mardi 15 janvier 2008

Ce qui conduit à la "Libération", par le Vénérable ajahn Chah





REGARDER : LA TRADITION DES MOINES DE LA FORÊT : ICI

Emission "Sagesses Bouddhistes" du 3 janvier 2008
Invité : Vénérable Nyanadharo


Ci après l'Enseignement de la pratique, par Ajahn Chah :

  • Rappel de la Biographie de Ajahn Chah : ICI

Remarques préalables:

- Dans ce petit livre de 64 pages intitulé "La clé de la libération", dont j'ai choisi de très larges extraits, Ajahn Chah nous explique l'essentiel de l'enseignement du Bouddha. Pour lui, comme pour de nombreux autres moines et laïcs d'ailleurs : la pratique est la chose la plus importante. Elle seule nous permet de comprendre le dhamma.

- Les titres ne sont pas dans le texte initial, je les ai ajouté pour en facilité la lecture.

-
Essayez de lire ce texte, en ayant à l'esprit votre propre expérience, essayez de faire votre auto- critique: Est ce que vous pratiquez assez ou est ce que vous contentez d'avoir une approche intellectuelle du Bouddhisme ? Et si vous pratiquez , comment et pourquoi le faites vous ?

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Le texte est très long, mais je n'ai pas eu envie de le couper en deux ou même trois parties. C'est un ensemble, lisez le en plusieurs fois ou imprimez le si vous le pouvez, mais lisez le en entier et avec ATTENTION, c'est une mine d'or et de sagesse pour les pratiquants que nous sommes..... ou que nous essayons d'être...

- Encore une chose,  Ce petit livre résume bien à lui tout seul, les divers enseignements de Ajahn Chah, mais il va encore plus loin dans les détails de la pratique et c'est cela qui le rend si précieux..








Ce n’est que lorsque vous prenez la libération de la souffrance comme votre but ultime, plutôt que n’importe quoi d’autre, que vous serez en train de pratiquer de la façon correcte.


Dans le Bouddhisme, la première raison pour laquelle nous étudions le Dhamma est trouver le moyen de transcender la souffrance et atteindre la paix. Que vous étudiez les phénomènes physiques ou mentaux, (esprit ou conscience) ou les facteurs mentaux, ce n’est que lorsque vous prenez la libération de la souffrance comme votre but ultime, plutôt que n’importe quoi d’autre, que vous serez en train de pratiquer de la façon correcte.
C’est parce que la souffrance et ses causes existent déjà ici et maintenant.

En contemplant la cause de la souffrance, vous devez comprendre ceci : quand ce que nous appelons l’esprit est calme, il est dans un état de normalité. Dès qu’il bouge, il devient sankhara (ce qui est façonné ou fabriqué).
Lorsque l’attirance apparaît dans l’esprit, c’est sankhara. S’il y a le désir d’aller ici et là, c’est sankhara. Tant que vous n’êtes pas attentifs à ces sankharas, vous aurez tendance à courir après et à être conditionnés par eux. (...)



Le Bouddha nous a appris à observer et contempler:


Chaque fois que l’esprit bouge, il est aniccam (impermanent), dukkha (souffrance, insatisfaction) et anatta (non soi) . Le Bouddha nous a appris à observer et contempler ceci. Il nous a appris à contempler les sankharas qui conditionnent l’esprit. Contemplez-les à la lumière de l’enseignement de paticcasamuppada (la loi des origines interdépendante, ou chaîne de la production conditionnée) :
avijja (l’ignorance) conditionne sankhara (les formations karmiques) ; sankhara conditionne viññana (la conscience) ; viññana conditionne nama (le mental) et rupa (la matière) ; et ainsi de suite.

Vous avez déjà étudié et lu des livres à ce sujet, et ce qui y est présenté est en soi correct, mais en réalité vous n’êtes pas capable de suivre ce processus à mesure qu’il se produit dans les faits. C’est comme tomber d’un arbre : en un éclair, vous êtes tombés du sommet de l’arbre- jusqu’au sol, et vous n’avez aucune idée du nombre de branches qui ont passé pendant la chute.

(..)


Normalement, lorsque vous faites l’expérience de la souffrance, tout ce que vous voyez vraiment c’est le résultat final, qu’il y a de la souffrance, de la douleur, du chagrin et du désespoir présents dans l’esprit. Vous ne savez pas vraiment d’où ça vient – ce n’est pas quelque chose que vous trouverez dans les livres.



Il n’y a aucun endroit dans les livres où sont décrits les détails complexes de votre souffrance et ses causes.


La réalité suit le même cours que la théorie exposée dans les écrits, mais ceux qui ne font qu’étudier les livres et ne les dépassent jamais sont incapables de suivre ces choses telles qu’elles arrivent dans la réalité.

Ainsi le Bouddha a enseigné à demeurer comme « ce qui sait » ( « ce qui sait » est un mode de l’esprit. Cela se réfère à une faculté interne d’attention qui, lorsque sous l’influence d’avijja, peut connaître les choses de façon erronée, mais peut être entraînee par la pratique du Noble Octuple Chemin) et de simplement être témoin de ce qui apparaît.

Une fois que vous avez entraîné votre attention à demeurer comme "ce qui sait" et avez examiné l’esprit et les facteurs mentaux, vous verrez l’esprit comme anatta (non-soi).Vous verrez qu’au fond toute formation mentale et physique sont des choses dont il faut lâcher prise et il vous sera clair que c’est idiot de s’y attacher ou d’y accorder une importance excessive.

Le Bouddha ne nous a pas appris à étudier l’esprit et les facteurs mentaux pour s’y attacher, il a simplement enseigné à les connaître comme aniccam, dukkham, anatta.

L’essence de la pratique bouddhiste est alors d’en lâcher prise et de les mettre de côté. (...)

Le Bouddha nous a enseigné à lâcher prise de tout ça, mais avant de pouvoir commencer à lâcher prise, il vous faut d’abord étudier et pratiquer. Ceci est en accord avec la nature – la manière dont sont les choses. L’esprit est juste comme ça, les facteurs mentaux sont juste comme ça – c’est simplement comme ceci.

Considérez magga (le Noble Octuple Chemin), qui est fondé sur pañña ou la Vue Correcte. S’il y a la Vue Correcte il s’ensuit qu’il y a l’Intention Correcte, la Parole Correcte, l’Action Correcte, le Mode de Vie Correcte et ainsi de suite.

Ceux-ci impliquent tous nécessairement des facteurs mentaux qui naissent de la connaissance. La connaissance est comme une lanterne.

S’il y a la Connaissance Correcte, chaque aspect du chemin en sera imprégné, donnant naissance à l’Intention Correcte, la Parole Correcte et ainsi de suite
, tout comme la lumière d’une lanterne illuminant le chemin sur lequel vous devez voyager.

Au bout du compte, quelle que soit l’expérience que fasse l’esprit, elle doit prendre naissance dans la connaissance. Si l’esprit n’existait pas, la connaissance ne pourrait pas exister non plus. Voilà les caractéristiques essentielles de l’esprit et des facteurs mentaux.

Toutes ces choses sont des phénomènes mentaux.



Le Bouddha nous a enseigné qu'il n’y a rien qui soit substantiel:


Le Bouddha nous a enseigné que l’esprit, c’est l’esprit – ce n’est pas un être vivant, une personne, un « moi », un « nous » ou un « eux ».

Le Dhamma c’est le Dhamma – ce n’est pas un être vivant, une personne, un « moi », un « nous » ou un « eux ». Il n’y a rien qui soit substantiel. Quel que soit l’aspect de cette existence individuelle que vous choisissiez, que ce soit par exemple vedana (les sensations) ou sañña (la perception), on en revient chaque fois aux cinq khandas (les agrégats). Il faut donc lâcher prise de cela.

La méditation, c’est comme une planche de bois. Disons que vipassana (la vision pénétrante) représente une extrémité de la planche et que samatha (le calme mental) représente l’autre.

Si vous deviez soulever la planche, n’y a-t-il qu’une des extrémités qui monterait, ou les deux ? Evidemment , lorsque vous soulevez la planche, les deux extrémités montent.

Qu’est- ce que le vipassana ? Qu’est-ce que le samatha ? Ils sont l’esprit lui-même. D’abord l’esprit s’apaise par la pratique de samatha, par le samadhi (la fermeté d’esprit). En développant samadhi vous pouvez rendre l’esprit paisible.

