Mise à jour au 19 octobre
"La méditation n’est pas séparée du reste de la vie. Toutes les situations offrent l’opportunité de pratiquer, d’accroître la sagesse et la compassion"
"La méditation n’est pas séparée du reste de la vie. Toutes les situations offrent l’opportunité de pratiquer, d’accroître la sagesse et la compassion"
"Faisons en sorte d'être totalement libérés de tout danger, de toute douleur, de la pauvreté et que la paix soit dans nos cœurs et dans nos esprits."
Pour moi, Il y a une telle osmose entre le peuple Birman et les moines, que les moines ont défilé pas compassion et amour pour le peuple et que de son côté le peuple birman a entouré et protègé les moines par amour.
Selon la junte, les moines seraient responsables de la répression et du chaos !
J'ai déjà évoqué ce point très important pour les Bouddhistes: Un moine peut-il manifester? , dans mon tout premier message sur la Birmanie: "Birmanie mon cœur saigne" ICI
Mais aussi dans "Birmanie ou le Retour du Bouddhisme engagé" : LA
J'aimerais toutefois relancer ce sujet, qui me tiens particulièrement à cœur en tant que Bouddhiste de la tradition Théravada et reprendre ici, la position et les différents messages de soutien de la communauté Bouddhiste, toutes traditions confondues.
Certains bouddhistes et certains moines Bouddhistes vivant en Europe, pensent qu'un moine ne doit pas manifester.
Pourtant, même Le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux et président de la Conférence des évêques de France (CEF), a écrit à l'ambassadeur de Birmanie en France M. Say Hla Min, pour demander "le respect des droits de l'Homme".
Dans cette lettre diffusée vendredi par la CEF, Mgr Ricard affirme que les catholiques de France "ont été sensibles aux manifestations pacifiques dans lesquelles s'est exprimé le désir de démocratie et d'une plus grande liberté publique. Ils ont apprécié le rôle joué par les moines bouddhistes dans ces événements". "Ils ont été attristés et choqués par la répression violente qui a été mise en oeuvre pour enrayer le mouvement", ajoute-t-il.
"Nous voulons, Monsieur l'Ambassadeur, exprimer par votre intermédiaire à la population birmane notre sympathie et notre émotion devant cette difficile situation", poursuit l'archevêque.
Le cardinal Ricard ajoute qu'il "ne peut y avoir de paix civile authentique si les droits de l'Homme ne sont pas respectés et mis en oeuvre".
Ainsi, les catholiques seraient plus à même de comprendre et de soutenir les manifestations des moines bouddhistes que certains bouddhistes voire moines bouddhistes eux même!
Effectivement, on peut se demander si les Bonzes, en manifestant dans la rue, même de manière pacifiste, ne violent pas leurs préceptes. (227 règles rassemblées, décrites et commentées dans le Vinaya)
Voir ces règles ICI
Ainsi, telle personne considère que "les bonzes birmans, en tant que corps religieux, devaient rester à l’écart de tout engagement politique. leur rôle n’est pas de prendre partie dans un conflit, mais d’apporter un comportement éthique. Le danger de cette position, sans compter les violences, serait de réduire la dimension spirituelle du bouddhisme ou de la religion en général"
Mais, comme le dit Tinh Ý dans son commentaire :
Il n'y a pas que le Vinaya comme règle... mais aussi tout un ensemble de comportement qui sont lié aux cinq préceptes et aux enseignements des suttas... s'il est du devoir du moine d'enseigner le Dhamma, le moine sait comme tout le Bouddha que quelqu'un qui a faim ne peut ni méditer ni apprendre...
Une nourriture convenable et une vie décente sont les conditions de l'écoute du Dhamma...
Ce n'est qu'après s'être restauré que le Bouddha a atteint l'éveil...
en manifestant silencieusement les moines enseignent déjà le Dhamma...
Tinh Ý
J'ajouterai qu'en défilant tout en récitant des paroles de Metta, les moines enseignent aussi le Dhamma...
Le Bouddha a enseigné la voie du Milieu, mais pour suivre cet enseignement, ce chemin, encore faut-il que les conditions de vie permettent, effectivement, d'avoir une vie décente.
Cette question est d'autant plus importante que la junte veut, aujourd'hui, faire porter la responsabilité du conflit sur les moines. Pour cela elle n'hésite pas à affirmer : "Les moines, à l'origine des manifestations contre le régime, sont responsables de la violente répression qui a suivi"
ou encore : "Si ils n'avaient pas organisé des marches de protestation, demandant la libération des prisonniers politiques, la nation n'aurait pas connu le chaos", a rapporté mercredi le quotidien officiel.
Cette position de la junte est inadmissible!
