Cette réflexion personnelle risque de contrarier, voire de choquer certaines personnes. Loin de moi l’idée de critiquer. Il s’agit juste d’essayer de comprendre la démarche de certaines personnes, dont je peux très bien faire partie. Il ne s’agit pas de montrer du doigt mais juste de faire prendre conscience. Nous nous mentons trop souvent à nous mêmes. Nous sommes tous remplis de « bonnes intentions » mais ces « bonnes intentions » sont souvent trompeuses. Nous devons nous interroger. Cet article n’est finalement qu’un questionnement et en aucun cas une critique et surtout pas un enseignement.
Kathy
Sommaire de cet article :
- La souffrance dont parle le Bouddha n’est pas une souffrance « mondaine. »
- Le Bouddha n’était pas « malheureux »
- Il faut beaucoup de force, d’énergie, de courage et de Foi, pour avancer sur le chemin.
- Voir « les choses comme elles sont » provoque de la souffrance...
- Nous devons apprendre à vivre
- Et si La fin de la souffrance c’était la conséquence et non le but?
- Nous interroger pour comprendre les véritables raisons qui nous ont conduit à emprunter le chemin.
La souffrance dont parle le Bouddha n’est pas une souffrance « mondaine »
Trop de personnes se tournent vers le Bouddhisme à cause d’un “mal de vivre”. Elles confondent alors « Foi » dans le Bouddhisme et envie de quitter ce monde dans lequel elles n’arrivent pas à trouver de place, « leur » place.
Le mot « bouddhisme » est trop souvent associé au mot « Bien être », ce qui entretien la confusion.
Certains d’occidentaux qui, parce qu’ils n’arrivaient pas à vivre dans le monde actuel, ont préféré tout quitter et devenir moine ou nones pensant que, comme le Bouddha qui a quitté sa femme et son enfant, ils allaient connaitre la fin de la « souffrance ».
Le « hic » c’est que la souffrance (dukkha) dont parle le Bouddha n’est pas une souffrance « mondaine » mais une souffrance bien plus profonde.
Ces personnes «mal dans leur peau» se tournent vers le Bouddhisme qui devient une bouée au lieu de devenir une raison de vivre. Certains vont plus loin encore et se «cachent» dans un monastère pour un tas de «mauvaises raisons» et non par Foi véritable.
J’admire les personnes qui sont devenus moines ou nones alors que tout allait bien dans leur vie. Les personnes qui étaient parfaitement intégrées dans la société et qui, par foi véritable, ont tout quitté pour devenir moine .
Le Bouddha n’était pas « malheureux »
Le Bouddha n’était pas malheureux ni « mal dans sa peau », il n’était pas satisfait de sa vie, ce qui est différent. Il voulait comprendre pourquoi cette « insatisfaction ».
Certains moines occidentaux ont quitté une vie de misère où ils n’avaient ni travail ni statut social.
Mathieu Ricard est sans doute l’exception.
Toutes ces personnes que j’ai pu rencontrer dans la vraie vie ou sur des forums bouddhistes qui sont si malheureux dans leur vie : alcooliques, toxicomanes, dépressifs ; bref des personnes dépendantes qui passent d’une dépendance à une autre.
Il ne s’agit aucunement de leur jeter la pierre, au contraire. Mieux vaut méditer que de prendre des substances toxiques.
Mais dans ce cas il faut en être conscient.
Justement, les personnes qui ont réussi à se sortir d’une situation difficile (toxicomanie, alcoolisme, maladies, drames..) mais, avant de s’engager sur le chemin, auront de la force, de la détermination et du courage pour surmonter tous les obstacles.
C’est donc presque un « avantage » d’avoir beaucoup souffert, mais à la condition d’avoir réussi à s’en sortir avant d’emprunter le chemin.
La démarche est très différente si votre dépendance ou votre « dépression » est encore actuelle
Finalement, nous sommes tous dépendant de quelque chose mais en sommes nous conscient ?
Je reste persuadée, mais cela n’engage que moi, que pour comprendre le dhamma, il faut avoir atteint un certain « équilibre » dans la vie de tous les jours, afin de ne pas être aveuglé par sa propre souffrance existentielle.
La « compréhension juste » est essentielle.