Toutefois, si cette paix de samadhi disparaît, la souffrance apparaît. Pourquoi la souffrance apparaît-elle ? Parce que le genre de paix qui vient par samatha est elle-même samudaya (la Noble Vérité de l’Origine de la Souffrance). C’est une cause pour qu’apparaisse la souffrance.


La pratique ne s'arrête pas à samatha, après il y a vipassana, après il y a la libération..


Malgré le fait qu’un certain état d’apaisement ait été atteint, la pratique n’est pas encore terminée. Le Bouddha l’a vu dans sa propre expérience, ceci n’est pas la fin de la pratique. Le processus du devenir ne s’est pas encore complètement épuisé ; les conditions de naissance continuelle existent encore ; la pratique de la Vie Sainte est encore incomplète.

Pourquoi est-elle incomplète ? Parce que la souffrance existe encore. Il a donc repris le calme de samatha et a continué à le contempler, en investiguant pour gagner en vision pénétrante jusqu’à ce qu’il n’y soit plus attaché.(...)


Le Bouddha résolut de contempler les causes derrière le devenir et la naissance. Tant qu’il était incapable de complètement comprendre la vérité de ce sujet, il continua à utiliser l’esprit tranquille comme moyen pour pénétrer de plus en plus profondément dans sa contemplation.



C’est une erreur de s’attacher aux états d’esprit calmes, ou de penser que le calme c’est vous ou qu’il y a un "soi" qui soit calme

Il réfléchit sur toutes les formations qui apparaissaient, paisibles ou agitées, jusqu’à ce qu’il vît enfin que toutes les conditions étaient comme une boule de fer chauffée à blanc.

Les cinq khandas (agrégats) sont exactement comme ça. Quand un morceau de fer est complètement chauffé à blanc, y en a-t-il une partie que vous puissiez toucher sans vous brûler De façon similaire, chacun des cinq khandhas est, au contact, comme chauffé à blanc.

C’est une erreur de s’attacher aux états d’esprit calmes, ou de penser que le calme c’est vous
ou qu’il y a un soi qui soit calme. Si vous présumez que le calme c’est vous, ou qu’il y a quelqu’un qui soit calme, ça ne fait que renforcer l’idée qu’il y a une entité solide, un soi ou atta.

Mais ce sentiment de soi n’est qu’une réalité conventionnelle. Si vous vous attachez à la pensée « je suis paisible », « je suis bon », « je suis mauvais », « je suis heureux » ou « je souffre », ça veut dire que vous êtes pris dans davantage de devenir et de naissance. C’est encore de la souffrance. Lorsque le bonheur disparaît ça se change en souffrance. Lorsque la
souffrance disparaît ça se change en bonheur. Et vous vous retrouvez pris à tourniquer sans cesse entre bonheur et souffrance, ciel et enfer, incapable d’y mettre une halte.

Le Bouddha observa que son esprit était ainsi conditionné et vit que les causes du devenir et de la naissance étaient encore présentes, et la pratique encore inachevée.

Tant que vous ne connaissez pas les choses selon la vérité, vous n’avez pas de choix que de souffrir. Vous ne pouvez pas les lâcher. Mais une fois que vous avez pénétré la vérité et comprenez comment sont les choses, vous voyez ces choses comme trompeuses. (...)


Le Bouddha nous a enseigné à regarder attentivement l’esprit.

Au début, qu’y avait-il ? Il n’y avait en fait rien. Le processus de naissance et de devenir et ces mouvements de l’esprit ne sont pas nés avec et ne meurent pas avec. Quand l’esprit du Bouddha rencontrait des objets de l’esprit agréables, il ne s’en ravissait pas. Au contact d’objets de l’esprit désagréables, il ne leur est pas devenu contraire – parce qu’il avait une connaissance claire et une vision pénétrante de la nature de l’esprit.

Il y avait la connaissance pénétrante que tous ces phénomènes n’ont pas de véritable substance ou d’essence propre. Il les vit comme aniccam, dukkham, anatta et maintint cette vision pénétrante et profonde pendant toute sa pratique.


C’est la connaissance, le fait de connaître, qui discerne la vérité de comment sont les choses.


(...)

Le Bouddha contempla minutieusement les caractéristiques des sankharas et comme résultat pu les relâcher ainsi que lâcher prise de chacun des cinq khandas. Il devint un observateur indépendant, simplement en admettant leur existence et rien de plus.

S’il faisait l’expérience d’objets de l’esprit plaisants, il ne s’en entichait pas, mais les regardait simplement et en restait conscient.

S’il faisait l’expérience d’objets de l’esprit déplaisants, il ne leur devenait pas contraire.

Et pourquoi cela ? Parce qu’il avait discerné la vérité et donc les causes et les conditions de futures naissances avaient été coupées.

Les conditions soutenant la naissance n’existaient plus. Son esprit avait progressé dans la pratique au point de gagner confiance et certitude en sa propre compréhension. C’était un esprit véritablement paisible – libre de la naissance, du vieillissement, de la maladie et la mort. Il était ce qui n’était ni cause ni effet, ni dépendant des causes et effets ; il était indépendant du processus de conditionnement causal.

Il ne restait pas de causes, elles avaient été épuisées. Son esprit avait transcendé la naissance et la mort, le bonheur et la souffrance, le bien et le mal. Il était au-delà des limitations des mots et des concepts. Il n’y avait plus aucune condition pour donner naissance à l’attachement dans son esprit. (...)

L’esprit et les facteurs mentaux font partie de la réalité. Ils existent vraiment dans la réalité conventionnelle, mais le Bouddha a vu que peu importe ce que nous connaissons à leur sujet ou combien nous croyons en eux, nous n’en bénéficions que peu. Ce n’est pas le moyen de trouver une vraie paix.

Il a enseigné qu’une fois que vous les connaissez, il vous faut les reposer, y renoncer, en lâcher prise
, parce que l’esprit et les facteurs mentaux sont exactement ces choses qui vous amènent à la fois à ce qui est faux et à ce qui est juste.

L’esprit et les facteurs mentaux sont le monde. Le Bouddha a utilisé les choses du monde pour observer le monde. (..)


Samatha et vipassana doivent être développés en vous- mêmes avant de pouvoir vraiment connaître la vérité.

Il est possible d’étudier les livres pour acquérir une connaissance théorique de l’esprit et des facteurs mentaux, mais dans les faits, vous ne pouvez pas utiliser ce genre de connaissance pour éliminer la cupidité, la haine et l’illusion.

Vous n’avez étudié que les caractéristiques externes de la cupidité, la haine et l’illusion et ne faites que décrire les différents traits des souillures (kandha)… la cupidité est comme-ci, la haine est comme-ça et ainsi de suite.
Vous n’en connaissez que les caractéristiques externes et les apparences superficielles, et ne pouvez en parler qu’à ce niveau.
(...)

Il vous faut vraiment regarder profondément dans votre esprit pour que la pratique devienne paccatam, (Paccatam : on fait l’expérience des fruits de la pratique par soi-même, par sa propre vision pénétrante)

(...) vous devez acquérir une vision pénétrante claire et une compréhension directe pour les pénétrer. Si vous n’avez pas de vraie vision pénétrante, comment ferez-vous pour dépasser la théorie ? C’est sans fin. Vous devriez l’étudier indéfiniment.



Ainsi la pratique est-elle la chose la plus importante.


Dans ma propre pratique, je n’ai pas passé tout mon temps à étudier toutes les descriptions théoriques de l’esprit et des facteurs mentaux:
j’ai observé
« ce qui connaît »:

- Quand l’esprit avait des pensées d’aversion, je demandais : « Pourquoi y a-t-il de l’aversion ? ».
- S’il y avait de l’attrait, je demandais : « Pourquoi y a-t-il de l’attrait ? ».

C’est ça la façon de pratiquer.

Je ne connaissais pas tous les détails plus fins de la théorie et je n’ai pas plongé dans un découpage analytique détaillé de l’esprit et des facteurs mentaux. Je n’ai fait que pousser doucement à cet unique point de l’esprit jusqu’à ce que je sois capable de régler toute la question de l’aversion et de l’attrait et de le faire complètement disparaître.