Comment les moines ( bhikkhu) pourraient continuer d'accepter les dons de nourriture du peuple birman, tout en sachant que celui meurt de faim. C'est par compassion et par amour (Metta), qu'ils soutiennent ceux qui souffrent et qui, de surcroit, les nourrissent.
Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), 5 millions de personnes souffrent de la faim en Birmanie, notamment en raison des dysfonctionnements de l'économie, aggravés par la politique répressive de la junte militaire au pouvoir. "Dans un pays comme la Birmanie, personne ne devrait avoir faim mais ils sont des millions à connaître la disette", a déclaré le directeur régional du PAM, Tony Banbury, après une visite de cinq jours dans le pays. "C'était autrefois le grenier de la région. Il peut produire très facilement un surplus de denrées alimentaires mais il n'est même plus capable de fournir le nécessaire à sa population", a-t-il ajouté. Le PAM tente actuellement de venir en aide à 500 000 Birmans.
source : lejdd.fr
Il est un constat fait par les équipes de Médecins du Monde sur le terrain : celui de besoins croissants en nourriture. Encore marginal il y a quelques années, le mauvais état nutritionnel des personnes accueillies dans nos dispensaires nous a conduit à intégrer un apport en nourriture dans nos programmes. Les acteurs locaux constatent également que l’age des personnes se prostituant diminue depuis quelques années, témoin indirect de la grande précarité dans laquelle vivent ces très jeunes filles pour lesquelles la prostitution dans les liquor-shops ou les guest-houses constitue le seul moyen de survie.
source: medecinsdumonde.
Ils ont par ailleurs, pour certains, en retournant leur bol à aumône, montré à la junte qu'ils ne voulaient plus recevoir de nourriture de la part de l'armée.
Ainsi, d'un côté ils soutiennent le peuple birman en défilant silencieusement ou en récitant des paroles de metta, d'un autre côté ils condamnent la junte qui affame le peuple birman , peuple avec qui les moines vivent en osmose.
"La Birmanie est tout entière dédiée à Bouddha, le monastère est le lieu où se perpetue sa parole, la pagode proclame l'achèvement de sa voie. De la plus simple demeure aux anciennes fondations royales, son image est partout présente.
L'osmose est telle entre la doctrine Bouddhique et la Birmanie, dans son histoire comme dans son quotidien que Heinz Bechert a pu écrire être Bouddhiste, c'est être Birman."
source : le pays des pagodes
En tant que Bouddhiste je me pose cette question : Que devaient faire les moines en Birmanie ?
- Continuer de méditer dans les monastères pendant que dehors, le peuple Birman souffre
ou
- défiler dans la rue de manière pacifiste, par compassion pour le peuple Birman?
La réponse c'est que les moines et le peuple Birman nous ont donné une véritable leçon de compassion(Karuna) et d'amour universel (metta)
Nous, bouddhistes, qui passons notre temps à dire que la Compassion et l'amour universelle sont essentiels, comment pourrions nous dire que les moines n'auraient pas dû défiler, que ce n'est pas leur rôle ?!
Rappelons que "La méditation n’est pas séparée du reste de la vie. Toutes les situations offrent l’opportunité de pratiquer, d’accroître la sagesse et la compassion" ajahn chah
Ainsi, en défilant de manière pacifique les moines de Birmanie ont pratiqué une forme de méditation.
En manifestant, la majorité des moines chantaient ou récitaient des "chants Metta" comme celui ci:
"Puissent tous les êtres, toutes les créatures vivantes, tous les individus, toutes les personnes, tous les hommes, toutes les femmes, puissent tous les êtres nobles, tous ceux qui ne sont pas nobles, toutes les divinités, tous les humains, tous ceux qui se trouvent dans les plans de misère, puissent-ils tous être libres de l'inimitié et du danger, libres de la souffrance physique, libres de la souffrance mentale, puissent-ils tous vivre avec bonheur ; puissent-ils tous être libres de la douleur, puissent-ils ne pas perdre ce qu'ils ont acquis, puissent leur kamma être leur véritable possession." ( chant Metta)
Les moines sont restés devant la résidence de Daw Aung San Suu Kyi pendant une quinzaine de minutes, récitant notamment les paroles suivante:
«Faisons en sorte d'être totalement libérés de tout danger, de toute douleur, de la pauvreté et que la paix soit dans nos coeurs et dans nos esprits.»
Les moines de Birmanie, en manifestant de manière pacifique, nous on donné une vraie leçon de compassion .
Selon le Bouddha, la première responsabilité de ceux qui gouvernent est de veiller sur le bien-être du peuple...
Quand ceux qui gouvernent commencent à abuser de leur autorité, à accumuler les richesses aux dépens du peuple et à créer ainsi des situations injustes qui sont source de souffrance pour lui, il est clair que l’institution bouddhiste doit non seulement prendre sa distance vis-à-vis d’eux mais aussi les critiquer ouvertement.
