plusieurs méthodes de pratique et enseigne à ses élèves en fonction de leurs besoins et de leur personnalité ou de leur attachement antérieur.
Mais quelque soit la pratique, il ramène toujours son élève à la pratique de la vision intérieure.



Question : Vous dites qu’il y a de nombreuses manières efficaces de pratiquer. Que penser des maîtres qui affirment que leur méthode est la seule conforme à la voie du Bouddha, et que les autres pratiques ne conduisent pas à l’éveil ?


Réponse : L’ensemble de la pratique bouddhiste peut se résumer en une phrase : Ne t’attache à rien.

Il arrive que des gens, même très sages, s’attachent encore à la méthode qui leur a permis de progresser. Ils ne se sont pas encore totalement détachés de leur méthode, ou de leur maître.

Ils n’ont pas compris ce qu’il y a de commun à toutes nos pratiques. Ce ne sont pas pour autant de mauvais maîtres. Il faut s’efforcer de ne pas les juger et de ne pas idéaliser l’image du maître.

La sagesse n’est pas quelque chose à quoi on puisse s’accrocher, et elle ne peut émerger qu’en l’absence d’attachements.

Pour moi, j’ai eu de la chance. J’ai eu l’occasion de pratiquer avec plusieurs maîtres avant de commencer à enseigner.

De nombreuses pratiques sont efficaces. Ce qui importe est de mettre toute votre confiance et toute votre énergie dans la pratique. Vous jugerez vous-même alors des résultats.



Question : Faites-vous généralement commencer vos élèves par la méditation sur la vision intérieure ou par des exercices de concentration ?

Réponse : La plupart du temps, ils commencent par la pratique de la vision intérieure. Mais parfois, je commence par un exercice de concentration (jhana), notamment s’ils ont déjà pratiqué la méditation ou si leur esprit se concentre facilement.
Mais de toute façon, chacun doit tôt ou tard revenir à la pratique de la vision intérieure.

Il y a, dans les Ecritures en pâli, un discours dans lequel Bouddha, discutant avec des visiteurs laïcs, aborde ce sujet. Il montre plusieurs groupes de moines assis dans le bois autour de lui :

« Voyez comment les moines qui sont attirés par une grande sagesse sont assis autour de Sariputtra, le plus sage de mes disciples. Ceux qui cherchent à acquérir des pouvoirs sont réunis autour de mon grand disciple Maha Moggallana. Et ceux qui sont attirés par la discipline monastique sont regroupés autour d’Upali, le maître du Vinaya, tandis que ceux chez qui prédominent les tendances jhaniques sont… »

Nous voyons donc bien que depuis l’époque du Bouddha, les maîtres ont toujours permis à leur disciples de choisir leur pratique de méditation en fonction de leurs prédispositions.



Question : Pouvez-vous nous donner encore quelques conseils pour orienter notre pratique ?


Réponse : Votre pratique doit être orientée à l’opposé de vos écueils et de vos attachements.

Si vous cherchez sincèrement, vous les identifierez facilement.

Ainsi, si votre tempérament vous pousse à l’indifférence, vous devrez cultiver la tendresse.

Si le désir sexuel est pour vous un problème, vous axerez votre contemplation sur les aspects repoussants du corps jusqu’à ce que vous soyez capable de voir clairement sa vraie nature, et serez débarrassé de vos désirs.

Si vous êtes ignorant et troublé, cultivez l’introspection et la sensibilité en fonction de votre expérience, et soyez disposé à surmonter cette tendance.

Mais votre pratique doit être dévote et sincère, vous devez être mené par un désir incessant de connaître la vérité. Sinon, votre pratique stagnera et deviendra un simple rituel. Petit à petit, d’un moment à l’autre, vous devez suivre votre voie avec constance. Pratiquez sans crainte dans le sens de vos attachements, et cela jusqu’à la délivrance. C’est tout.



Question : Est-il utile de méditer sur la pensée, d’utiliser la pensée dans la méditation ?


Réponse : Lorsque nous commençons à pratiquer, nous commençons à entrevoir la nature de notre processus normal de pensée. Un flux sans fin d’idées, d’imaginations, de regrets, de projets, de jugements, de craintes, de désirs, de commentaires, de soucis…

Il peut être utile, en particulier au début de la méditation, de travailler avec la pensée, d’orienter l’esprit pensant vers notre pratique. Cela signifie que l’on cultive des pensées ayant trait au Dharma, comme la réflexion sur les quatre éléments.

Contemplez la manière dont tout ce que nous savons change de forme, le fait que notre monde n’est qu’un mouvement perpétuel d’éléments.

Nous pouvons aussi axer notre pensée sur la contemplation des trois caractéristiques dans toutes les situations de la vie quotidienne.

Nous pouvons penser à la vie et à la mort imminente pour comprendre notre expérience dans les termes du Dharma.

Tout cela revient à cultiver la compréhension juste.

A partir des livres et des enseignements, nous passons à notre propre pensée maîtrisée, et enfin à la méditation pour comprendre en profondeur et en silence notre propre esprit.



Question : Parler du Dharma présente-t-il un intérêt pour la pratique ?


Réponse : La sagesse peut sans nul doute venir à un esprit concentré et silencieux qui écoute dire le Dharma par des personnes sages.

Si vous devez absolument parler, la discussion sur le Dharma est certainement le meilleur thème à choisir. Mais la parole contribue parfois à la confusion. Ce n’est que dans un cœur silencieux que nous pouvons entendre le Dharma de manière spontanée et véridique, au fond de nous-mêmes et dans les paroles de ceux qui ont déjà atteint la connaissance.

Pour la plupart des gens, l’esprit est déjà beaucoup trop empli de mots et de pensées et la meilleure pratique consiste à cultiver la concentration et le silence.



Question : La vertu et la morale jouent-elles un rôle déterminant dans votre pratique ?


Réponse : Oui. Il y a trois grands niveaux de vertu.

-Le premier consiste à éviter les actes maladroits, à respecter les préceptes de bases.

- Le deuxième est la vertu consistant à maîtriser les six sens (y compris l’esprit), qui doivent être orientés sur la pratique et non sur les désirs.

- Le troisième niveau correspond à la véritable vertu intérieure, par-delà les règles et les préceptes – la vertu d’un esprit silencieux et purifié. La sagesse apparaît alors en conjonction avec les six sens et chaque moment de l’être devient conscient, par-delà l’égoïsme.

Nous devons tous commencer par pratiquer les deux premiers niveaux de la vertu, pour atteindre enfin la vertu intérieure. Elle naîtra de l’harmonie entre le corps et l’esprit, de l’abandon des désirs et de la compréhension profonde de la vacuité du monde.



Source : Dharma vivant » de Jack Kornfield
Remarque : Contrairement aux autres extraits de livre de ce blog, je n'ai pas eu besoin de le scanner, car déjà publié par Dhammapiti

  • LIRE d'autres extraits de livres de Jack Kornfield ( dharma vivant mais aussi Périls et Promesses de la Vie Spirituelle: ICI

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