Quoi qu’il arrivait, si je pouvais amener mon esprit à l’endroit où il arrêtait d’aimer ou de ne pas aimer, il était allé au-delà de la souffrance. Il avait atteint l’endroit où il pouvait demeurer à l’aise, quelle que soit la chose dont il fît l’expérience. Il n’y avait pas de soif ni d’attachement… il s’était arrêté. Voilà ce que vous visez dans la pratique. (...)


Une fois que vous avez vraiment discerné la vérité, vous savez automatiquement comment sont l’esprit et les facteurs mentaux.

L’esprit est les facteurs mentaux vous déçoivent constamment, sans s’arrêter une seule minute.

Lorsque vous étudiez les livres, vous ne faites qu’étudier la forme externe de cette déception. Même pendant que vous étudiez ces choses, elles sont en train de vous décevoir – il n’y a pas d’autre façon de le dire. C’est comme ça.

L’intention de Bouddha n’était pas que vous ne connaissiez la souffrance et les souillures que de nom, son but était que vous trouviez la façon de pratiquer qui vous mène à transcender la souffrance.

Il a enseigné qu’il fallait investiguer et trouver la cause de la souffrance du niveau le plus fondamental au niveau le plus raffiné
.


Le Chemin commence avec sila: Sila est ce qui est beau au commencement. Samadhi ( la concentration) est ce qui est beau au milieu. Pañña (la sagesse) est ce qui est beau à la fin

De mon côté, j’ai pu pratiquer sans grande quantité de connaissance théorique. Il suffit de savoir que le Chemin commence avec sila (la retenue morale).

A mesure que vous approfondissez votre pratique et votre contemplation de ces trois aspects, ils se fondent et deviennent un seul, même si vous pouvez toujours les voir comme trois parties séparées de la pratique.


Comme condition préalable pour se former à sila, pañña doit en fait être là, mais on dit habituellement que la pratique commence avec sila. C’est la fondation. C’est juste que pañña est le facteur qui détermine combien la pratique de sila aura de succès et si elle sera complète.

Il vous faut contempler vos paroles et vos actes et investiguer le processus de cause à effet – ce qui est une fonction de pañña. Vous devez dépendre de pañña avant que sila puisse être établi.

Selon la théorie, on dit que c’est sila, samadhi et puis pañña ; mais j’y ai réfléchi et j’ai trouvé que pañña sous-tend tous les autres aspects de la pratique. (...)

Une fois que l’esprit a cessé de faire ce qui est faux et a cultivé ce qui est juste, il se retournera automatiquement vers l’intérieur pour se focaliser sur lui-même et devenir ferme et stable. Lorsqu’il est libre du doute et de l’incertitude quant aux paroles et aux actes, l’esprit sera résolu et inébranlable, fournissant la base sur laquelle devenir fermement concentré dans samadhi. Cette concentration ferme forme la deuxième source la plus puissante d’énergie dans la pratique, (...)

Une fois que l’esprit est établi avec un calme et une attention fermes et inébranlables, vous pouvez entamer la contemplation soutenue de la forme, de la sensation, de la perception, de la pensée et de la conscience, ainsi que des visions, des sons, des odeurs, des goûts, des sensations tactiles et des objets de l’esprit, et voir que tous ceux-ci sont constamment en train d’apparaître.
Il en résulte que vous acquérrez des visions pénétrantes de la vérité de ces phénomènes et de comment ils apparaissent selon leur propre nature
.


Quand il y a une conscience continue, c’est la cause pour que naisse pañña
.

Au bout du compte, sila, samadhi et pañña se fonderont dans la pratique en un tout durable et unifié. A mesure que pañña se renforce, il agit pour le développement de samadhi qui devient plus stable et inébranlable. Plus samadhi devient ferme, plus sila devient résolu et complet.

A mesure que sila est perfectionné, il nourrit samadhi, et le renforcement de samadhi mène à la maturation de pañña.

Ces trois aspects de la pratique sont en fait inséparables – tant ils se recouvrent. Grandissant ensemble ils forment ce que le Bouddha appelait magga, le Chemin.

Lorsque sila, samadhi et pañña atteignent leur sommet, magga a suffisamment de pouvoir pour détruire les kilesa ( Kilesa : souillures ou impuretés mentales; les choses qui souillent ou tachent le cœur, dont : la haine, l’illusion, l’agitation, etc.…)

Que ce soit la cupidité, la haine ou l’illusion qui apparaisse, il n’y a que la force de magga qui soit capable de les détruire.



Les Quatre Nobles Vérités ont été enseignées par le Bouddha comme cadre de référence pour la pratique

Les Quatre Nobles Vérités enseignées par le Bouddha comme cadre de référence pour la
pratique sont : dukkha (la souffrance), samudaya (la cause de la souffrance), nirodha (la fin de la souffrance), et magga (le chemin menant à la fin de la souffrance) qui consiste en sila, samadhi et pañña – des modes d’entraînement qui existent dans l’esprit.

Bien que je dise ces trois mots – sila, samadhi et pañña – à haute voix, ils n’existent pas extérieurement, mais prennent racine dans l’esprit lui- même.

(...) Si magga est fort, il détruira les kilesa. Quand il est faible et les kilesa sont forts, magga sera détruit. Les kilesa peuvent détruire votre cœur lui-même.(...) Ainsi magga et les kilesa avancent côte à côte.


L’endroit où vous placez l’effort dans la pratique est le cœur.

Vous devez continuer à lutter avec les kilesa chaque pas le long du chemin.

(...)

Quelle que soit la souffrance qui apparaisse, quelle que soit sa forme, elle doit avoir une cause – c’est samudaya, la deuxième Noble Vérité.

Quelle est la cause ? La cause est que votre pratique de sila, samadhi et pañña est faible. Quand magga est faible, les kilesa peuvent avoir prise sur l’esprit. Quand ils prennent vraiment le pouvoir dans l’esprit, ils deviennent samudaya et donnent inévitablement naissance à différentes sortes de souffrance. Si la souffrance apparaît ça veut dire que l’aspect qui est capable d’éteindre la souffrance a disparu.

(...)

On pourrait dire que ni sila, ni samadhi, ni pañña ne forment le cœur du bouddhisme, mais ils constituent par contre la voie par laquelle le cœur du bouddhisme peut être atteint.

Une fois que vous avez pratiqué avec sila, samadhi et pañña au plus haut niveau, la paix apparaît comme résultat. C’est là le but ultime de la pratique.

Une fois que l’esprit est calme, même si vous entendez un son, il ne sera pas perturbé. Lorsqu’un tel calme a été atteint, vous ne créez plus rien dans l’esprit.

Le Bouddha a enseigné le lâcher prise. Alors quelle que soit l’expérience que vous fassiez, vous n’avez pas à craindre ou à vous faire du souci. (...)


Le bouddhisme n’est pas fondé sur quoi que ce soit d’étrange ou d’inhabituel.

Il ne dépend pas de différentes sortes de manifestations miraculeuses, de pouvoirs psychiques ou d’habilités surhumaines. Le Bouddha n’a pas loué ni encouragé ces choses.

De tels pouvoirs peuvent exister et avec votre pratique de la méditation il est possible de les développer, mais le Bouddha n’en a pas fait l’éloge et ne les a pas encouragé parce qu’ils sont potentiellement une source d’illusions, de tromperie. Les seules personnes dont il a fait l’éloge sont ces êtres qui ont été capables de se libérer de la souffrance.

Pour ce faire ils ont dû dépendre de la pratique – nos outils qui sont dana (la générosité), sila, samadhi et pañña. Voilà les choses avec lesquelles nous devons nous entraîner.

(...) Nous devons compter sur la patience et l’endurance, la retenue et la frugalité.

Nous devons pratiquer pour nous-mêmes, pour que ça vienne de l’intérieur et transforme vraiment notre esprit.

Les érudits, toutefois, tendent à douter passablement. Lorsqu’ils sont assis en méditation, dès qu’il y a un peu de calme ils commencent à se demander si peut-être ils ont atteint la première jhana. Ils ont tendance à penser comme ça. Mais dès qu’ils commencent à proliférer, l’esprit se détourne de l’objet et ils sont complètement distraits de la méditation.

En un instant, ils sont déjà repartis, pensant que c’est déjà la deuxième jhana. Ne commencez pas à proliférer au sujet de telles choses. Il n’existe pas de points de repère qui vous disent quel degré de concentration vous avez atteint ; c’est complètement différent. Il n’y a pas de signes qui surgissent (...)