Voici un texte ( que j'ai déjà cité dans "Metta pour le peuple Birman") :
Le monde souffre, mais la plupart des hommes ont les yeux et les oreilles fermés. Ils ne voient pas l'intarissable courant de larmes qui va tout au long de la vie, ils n'entendent pas le cri de détresse qui traverse continuellement le monde. Leur petite peine personnelle ou leur joie leur ferme les yeux et les oreilles. Lié par l'égoïsme, leur coeur demeure raide et étroit. Leur coeur étant raide et étroit, comment pourraient-ils lutter pour un but plus élevé, pour réaliser ce qui seulement délivre du désir égoïste et qui peut les libérer de leur propre souffrance
"C'est la compassion qui soulève la lourde barre, qui ouvre la porte de la Liberté, qui rend le coeur étroit vaste comme le monde".
"La compassion nous réconcilie avec notre destinée en nous montrant la vie des autres, qui est souvent plus dure que la nôtre."
Et aussi un texte de Thich Nhat Hanh:
"L’essence de l’amour (Metta) et de la compassion (Karuna) est la compréhension, la capacité de reconnaître les souffrances physiques, matérielles et psychologiques d’autrui, de nous mettre dans la peau de l’autre. Nous pénétrons son corps, ses sentiments et ses formations mentales et ressentons en nous sa souffrance"
Rappel
Les huits nécessités du bonze : (différent des préceptes et des règles)
La règle bouddhique prescrit "huit nécessités" que prennent en charge la population active en plus des besoins quotidiens. Toutes ces fournitures sont renouvellées lors des diverses fêtes du calendrier bouddhique.
Le bol à aumônes, "thabeit" : il est porté autour du cou quand les moines vont mendier leur nourriture.
Le rasoir : il sert à la tonsure.
L'éventail : les moines s'en servent symboliquement pour dissimuler leur visage du monde exterieur pour ne pas être troublés par son agitation.
L'aiguille à coudre : elle permet d'entretenir la robe monastique, "thingan".
Les trois pièces de la robe : elles sont prescrites par le canon pâli. "Antaravasaka", le vêtement intérieur, est serré sur les reins par une ceinture et couvre les jambes. "Uttarâsangha", le vêtement mis par-dessus, est utilisé pour les activités ordinaires. il est porté sur l'épaule gauche au monastère et sur les deux épaules à l'exterieur. "Sanghâti", le vêtement en patchwork, est un grand manteau porté pour la quête oul voyage.
Les anciennes prescriptions indiennes, par esprit de dépouillement, proposaient aux moines de ramasser des haillons dans la poussière et de les teindre. Les terres mélangées ont donné cette couleur marron-rouge de l'habit d'aujourd'hui.
Devenir Bonze :
Connaître et respecter les 227 règles disciplinaires du code monastique permet de devenir moine, "pongyi". Ce choix ne peut être fait qu'à l'âge de 20 ans avec l'accord de ses parents. Lorsque le novice a réussi son examen, ses cheveux et sa barbe sont rasés et il doit promettre d'observer les voeux de pauvreté et de chasteté et de n'avoir recours qu'aux triple joyau : Bouddha, la loi de Bouddha,"dharma" et la communauté des moines, "sangha".
Les bonzes doivent respecter 10 préceptes( dont sept correspondent aux sept péchés capitaux de la Bible). Pour faciliter leur approche du nirvana, ils pratiquent le yoga. Ils n'ont pas le droit d'utiliser des parfums, de danser, de chanter de posséder de l'argent, de dormir sur un lit confortable, d'approcher les femmes.
Malgré tout, dans les zones rurales, le monastère fait office d'école et permet aux enfants d'apprendre des rudiments d'enseignement sur l'alphabet birman, les cinqs commandements bouddhiques (ne pas tuer, ne pas voler, ne pas commetre d'adultère, ne pas mentir, ne pas boire de boissons alcoolisées) et les formules utilisées lors des prières en pâli (langue ancienne de l'Inde) à la pagode.
L'ordination des bonzes demande beaucoup de temps et d'argent. Il faut recevoir convenablement les invités à la cérémonie, louer ou acheter un costume pour les futurs moines, acheter ce dont ils auront besoin durant leur vie monastique et faire un don généreux au monastère qui va les accueillir et prendre en charge leur éducation.
L'engagement n'est pas définitif. A tout moment le moine peut quitter la communauté mais peut également y revenir plus tard. Il existe d'ailleurs deux types d'ordination : "Upasampada" et "shinbyu".