Lorsque je parle de « souffrance existentielle », c’est par opposition à la « Souffrance » (dukkha) plus profonde dont parle le Bouddha dans les quatre Nobles Vérité. Il y a plusieurs niveaux dans la souffrance.
Il faut beaucoup de force, d’énergie, de courage et de Foi, pour avancer sur le chemin.
Le simple « mal de vivre » ne suffira pas pour nous faire avancer. Nous devrons trouver des forces cachées, des qualités que nous ne nous connaissions pas pour continuer d’avancer malgré les nombreux obstacles que nous rencontrerons inévitablement.
Si l’on est submergé par la « souffrance existentielle » on ne verra pas le dhamma pour ce qu’il est, mais comme une simple sortie de secours.
Toutes ces personnes qui pensent que le dhamma va leur permettre de mieux vivre, c’est vrai et c’est faux en même temps.
C’est vrai, mais après combien d’années de pratique ? combien de vies de pratique ; c’est vrai si on arrive à respecter la moralité (sila) et les préceptes, c’est vrai si on arrive a emprunter le Noble sentier Octuple.
C’est faux, car voir « les choses comme elles sont » aggrave la souffrance, surtout au début.
Voir « les choses comme elles sont » provoque de la souffrance...
La Fin de la souffrance c’est la Fin du chemin ; la Fin de la souffrance c’est nibana. Au début et pendant tout le chemin, non seulement la souffrance est toujours présente, mais elle est même souvent amplifiée, exacerbée.
Comment feront nous pour supporter cette souffrance exacerbée ; qui n’est plus une souffrance « Mondaine » mais qui est une souffrance bien plus profonde ; si nous avions déjà dû mal à supporter notre « petite » souffrance liée à la vie de tous les jours.
Réaliser que l’on vit dans l’illusion depuis notre naissance, ça fait mal...
Perdre son ignorance c’est douloureux...
Lorsque l’on a trop de problèmes existentiels, on ne peut pas comprendre le dhamma. On est aveuglé par sa propre souffrance. « J’ai » mal, « Je » souffre, « je » suis malheureux ect.. Tous ces « Je » nous empêchent de comprendre la véritable nature de la souffrance.
Nous allons devoir nous débarrasser de toutes ces choses que nous pensions être « nous ». Ce « Moi » qui nous fait croire que nous sommes la même personne depuis notre naissance jusqu’à notre mort.
Nous allons devoir nous tuer pour rennaître.
Nous devons apprendre à vivre
Nous allons devoir apprendre à vivre avec l’impermanence au lieu de lutter contre elle.
Nous allons devoir apprendre à accepter l’inacceptable...
Il nous faut comprendre le dhamma pour ce qu’il est et non s’en servir pour « aller mieux »
Nous, les occidentaux, nous avons trop souvent besoin de prendre « quelque chose » pour aller mieux : anti-dépresseur, alcool, barbiturique, drogue, bouddhisme...
Le « Bouddhisme » devient un alors un simple « refuge », ce qui n’a rien à voir avec la véritable signification de « prendre refuge ».
On prend refuge dans le Bouddha, le Dhamma et le Sangha, par foi et non par peur de vivre.
Lorsque le Bouddhisme devient un simple remède psychologique, voire « psychiatrique », cela peut-être dangereux.
Le seul véritable « but », si tant est qu’il doit y avoir un, doit-être la « Libération », se libèrer des trois poisons, et non avoir moins de souffrance.
Et si la fin de la souffrance c’était la conséquence et non le but?
On dit toujours que le but final, l’ultime but c’est nibbana, c’est la fin de la souffrance.
Vouloir moins souffrir est une démarche « égoïste » lorsque La souffrance est comprise comme « avoir moins mal » ou comme « mieux réussir dans la vie »
Mais la « Fin » de la souffrance ce n’est pas cela. La « fin » de la souffrance c’est la fin du désir, de la soif. La « Fin » de la souffrance c’est la fin de l’attachement, la fin des impuretés mentales (kilesas). La fin de la souffrance c’est la fin de l’ignorance, la fin de la haine, de la rancœur et des illusions.
Vouloir la « fin de la souffrance » est une démarche différente que celle de vouloir « aller mieux ».
La fin de la souffrance c’est la fin du « moi je », c’est la fin du « moi ».
