mercredi 2 janvier 2008

Le Bouddha et le Criminel (angulimala sutta)



Certains domptent avec un bâton Avec des crochets, et des fouets Mais c’est sans arme, contondante ou blanche Que je fus dompté par l’Ainsi-Venu



J’ai entendu qu’à une occasion, le Béni du Ciel demeurait près de Savatthidans le parc Jeta, au monastère d’Anathapindika.
Et à cette époque, dans le royaume du roi Pasenadi il y avait un bandit du nom d’Angulimala: brutal, aux mains couvertes de sang, adonné à l’assassinat, incapable de pitié envers les êtres vivants.
Il transformait les villages en non-villages, les villes en non-villes, vidait les campagnes de leurs habitants. A la suite de ses meurtres répétés, il portait une guirlande (mala) de doigts (anguli).
Alors, le Béni du Ciel, tôt le matin, ayant mis ses robes et portant sa robe de dessus et son bol, se rendit à Savatthi demander l’aumône. En rentrant de Savatthi après sa tournée, il rangea son logement. Portant ses robes et son bol, il s’avança sur la route où demeurait Angulimala. Les vachers, les bergers et les fermiers qui le voyaient prendre ce chemin lui dirent:

Ne prenez pas ce chemin, ô contemplatif, car Angulimala est là: brutal, aux mains couvertes de sang, adonné à l’assassinat, incapable de pitié envers les êtres vivants. Il transforme les villages en non-villages, les villes en non-villes, vide les campagnes de leurs habitants. Il porte un collier fait des doigts de ses victimes. Des groupes de dix, vingt, trente et même quarante hommes ont pris cette route et même eux sont tombés aux mains d’Angulimala.”

Ayant entendu cela, le Béni du Ciel garda le silence et poursuivit sa route.

Une second fois… Une troisième fois, ils lui répétèrent,
“Ne prenez pas ce chemin, ô contemplatif (...)Des groupes de dix, vingt, trente et même quarante hommes ont pris cette route et même eux sont tombés aux mains d’Angulimala.

Ayant entendu cela, le Béni du Ciel garda le silence et poursuivit sa route.

Angulimala vit alors venir le Béni du Ciel de loin, et en le voyant, il se dit:

Remarquable! Etonnant! Comme ça se trouve! Des groupes de dix, vingt, trente et même quarante hommes ont pris cette route et même eux sont tombés en mes mains, et pourtant voilà que ce contemplatif vient m’attaquer, seul et sans même un compagnon. Pourquoi ne pas le tuer?

Alors Angulimala, prenant son épée et son bouclier, ceignant son arc et son carquois, se mit en chasse du Béni du Ciel.

Ce dernier accomplit alors une telle prouesse psychique qu’Angulimala, quoiqu’il courrut de toutes ses forces, n’arrivait pas à le rejoindre, alors qu’il ne marchait pourtant qu’à pas normal.

La pensée vint à l’esprit d’Angulimala:

Remarquable! Etonnant! Par le passé, j’ai chassé et saisi même un éléphant en pleine course, un cheval en pleine course, un chariot en pleine course, un cerf en pleine course. Mais aujourd’hui, tout en courant de toutes mes forces, je n’arrive pas à rattrapper un contemplatif qui marche au pas normal.

Alors, il s’arrêta et héla le Béni du Ciel: “Stop, contemplatif! Arrêtez-vous!

Le bouddha : “Je me suis arrêté, Angulimala. Toi arrête-toi.”

La pensée vint alors à l’esprit d’Angulimala:
Ces contemplatifs Sakyens disent la vérité, sont des défenseurs de la vérité, et voilà pourtant que ce contemplatif, tout en marchant, me dit:’ Je me suis arrêté, Angulimala. Toi arrête-toi.’ Pourquoi ne l’interrogerais-je pas?

Angulimala le bandit adressa donc ces versets au Béni du Ciel:

Tout en marchant, contemplatif, Tu dis: ‘Je me suis arrêté’. Mais quand je me suis arrêté, Tu dis que ce n’est pas le cas. Je t’en demande le sens: Comment te serais-tu arrêté? Comment donc, pas moi?