Shinbyu serait pour un bouddhiste ce qu'est la communion solennelle pour un catholique. Cette cérémonie a lieu vers l'âge de 9-12 ans. Cette ordination leur donne le statut de novices. Ces petits bonzes n'ont que 10 règles à observer (dont celle d'aller, tous les matins pieds nus, mendier leur nourriture et de ne rien manger de solide l'après-midi). Cette retraite ne durera pour eux que de 9 à 21 jours.
La population monastique birmane est d'environ 300 000 bonzes.
Rappel des différentes positions et soutiens de la communauté Bouddhiste internationale
Comme le dit viriya du forum Metta:
En son temps, le Bouddha n'avait pas hésité à se mettre en médiation pour empêcher une guerre entre les Koliyas et les Sakyas en dispute sur l'utilisation de l'eau de la rivière Rohini qui séparait leurs territoires.
En une autre circonstance, le Bouddha a aussi persuadé le roi Ajatasattu d'abandonner son projet d'attaquer le royaume des Vajjis.
Les moines enseignent le Dhamma, mais la base du Dhamma est la Compréhension Panna, la Bienveillance Metta, la Compassion Karuna. Ils ne peuvent pas rester indifférents aux souffrances, à la misère de la population.
La Compassion poussera ceux qui en possèdent à agir, à manifester pacifiquement avec une paix intérieure face à ceux qui sont au pouvoir pour qu'ils comprennent les souffrances du peuple et changent de politique. (Par viriya du forum Metta)
- Selon Matthieu Ricard, Moine :
"Les bonzes sont dans leur rôle d’êtres humains qui agissent par altruisme et compassion."
Matthieu Ricard estime que les manifestations pacifiques menées par les bonzes en Birmanie sont "la seule façon de gagner, comme Gandhi a gagné en Inde".
En prenant la tête des protestations de masse en Birmanie, les bonzes "sont dans leur rôle d’êtres humains qui agissent par altruisme et compassion, parfois au risque de leur vie". "
Le peuple birman est opprimé et il a confiance dans les moines.
Ils font preuve de courage en se mettant au premier rang", a-t-il poursuivi.
"Il est certain que si le peuple avait commencé à manifester, cela aurait été Tiananmen en quelques heures."
"Le risque, c’est que le gouvernement envoie des provocateurs qui commettent des actes de violence pour donner une justification pour tirer sur la foule.
Ce serait la seule façon pour les généraux de s’en tirer et pour réprimer cela dans le sang", a-t-il analysé.
- De même le Dalai Lama a déclaré :
J’apporte mon soutien et me solidarise avec le mouvement pacifiste qui se développe en ce moment en Birmanie en faveur d’une démocratie.
Je soutiens totalement leur appel à la liberté et à la démocratie et saisit cette opportunité pour appeler tous les peuples aimant cette liberté à soutenir tous les mouvements non-violents dans le monde. J’en profite pour souligner combien j’admire sincèrement la lutte pacifique de ces moines en faveur de la paix et de la démocratie dans leur pays.
En tant que moine bouddhiste, j’appelle tous les membres de ce régime militaire qui à titre personnel sont bouddhistes à être en accord avec le Dharma sacré dans un esprit de compassion et de non-violence.
Je prie pour une heureuse réussite de ce mouvement pacifiste et pour la libération prochaine du Prix Nobel de la Paix, Aung San Suu Kyi.
Je soutiens totalement leur appel à la liberté et à la démocratie et saisit cette opportunité pour appeler tous les peuples aimant cette liberté à soutenir tous les mouvements non-violents dans le monde. J’en profite pour souligner combien j’admire sincèrement la lutte pacifique de ces moines en faveur de la paix et de la démocratie dans leur pays.
En tant que moine bouddhiste, j’appelle tous les membres de ce régime militaire qui à titre personnel sont bouddhistes à être en accord avec le Dharma sacré dans un esprit de compassion et de non-violence.
Je prie pour une heureuse réussite de ce mouvement pacifiste et pour la libération prochaine du Prix Nobel de la Paix, Aung San Suu Kyi.
- Quant à l'Union Bouddhiste de France (UBE), elle a soutenu le mouvement dés le début, voici pour rappel un des ses communiqués:
L'Union Bouddhiste de France qui représente la grande majorité des communautés bouddhistes vivant en France, suit avec une très grande inquiétude les évènements dramatiques qui se déroulent actuellement en Birmanie.
Elle ne peut que désapprouver fermement et totalement l'usage de la force contre la population civile et la communauté des moines birmans qui a déjà fait plusieurs victimes.
Elle exhorte les autorités birmanes à la plus grande retenue et à la non-violence dans le règlement de cette situation, rappelant en cela les principes de bases de l'enseignement du Bouddha auxquelles ces mêmes autorités se réfèrent et semblent exprimer leur respect et leur dévotion.