Beaucoup de maîtres célèbres ont donné des descriptions de la première, deuxième, troisième et quatrième jhana, mais cette information existe à l’extérieur, dans les livres. (Jhana : il s’agit du nom donné à différents états d’absorption méditative.)

Si l’esprit est vraiment entré dans de tels états de calme, il ne connaît rien de pareilles descriptions. Il y a la conscience, mais ce n’est pas pareil aux connaissances que vous acquérez en étudiant la théorie.


(...) Contemplez les conditions de l’esprit, et ne traînez pas les livres avec vous. Il n’y a pas de livre à l’intérieur, là où vous faites la pratique.

Les gens qui ont beaucoup étudié et connaissent la théorie sur le bout du doigt ont tendance à ne pas avoir de succès avec la méditation parce qu’ils restent coincés au niveau de l’information.

Dans les faits, l’esprit n’est pas une chose que vous pouvez réellement mesurer en utilisant des valeurs externes et des textes. S’il est vraiment en train de s’apaiser, permettez-lui de s’apaiser. C’est de cette manière qu’il peut procéder à atteindre les plus hauts niveaux de tranquillité.

Ma propre connaissance de la théorie et des Ecritures n’était qu’assez modeste.

J’ai déjà raconté à certains moines la période où je pratiquais pendant ma troisième retraite de saison des pluies :

(...) j’avais encore beaucoup de questions et de doutes au sujet de samadhi. Je persévérais à essayer d’y comprendre quelque chose avec mes pensées et plus je méditais, plus l’esprit s’agitait.

En fait c’en était arrivé à un tel point que je me sentais plus paisible quand je ne méditais pas. C’était vraiment difficile.

Mais malgré la difficulté, je ne renonçais pas. Je continuais à pratiquer tout autant. Si je parvenais à simplement pratiquer sans avoir autant d’attentes, ça allait.

Mais si je me mettais en tête de rendre mon esprit calme et focalisé, ça ne faisait qu’empirer les choses
.

Je n’arrivais pas à résoudre le problème. « Pourquoi est-ce ainsi ? » me demandais-je.

Plus tard j’ai commencé à m’apercevoir que c’était pareil à l’histoire de la respiration. Si vous vous décidez à ne prendre que de petites respirations, ou que de moyennes respirations, ou que de longues respirations, ça paraît être une chose difficile à faire. D’un autre côté, quand vous vous promenez, inconscients de l’état de la respiration, si vous inspirez ou expirez, vous êtes confortables et à l’aise. Je me suis aperçu que la pratique, c’était pareil. Normalement, lorsque les gens se baladent et ne méditent pas sur la respiration, est-ce qu’ils souffrent de leur respiration ? (...)

J’étais tellement décidé à forcer la respiration à être d’une certaine manière, soit longue, soit courte, qu’elle devenait irrégulière et il devenait impossible de me concentrer dessus ou de maintenir mon attention dessus.

A ce moment-là je souffrais encore plus que je n’avais souffert avant de commencer à méditer
. Pourquoi cela ? Parce que ma détermination elle- même devenait attachement. Ça excluait la possibilité d’être conscient et je ne pouvais avoir de résultats.

Tout était un fardeau, et difficile, parce que je prenais la soif (tanha) avec moi dans la pratique.

Une fois j’étais en train de marcher après onze heures du soir. Un festival se tenait au village qui se trouvait à presque un kilomètre du monastère de forêt où j’étais. Je me sentais bizarre, et m’étais senti comme ça depuis la mi- journée. Je me sentais exceptionnellement calme et ne pensais pas vraiment à grand’ chose. J’étais fatigué de méditer en marchant, alors je suis allé m’asseoir dans ma hutte au toit de paille.
Au moment où je me suis assis, je me suis rendu compte que j’avais à peine le temps de me replier les jambes que mon esprit avait plongé dans cet endroit de calme profond. C’est arrivé tout seul. Le temps que je me mette en position assise, l’esprit était déjà calme et je me suis senti complètement ferme et stable dans la méditation.


Ce n’était pas que je ne pouvais pas entendre les voix des gens qui chantaient et dansaient au village ; je les entendais toujours. Mais en même temps je pouvais diriger mon attention vers l’intérieur de sorte à moins bien entendre les sons. C’était étrange.
Quand je ne prêtais aucune attention au sons, il y avait le silence, je ne pouvais rien entendre. Mais si je le voulais, je pouvais les entendre sans me sentir dérangé
.

C’était comme si dans mon esprit, deux objets étaient placés côte à côte, mais pas connectés l’un à l’autre. Je pouvais voir que l’esprit et l’objet étaient séparés et distincts, (...)

Par conséquent j’ai compris que quand l’esprit était calme en samadhi, si vous dirigez votre attention vers des sons, vous pouvez les entendre, mais si vous demeurez avec l’esprit, dans sa vacuité, il demeure silencieux.

Si un son apparaît dans la conscience et vous observez ce qui se passe, vous voyez que le « connaître » et l’objet de l’esprit sont assez distincts.

J’ai continué à contempler jusqu’à ce que je réalise l’importance de cette trouvaille : lorsque santati (la continuité des choses) est interrompue, la résultat est santi (la paix d’esprit).(...) D’en faire l’expérience m’a donné l’énergie de persister avec ma méditation. J’ai mis d’intenses efforts dans la pratique et étais indifférent à toute autre chose, la présence d’esprit n’a disparu à aucun moment, même pas un instant. (...)

Et une fois que j’ai cessé la pratique formelle, y a-t-il eu de la paresse, de la fatigue ou de l’irritation ? Pas du tout. L’esprit était complètement libre de telles souillures. Si j’arrêtais, ce n’allait être que pour reposer le corps, et pour rien d’autre.

Finalement j’ai fini par faire une pause. J’ai simplement arrêté de m’asseoir formellement, mais l’esprit ne s’est pas arrêté. Il demeurait dans le même état et continuait la méditation comme avant.
(...)
Ayant dépassé un certain stade, c’était comme si l’esprit avait été libéré et avait pénétré à l’endroit le plus profond, le plus silencieux. (...) Ayant fait l’expérience de ces choses, l’esprit se retira et revint lentement à la normale.

Une fois que l’esprit était revenu à la normale, la question apparut : « Qu’est-ce qui s’est passé ? ». La réponse suivante est venue : « Ces choses sont des phénomènes naturels qui surviennent en accord à des causes et des conditions ; il n’est pas nécessaire de douter de ces choses-là. ».

(...) il n’y avait personne qui influençait ou dirigeait les évènements ; je n’essayais pas de faire se passer les choses, d’entrer dans cet état ou de m’en retirer d’aucune façon en particulier. Je ne faisais que demeurer avec la connaissance et l’observation.
(...)

C’est difficile de décrire l’expérience, ou d’en parler d’une façon à ce que tout le monde comprenne.

Ce n’est comparable à rien du tout. La dernière fois l’esprit resta dans cet état bien plus longtemps, puis lorsque le temps fut venu, il se retira. En disant « l’esprit se retira », ça ne signifie pas que je le contrôlais et que je le faisais se retirer – il se retira de lui-même. Je ne fis que le regarder revenir à la normale.

Qui pourrait dire ce qui s’est passé lors de ces trois occasions ? Qui pourrait le décrire ? Peut-être n’est-il pas besoin de le décrire ?

Ce dont je vous ai parlé ici concerne la nature pure de l’esprit telle qu’on en fait l’expérience dans la réalité. Ceci n’a pas été un analyse théorique de l’esprit ou des facteurs mentaux. Il n’y a aucun besoin de cela. Ce dont on a vraiment besoin c’est d’avoir confiance en les enseignements et d’être sincère dans la poursuite de l’approfondissement de la pratique.


Il vous faut mettre votre vie en jeu.

Au moment venu, le monde entier se retourne sens dessus-dessous. Votre vue et votre compréhension de la réalité sont complètement transformés. Si d’autres personnes vous voyaient à ce moment- là, elles pourraient bien vous croire fou.
Si ça arrivait à quelqu’un qui ne parvenait pas à maintenir sa présence d’esprit et sa rationalité, il pourrait bien devenir fou, parce qu’après une telle expérience, rien n’est plus comme avant. La façon dont vous percevez les gens dans le monde n’est plus pareille, mais vous êtes le seul à avoir vu des choses comme ça.
Tout votre sens des réalité change. (...)