Pourtant, pour beaucoup de personnes qui ont emprunté le chemin, ou plutôt qui pensent avoir emprunté le chemin, la fin de la souffrance c’est le bonheur. Or dans l’enseignement du Bouddha la notion de bonheur n’a rien à voir avec le bonheur mondain.
Et puis, la fin de la souffrance est voulu pour soi même, mais aussi pour les autres. Les autres comptent beaucoup dans le Bouddhisme. Il faut être capable de ressentir Compassion (karuna) et Amour Universel (metta).
Or, si on est aveuglé par sa « dépression » ou son« mal être », on ne pourra que difficilement éprouver compassion et amour pour soi même et donc encore moins pour les autres.
Et le Bouddhisme sans karuna et sans metta c’est du vide, de l’illusion.
Le Bouddha a atteint l’autre rive, celle de la fin définitive de la souffrance mais le chemin n’était pas terminé pour autant. Sa « libération » ne pouvait pas être complète tant qu’il n’avait pas enseigné aux autres hommes comment faire pour y arriver.
Certes on aime comparer le Bouddha a un médecin qui a trouvé le remède pour mettre fin à la souffrance. Mais il ne s’agit pas de mettre fin à ses problèmes existentiels, c’est beaucoup plus subtil que cela.
Le « Bouddhisme » est un changement radical et non un simple remède.
Nous interroger pour comprendre les véritables raisons qui nous ont conduit à emprunter le chemin.
Loin de moi l’idée de juger ou de critiquer. Nous devons juste nous interroger pour comprendre quelles peuvent être les véritables raisons qui nous ont conduit à emprunter le chemin.
Nous devons être sincère avec nous même si nous voulons être sincère avec les autres.
Comme la grande majorité d’entre nous, je n’échappe pas à cette problématique.
Mais le plus important finalement, c’est que nous pouvons très bien changer de direction en cours de route et peu importe alors les raisons initiales qui nous ont poussé à nous intéresser au Bouddhisme. Même si au départ nous sommes venus au Bouddhisme pour un tas de mauvaises raisons, à partir du moment où nous en prenons conscience ; nous allons justement pouvoir changer notre manière de voir les choses.
Mieux vaut approcher le dhamma pour des « mauvaises raisons » que de ne pas l’approcher du tout. A partir du moment ou nous avons mis ne serait-ce qu’un pied sur le chemin, même si c’est par la mauvaise porte, nous avons la possibilité de continuer dans la bonne direction.
A un moment donné, j’ai cru que la méditation allait me permettre de changer.
Mais je n’ai pas changé, c’est ma façon de voir les choses qui a changé. Ma personnalité est restée la même.
Le Bouddhisme n’a pas vocation à changer votre personnalité mais votre manière de voir les choses.
« Voir les choses comme elles sont » ne rend pas heureux, au contraire car, avant d’arriver à l’état d’arahat, votre souffrance va s’aggraver, se renforcer.
Avant d’arriver au véritable détachement qui permet de se libérer du désir, il faut des années, que dis-je, une vie entière, et même de nombreuses vies.
Le Bouddha lui même a dû rennaître des dizaines de fois pour arriver à la Fin de la souffrance.
Le Dhamma est un tout, "parfait en son début, parfait en son milieu, parfait en sa fin"
D’ailleurs, si on ne « crois » pas au kamma et à la renaissance, il n’y a pas de véritable compréhension du dhamma.
Et c’est là que la Foi (saddha) intervient. On a pas de preuve scientifique de la renaissance. Sans la Foi dans l’enseignement du Bouddha comment accepter cela ? Or si vous ne croyez pas à la théorie du kamma, au sansara, vous ne pouvez pas « croire » à la Fin de la souffrance.
Beaucoup d’occidentaux limitent leur pratique du bouddhisme à la méditation formelle, sans même respecter sila, et en dehors du contexte des quatre Nobles Vérités. Vu sous cet angle on peut parler de « Méditation » mais aucunement de Bouddhisme.
De la même manière, les personnes qui limitent leur pratique à la « dévotion » ne suivent pas les enseignements du Bouddha.
Le Dhamma est un tout, pensez que l’on peut se « servir » et prendre uniquement ce qui nous arrange est une erreur de compréhension et ne mènera nul part, en tout cas pas au Bouddhisme et encore moins à la fin de la souffrance.
Kathy
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