L'Union Bouddhiste de France appelle toutes les communautés bouddhistes de France ainsi que tous les sympathisants de cette religion non-violente et bien sûr les autres religions à se rejoindre dans la prière pour qu'aboutisse le plus rapidement possible un règlement pacifique à cette crise.
L'UBF soutiendra sans ambiguïté toutes les actions, pétitions et manifestations pacifiques qui pourront de près ou de loin aider à apaiser les souffrances du peuple birman et de sa communauté religieuse.
- Autres soutiens :
Pour Rappel:
- Le numéro deux de l’église bouddhiste unifiée du Vietnam (EBVU), Thich Quang Do, appelle les Nations unies et tous les États membres à une action urgente, via tous les principaux organes de l’ONU, pour exhorter le gouvernement birman à arrêter toutes les attaques.
- Soeur Ariya Nani, none de la tradition Théravada, a formulé le message suivant :
« Dear friends
We need your help and support. With metta Ariya Ñani »
- Ensuite ce fût au tour du moine Thich Nhât Hanh et de Jack Kornfield, et bien d'autres de soutenir les moines et le peuple Birman
J'ai évoqué son soutien dans mon message : "Metta pour le peuple Birman"
Lettre de Thich Nhat Hanh en soutien au peuple birman
"En ces temps de grande souffrance, de répression et d’emprisonnement, nous soutenons de tout notre coeur les Birmans en pleine transition non-violente vers la démocratie.
Pour cela, nous exhortons les Nations-Unies à créer une robuste mission multinationale d’enquête, l’envoyer en Birmanie écouter les moines et tous les concernés, et dire au monde ce qu’il s’est passé et ce qui est nécessaire à la résolution démocratique.
Nous encourageons également le comité olympique international, organisateur des J.O de Beijing d’exiger que la Chine, principal partenaire commercial de la Birmanie, fasse de son mieux afin de soutenir les droits de l’Homme et une transition vers la démocratie pour la Birmanie maintenant."
Et si nous avons vu quelques photos et quelques vidéos ( qui ont fait le tour du web) de moines avec des battons, je rappelle que la junte a demandé à des militaires de se raser le crâne et de porter la robe des moines, afin de s'infiltrer parmi eux et de les discréditer en ayant des comportements violents.
- Le 6 octobre, dans le monde, des milliers de bouddhistes, de non bouddhistes et de moines ont manifesté pour soutenir les moines et le peuple Birman
Voir: Diaporama de amnesty international sur les manifestations du 6 octobre dans le monde
Et des photos de la journée internationale pour la Birmanie
Et comme l'a souligné Raphaël LIOGIER, professeur de sociologie, dans un article du Monde:
La cause birmane a réussi en quelques semaines là où la cause tibétaine a échoué pendant des décennies : fédérer les bouddhistes du monde entier :
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le mouvement insurrectionnel birman ne faiblit pas. Il s’intensifie au contraire, mais dans le silence des monastères et des pagodes. C’est une autre phase, physiquement moins violente mais psychiquement plus radicale, qui s’annonce, moins spectaculaire pour les Occidentaux parce qu’elle ne se déroule pas dans la rue, dans le bruit et la fureur des foules malmenées.
De toute façon, ce n’est pas dans la rue que la bataille pouvait se gagner contre une junte militaire surarmée. Rien ne sert, dès lors, de continuer un combat perdu d’avance sur ce terrain. Aller dans la rue a été certes utile : d’abord pour mobiliser la population, la sortir de sa torpeur, lui faire savoir que les moines sont en colère, pour que le lien entre le Sangha (communauté des moines) et le peuple se fasse, et ensuite pour alerter l’opinion internationale et déclencher cette pression à la fois symbolique (l’exclusion diplomatique de la Birmanie) et matérielle (les menaces d’embargo), qui ne doit pas, surtout pas maintenant, se relâcher.
Soulignons d’ailleurs que pour une fois, les bouddhistes du monde entier ont participé à cet encerclement, renouant avec leur grande tradition critique. La solidarité des bouddhistes s’est d’abord exprimée en Asie même, puisque le dalaï-lama et nombre d’autres personnalités appartenant aux écoles les plus variées se sont engagés derrière les moines birmans, mais elle s’est aussi exprimée - et là c’est un événement ! - entre les bouddhistes occidentaux et asiatiques.
La cause tibétaine a échoué en plusieurs décennies à faire ce que la cause birmane vient de réussir en quelques semaines : polariser les consciences des bouddhistes, toutes écoles confondues, derrière une «cause».
Chez nous, l’Union des bouddhistes de France (UBF) a condamné le comportement de la junte, de même que l’Université bouddhique européenne (UBE) et la plupart des associations d’habitude plus réservées, comme si soudain le bouddhisme occidental avait changé, sortant des brumes narcissiques qui l’ont pendant près de trente ans confiné à l’individualisme méditatif au détriment de tout engagement social.