Essayez par vous-même. Si vous faites ce genre d’expérience dans votre pratique, vous n’aurez pas à aller chercher quoique ce soit bien loin ; continuez simplement à observer l’esprit. A ce niveau, l’esprit est à son plus hardi et son plus confiant. C’est ça le pouvoir et l’énergie de l’esprit. Il est beaucoup plus puissant que vous ne l’auriez jamais pensé.

C’est ça le pouvoir de samadhi.

A cette étape c’est encore juste le pouvoir que l’esprit tire de samadhi tout seul. Si samadhi atteint ce niveau, il est à son plus profond et à son plus fort. Il n’est plus question de contrôler l’esprit par la suppression ou par des périodes momentanées de concentration. Il a atteint son sommet. Si vous deviez utiliser une telle concentration comme base de pratique pour le vipassana, vous seriez capable d’être en contemplation aisément.
(...)

Le Bouddha se reposa ici puisque c’est ce qui constitue la base à partir de laquelle il est possible de pratiquer le vipassana et contempler la vérité.

A ce stade, vous n’avez besoin que de maintenir un niveau modéré de samadhi, votre fonction principale est de diriger votre attention sur l’observation des conditions du monde autour de vous. Vous contemplez sans arrêt le processus de cause et d’effet. En utilisant la clarté de l’esprit, vous réfléchissez à tous les sons, les visions, les odeurs, les goûts et les sensations tactiles dont vous faites l’expérience,
(...)

Ceci signifie que quand l’esprit est calme, tous les objets de l’esprit dont vous faites l’expérience vous apportent de la connaissance et de la compréhension.

(...)
Cette pratique de réflexion, basée sur une fondation de calme, est ce qui donne naissance à pañña ou vipassana.

Ce n’est pas quelque chose qui doit être créé ou préparé – s’il y a une vision pénétrante authentique, alors la pratique de vipassana suivra automatiquement, sans que vous n’ayez à lui inventer des noms ou des étiquettes.

S’il y a une petite quantité de clarté, cela donne naissance à un peu de
vipassana ; si c’est une vision pénétrante plus profonde, c’est une vipassana « moyenne ». S’il y a une connaissance et une vision pénétrante complète de la vérité des choses telles qu’elles sont, c’est la vipassana « complète ».


La pratique de vipassana est une question de pañña.
(...)
Comme résultat de sa pratique, le Bouddha a enseigné que cette pratique doit se développer naturellement, en fonction de conditions. A ce niveau vous permettez aux choses de se développer d’après votre kamma et parami sains. ( Khamma : « actions » à la fois saines et malsaines du corps, de la parole et de l’esprit. Parami : se réfère aux dix perfections spirituelles : la générosité, la retenue morale, le renoncement, la sagesse, l’effort, la patience, l’honnêteté, la détermination, la gentillesse et l’égalité d’âme.)

Ceci ne signifie pas que vous arrêtez d’investir des efforts dans la pratique, mais vous continuez avec la compréhension que, quelle que soit la vitesse à laquelle vous progressez, ce n’est pas quelque chose que vous puissiez forcer.
(...)
Quand vous pratiquez ainsi, il n’y a pas beaucoup de souffrance. Que vous atteigniez l’illumination dans cette vie ou la prochaine, ce n’est pas important. Si vous avez la foi et confiance dans l’efficacité de la pratique, alors que vous progressiez vite ou lentement, cela peut être laissé à votre bon khamma accumulé, vos qualités spirituelles et vos parami. Si vous le voyez comme ça, vous êtes à l’aise avec la pratique.
(...)

Une fois que vous connaissez la manière correcte de pratiquer, vous pouvez lâcher prise et laisser les choses se faire selon votre bon khamma accumulé, vos qualités spirituelles et vos parami. Vous continuez simplement à pratiquer sans avoir à vous soucier du temps que ça prendra.


Vous n’avez pas à vous soucier de savoir si ça prendra une centaine ou un millier de vies avant d’être illuminé.

Quelle que soit la vie où ça arrive, ça n’a pas vraiment d’importance, vous continuez tout simplement à pratiquer au rythme auquel vous êtes à l’aise.

Une fois que l’esprit est entré dans le courant il ne peut pas faire rebrousser chemin. (...)

Le Bouddha a enseigné que l’esprit du sotapañña (celui qui entre dans le courant s’est penché ou est entré dans le courant du Dhamma et ne peut pas s’en retourner. Ceux qui ont pratiqué jusqu’à ce stade ne peuvent pas retomber en arrière et être à nouveau nés dans les règnes apaya ou les règnes infernaux. ( Apaya : les quatre « Mondes Inférieurs » sont : le monde animal, le monde des fantômes, le monde des démons et l’enfer.)
(...)

Une fois que l’esprit est entré dans le courant par la méditation, vous connaissez votre devoir et le travail que vous avez à faire. Vous connaissez le chemin de la pratique et comment il progresse. Vous savez quand vous donner du mal et quand vous détendre dans la pratique. Vous connaissez le corps et vous connaissez l’esprit. Vous connaissez la matérialité et la mentalité. Ce dont il faut lâcher prise et qu’il faut abandonner, vous en lâchez prise et vous l’abandonnez, sans vous empêtrer dans le doute et l’incertitude.


(...) Le Bouddha a enseigné la contemplation des différentes parties du corps, encore et encore. Séparez-les, démontez-les, dépecez et incinérez tout ça. Continuez à méditer comme ça, jusqu’à ce que l’esprit soit immobile, ferme et inébranlable dans sa méditation sur le manque d’attrait du corps.

(..) Quand vous marchez, continuez à mettre de l’effort dans cette pratique, en amenant l’esprit de plus en plus profondément dans la contemplation de l’impermanence du corps. Si vous voyez une jeune femme et êtes attiré par elle, contemplez l’image d’un corps qui est pourri et putréfié par le processus de décomposition. ( conseil pour les moines en général )

(...)

Il peut être bénéfique d’étudier l’Abhidhamma, mais il faut le faire sans s’attacher aux livres. La façon correcte d’étudier est de clarifier dans l’esprit que vous étudiez pour la réalisation de la vérité et pour transcender la souffrance.



Vipassana se développe à partir d’une solide fondation de sila.

De nos jours il y a beaucoup de différents maîtres de vipassana et beaucoup de différentes méthodes à disposition, mais en fait la pratique de vipassana n’est pas une chose si aisée.
Il ne suffit pas de tout simplement aller le faire, ça se développe à partir d’une solide fondation de sila. Essayez ! Une discipline morale, des règles de formation et des lignes directrices de comportement sont une partie nécessaire de la pratique – si vos actions et vos paroles sont sans formation ni discipline, c’est comme sauter une partie de magga et vous ne rencontrerez pas de succès.

Certaines personnes disent qu’il n’y a pas besoin de pratiquer de samatha, on peut directement se lancer dans le vipassana, mais les gens qui parlent comme ça ont tendance à être paresseux et veulent des résultats sans faire d’efforts.
Ils disent que garder une sila n’est pas important pour la pratique, mais au fond, la pratique de sila en soi est déjà assez difficile et n’est pas quelque chose que vous puissiez faire avec désinvolture.

(...)

Si vous sautez la sila, alors forcément toute la pratique semblerait confortable et commode. Ce serait bien si chaque fois que la pratique implique un peu de difficulté on pourrait juste la sauter – tout le monde aime éviter les bouts difficiles.
(...)
Il vous faut persévérer à faire des efforts dans la pratique de sila (..)


Même si vous vivez à la maison, tout du moins gardez les cinq préceptes

Essayez de calmer et de discipliner vos paroles et vos actions. Continuez à faire de votre mieux et votre pratique progressera petit à petit.

N’abandonnez pas la pratique de samatha juste parce que vous l’avez essayée quelque fois et trouvé que l’esprit ne se calme pas.

Ce n’est pas la bonne façon de s’y prendre. Il faut vraiment vous former sur une longue période. Pourquoi est-ce que ça doit prendre si longtemps ? Pensez-y. Combien d’années avez-vous laissé passer sans pratiquer ? Lorsque des pensées apparaissent en entraînant l’esprit dans une direction, vous courez après, lorsqu’elles l’entraînent dans une autre, vous continuez à courir après avec votre prolifération mentale.