(Le bouddha)
Je me suis arrêté, Angulimala, Une fois pour toutes, Ayant rejeté la violence Envers tous les êtres. Toi, pourtant, Tu es sans limites avec les êtres. C’est ainsi que je me suis arrêté Et pas toi.

(Angulimala:)
Enfin, un visionnaire très vénéré Juste pour moi Est venu dans la forêt. J’ai entendu tes vers En accord avec le Dharma. J’irai par les chemins Ayant abandonné le mal”.

Ce que disant, le bandit jeta son épée et ses armes de la falaise
dans un précipice dans un gouffre.
Il rendit alors hommage
Aux pieds de l’Ainsi-Venu
Et sur le champ demanda admission.
L’Eveillé
le grand visionnaire compatissant
L’enseignant du monde, avec tous ses dévas
lui dit alors:

Viens, bhikkhu”.

Ce qui, en soi,
Fut pour lui l’entrée dans l’ordre.



Or, à cette époque, une grande foule de gens, hurlant et bruyants, se rassemblèrent aux portes du palais intérieur du roi Pasenadi du Kosala, [en criant] :

Il y a un bandit dans votre royaume, sire, du nom d’Angulimala: brutal, aux mains couvertes de sang, adonné à l’assassinat, incapable de pitié envers les êtres vivants. Il transforme les villages en non-villages, les villes en non-villes, vide les campagnes de leurs habitants. Il porte un collier fait des doigts de ses victimes. Le roi doit l’éradiquer!

Alors, le roi Pasenadi Kosala, avec une cavalerie d’environ 500 cavaliers, sortit de Savatthi et entra dans le monastère.
Avançant aussi loin que les chariots le pouvaient, il descendit et s’avança à pied vers le Béni du Ciel. En arrivant, il s’assit d’un côté. Une fois qu’il fut assis, le Béni du Ciel lui demanda:

Qu’y a-t-il, grand roi? Est-ce que le roi Seniya Bimbisara du Magadha vous a provoqué, ou sont-ce les Licchavis de Vesali ou quelqu’autre roi hostile?

Non, Seigneur. Le roi Seniya Bimbisara du Magadha ne m’a pas provoqué, pas plus que les Licchavis de Vesali, ni aucun autre roi hostile. Il y a un bandit dans mon royaume, Seigneur, du nom d’Angulimala: brutal, aux mains couvertes de sang, adonné à l’assassinat, incapable de pitié envers les êtres vivants. Il transforme les villages en non-villages, les villes en non-villes, vide les campagnes de leurs habitants. Il porte un collier fait des doigts de ses victimes. Je vais l’éradiquer.”

Grand roi, supposons que vous voyiez Angulimala avec ses cheveux et sa barbe rasés, portant la robe ocre, ayant quitté la vie domestique pour la vie sans domicile, se refusant désormais à tuer des êtres vivants, de prendre ce qui n’est pas donné, de dire des mensonges, vivant la vie sainte avec un seul repas par jour, vertueux et de bon caractère: que lui feriez-vous?

Nous nous inclinerions devant lui, Seigneur, ou nous lèverions pour le saluer, ou lui offririons un siège, ou des robes, de la nourriture, un logement ou des fournitures médicinales pour guérir les maladies; ou nous lui offririons une garde légale, une protection, une défense. mais comment un personnage aussi mauvais et sans vertu pourrait-il faire preuve d’une telle vertu et d’une telle retenue?

A ce moment-là, le bikkhu Angulimala était assis non loin du Béni du Ciel.
Ce dernier, le montrant de son bras droit, dit au roi Pasenadi Kosala: “Voilà, ô grand roi, Angulimala.

Le roi Pasenadi Kosala fut alors apeuré, terrifié, ses cheveux se dressèrent sur sa tête. Alors, le Béni du Ciel, sentant la peur et l’épouvante du roi, lui dit: “N’ayez pas peur, grand roi. N’ayez pas peur. Il ne représente aucun danger pour vous.”