Et c’est bien de ce soutien, patient et continu, dont les moines birmans ont besoin à l’extérieur, comme ils ont besoin à l’intérieur de se concentrer sur la nouvelle phase de lutte, plus essentielle et moins bruyante, qui peut conduire à la chute du régime ou à de vraies négociations.
La junte sait pertinemment, contrairement à nombre d’observateurs occidentaux qui ne considèrent que le nombre de manifestants dans les rues, que la partie n’est pas gagnée parce que les moines sont confinés dans leur quartier. Bien au contraire, car la guerre civile pourrait se poursuivre en silence, par le refus des offrandes venant des militaires et de leurs familles, par exemple. Les militaires de base ont une famille qui est en général proche des moines de base, une famille dont ils ne peuvent pas se passer dans le contexte de la culture birmane, et qui, dans ce cas, pourrait faire pression, voire rejeter le fils, le cousin, le mari, le neveu militaire, tenu pour responsable de cette condamnation religieuse à errer dans le «samsara», le monde de la souffrance, en raison d’un cruel manque de ces mérites qui sont obtenus contre les offrandes faites au Sangha.
Dans cette situation de désarroi, l’assise de l’armée se trouverait dangereusement ébranlée, ce qui est déjà le cas comme nous l’apprend le témoignage recueilli hier d’un jeune religieux récemment relâché, dans lequel celui-ci raconte que lors de sa détention, certains militaires venaient implorer discrètement le pardon des moines qui venaient d’être battus.
Cette situation d’insurrection silencieuse peut devenir intenable pour le pouvoir en place, parce qu’elle est insidieuse, incontrôlable, qu’elle sape les structures même de la hiérarchie militaire et administrative. L’action non-violente bouddhique à la birmane passe forcement par cette stratégie du refus. Si la junte cherche à couper les communications Internet, radio, télé, etc., c’est moins pour soigner son image à l’étranger - quoi que cela ait son importance dans le présent contexte de pénurie économique - que pour isoler les différents centres religieux, afin qu’aucune concertation ne soit possible pouvant conduire au refus des offrandes des soldats et de leurs familles qui serait vécu comme une excommunication massive. Voilà l’épée de Damoclès que les militaires sentent déjà au-dessus d’eux. Les défections, voire les actes de désobéissance ne manqueraient pas de se multiplier dans l’armée si le Sangha en arrivait à tourner ainsi le dos à ces hommes qui, s’ils sont soldats, sont aussi dans leur écrasante majorité de pieux bouddhistes.
Le plus difficile dans une telle crise pour le groupe des dictateurs habitués à la violence est de ne plus pouvoir agir par la répression systématique. A ce stade la mitraillette est impuissante. Seule reste la négociation, il faut tenter in extremis de se présenter comme un bon bouddhiste. C’est ce que fait d’ailleurs l’homme fort actuel, Than Shwe, en acceptant de rencontrer Aung San Suu Kyi ou des représentants occidentaux, parce qu’il sait que les armes ne suffiront plus en l’état actuel à sauver le régime.
Au fond, les militaires n’ont peur que de deux choses. D’abord de l’obstination, même silencieuse, surtout silencieuse, des moines, et ensuite des embargos internationaux qui deviennent intolérables dans ce pays littéralement affamé. Une famine qui renforce encore la position des moines (tant qu’elle ne les affame pas eux-mêmes) en leur donnant raison aux yeux du peuple. C’est pourquoi, malgré les souffrances supportées par le peuple, qui sont bien sûr objectivement plus aiguës que celles que supporte l’armée, Aung San Suu Kyi soutient l’embargo international. C’est pourquoi aussi la condition essentielle posée par le chef suprême du pays pour la rencontrer est justement le retrait de son soutien.
Le bras de fer, beaucoup plus radical qu’en 1988, a maintenant vraiment commencé, parce que les parties en présence ne sont plus à armes inégales dans cette ultime lutte symbolique, comme elles l’étaient lorsque la seule force physique était en jeu. Les Occidentaux doivent garder à l’esprit que si la junte montre des signes apparents de dialogue, ce n’est pas par bonne volonté mais par nécessité, pour lutter symboliquement dans cette nouvelle guerre intérieure, qu’elle risque de perdre sans soutien extérieur.
Le Bouddhisme "engagé" selon le moine Thich Nhat hanh:
Le Bouddha dit qu’il est possible de vivre heureux dans le moment présent, cela c’est déjà une base du bouddhisme engagé. La sagesse profonde c’est de prendre conscience que tout ce que nous avons c’est ce moment présent. Pendant la guerre du Vietnam nous avons vu la mort, la destruction, la colère, la discrimination, etc.