Si vous voulez essayer d’arrêter le flux de l’esprit et le tranquilliser, juste là dans l’instant présent, un ou deux mois ne suffisent pas tout à fait. Contemplez ceci. Pensez à ce que ça demande d’avoir un esprit qui est en paix avec le flux des différents sujets et évènements qui l’affectent et qui est en paix avec les objets de l’esprit dont il fait l’expérience.

Quand vous commencez tout d’abord à pratiquer, l’esprit a si peu de fermeté que dès qu’il entre en contact avec un objet de l’esprit, il s’agite et devient confus.

Pourquoi s’agite-t-il ? Parce qu’il est sous l’influence de tanha. Vous ne voulez pas qu’il pense. Vous ne voulez faire l’expérience d’aucun objet de l’esprit. Ce « ne pas vouloir » est une forme de soif. C’est vibhava-tanha (la soif de non-existence).

Plus vous désirez ne pas faire l’expérience d’agitation et de confusion, plus vous les encouragez et les faites entrer. « Je ne veux pas de cette chose qui m’affecte, pourquoi vient-elle ? Je ne veux pas que l’esprit soit agité, pourquoi est-il ainsi ? ». C’est ça – là il y a la soif de vouloir que l’esprit soit dans un état de calme. C’est parce que vous ne connaissez pas votre propre esprit.
(...)
Quand vous y pensez clairement, vous pouvez voir que toute cette distraction et cette agitation vient parce que vous lui dites de venir !
(...)
Mais ne vous en faites pas! Continuez tout simplement votre pratique.


Chaque fois que vous faites l'expérience d'un objet de l'esprit, contemplez-le.

Généralement, lorsque nous faisons l'expérience d'un objet de l'esprit, ça stimule la pensée. La pensée est une réaction à l'expérience de l'objet de l'esprit. La nature de la pensée ordinaire et de pañña est très différente.

La nature de la pensée ordinaire est de se poursuivre sans s'arrêter. Les objets de l'esprit dont vous faites l'expérience vous emmènent dans différentes directions et vos pensées les suivent.
La nature de pañña est d'arrêter la prolifération, d'apaiser l'esprit, pour qu'il n'aille nulle part.
(...)
La façon de pratiquer est d’interromre toute prolifération directement à la base et de voir que tout revient sous la coupe des trois caractéristiques.

En conséquence ça s'affaiblira et perdra son pouvoir. La prochaine fois que vous vous asseyez pour méditer et que ça apparaît, ou quel que soit le moment où vous fassiez l'expérience d'agitation comme ça, vous le contemplez, vous continuez à observer et surveiller l'esprit.
(...)

Mais c'est intriguant : l'esprit, c’est l'esprit, alors qui est-ce qui va le surveiller? L'esprit est une chose, "ce qui sait" ( voir définition plus haut) en est une autre.


La connaissance émerge de l'intérieur même de l'esprit:

C'est la connaissance de l'état de l'esprit; connaître comment l'esprit fait l'expérience des objets de l'esprit; et connaître l'esprit qui est séparé des objets de l'esprit. Cet aspect de l'esprit qui connaît est ce à quoi le Bouddha faisait référence par "ce qui sait"
.


C'est de la connaissance que naît pañña. (la sagesse)

(...)

(...) Normalement, lorsqu'il entre en contact avec un objet de l'esprit, l'esprit va immédiatement s'en saisir. Chaque fois qu’il saisit un objet de l'esprit, "ce qui sait" doit lui enseigner. En usant de sage réflexion, vous devez former l'esprit à contempler chaque objet à la lumière de son potentiel bénéfique ou malsain. Lorsque vous faites l'expérience d'autres objets de l'esprit, parce que vous les voyez comme désirables, votre esprit court pour s'en saisir.

Alors "ce qui sait" doit lui enseigner encore et encore, usant de sage réflexion, jusqu'à ce qu'il soit capable de les mettre de côté. Voilà comment vous pouvez développer le calme de l'esprit.

(...)

Depuis que je suis entré dans la forêt pour pratiquer, je me suis formé ainsi. Chaque fois que j'enseigne à la communauté monastique, j'enseigne ainsi – parce que je veux que vous voyiez la vérité.


Je ne veux pas que vous ne voyiez que ce qu'il y a dans les livres.

Je veux que vous voyiez par vous mêmes, dans votre propre esprit, si vous avez été libérés de vos pensées souillées ou non. Une fois que vous en avez été libéré, vous le savez. Tant que vous ne vous êtes pas libéré, vous devez user de sage réflexion pour pénétrer et comprendre la vérité.

Si vous avez vraiment une vision pénétrante dans la nature des pensées, vous les transcenderez automatiquement.

Si plus tard quelque chose apparaît et que vous vous retrouvez coincés avec ça, vous devez y réfléchir et tant que vous ne l'avez pas transcendé, vous ne pouvez pas vous arrêter, sinon il ne peut pas y avoir de progrès.

Il vous faut continuer à travailler avec le problème encore et encore et ne pas laisser
l'esprit s'échapper. C'est la manière par laquelle je pratique dans mon propre esprit.


Si vous avez confiance et vous fiez à vous-même, vous pouvez vous sentir à l'aise. Que les gens vous critiquent ou qu'ils fassent vos louanges, votre esprit demeure à l'aise. Quoiqu'ils disent de vous, vous restez calmes et n'êtes pas troublés. Pourquoi pouvez-vous rester aussi calme? Parce que vous vous connaissez.

Si des gens font vos louanges alors que vous êtes digne de critique, allez-vous vraiment croire ce qu'ils disent? Non, vous ne croyez pas simplement ce que disent les autres, vous faites votre propre pratique, et vous jugez les choses par vous-même.

Quand des gens qui n'ont aucune fondation dans la pratique reçoivent des louanges, ça les met de bonne humeur. Ils s'en intoxiquent. Ainsi lorsque vous recevez des critiques, il vous faut regarder vers l'intérieur et voir par vous-même. Ça peut ne pas être vrai. Peut-être disent-ils
que vous avez tort, mais en fait, ils se trompent et vous n'êtes pas vraiment en faute du tout. Si c'est le cas, il n'est pas nécessaire de se fâcher avec eux, parce qu'ils ne parlent pas en accord avec la vérité.

D'un autre côté, si ce qu'ils disent est vrai et que vous avez vraiment tort, alors là encore, il n'est pas nécessaire de se fâcher avec eux.

Si vous pouvez réfléchir comme ça, vous pouvez vous sentir complètement à l'aise, parce que vous voyez tout comme du Dhamma, plutôt que réagir aveuglement à vos opinions et vos préférences.

C'est comme ça que je pratique. C'est le chemin de pratique le plus court et le plus direct.

Même si vous deviez venir et essayer de débattre avec moi des théories du Dhamma ou de l'Abhidhamma, je n'y participerais pas.

Plutôt que de débattre, je vous donnerais plutôt des réflexions raisonnées.

La chose importante à comprendre dans l'enseignement du Bouddha, le cœur de la pratique est le lâcher prise.

Mais c'est lâcher prise avec conscience, et non lâcher prise sans conscience (...)

Le Bouddha a enseigné qu'au début il faut pratiquer beaucoup, cultiver beaucoup et s'attacher beaucoup. Il faut s'attacher au Bouddha, Dhamma et Sangha aussi fermement que possible.
Il a enseigné à commencer sa pratique ainsi. S'attacher avec sincérité et détermination et encore s'attacher.

C'est comme son enseignement de ne pas envier autrui. Il a dit qu'en gagnant leur vie les gens doivent dépendre du fruit de leur propre labeur.


Si vous gagnez votre vie en prenant le bien d'autrui, vous faites du mauvais khamma.
(...)
Le Bouddha a enseigné que les difficultés et les tracas venaient de leur compétitivité, à essayer d'acquérir des choses qui appartenaient en fait à d'autres.
(..)
Puis le Bouddha modifia son enseignement (...) : Il dit qu'en fait si vous vous attachez et donnez une importance indue aux choses de toute sorte, sans compter à qui elles appartiennent, il en résulte de la souffrance.


Le Bouddha ne pouvait qu’enseigner selon le niveau de compréhension et la sagesse de chaque individu,

(...)
Tant que les esprits des gens sont à un niveau aussi grossier, ils n’ont pas l’attention et la
sagesse nécessaire à comprendre les enseignements.