Alors, la peur du roi, sa terreur, sa chair de poule cessèrent. Il s’approcha du bikkhu Angulimala et dit: :

Etes-vous vraiment Angulimala, vénérable?
“Oui, ô grand roi.”

Quel est le clan de votre père? Quel est celui de votre mère?
“Mon père est un Gagga, ô grand roi, et ma mère une Mantani.”

Alors, puisse maître Gagga Mantaniputta se plaire [ici].
Je serai responsable pour vos robes, votre nourriture, votre logement, et vos fournitures médicinales en cas de maladie.”

Or, il se trouve qu’à l’époque, le vénérable Angulimala habitait au désert, demandait l’aumône, portait un jeu de triples robes faites de tissu de rebut. Il dit donc au roi Pasenadi Kosala: “Inutile, ô grand roi. Ma triple robe est complète.”

Le roi Pasenadi Kosala alla donc voir le Béni du Ciel, s’inclina devant lui et s’assit d’un côté. Et, une fois assis, il lui dit:
Remarquable, Seigneur. Etonnant de voir comment le Béni du Ciel a pu dompter l’indompté, pacifier l’impacifié, et amené à la libération ceux qui n’étaient pas libérés. Ce que nous n’aurions pu dompter par des armes tranchantes ou contondantes, le Béni du Ciel l’a dompté sans armes ni contondantes ni tranchantes. Maintenant, Seigneur, il nous faut partir. Nombreux sont nos devoirs, nombreuses nos responsabilités.

Faites donc, ô grand roi, comme il vous paraît qu’il est temps de faire.”

Alors, le roi Pasenadi Kosala se leva, s’inclina et — le maintenant sur sa droite — il prit congé.

Puis, le vén. Angulimala, tôt le matin, ayant mis ses robes et portant son bol, se rendit demander l’aumône à Savatthi.
Comme il allait de maison en maison pour demander l’aumône, il vit une femme qui souffrait d’un accouchement par le siège. ce que voyant, il pensa: “Que les êtres vivants sont tourmentés! Qu’ils sont donc tourmentés!

Puis, ayant fait sa tournée dans Savatthi et revenant au monastère après son repas, il alla voir le Béni du Ciel et lui dit: “A l’instant, ô Béni du Ciel, j’ai vu une femme qui souffrait d’un accouchement par le siège, et je me suis dit : “Que les êtres vivants sont tourmentés! Qu’ils sont donc tourmentés!”

(le bouddha) “En ce cas, Angulimala, va voir cette femme, et en arrivant, dis lui: “Ma soeur, depuis ma naissance, je ne me rappelle pas avoir tué intentionnellement un être vivant. Que cette vérité t’apporte du bien-être, et du bien-être pour ton bébé”.

(Angulimala) “Mais, Seigneur, ne serait-ce pas pour moi un mensonge? Car j’ai, intentionnellement, tué bien des êtres vivants!”.

(le Bouddha) “Alors, en ce cas, Angulimala, va voir cette femme et dis lui: “Ma soeur, depuis que je suis né dans la noble naissance, je ne me rappelle pas avoir intentionnellement tué un être vivant. Que cette vérité t’apporte du bien-être, et du bien-être pour ton bébé”.

Répondant alors au béni du Ciel: “Il en sera comme vous le dites, Seigneur,”
Angulimala alla voir cette femme et lui dit :Ma soeur, depuis que je suis né dans la noble naissance, je ne me rappelle pas avoir intentionnellement tué un être vivant. Que cette vérité t’apporte du bien-être, et du bien-être pour ton bébé”. Et ainsi en fut-il.

Alors, le vén. Angulimala, demeurant seul, reclus, attentif, vigilant, ardent et résolu, en un rien de temps atteint et demeura dans le but de la vie sainte pour laquelle les hommes de clan quittent à bon droit la vie domestique pour vivre sans domicile fixe, sachant et réalisant pour eux-mêmes dans l’ici et maintenant, que: “La naissance est finie, la vie sainte est remplie, la tâche est accomplie. Il ne reste rien pour moi en ce monde.” C’est ainsi que le vén. Angulimala devint l’un des arahants.