Avec la méditation bouddhique et la compréhension de l’interdépendance, on constate que des deux côtés les gens souffrent, les communistes comme les anticommunistes, les soldats et les civils américains également. Pour tuer il faut devenir moins que des hommes, on a besoin de discrimination, de colère, de haine pour plonger la baïonnette dans le corps de l’autre. Et la machine de guerre nous conditionne, elle nous nourrit de colère, elle nous fait décrire l’autre comme un monstre, un danger à éliminer. Or l’autre est un être vivant comme nous, il a peur de mourir, il a une famille dont il doit prendre soin, c’est la machine de guerre qui l’a placé là pour tuer et pour être tué. Le bouddhisme aide à maintenir vivace cette vision de l’autre, c’est pourquoi les deux parties belligérantes nous attaquent pour notre pacifisme, pour notre fraternité et pour notre compassion. Nos écrits sont interdits par les deux gouvernements du Sud et du Nord, les poèmes et la littérature anti-guerre circulent dans la clandestinité, grâce au Dharma nous avons pu rester humains dans cette machine de guerre. Les bombes tombent sur nos villages, causant des morts et des blessés, on a dû alors sortir des monastères afin d’aider les gens. La méditation c’est aussi être là pour témoigner de ce qui se passe dans le moment présent. Nous voulons soulager la douleur et la souffrance de nos compatriotes, tout en continuant notre pratique, le bouddhisme engagé est né de la situation de guerre, c’est la méditation en action, la compassion en action, et non pas dans l’imagination. La réconciliation est l’unique chance d’arrêter la guerre mais le mot même est banni par les deux camps. Il nous reste à alerter l’opinion publique internationale, en Amérique et en Europe, en lui fournissant des informations sur la réalité de la guerre au Vietnam, sur les aspirations authentiques du peuple vietnamien, composé d’une majorité de paysans et de gens pauvres qui ne veulent pas de la victoire d’un camp mais l’arrêt de la destruction. Les bombes et les mortiers pleuvent, les mass-média appartiennent aux belligérants, le suicide par le feu devient une méthode de communication afin que le message parvienne, et soit compris, en Amérique et en Europe. Il faut beaucoup de courage, de compassion, de sens du sacrifice pour accomplir cet acte, ce n’est pas la colère de la protestation. Je suis sorti du pays pour témoigner auprès des communautés religieuses et intellectuelles, on m’empêche de retourner au pays. Dans l’exil, pour survivre et pour vivre tout simplement, j’ai dû rassembler une sangha. Je continue ainsi à pratiquer le Dharma et je suis amené à le partager avec les autres. Vis-à-vis de nos amis occidentaux notre intention n’est pas de déraciner les gens, car notre propre vécu nous montre qu’une personne déracinée ne peut être heureuse. Nous exhortons donc nos amis, surtout les jeunes, à revenir à leurs traditions, à leur culture, à pratiquer la non-dualité bouddhique pour réintégrer leurs familles, leur propre milieu.
Toujours dans mon premier message sur la Birmanie ICI , j'ai cité un texte sur, La famille et la société selon le Bouddhisme théravada, dans la rubrique "Le pays des Pagodes",
le voici de nouveau :
La famille et la société selon le Bouddhisme théravada:
Les gouvernements de l’époque du Bouddha comme ceux de nos jours, utilisent les répressions et les châtiments pour endiguer ou limiter les crimes.
Bouddha dit que ces répressions n’ont aucun résultat positif. Il donne son point de vue en soulignant que la criminalité peut être réduite grâce à l’apport économique.
Il faut améliorer les ressources économiques et veiller à la répartition de ces ressources, répartition guidée par le souci de justice.
Bouddha n’était pas indifférent aux pratiques des pouvoirs publics utilisant des répressions, des exactions, des oppressions, des exploitations éhontées, prélevant des impôts excessifs.
Le problème du bon gouvernement se posait à l’époque du Bouddha comme à l’heure actuelle, mais en des termes différents.
Le point commun, dans le passé comme dans le présent, est le facteur humain.
Un pays va subir la corruption, la dégénérescence, le malheur quand les personnes formant l’équipe gouvernementale sont corrompues, vouées aux pratiques illicites.
Bouddha montre les « dix devoirs du roi » ou les « dix devoirs du gouvernant ».
L’homme qui détient la haute magistrature d’un pays, doit :
1) Avoir la libéralité, la générosité en accomplissant le don (dana).
2) Être imprégné d’un caractère moral élevé et guidé par la moralité appelée sila en pali ;
Il doit observer les Cinq préceptes moraux de base.
3) Être prêt à sacrifier tout au bien du peuple, conformément au terme pali pariccaga ; il risque même sa vie, pourvu que le bien ou la survie de son peuple soit réellement assuré.