Après avoir terminé sa propre pratique, le Bouddha s’est attaqué à nos problèmes et a conçu différents moyens habiles ou a enseigné aux gens selon leurs circonstances.

Dans ma propre pratique j’ai essayé tous les moyens possibles de réflexion et d’investigation pour acquérir de la vision pénétrante. J’ai joué toute ma vie sur ma pratique, parce que j’ai eu confiance que les enseignements du Bouddha


Que signifie faire la pratique? Ça signifie aller à rebrousse- poil des tendances de votre esprit.

Lorsque votre esprit va dans ce sens-ci, le Bouddha le fait aller dans celui-là; il commence à
penser dans ce sens-là, il le fait aller dans celui-ci.

Pourquoi le Bouddha a-t-il enseigné d'aller à rebrousse-poil? Parce que par le passé, si longtemps, votre esprit a été recouvert de souillures. Il a enseigné que l'esprit n'était pas fiable parce qu'il n'est toujours pas formé et n'a pas encore été transformé par le Dhamma. A cause de ça, il a dit qu'on ne pouvait pas s'y fier.

Tant qu'il n'a pas fusionné avec sila et Dhamma – parce qu'il n'est toujours pas pur et manque de vision pénétrante claire – comment pouvez-vous vous y fier? Il a enseigné de ne pas compter sur l'esprit non-illuminé parce qu'il est souillé.


Quand vous allez à rebrousse-poil il y a de la souffrance.

Evidemment dès qu'il y a de la souffrance, vous vous plaignez que la pratique est trop difficile et pénible. Vous dites que vous ne pouvez pas le faire, mais le Bouddha ne pensait pas comme
ça. Il voyait que s'il y avait de la souffrance, c'est un signe que vous êtes en train de pratiquer de la bonne manière.
(...)

Tout le monde veut se sentir bien, mais ils ne se soucient pas habituellement de savoir si c'est la bonne ou la mauvaise façon de pratiquer.

Dès que vous commencez à aller contre les kilesa et le flux de tanha, ça fait apparaître de la souffrance et vous voulez arrêter parce que vous pensez que vous devez faire quelque chose de faux.
Mais le Bouddha a enseigné que vous pratiquiez en fait correctement. Après avoir stimulé les kilesa, ceux-ci s'échauffent et se remuent, mais vous pouvez mal le comprendre et penser que c'est vous qui avez été remué.

Le Bouddha a dit que ce sont les kilesa qui ont été remués. C'est parce que vous n'aimez pas aller contre les souillures que c'est difficile de progresser dans la pratique

En général vous avez tendance à vous retrouvé coincé dans une des deux extrêmes de kamasukhallikanuyoga (l'indulgence sensuelle) ou attakilamathanuyoga (la torture de soi-même).
L'indulgence sensuelle signifie que vous voulez suivre tous les désirs de votre esprit : quoi que vous vouliez faire, vous le faites. Vous voulez suivre votre soif ce qui veut dire que vous voulez vous asseoir confortablement, dormir autant que vous voulez et ainsi de suite.

Quoi que vous fassiez, vous voulez être confortable – c'est ça la nature de l'indulgence sensuelle.

Si vous êtes attachés aux sensations agréables, comment pouvez-vous avancer dans la pratique?

(...)

Le Bouddha a enseigné à ne pas suivre la voie des extrêmes. Il a enseigné que quand vous faites
l'expérience d'une sensation agréable, il faut juste en prendre note avec attention. Si vous cédez à la colère ou à la haine, vous ne suivez pas dans les traces du Bouddha.

Alors si vous entamez la vie d'un pratiquant monastique, vous devez suivre la voie du milieu. Ça veut dire que vous n'accorder pas trop d'attention au bonheur et à la souffrance – vous en lâchez prise.

(...)

Dans son premier enseignement le Bouddha a parlé de ces deux extrêmes parce que c'est là que l'attachement a pris racine.


Parcourir la voie du milieu signifie que vous lâchez prise à la fois du plaisir et de la souffrance.

Pour pratiquer correctement – samma patipada – vous devez suivre la voie du milieu. Suivre la voie du milieu, en suivant le chemin du Bouddha, est difficile et implique de la souffrance.

(...)

Le Bouddha ne nous a pas enseigné à suivre les extrêmes. Il a dit que nous devions progressivement en lâcher prise. Ça c'est la voie de samma patipada la voie pour sortir du devenir et de la naissance. C'est le chemin sans devenir ni naissance, sans bonheur ni malheur et sans bon ni mal.

En tant qu'êtres humains ordinaires non-illuminés qui êtes encore sujets au devenir, chaque fois que vous tombez dans ce processus de devenir, vous manquez de voir ce lieu d'équilibre du milieu.
Vous passez en courant, encore et encore, comme si vous tombiez la tête la première et vous finissez par vous attacher à l'extrême du bonheur.
Si vous n'obtenez pas ce que vous voulez, vous rencontrez aussi la souffrance dans l'autre direction, manquant le point milieu encore et encore. A courir dans un sens et dans l'autre, vous n'apercevez pas ce lieu d'équilibre où existent la paix (...)


(...) Samma patipada est la voie du milieu qu'a suivie le Bouddha jusqu'à ce qu'il soit libéré du devenir et de la naissance. C'est du dhamma abayakata – ni bon ni mauvais – parce que l'esprit a lâché prise de tout. C'est la voie du samma. Celui qui ne suit pas vraiment cette voie ne peut être un véritable samana, car il ne fera pas l'expérience de la vraie paix intérieure.
Pourquoi cela? Parce qu'il prend encore part au devenir et à la naissance; il est encore pris dans le cycle de naissance et de mort.



Mais la voie du milieu est au-delà de la naissance et de la mort, le haut et le bas, la joie et la souffrance, le bien et le mal.

C'est la voie franche et la voie du calme et de la retenue. C'est un calme qui se situe au-delà de la joie et de la souffrance, des bonnes et des mauvaises humeurs. Voilà la nature de la pratique.

Si votre cœur a fait l'expérience de cette paix, ça veut dire que vous êtes capables de vous arrêter. Vous êtes capables d'arrêter de poser des questions. Il n'y a plus besoin de demander à qui que ce soit.

Voilà pourquoi le Bouddha a enseigné que le Dhamma est quelque chose que chaque individu doit connaître par lui-même.
Vous voyez comment tout est en accord avec ce qu'a enseigné le Bouddha et puis vous n'avez plus besoin de demander à qui que ce soit.



Si vous commencez à méditer avec la soif d'avoir un certain type d'expérience ou de gagner un certain état, alors il est mieux d'arrêter:

Si vous voulez vraiment pratiquer, vous devez faire un effort déterminé de ne pas proliférer ou penser autant.

Quand vous commencez à faire l'expérience d'un peu de calme, si vous commencez à penser : "Est-ce que c'est ça?" ou "Ai-je atteint cela?", il vous faut prendre une pause et rassembler toutes ces connaissances théoriques et les ranger quelque part dans une boîte.
Ne le soulevez pas comme sujet de conversation. Le genre de connaissance qui naît de la- méditation n'est pas de cet ordre. C'est un genre complètement nouveau. Lorsque vous faites l'expérience d'une véritable vision intérieure, ce n'est pas comme la théorie.



Vous devez intériorisez le Dhamma


La théorie écrite est correcte, mais au fond le Dhamma doit être opanayiko (qui mène vers l'intérieur). Vous devez l'intérioriser. Si vous ne l'intériorisez pas, vous n'acquérrez pas
vraiment de compréhension ou de vision pénétrante.

Vous ne ferez pas l'expérience de la vérité par vous-même.

C'était pareil pendant ma jeunesse. Je ne passais pas tout mon temps à étudier, même si j'avais déjà passé les trois premiers niveaux d'examens sur la théorie de Dhamma-Vinaya.
J'ai eu la chance de pouvoir aller écouter divers maîtres parler de leur pratique de la méditation, mais au début je n'en tenais pas compte et je ne savais pas écouter comme il faut. Je ne comprenais pas la manière qu'avaient les maîtres de s'exprimer lorsqu'ils parlaient de la pratique. Ils parlaient directement de leur expérience personnelle, en décrivant comment ils étaient venus à voir le Dhamma de l'intérieur de leur propre esprit plutôt que dans les livres.