Alors, le vén. Angulimala, tôt le matin, ayant mis ses robes et portant son bol, se rendit demander l’aumône à Savatthi.
Alors, ce jour-là, une motte de terre jetée par quelqu’un l’atteignit sur son corps, une pierre jetée par quelqu’un d’autre aussi, et un tesson jeté par une troisième le toucha encore.
Le vén. Angulimala — la tête ouverte et dégoulinante de sang, et sa robe de dessus mise en pièces — se rendit alors auprès du Béni du Ciel. ce dernier le vit venir de loin et lui dit: “Tiens bon, brahmane! Tiens bon! Le fruit du kamma qui t’aurait fait brûler en enfer pendant de longues années, de longues centaines d’années, voire de longs milliers d’années, tu le vis maintenant dans l’ici et maintenant!

Alors, le vén. Angulimala, s’étant isolé en réclusion, ressentit le bonheur de la libération. Il s’exclama alors:

Celui qui fut jadis insensible ,
Mais ne l’est plus
Illumine le monde
Comme la lune dégagée d’un nuage.

Ses actes mauvais
Sont remplacés par des actes appropriés:
Il illumine le monde
Comme la lune dégagée d’un nuage.

Tout jeune moine
Qui se voue
A la demande du bouddha
Illumine le monde
Comme la lune dégagée d’un nuage.

Que même mes ennemis
Entendent parler du Dharma.
Que même mes ennemis
Se vouent
A la requête du Bouddha.
Que même mes ennemis
S’associent à ceux-là
Qui, paisibles, bons,
En entraînent d’autres à accepter le Dharma.
Que même mes ennemis
Entendent le Dharma encore et encore
De ceux qui conseillent l’endurance la patience
Qui louent la non-opposition
Et puissent-ils les suivre.

Car sûrement il ne me ferait aucun mal,
Ni personne d’autre;
Il atteindrait la paix suprême,
Protégerait le faible et le ferme.

Les irrigateurs guident l’eau.
Les flécheurs façonnent la tige de la flèche.
Les charpentiers façonnent le bois.
Les sages se contrôlent eux-mêmes.

Certains domptent avec un bâton
Avec des crochets, et des fouets
Mais c’est sans arme, contondante ou blanche
Que je fus dompté par l’Ainsi-Venu.

“Qui ne fait pas le mal” est mon nom.
Mais j’ai été un faiseur de mal.
Me voici en accord avec mon nom,
Car je ne fais de mal à personne.

Un bandit
j’ai été
Connu sous le nom d’Angulimala.
Emporté par un torrent puissant
J’ai pris refuge dans le Bouddha.

Les mains pleines de sang
j’ai eues,
Connu sous le nom d’Angulimala.
Voyez que j’ai pris refuge!
Déracinée est [l’envie insatiable],
Le guide du devenir.

Ayant eu le type de kamma
Qui mènerait à plus d’une
Mauvaise destination,
Touché par le fruit de [ce] kamma,
Désendetté, je mange ma nourriture

Ils sont accrocs à l’insouciance
– des sots, obtus —
Alors que qui est sage
Chérit la vigilance
Comme sa plus grande richesse.

Ne donnez pas lieu à l’insouciance
ni à l’intimité
avec le plaisir sensuel –
Car une personne vigilante,
Absorbée en jhâna,
Atteint une béatitude sans bornes.

Ceci est bien venu et n’est pas reparti,
Ce ne fut pas mal pensé pour moi.
De toutes les qualités bien analysées,
j’ai obtenu
les meilleures.

Ceci est bien venu et n’est pas reparti,
Ce ne fut pas mal pensé pour moi.
Les trois connaissances
ont été atteintes;
La requête du Bouddha
a été satisfaite.




source : Angulimala Sutta

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