4) Observer honnêteté et intégrité (ajjava) dans l’exercice de ses fonctions ; il prend soin d’écarter toute forme de favoritisme ; ses intentions doivent être claires et nettes, dans lesquelles toute forme de tromperie du public sera bannie.
5) Montrer avec sincérité, de l’amabilité (maddava). Son tempérament doit être régulier et doux.
6) Observer de bonnes habitudes empreintes d’une austérité (tapa), c'est-à-dire avoir une vie simple ; ainsi qu’il ne doit pas penser à entasser des privilèges pour lui-même et pour son entourage.
7) Exercer les pouvoirs publics dans l’absence de haine, de l’inimitié (akkodha) ; toute forme de rancune doit être écartée.
8) Pratiquer la non-violence (avihimsa) ; il doit favoriser les actions en faveur de la paix réelle et juste, en empêchant la guerre.
9) Observer la patiente, le pardon, la tolérance, la compréhension (khanti) tout en se fondant sur la raison et non sur l’instinct ou sur le sentiment.
10) Cultiver l’ouverture d’esprit empreint de générosité, c'est-à-dire ne pas pratiquer l’opposition ou obstruction (avirodha) ; il doit suivre de près la volonté du peuple-
Lire le texte en entier ICI
Pour finir sur ce thème, voici un article du Monde que j'ai déjà également cité, mais qui prend ici, toute son importance :
Un courant engagé, en rupture avec une tradition de soumission :
Quand, dans les rues de Rangoun, les moines birmans ont retourné leur bol en signe de refus de l'aumône des militaires, ils ont commis un acte de désobéissance religieuse grave. Dans le bouddhisme, le moine ne vit que d'aumônes... ou il jeûne. En choisissant l'affrontement avec le régime militaire de leur pays, en 1988 et en 2007, les moines birmans participent de fait au "bouddhisme engagé", ce mouvement panbouddhique, non issu d'une école particulière, diffus et peu structuré, né du contact avec la modernité occidentale et l'histoire de ses luttes révolutionnaires.
Le terme a été forgé par le moine vietnamien Thich Nhat Hanh (né en 1926, exilé en France après la victoire communiste au Vietnam). Mais sa figure emblématique est celle du dalaï-lama, chef religieux et politique du Tibet en exil. Ce courant puise aussi ses modèles ailleurs que dans le bouddhisme, chez Gandhi ou les quakers américains.
Il est l'héritier des luttes d'émancipation anticoloniales, auxquelles les moines bouddhistes, dans les pays où ils représentent une force sociale, ont été engagés. A l'instar des moines sri-lankais qui, à la fin du XIX esiècle, ont fait la guerre au colonisateur britannique autour du slogan "Une île, une nation, une religion" . Ils sont encore en conflit avec les Tamouls hindous ou chrétiens.
Le bouddhisme engagé renouvelle l'approche bouddhiste de la compassion. Il considère comme légitime l'opposition aux structures politiques en place pour restaurer un idéal de société juste. Il ne remet pas en cause les notions clés de respect, de non-violence, de compassion, mais se refuse à faire de la souffrance l'état de la seule conscience personnelle. Il existe une souffrance liée aux inégalités sociales, aux crises économiques, à l'oppression politique.
Le bouddhisme engagé représente une rupture radicale avec l'histoire du bouddhisme faite de subordination et de collusion avec les pouvoirs politiques, jusqu'aux plus despotiques : des petits monarques locaux aux colonisateurs et aux régimes marxistes. Pour Eric Rommeluère, spécialiste du bouddhisme, le bouddhisme engagé représente "la prise de conscience d'une dimension politique autre que celle qui a toujours existé chez les bouddhistes, celle d'une entente tacite avec les pouvoirs en place : "Je vous protège ; vous me soutenez"" .
Cette prise de conscience n'est, bien sûr, pas la même dans tous les pays bouddhistes, mais pour beaucoup d'observateurs, le bouddhisme engagé est en passe de devenir la principale composante du bouddhisme moderne.
Henri Tincq pour Le Monde
1 commentaire:
Il n'y a pas que le Vinaya comme règle... mais aussi tout un ensemble de comportement qui sont lié aux cinq préceptes et aux enseignements des suttas... s'il est du devoir du moine d'enseigner le Dhamma, le moine sait comme tout le Bouddha que quelqu'un qui a faim ne peut ni méditer ni apprendre...
Une nourriture convenable et une vie décente sont les conditions de l'écoute du Dhamma...
Ce n'est qu'après s'être restauré que le Bouddha a atteint l'éveil...
en manifestant silencieusement les moine enseigne déjà le Dhamma...
Tinh Ý
Enregistrer un commentaire