Les vrais enseignants du dhamma, ce sont ceux qui transmettent ce qu'ils ont vu et dont ils ont directement fait l'expérience par eux-mêmes – ils ne s'expriment pas juste à partir des livres:

Plus tard, quand j'avais fait plus de pratique par moi-même, j'ai commencé à voir la vérité de la même manière qu'elle était décrite par ces maîtres. J'étais capable de comprendre par moi-même, de l'intérieur de mon propre esprit, ce qu'ils avaient enseigné. Enfin, après des années de pratique, j'ai réalisé que tout ce savoir qu'ils avaient transmis dans leurs
enseignements venait de ce qu'ils avaient vu et dont ils avaient directement fait l'expérience par eux-mêmes – ils ne s'exprimaient pas juste à partir des livres.

Si vous suivez le chemin de la pratique qu'ils décrivent, vous ferez l'expérience du Dhamma tout aussi profondément. J'en ai conclu que ceci était la bonne façon de pratiquer.
Il y a peut-être bien d'autres façons de pratiquer, mais juste ça, c'était suffisant pour moi, et je m'y suis tenu.

Vous devez persévérer à faire des efforts dans la pratique. Au début, ce qui compte c'est d'être en train de le faire. Que l'esprit soit en fait en paix ou non, ce n'est pas ça qui compte – vous n'avez qu'à l'accepter tel qu'il est. Vous vous occupez à créer des causes bénéfiques. Si vous êtes assidus dans la pratique, vous n'avez pas besoin de vous soucier de ce que seront les résultats.


Il ne faut pas craindre de n'avoir aucun résultat dans la pratique.

Se soucier comme ça empêche l'esprit de devenir calme (...)
Si vous êtes simplement conscient de ce qui se passe c'est déjà bien, parce que ça prend si longtemps avant même que vous ne soyez conscient de la vérité. Les souillures essayent de vous induire en erreur tout le temps.



Pratiquer signifie essayer d'établir sila, samadhi et pañña dans votre esprit.
Rappelez-vous les qualités du Triple Joyau – le Bouddha, le Dhamma et le Sangha – et lâchez prise de tout le reste.


La nature de la pratique est telle que même si vous êtes assis sur une chaise, vous pouvez encore fixer votre attention sur un objet de méditation. Au début vous n'avez pas à vous concentrer sur beaucoup de choses différentes, c'est déjà suffisant de vous concentrer sur un seul objet, tel que la respiration, ou tel qu'un mantra comme Buddho, Dhammo ou Sangho utilisé en rythme avec la respiration.



L'attention sur la Respiration

Lorsque vous fixez l'attention sur la respiration, faites une détermination mentale claire que vous n'allez pas la forcer de quelque manière que ce soit. Si vous êtes dérangé par la respiration, c'est un signe que vous n'êtes toujours pas en train de pratiquer de la bonne manière.

Si vous n'êtes pas à l'aise avec la respiration alors elle vous semblera toujours trop courte ou trop longue, trop douce ou trop forcée et vous ne vous sentirez pas confortable. Mais une fois que vous vous sentez à l'aise avec et qu'il y a la conscience de chaque inhalation et chaque exhalation, vous y êtes. Ceci indique que vous pratiquez de la bonne manière. Si ce n'est pas correct, vous errez encore.

Si vous errez encore, alors arrêtez la méditation et ré-établissez la présence d'esprit sur la respiration. (...)

En cours de méditation, s'il survient le désir de faire l'expérience d'autres choses, ou s'il vous arrive en fait de faire l'expérience de divers phénomènes psychiques, tels que des lumières vives ou des visions de palais célestes ou d'autres choses similaires, ne craignez rien. Soyez attentifs à de tels expériences et continuez à faire la méditation.

Parfois vous pouvez être en train de méditer et la sensation de la respiration disparaît complètement. Il peut vraiment sembler que ça ait disparu et vous effrayer. En fait, il n'y a pas lieu d'avoir peur, ce n'est que vos pensées qui ont disparu, la respiration est toujours là, mais elle s'opère simplement à un niveau beaucoup plus subtil que d'habitude. Une fois qu'une période de temps appropriée est passée, la sensation de respiration reviendra d'elle-même.

Au début il faut pratiquer ainsi pour rendre l'esprit paisible.



Etre capable de méditer n'importe ou


Chaque fois que vous vous asseyez pour méditer sur une chaise quelque part, dans une voiture ou sur un bateau – vous devriez être capable de calmer l'esprit tout de suite en focalisant l'attention sur votre objet de méditation (...)

Vous devez pratiquer à un tel point que, si vous montez en train pour voyager quelque part, vous devriez être capable de vous asseoir et entrer dans un état de calme, presque immédiatement. (..)

Ça veut dire que vous avez déjà de la vision pénétrante dans le chemin de la pratique et pouvez utiliser cela comme base pour contempler les objets de l'esprit : les vues, les sons, les odeurs, les goûts, les sensations tactiles et les idées. Soyez conscients de toutes les attirances et les aversions dont vous faites l'expérience pour les choses et ne faites rien de ces états mentaux. (...)


Le coeur de la méditation vipassana est de jeter chaque objet de l'esprit dont vous faites l'expérience dans ces trois "fosses" d'aniccam, dukkham et anatta.

Quoique ce soit, que ce soit bon, mauvais ou pire, jetez-le dans ces trois fosses et très vite vous commencerez à gagner de la sagesse et de la vision pénétrante.


Finalement il est vain de faire de grandes quantités d'études formelles
.

Jour après jour vous vieillissez de plus en plus et si tout ce que vous faites c'est étudier les mots, c'est comme courir après un mirage – vous ne saisissez jamais vraiment la chose pour de bon. Il y a beaucoup de styles et de méthodes de pratique et je ne les critique pas, tant que vous comprenez ce qu'est la vraie signification et le véritable but de la pratique.
(...)

Si vous voulez vraiment vous attaquer aux souillures, vous devez aller au-delà des livres


Certains moines érudits ont beaucoup étudié et investigué les textes minutieusement, mais je recommande aux gens de s'adonner à la pratique. Lorsqu'il est temps d'étudier, ça va bien d'ouvrir les livres et d'apprendre la théorie et la forme conventionnelles, mais lorsqu'il est temps de livrer bataille aux souillures, il vous faut dépasser la théorie et les conventions. Si vous essayez de vous battre en suivant de trop près le modèle des livres, vous ne serez pas capable de vaincre vos adversaires.

(...)


Source : Vous pouvez télécharger l'intégralité de ce texte sous la forme d'un petit livre au format PDF : ICI






Les autres enseignement de Ajahn Chah sur ce blog:

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci Kathy de nous faire partager cet enseignement primordial de Ajahn Chah.

Jusqu'à présent, je ne l'avais lu qu'en langue anglaise (une brochure par l'Ajahn du Wat Sanghattan de Bangkok.

C'est une aide considérable que de pouvoir le lire en français.

Les textes que tu mets en ligne sur ton blog sont souvent longs; rien ne nous empêche de les lire paragraphe après paragraphes pour mieux nous en imprégner et nous en servir comme base de méditation.

merci pour ton travail qui m'aide dans ma pratique quotidienne.

avec bienveillance,

hervé

Catherine a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Catherine a dit…

Merci Hervé pour ce nouveau commentaire.
Je sais que mes messages sont longs, mais beaucoup de personnes m'écrivent pour me dire qu'elles se "servent" de mon blog, en plus de la pratique et qu'elles reviennent régulièrement pour lire ou relire un texte.
Si le but de ce blog était, au départ de raconter une expérience personnelle comme une retraite, aujourd'hui c'est devenu plus que ça... Un endroit ou on peut venir pour réfléchir sur la pratique. J'ai moi même appris beaucoup en écrivant...
Je suis contente d'avoir livré mes expériences personnelles de la pratique et pas seulement les enseignements des autres, car comme le dit Ajahn Chah :il est important de transmettre l'expérience et ne pas s'exprimer juste à partir des livres.
Ce blog est devenu, au fil des jours, un endroit ou je partage le dhamma et je suis heureuse qu'il soit ressenti comme tel.
Je profite de ce message pour remercier toutes les personnes qui m'écrivent et qui m'encouragent à continuer ce blog. Prenez ce qu'il y a à prendre (pour vous), et laissez le reste..